6161 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Présentation - Conformité à la Constitution
- 6162 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Présentation - Conformité aux droits européens - Convention européenne des Droits de l’Homme
- 6163 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Présentation - Conformité aux droits européens - Droit de l’Union européenne
- 6178 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Cadre général - Normes - Droit de la consommation
- 6251 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Effets de l’action - Principes
- 6248 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Régime de l’action - Recevabilité - Rôle des victimes - Information
CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6161 (14 octobre 2023)
PROTECTION CONTRE LES DÉSÉQUILIBRES SIGNIFICATIFS DANS LE CODE DE COMMERCE (ART. L. 442-1-I-2° C. COM. – ANC. ART. L. 442-6-I-2° C. COM.)
PRÉSENTATION GÉNÉRALE - CONFORMITÉ DU TEXTE À LA CONSTITUTION
Présentation. Les paragraphes I-2° et III de l’ancien art. L. 442-6 C. com., dans sa rédaction résultant de la loi du 4 août 2008 ont suscité d’intenses contestations, notamment de la part des grands distributeurs, qui ont tenté de faire invalider ou écarter ces dispositions sur le fondement de normes supra-législatives : Constitution, Convention européenne des Droits de l’Homme (Cerclab n° 6162), Droit de l’Union européenne (Cerclab n° 6163). Il convient de noter que ces arguments n’ont pas disparu après les prises de position du Conseil constitutionnel et de la Cour de Strasbourg. Plusieurs reproches ont été adressés au texte. Les solutions qui y ont été apportées sont également valables pour les art. L. 442-1-I-2° et L. 442-4 C. com., dans leur rédaction résultant de l’ordonnance du 24 avril 2019.
Contestation supposant la formulation d’une QPC. V. pour l’art. L. 441-6 C. com. : le moyen tiré de ce que la sanction prise sur le fondement de l’anc. art. L. 441-6 C. com. méconnaîtrait le principe de légalité des délits et des peines, garanti par l’art. 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 doit être écarté comme irrecevable dès lors qu'il n'a pas été utilement invoqué dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité formée dans les conditions prévues par l’art. R. 771-3 CJA. CAA Marseille (6e ch.), 29 mars 2021 : RG n° 18MA03850 ; rôle n° 21174 ; Cerclab n° 8880, annulant TA Marseille, 3 juillet 2018 : req. n° 1603377 ; Dnd.
Recevabilité de nouvelles QPC sur le texte. Le Conseil constitutionnel ne peut être saisi d’une QPC relative à une disposition qu’il a déjà déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une de ses décisions, sauf changement des circonstances ; si le Conseil a déjà jugé [l’ancien] art. L. 442-6 C. com. conforme à la Constitution dans sa décision du 13 janvier 2011, la décision de la Cour de cassation du 25 janvier 2017 selon laquelle les dispositions de [l’ancien] art. L. 442-6-I-2° C. com. n’excluent pas que « le déséquilibre significatif puisse résulter d’une inadéquation du prix au bien vendu » et autorisent ainsi « un contrôle judiciaire du prix, dès lors que celui-ci ne résulte pas d’une libre négociation et caractérise un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » entraîne un changement des circonstances qui justifie le réexamen des dispositions contestées. C. constit., 30 novembre 2018 : décision n° 2018-749 QPC ; Cerclab n° 8051 (considérants n° 4 à 6), sur renvoi de Cass. com., 27 septembre 2018 : pourvoi n° 18-40028 ; arrêt n° 894 ; Cerclab n° 7875.
