CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 27 avril 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 6882
CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 27 avril 2017 : RG n° 15/02021
Publication : Jurica
Extrait : « Considérant que par ailleurs les échanges par mail versés aux débats et la reconduction du contrat pour une nouvelle année pour les deux guides démontrent que les parties négociaient déjà depuis 2010, certes de façon ferme, mais néanmoins dans une position d'égalité et ne permettent pas d'établir les pressions alléguées par la société C., ni les menaces qui pèseraient sur cette dernière, ni que l'attitude de la société Mondéos puisse être analysée comme un refus de négocier ; Qu'il n'est dès lors pas établi, comme l'ont retenu à juste titre les premiers juges, qu'un déséquilibre ait été créé entre les parties par la société Mondéos ; Qu'aucun élément ne permet de justifier que la société C. aurait été contrainte de renouveler le contrat à des conditions qui lui paraissaient inacceptables ; Que pour l'ensemble de ces motifs, il y a lieu de confirmer la décision des premiers juges qui ont estimé que la rupture brutale au sens de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce n'était pas établie et ont débouté la société C. de l'ensemble de ses demandes ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 5
ARRÊT DU 27 AVRIL 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/02021 (10 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 novembre 2014 - Tribunal de Commerce de PARIS - R.G. n° 2012042164.
APPELANTE :
SA IMPRIMERIE C.
ayant son siège social [adresse], N° SIRET : XXX, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Guillaume D. de la SELARL Cabinet SEVELLEC, avocat au barreau de PARIS, toque : W09, Assistée de Maître Christian C., avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
SAS EDITIONS MONDEOS
ayant son siège social [adresse], N° SIRET YYY, prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège, Représentée par et assistée de Maître Pascaline N., avocat au barreau de PARIS, toque : B0218
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 19 janvier 2017, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Louis DABOSVILLE, Président de Chambre, Madame Fabienne SCHALLER, Conseillère, chargée du rapport, Madame Anne DU BESSET, Conseillère, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Monsieur Bruno REITZER
ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Monsieur Louis DABOSVILLE, Président, et par Monsieur Vincent BRÉANT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
La société Imprimerie C. (ci-après « C. ») assurait depuis une dizaine d'années des travaux d'impression, de brochage, de conditionnement et de livraison de guides de voyages et de loisirs, nommés guides Mondéos et guides Balado, édités par la société des Editions Mondéos (ci-après « Mondéos »).
Les relations entre les parties n'étaient pas formalisées par un contrat écrit mais consistaient en des négociations annuelles qui portaient essentiellement sur le prix des prestations.
Une partie des guides était immédiatement livrée et l'autre partie stockée à l'imprimerie C. en vue d'éventuels réassorts.
Des négociations tarifaires serrées ont eu lieu entre les parties à partir de 2010 pour les éditions de 2011 puis 2012. Les relations entre les parties ont été rompues au début de l'année 2012.
C'est dans ces conditions que la société C., estimant avoir été victime d'une rupture brutale, a assigné la société Mondéos le 14 juin 2012. Parallèlement, la société Mondéos a assigné en référé la société C. devant le président du tribunal de commerce de Roanne aux fins d'obtenir la restitution des stocks. Le président statuant en référé a dit n'y avoir lieu à référé.
Par jugement en date du 30 novembre 2014, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a :
Condamné la société Imprimerie C. à payer à la société Editions Mondéos la somme de 9 500 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 1er juin 2012 ;
Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires.
Vu l'appel interjeté le 28 janvier 2015 par la société Imprimerie C. contre cette décision ;
Vu les dernières conclusions signifiées par la société Imprimerie C. le 6 avril 2016, par lesquelles il est demandé à la cour de :
Constater l'ancienneté et la continuité des relations d'affaires entre les sociétés des Editions Mondéos et la société Imprimerie C.
Constater que ce partenariat s'est poursuivi pendant une durée de plus de dix ans.
Constater l'existence de pressions répétées de la société des Editions Mondéos pour obtenir une baisse substantielle des tarifs, alors même que le prix de la main d'œuvre et des matières premières augmentait et que la société Imprimerie C. tentait d'obtenir une juste réévaluation du prix de ses prestations qui stagnait depuis plusieurs années.