Atteinte à la liberté d’entreprendre. V. pour le Conseil constitutionnel : en adoptant [l’ancien] art. L. 442-6-III C. com., dans la rédaction antérieure à la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008, le législateur a attribué à l’autorité publique un pouvoir d’agir pour faire cesser des pratiques restrictives de concurrence mentionnées au même article, constater la nullité de clauses ou contrats illicites, ordonner le remboursement des paiements indus faits en application des clauses annulées, réparer les dommages qui en ont résulté et prononcer une amende civile contre l’auteur desdites pratiques. Il a entendu réprimer ces pratiques, rétablir un équilibre des rapports entre partenaires commerciaux et prévenir la réitération de ces pratiques. Eu égard aux objectifs de préservation de l’ordre public économique qu’il s’est assignés, le législateur a opéré une conciliation entre le principe de la liberté d’entreprendre et l’intérêt général tiré de la nécessité de maintenir un équilibre dans les relations commerciales. L’atteinte portée à la liberté d’entreprendre par les dispositions contestées n’est pas disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi. Cons. constit., 13 mai 2011 : Décision QPC n° 2011-126 ; Cerclab n° 3678 ; Contr. conc. consom. 2011, alerte 52 ; JCP G 2011, 717, note A.-M. Luciani ; D. 2012, p. 507, note J. Barthémy et L. Boré, sur demande de Cass. com. 8 mars 2011 : pourvoi n° 10-40070 ; arrêt n° 338 ; Cerclab n° 3677 ; Contr. conc. consom. 2011, alerte 34. § Il est loisible au législateur d’apporter à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle, qui découlent de l’article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi ; en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu rétablir un équilibre des rapports entre partenaires commerciaux et a ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général ; par ailleurs, les dispositions contestées permettent au juge de se fonder sur le prix pour caractériser l’existence d’un déséquilibre significatif dans les obligations des partenaires commerciaux ; dès lors, le législateur a opéré une conciliation entre, d’une part, la liberté d’entreprendre et la liberté contractuelle et, d’autre part, l’intérêt général tiré de la nécessité de maintenir un équilibre dans les relations commerciales ; l’atteinte portée à ces deux libertés par les dispositions contestées n’est donc pas disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi. C. constit., 30 novembre 2018 : décision n° 2018-749 QPC ; Cerclab n° 8051 (considérant n° 10 à 13), sur renvoi de Cass. com., 27 septembre 2018 : pourvoi n° 18-40028 ; arrêt n° 894 ; Cerclab n° 7875 (question posée : [l’ancien] art. L. 442-6-I-2° C. com. qui, tel qu’il est désormais interprété par la Cour de cassation, permet au juge d’exercer un contrôle sur les prix, porte-t-il atteinte à la présomption d’innocence, au principe de légalité des délits et des peines, ainsi qu’à la liberté contractuelle et à la liberté d’entreprendre, ainsi qu’au principe d’égalité), sur demande de T. com. Paris, 2 juillet 2018 : Dnd.
V. dans le même sens pour les juges du fond : CA Aix-en-Provence (2e ch.), 15 septembre 2010 : RG n° 08/10314 ; arrêt n° 2010/346 ; Cerclab n° 4308 (les dispositions de l’ancien art. L. 442-6-III C. com. [L. 442-4-I], qui prévoient la possibilité de solliciter l'annulation de stipulations contractuelles illicites, ne portent pas atteinte à la liberté constitutionnelle d'entreprendre qui connaît des limites légales et est réglementée ; la sanction légale ne porte atteinte ni à la liberté du commerce, ni à la « liberté contractuelle » des opérateurs économiques), sur appel de T. com. Manosque, 6 mai 2008 : RG n° 2006/000120 ; Dnd - CA Paris (pôle 5 ch. 4), 20 novembre 2013 : RG n° 12/04791 ; Cerclab n° 4622 ; Juris-Data n° 2013-026814 (la mise en œuvre de l’ancien art. L. 442-6-I-2° C. com. [L. 442-1-I-2°] ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce au regard de la nécessité de maintenir un équilibre entre les relations commerciales), pourvoi rejeté par Cass. com., 3 mars 2015 : pourvoi n° 14-10907 ; arrêt n° 239 ; Cerclab n° 5073 - CA Paris (pôle 5 ch. 4), 10 novembre 2021 : RG n° 20/03458 ; arrêt n° 218 ; Cerclab n° 9264 (contrat entre un site internet de vente en ligne et une entreprise commercialisant des appareils de chauffage et des articles d'ameublement de jardin ; le principe de la liberté contractuelle de l’anc. art. 1134 [1103] C. civ. ne fait pas obstacle à ce que le partenaire commercial soit protégé en cas de soumission ou de tentative de soumission à un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ainsi qu'il résulte de l’anc. L. 442-6-I-2° [L. 442-1-I-2°] C. com.), sur appel de T. com. Bordeaux, 10 janvier 2020 : RG n° 2018F00085 ; Dnd.