Constater que, fin 2011, la société des Editions Mondéos a non seulement refusé toute majoration de prix mais exigé une baisse tarifaire additionnelle de 12 % pour l'année 2012.
Constater que la proposition ultime de la société Imprimerie C. de maintenir les tarifs 2011 pour 2012 n'a eu aucun effet.
Constater que la société des Editions Mondéos a, le 19 décembre 2011, posé un ultimatum à la société Imprimerie C. lui imposant d'accepter ses conditions, faute de quoi les relations commerciales seraient rompues, à effet immédiat pour les guides Balado et à 3 mois pour les guides Mondéos.
Dire et juger que la société des Editions Mondéos ne peut se prévaloir d'une négociation tarifaire loyale et que ses exigences irréalistes lui rendent imputable la rupture brutale des relations d'affaires.
Dire et juger qu'au vu de la durée des relations commerciales avec la société Imprimerie C., un préavis minimal de douze mois aurait dû être respecté par la société des Editions Mondéos, avec maintien des conditions tarifaires antérieures.
Réformer le jugement du Tribunal de Commerce de Paris en ce qu'il a déclaré « la rupture des relations imputable à la société Imprimerie C. »
Condamner la société des Editions Mondéos à payer à la société Imprimerie C. la somme de 166.736 euros pour les guides Balado et de 461.513,71 euros pour les guides Mondéos, soit un montant total de 628.249,71 euros, correspondant à la marge brute dont aurait bénéficié la société Imprimerie C. pendant ces douze mois, si le préavis précité avait été respecté.
Dire et juger que la société des Editions Mondéos ne démontre pas l'existence de préjudices induits par les conditions de restitution des stocks de guides Mondéos ou Balado ou intrinsèques à certaines opérations ou au titre d'un prétendu préjudice commercial.
Rejeter l'appel incident de la société des Editions Mondéos et confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 13 novembre 2014 en ce qu'il a rejeté les demandes reconventionnelles de la société des Editions Mondéos,
à titre de dommages et intérêts de la société des Editions Mondéos, en réparation du préjudice commercial subi
à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive
au titre du remboursement des frais de restitution du stock.
au titre du remboursement des factures RELIURE DE TOURAINE et GENILLOISE DE TRANSPORT.
Réformer le jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 13 novembre 2014 en ce qu'il a condamné la société Imprimerie C. à prendre en charge la moitié de l'avoir commercial consenti unilatéralement par la société des Editions Mondéos à la LIGUE DE L'ENSEIGNEMENT.
Dire et juger qu'il serait inéquitable que la société Imprimerie C. supporte les frais irrépétibles qu'elle a dû engager pour la défense de ses intérêts.
Condamner la société des Editions Mondéos à payer à la société Imprimerie C. la somme de 15.000 euros, au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamner la société des Editions Mondéos aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions signifiées par la société des Editions Mondéos le 26 juin 2015 dans lesquelles il est demandé à la cour de :
confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société Imprimerie C. de toutes ses demandes à toutes fins qu'elles comportent.
A titre infiniment subsidiaire : rejeter toutes les demandes de la société Imprimerie C. aux fins de condamnations contre la société Les Editions Mondéos dès lors qu'elle a provoqué la situation dont elle reproche les conséquences à cette dernière et dès lors qu'elle ne prouve pas son préjudice réel découlant du caractère brutal de la rupture qui serait imputée à la société Les Editions Mondéos.
confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a reconnu le principe d'un comportement fautif de la société C. mais l'infirmer quant au montant des dommages et intérêts mis à la charge de la société C.
dire la société Les Editions Mondéos recevable et bien fondée en son appel incident.
faire droit aux demandes reconventionnelles de la société Les Editions Mondéos et en conséquence,
condamner la société Imprimerie C. à payer à la société Les Editions Mondéos :
à titre de dommages et intérêts pour ses préjudices commercial et financier du fait des violations par l'imprimerie C. de ses obligations contractuelles constitutives notamment de manques à gagner et atteintes à sa réputation, la somme de 150.000 euros.
le montant de sa facture n° F1204.0097 en date du 16 avril 2012 de 15.308,80 euros HT augmentés des intérêts au taux légal à compter du paiement intervenu soit à compter du 19 avril 2012 à titre de dommages et intérêts complémentaires.
les sommes versées du fait de ses défaillances, aux sociétés Genilloise d'Entrepôt (transport) et Reliure de Touraine (façonnage), pour un montant total de 5.865 euros augmentés des intérêts au taux légal à compter du paiement intervenu, à titre de dommages et intérêts complémentaires.
les sommes que la société Mondéos a dû verser dans le cadre du litige l'opposant à la Ligue de l'Enseignement, au titre des frais de reprise des guides défectueux, de leur stockage et de l'avoir remis à son client, pour un montant total de 17.858 euros augmentés des intérêts au taux légal à compter du paiement des sommes en question, à titre de dommages et intérêts complémentaires.
la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
condamner la société Imprimerie C. à payer à la société Les Editions Mondéos une indemnité de 16.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et à prendre en charge tous les dépens.
* * *
La société C. estime qu'elle a été soumise à des contraintes inacceptables de la part de la société Mondéos qui était son principal client, dont les décisions avaient un impact important, qu'elle faisait face à des demandes incessantes d'avantages sans contrepartie ainsi qu'à des remises en cause des conditions tarifaires applicables, que la société Mondéos se refusait à prendre en compte les usages professionnels en matière d'imprimerie ainsi que les contraintes de la société C., et notamment celles relatives à l'accroissement des prix du papier, indépendant de sa volonté, qu'elle lui a imposé un gel des tarifs pour l'année 2011, qu'elle a été contrainte de baisser ses tarifs de 12 % au titre de l'année 2012 sous la menace de voir les relations commerciales interrompues moyennant un préavis de 3 à 6 mois de la part de la société Mondéos, qu'il n'y a eu aucune négociation ni aucun préavis, la société Mondéos ayant maintenu sa menace de rupture, qu'elle entretenait des relations commerciales avec cette société depuis plus de dix ans, que la demande de baisse tarifaire de 12 % évoquée par la société Mondéos un mois et demi après le délai prévu pour négocier les tarifs pour l'année à venir a eu pour effet de contraindre la société C. à choisir entre produire à perte ou refuser cette demande et donc renoncer au marché des guides Balado, qu'en refusant de négocier et en imposant cette réduction tarifaire excessive et en réitérant ses menaces de rupture, la société Mondéos a rompu les relations commerciales établies avec elle, que le préavis de trois mois pour les guides Mondéos a été choisi par la société Mondéos elle-même et non par la société C., qu'elle a accepté de maintenir les prestations jusqu'à fin mars 2012 car elle avait déjà commandé le papier au format spécifique nécessaire pour exécuter cette prestation, qu'au vu de la durée des relations commerciales entre les parties, et la perte de chiffre d'affaires occasionnée, un préavis de 12 mois aurait dû lui être consenti, qu'aucun préavis n'a été donné, que la marge brute doit être calculée en référence à la moyenne du chiffre d'affaires des trois dernières années, que la société C. avait réalisé des investissements importants et spécifiques pour le marché Mondéos, que du papier avait été commandé qui ne pouvait être réutilisé pour d'autres clients, qu'un salarié était entièrement dédié aux relations avec la société Mondéos, qu'un espace de stockage entier était utilisé pour les éditions Mondéos.
Sur l'appel incident de la société des Editions Mondéos, concernant la restitution des stocks, la société C. indique qu'elle stocke 6.300 exemplaires pour lesquels les prestations de conditionnement et de livraison n'ont pas encore été facturées, contrairement à ce qu'affirme la société Mondéos, et qu'à ce titre il est justifié qu'elle en sollicite le règlement. De plus, elle expose également que la livraison du stock dans les conditions exigées par la société Mondéos ne correspondait en rien aux conditions habituelles, qu'elle impliquait des prestations spécifiques non incluses dans le tarif standard. En outre, elle indique qu'en vertu des usages professionnels applicables au secteur de l'imprimerie elle pouvait retenir le stock jusqu'à paiement par la société Mondéos des prestations effectuées. Concernant la demande de remboursement des factures réglées aux sociétés Reliure de Touraine et Genilloise de transport et de la demande de dommages et intérêts pour faute contractuelle, elle oppose l'absence de justificatif du quantum de ces dommages-intérêts par la société Mondéos. Elle conteste enfin la prise en charge pour moitié de l'avoir consenti par la société Mondéos à la Ligue de l'enseignement, la société Mondéos n'apportant pas de pièce comptable à l'appui de ses prétentions, ni la preuve d'un préjudice, et ayant elle-même choisi le mode opératoire qui a occasionné une erreur de logo.