Notion de partenariat : clarté et précision. Si le Conseil constitutionnel s'est déjà prononcé à deux reprises sur la conformité à la constitution de l'art. L. 442-6-I-2° C. com., l’arrêt de la Cour de cassation du 15 janvier 2020 qui s'est prononcé sur la notion de « partenaire commercial » au sens de ce texte constitue un changement des circonstances intervenu depuis la dernière décision du Conseil constitutionnel. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 3 mars 2021 : RG n° 20/17467 ; Cerclab n° 8833 (recevabilité de la QPC, la condition posée par l'art. 23-2 al. 2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 étant remplie ; N.B. l’arrêt estime au préalable que le fondement des poursuites du ministre est bien l’art. L. 442-6-I-2° C. com.), sur renvoi de Cass. com., 15 janvier 2020 : pourvoi n° 18-10512 ; arrêt n° 100 ; Cerclab n° 8310.
Pour un refus de transmission de QPC : si le législateur a recouru à la notion de partenaire commercial pour déterminer la victime d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, au sens de l'art. L. 442-6-I-2° C. com. dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, cette notion est déjà utilisée notamment en matière de pratiques anticoncurrentielles par les articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'union européenne (TFUE) ainsi que par l'art. L. 420-2 C. com. ; il ne peut se déduire de la définition donnée par la Cour de cassation dans son arrêt du 15 décembre 2020 selon laquelle le partenaire commercial est la partie avec laquelle l'autre partie s'engage, ou s'apprête à s'engager dans une relation commerciale, que le texte méconnaîtrait le principe de légalité des délits et des peines découlant de l'art. 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, alors qu'eu égard à la nature pécuniaire de la sanction et à la complexité des pratiques que le législateur a souhaité prévenir et réprimer, l'incrimination est définie en des termes suffisamment clairs et précis pour ne pas méconnaître le principe de légalité des délits ; de la même manière, il ne peut être retenu que le principe de clarté de la loi découlant de l'art. 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 serait méconnu, alors que la notion de partenaire commercial est suffisamment claire et précise pour permettre au juge de se prononcer sans encourir la critique d'arbitraire. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 3 mars 2021 : RG n° 20/17467 ; Cerclab n° 8833 ; précité (absence de caractère sérieux).
Constitutionnalité de l’art L. 442-1-I-1° C. com. Il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle, qui découlent de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ; en adoptant les dispositions de l’art. L. 442-6-1-1° C. com., le législateur a entendu, afin de préserver l'ordre public économique, réprimer certaines pratiques restrictives de concurrence et assurer un équilibre des relations commerciales ; il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général ; par ailleurs, ces dispositions permettent, lorsqu'il est saisi, au juge de contrôler les conditions économiques de la relation commerciale uniquement pour constater une pratique illicite tenant à l'obtention d'un avantage soit dépourvu de contrepartie, soit manifestement disproportionné au regard de cette dernière ; dès lors, le législateur n'a pas porté à la liberté contractuelle et à la liberté d'entreprendre une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi. C. constit. (QPC), 6 octobre 2022 : décision n° 2022-1011 QPC ; Cerclab n° 9852 (points n° 3 à 7), sur demande de T. com. Paris (1re ch.), 10 mai 2022 : Dnd, transmise Cass. com. 7 juillet 2022 : pourvoi n° 22-40010 ; arrêt n° 574 ; Cerclab n° 9860.
Régime de l’amende civile : respect de la personnalité des peines. Il résulte des articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789, que nul n’est punissable que de son propre fait et ce principe s’applique, non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives, mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition (point n° 5). L’amende civile instituée par l’ancien art. L. 442-6-III C. com. [L. 442-4-I], qui sanctionne les pratiques restrictives de concurrence, a la nature d’une sanction pécuniaire et le principe selon lequel nul n’est punissable que de son propre fait lui est applicable (point n° 7). C. constit., 18 mai 2016 : décision n° 2016-542 QPC ; Cerclab n° 6500, sur demande de QPC de Cass. com. 18 février 2016 : pourvoi n° 15-22317 ; arrêt n° 286 ; Cerclab n° 6501, à la demande de CA Paris, 11 mars 2015 : Dnd, pourvoi jugé irrecevable par Cass. com., 26 avril 2017 : pourvoi n° 15-22317 ; Cerclab n° 7406 et pour l’issue CA Paris (pôle 5 ch. 4), 20 décembre 2017 : RG n° 13/04879 et n° 13/11192 ; Cerclab n° 7372 ; Juris-Data n° 2017-027127 (possibilité d’agir contre la société absorbante), sur appel de T. com. Évry, 6 février 2013 : RG n° 2009F00727 ; Dnd, pourvoi rejeté par Cass. com., 20 novembre 2019 : pourvoi n° 18-12823 ; arrêt n° 855 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 8228 (argument non examiné).
Appliqué en dehors du droit pénal, le principe selon lequel nul n’est punissable que de son propre fait peut faire l’objet d’adaptations, dès lors que celles-ci sont justifiées par la nature de la sanction et par l’objet qu’elle poursuit et qu’elles sont proportionnées à cet objet (point n° 6). C. constit., 18 mai 2016 : décision n° 2016-542 QPC ; Cerclab n° 6500 ; précité. § 10. Les dispositions contestées permettent qu’une sanction pécuniaire non pénale soit prononcée à l’encontre de la personne morale à laquelle l’exploitation d’une entreprise a été transmise, pour des pratiques restrictives de concurrence commises par la personne qui exploitait l’entreprise au moment des faits (point n° 10). Dès lors, la troisième phrase du deuxième alinéa du paragraphe III de [l’ancien] art. L. 442-6 du code de commerce ne porte atteinte à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit et doit être déclarée conforme à la Constitution. C. constit., 18 mai 2016 : décision n° 2016-542 QPC ; Cerclab n° 6500 ; précité. (il résulte § 7 à 9 que les dispositions contestées, telles qu’interprétées par une jurisprudence constante, ne méconnaissent pas, compte tenu de la mutabilité des formes juridiques sous lesquelles s’exercent les activités économiques concernées, le principe selon lequel nul n’est punissable que de son propre fait ; V. aussi le § 9 : « seule une personne bénéficiaire de la transmission du patrimoine d’une société dissoute sans liquidation est susceptible d’encourir l’amende prévue par les dispositions contestées »), solution reprise par CA Paris (pôle 5 ch. 4), 20 décembre 2017 : RG n° 13/04879 et n° 13/11192 ; Cerclab n° 7372 ; Juris-Data n° 2017-027127 (possibilité d’agir contre la société absorbante), pourvoi rejeté par Cass. com., 20 novembre 2019 : pourvoi n° 18-12823 ; arrêt n° 855 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 8228 (argument non examiné).
V. aussi : CA Paris (pôle 5 ch. 4), 1er octobre 2014 : RG n° 13/16336 ; Cerclab n° 5030 ; Juris-Data n° 2014-023551 (si l'action du ministre de l'économie n'est pas une action pénale, l'amende civile prévue à [l’ancien] art. L. 442-III C. com. constitue une sanction punitive à laquelle est applicable le principe de la personnalité des délits et des peines découlant des articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et de l'article 6 § 2 de la Conv. EDH), sur appel de T. com. Evry (3e ch.), 26 juin 2013 : RG n° 2009F00729 ; Dnd, pourvoi rejeté par Cass. com., 4 octobre 2016 : pourvoi n° 14-28013 ; arrêt n° 833 ; Cerclab n° 6555 (problème non examiné, mais solution implicitement identique).
Régime de l’amende civile : nécessité des peines. Pour le rejet de l’argument : CA Paris (pôle 5 ch. 4), 27 septembre 2017 : RG n° 16/00671 ; Cerclab n° 7064 (absence de preuve d’une violation de l’art. 8 de la déclaration de 1789 relatif au principe de nécessité), sur appel de T. com. Lille, 10 novembre 2015 : RG n° J2012000024 ; Dnd.
V. cependant : s'agissant de délits civils qui peuvent être sanctionnés par des amendes civiles élevées, le principe d'interprétation stricte doit prévaloir, en l’espèce pour l’interprétation de la notion de partenariat commercial. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 27 septembre 2017 : précité (condition non remplie pour un contrat de réalisation de site internet).
Régime de l’amende civile : clarté et précision des manquements sanctionnés. De nombreux professionnels de la grande distribution ont tenté de contester le régime de l’amende civile mis en place par le texte, qui préexistait à la loi du 4 août 2008, mais qui prenait une dimension nouvelle compte tenu du caractère général de la sanction des déséquilibres significatifs. Ces tentatives n’ont pas été couronnées de succès (V. aussi Cerclab n° 6162 dans le cadre de la Convention européenne des Droits de l’Homme).
V. pour le Conseil constitutionnel : 3. Conformément à l’art. 34 de la Constitution, le législateur détermine les principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales. Compte tenu des objectifs qu’il s’assigne en matière d’ordre public dans l’équilibre des rapports entre partenaires commerciaux, il lui est loisible d’assortir la violation de certaines obligations d’une amende civile à la condition de respecter les exigences des art. 8 et 9 de la Déclaration de 1789 au rang desquelles figure le principe de légalité des délits et des peines qui lui impose d’énoncer en des termes suffisamment clairs et précis la prescription dont il sanctionne le manquement. 4. Pour déterminer l’objet de l’interdiction des pratiques commerciales abusives dans les contrats conclus entre un fournisseur et un distributeur, le législateur s’est référé à la notion juridique de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties qui figure à l’[ancien] art. L. 132-1 [212-1] du code de la consommation reprenant les termes de l’art. 3 de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 susvisée ; [en] référence à cette notion, dont le contenu est déjà précisé par la jurisprudence, l’infraction est définie dans des conditions qui permettent au juge de se prononcer sans que son interprétation puisse encourir la critique d’arbitraire ; [en] outre, la juridiction saisie peut, conformément au sixième alinéa du paragraphe III de [l’ancien] art. L. 442-6 du code de commerce, consulter la Commission d’examen des pratiques commerciales composée des représentants des secteurs économiques intéressés ; [eu] égard à la nature pécuniaire de la sanction et à la complexité des pratiques que le législateur a souhaité prévenir et réprimer, l’incrimination est définie en des termes suffisamment clairs et précis pour ne pas méconnaître le principe de légalité des délits. Cons. constit., 13 janvier 2011 : Décision QPC n° 2010-85 ; Cerclab n° 3533 ; D. 2011. 415, note Y. Picod ; 450, pan. D. Ferrier et 392, chron. M. Chagny ; JCP G 2011, 274, note D. Mainguy ; Contr. conc. consom. 2011, chron. n° 5, J.-L. Fourgoux, comm. n° 62, obs. N. Mathey et n° 63, obs. M. Malaurie-Vignal (texte jugé sous cet angle conforme à la Constitution), transmis par Cass. com. 15 octobre 2010 : pourvoi n° 10-40039 ; arrêt n° 1137 ; Cerclab n° 2373, sur demande de T. com. Bobigny (8e ch.), 13 juillet 2010 : RG n° 2010F00541 : jugt n° 2010F01051 ; Cerclab n° 4299. § Conformément à l’article 34 de la Constitution, le législateur détermine les principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales ; compte tenu des objectifs qu’il s’assigne en matière d’ordre public dans l’équilibre des rapports entre partenaires commerciaux, il lui est loisible d’assortir la violation de certaines obligations d’une amende civile à la condition de respecter les exigences des art 8 et 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, au rang desquelles figure le principe de légalité des délits et des peines qui lui impose d’énoncer en des termes suffisamment clairs et précis la prescription dont il sanctionne le manquement ; pour les mêmes motifs que ceux énoncés au considérant 4 de la décision du Conseil constitutionnel du 13 janvier 2011, l’art. L. 442-6-I-2° C. com. ne méconnait pas le principe de légalité des délits. C. constit., 30 novembre 2018 : décision n° 2018-749 QPC ; Cerclab n° 8051 (considérants n° 7 à 9), sur renvoi de Cass. com., 27 septembre 2018 : pourvoi n° 18-40028 ; arrêt n° 894 ; Cerclab n° 7875. § Pour la reprise d’un raisonnement similaire pour un autre texte : la notion de « relation commerciale établie » figurant dans les dispositions contestées et déjà utilisée par les articles L. 420-2 et L. 442-6 [ancien, devenu L. 442-1-II] du code de commerce, est suffisamment précise. C. constit., 23 mars 2017 : déc. n° 2017-750 DC ; Cerclab n° 6808 (point n° 22). § Selon l'art. 8 de la Déclaration de 1789, « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales, mais s'étendent à toute sanction ayant le caractère d'une punition ; en vertu du principe de légalité des délits et des peines, le législateur ou, dans son domaine de compétence, le pouvoir réglementaire, doivent fixer les sanctions ayant le caractère d'une punition en des termes suffisamment clairs et précis (point n° 8) ; en l’espèce, l’art. L. 442-4 C. com. sanctionne par une amende civile la pratique prohibée par les dispositions contestées de l’art. L. 441-2-I-1° ; la notion d'avantage « manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie » figurant dans ces mêmes dispositions ne présente pas de caractère imprécis ou équivoque ; dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines doit être écarté. C. constit. (QPC), 6 octobre 2022 : décision n° 2022-1011 QPC ; Cerclab n° 9852 (points n° 8 à 10), sur demande de T. com. Paris (1re ch.), 10 mai 2022 : Dnd, transmise Cass. com. 7 juillet 2022 : pourvoi n° 22-40010 ; arrêt n° 574 ; Cerclab n° 9860 C. constit. (QPC), 6 octobre 2022 : décision n° 2022-1011 QPC ; Cerclab n° 9852 (points n° 3 à 7), sur demande de T. com. Paris (1re ch.), 10 mai 2022 : Dnd, transmise Cass. com. 7 juillet 2022 : pourvoi n° 22-40010 ; arrêt n° 574 ; Cerclab n° 9860.vvv
La Cour de cassation a également été saisie d’une question similaire concernant une version antérieure de l’ancien art. L. 442-6 C. com., en l’occurrence l’ancien art. L. 442-6-I-2°-a) : la question posée n’est pas nouvelle et et ne présente pas un caractère sérieux en ce que les termes de [l’ancien] art. L. 442-6-I-2°-a) du Code de commerce, selon lesquels « engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé, le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou artisan : (…) d’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu (...) », définissent de manière claire, précise et sans ambiguïté le comportement qu’ils visent, que ces termes ont, en outre, déjà fait l’objet d’une jurisprudence des juges du fond cohérente et nombreuse et qu’enfin ils incluent un élément moral de l’infraction. Cass. com., 15 février 2011 : pourvoi n° 10-21551 ; Cerclab n° 3247 (non lieu à QPC), suivi de Cass. com., 12 juillet 2011 : pourvoi n° 10-21551 ; Cerclab n° 3248, rejetant le pourvoi contre CA Nîmes (2e ch. com. sect. B), 25 février 2010 : RG n° 07/00606 ; Cerclab n° 2350 ; Boccrf n° 3, 30 mars 2010 ; RDC 2010/4, p. 1331, obs. M. Behar-Touchais, sur appel de T. com. Annonay, 12 janvier 2007 : Dnd. § V. aussi : Cass. com., 3 mars 2015 : pourvoi n° 13-27525 ; arrêt n° 238 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 5103 (absence de violation des art. 7 Conv. EDH et 8 Déclaration des droits de l’homme, dans l’admission d’un déséquilibre significatif pour une clause type, après un examen du contexte dans lequel le contrat est conclu, de son économie et après avoir examiné les relations commerciales régies par la convention litigieuse).
V. aussi : T. com. Évry (3e ch.), 6 février 2013 : RG n° 2009F00727 ; Cerclab n° 4352 (jugement estimant que la constitutionnalité est désormais acquise, mais que cette solution n’empêche par les juges de contrôler la conventionnalité du texte au regard de la Conv. EDH ; absence, en l’espèce, de violation de l’art. 7 Conv. EDH, le jugement contestant cependant la pertinence de l’analogie avec le droit de la consommation) - CA Paris (pôle 5 ch. 5), 2 février 2012 : RG n° 09/22350 ; Cerclab n° 3621 ; Lettre distrib. 2012/3, p. l, obs. J.-M. Vertut (arrêt suivant la décision du Conseil constitutionnel), pourvoi rejeté par Cass. com. 10 septembre 2013 : pourvoi n° 12-21804 ; Cerclab n° 4624 - CA Paris, 3 octobre 2013 : Dnd (texte conforme à l’art. 16 de la déclaration de 1789), pourvoi jugé irrecevable par Cass. com., 3 février 2015 : pourvoi n° 13-26277 ; arrêt n° 114 ; Cerclab n° 5021.
Comp. pour une décision antérieure plus réservée sur la précision du texte : la notion de déséquilibre significatif, si elle a été choisie à dessein pour permettre la répression d'une pratique abusive, n'est pas clairement définie et laisse une marge d'interprétation considérable. T. com. Créteil (1re ch.), 19 octobre 2010 : RG n° 2009F01017 ; Cerclab n° 4306 ; Lexbase (sursis à statuer dans l’attente de la décision du Conseil constitutionnel), suivi de T. com. Créteil (1re ch.), 13 décembre 2011 : RG n° 2009F01017 ; Cerclab n° 4295. § Sur les rapports avec le droit de la consommation, V. aussi Cerclab n° 6178.
Confusion des pouvoirs d’enquête et de sanction. Il résulte des termes des points 67 à 69 de la décision n° 2014-690 DC du 13 mars 2014 du Conseil constitutionnel que l'attribution à la DIRECCTE, autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation, de la compétence pour constater les infractions et manquements aux obligations posées par les diverses dispositions du code de commerce, enjoindre au professionnel de se conformer à celles-ci, de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite et, d'autre part, pour prononcer les amendes administratives sanctionnant les manquements relevés ne méconnaissent pas le principe de la séparation des pouvoirs, non plus qu'aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle. CAA Marseille (6e ch.), 14 juin 2021 : req n° 20MA01711 ; Cerclab n° 8951 (rejet du moyen selon leque le cumul des pouvoirs de constatation et de répression des infractions par la DIRECCTE méconnaîtrait le principe d'impartialité ou tout autre principe, stipulation ou disposition imposant la séparation des autorités administratives responsables du déclenchement des poursuites et de leur sanction), sur appel de TA Bastia, 6 mars 2020 : req. n° 1800270 ; Dnd - CAA Marseille (6e ch.), 14 juin 2021 : req n° 20MA00199 ; Cerclab n° 8952, sur appel de TA Marseille, 18 novembre 2019 : req. n°1703263 ; Dnd.
Régime des nullités et des restitutions en découlant : principe. Il est loisible au législateur de reconnaître à une autorité publique le pouvoir d’introduire, pour la défense d’un intérêt général, une action en justice visant à faire cesser une pratique contractuelle contraire à l’ordre public ; ni la liberté contractuelle, ni le droit à un recours juridictionnel effectif ne s’opposent à ce que, dans l’exercice de ce pouvoir, cette autorité publique poursuive la nullité des conventions illicites, la restitution des sommes indûment perçues et la réparation des préjudices que ces pratiques ont causés, dès lors que les parties au contrat ont été informées de l’introduction d’une telle action. Cons. constit., 13 mai 2011 : Décision QPC n° 2011-126 ; Cerclab n° 3678 ; Contr. conc. consom. 2011, alerte 52 ; JCP G 2011, 717, note A.-M. Luciani ; D. 2012, p. 507, note J. Barthémy et L. Boré (constitutionnalité admise sous la réserve de l’information des parties au contrat).
V. pour la Cour de cassation : la question posée ne présente pas un caractère sérieux puisqu’il est loisible au législateur de reconnaître à une autorité publique le pouvoir d’introduire, pour la défense d’un intérêt général, une action en justice visant à faire cesser une pratique contractuelle contraire à l’ordre public, au besoin en poursuivant la nullité des conventions illicites, la restitution des sommes indûment perçues et la réparation des préjudices que ces pratiques ont causés, et que les parties poursuivies étant, à l’occasion de l’instance engagée devant la juridiction compétente, mises en mesure de discuter les éléments invoqués et de répliquer par écrit et oralement aux conclusions de cette autorité publique, les dispositions susvisées ne méconnaissent pas en elles-mêmes les exigences des droits de la défense et de l’égalité des armes. Cass. com., 12 juillet 2011 : pourvoi n° 11-40029 ; Cerclab n° 3249 (arrêt estimant aussi que la question n’est pas nouvelle ; refus de transmission de la question au Conseil constitutionnel), sur demande de T. com. Évry, 27 avril 2011 : Dnd.
Les restitutions étant prononcées par le juge en réparation du préjudice subi et non à titre de sanction, sont inopérants les griefs pris du caractère disproportionné de la sanction et de l’atteinte au droit de propriété de la personne condamnée. Cass. com. 10 septembre 2013 : pourvoi n° 12-21804 ; Cerclab n° 4624, rejetant le pourvoi contre CA Paris (pôle 5 ch. 5), 2 février 2012 : RG n° 09/22350 ; Cerclab n° 3621 ; Lettre distrib. 2012/3, p. l, obs. J.-M. Vertut, sur appel de T. com. Evry, 14 octobre 2009 : RG n° 2008F00380 ; Lettre distrib. 2009/11 ; Concurrences 2010/1, p. 121, obs. M. Chagny, et pour l’issue de l’affaire CA Paris (pôle 5 ch. 4), 1er juillet 2015 : RG n° 14/03593 ; Cerclab n° 5289, pourvoi rejeté par substitution de motifs par Cass. com., 8 juin 2017 : pourvoi n° 15-25712 ; arrêt n° 873 ; Cerclab n° 6895.
Limites (réserve d’interprétation) : nécessité d’informer les victimes. La décision du Conseil constitutionnel précitée du 13 mai 2011 contient, contrairement à celle du 13 janvier une réserve d’interprétation, la conformité du texte n’étant admise « dès lors que les parties au contrat ont été informées de l’introduction d’une telle action ». Sur cette obligation d’information, V. plus généralement Cerclab n° 6248. § Rejet de la transmission d’une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité, dès lors, d’une part, que [l’ancien] art. L. 442-6-III C. com. [L. 442-4-I] a déjà été déclaré conforme à la constitution par la décision du Conseil constitutionnel du 13 mai 2011, sans que l’invocation d’un autre principe constitutionnel, en le principe d'égalité, constitue un changement de circonstance de droit ou de fait (absence de caractère nouveau) et, d’autre part que l’interprétation de la réserve d’interprétation ressort plutôt du pouvoir du juge du fond - auquel elle s'impose - relativement à l'appréciation des modalités de mise en œuvre de l'information aux tiers (absence de caractère sérieux). CA Grenoble (ch. com.), 18 mai 2017 : RG n° 17/00760 ; Cerclab n° 6870 (selon la question, l'interprétation de l'art. L. 442-6 III C. com. tel que complété par la réserve d'interprétation porte atteinte aux droits et libertés garantis par la constitution et plus précisément au principe d'égalité devant la loi au travers duquel le principe du double degré de juridiction et le respect des droits de la défense doivent être respectés ; N.B. en l’espèce, l’information avait été donnée en appel), sur appel de T. com. Romans-sur-Isère, 28 mars 2012 : RG n° 07J70079 ; Dnd.
Prohibition des arrêts de règlement. Sur la compatibilité du dispositif avec la prohibition des arrêts de règlement, V. Cerclab n° 6251.