La société Mondéos indique en réponse qu'elle a une surface financière bien plus fragile que la société C. qui est entrée en Bourse en 1999, que pendant dix ans, cette dernière a appliqué les conditions qui lui convenaient, mais que la société Mondéos a été contrainte de renégocier les conditions financières de sa collaboration avec les Imprimeries C. afin de tenir compte de la concurrence des guides gratuits sur internet et de la conjoncture économique, qu'en 2012 elle a subi une perte de chiffre d'affaires de 11,5 %, qu'elle n'a pu accepter l'augmentation des tarifs de 6 % sur deux ans demandée par C. en raison de l'augmentation du coût du papier, que l'obligation de répercuter les hausses du papier est un argument récurrent pour la société C. pour tenter de lui imposer ses décisions et ce, jusqu'à la rupture, que la société C. veut la sanctionner pour avoir osé lui résister, que si les demandes de C. prospéraient, cela conduirait Mondéos à la faillite, alors que pour C., la production Mondéos ne représente que 3 % de son chiffre d'affaires. Elle indique que compte tenu des difficultés concernant la négociation sur les prix en 2010, la société C. ne pouvait pas être surprise par le maintien de sa position par les éditions Mondéos en 2011 qui ne constituait pas une menace, mais une proposition raisonnable, que de son côté, la société C. a souhaité à nouveau imposer une hausse de ses tarifs pour l'année 2012, que la société Mondéos a dû à nouveau refuser, pour les mêmes motifs, vu l'aggravation des difficultés rencontrées par les éditeurs de guides de voyages, en raison du printemps arabe, de la crise économique et de la dématérialisation des guides, alors que le prix du papier avait de nouveau baissé et que les tarifs pratiqués par d'autres imprimeurs étaient plus avantageux, qu'elle a fait part de son souhait de voir baisser le budget de 12 %, mais que la société C. a refusé.
Concernant les guides Balado, la société Mondéos soutient qu'elle n'a aucunement contraint la société C. à accepter ses tarifs mais a simplement demandé à ce que le tarif soit le même que celui applicable aux guides Mondéos, qu'elle a envisagé de scinder son marché Balado entre deux imprimeurs, qu'elle s'est rendue compte que d'autres imprimeurs proposaient des tarifs plus avantageux, qu'en rétorsion la société C. a indiqué qu'elle ne ferait plus de réassort, obligeant ainsi les éditions Mondéos a payer l'intégralité des guides en une seule fois, ce qui n'était pas conforme à leurs accords, que la société C. a fait preuve de mauvaise volonté pour toute demande de la société Mondéos, qu'elle a commis des erreurs lourdes de conséquence pour la société Mondéos, des défauts sur des guides livrés en mars 2011, l'impression de guides avec un mauvais logo.
Elle soutient que la rupture est imputable à la société C. qui a mis fin aux relations contractuelles par message du 20 décembre 2011, avec effet immédiat pour les guides Balado, en indiquant qu'elle ne souhaitait pas répondre à l'appel d'offre pour ces guides, et avec un préavis de 3 mois pour les guides Mondéos, que pour sa part, elle n'a jamais souhaité cette rupture, mais a simplement fait part de propositions de reconduction que la société C. n'a pas cru devoir accepter. Elle conteste toute brutalité à la rupture, la société C. ayant elle-même fixé le délai de préavis à trois mois pour une rupture dont elle était à l'initiative.
A titre reconventionnel, la société Mondéos soutient que suite à la décision de la société C., cette dernière devait restituer les stock rapidement, mais qu'elle a voulu imposer une nouvelle facturation pour le conditionnement, l'emballage et la livraison des produits en sa possession alors que ces prestations avaient déjà été réglées par la tarification initiale qui inclut le stockage, le conditionnement et la livraison, qu'une fois de plus, les demandes de la société C. n'étaient pas conformes à leurs accords, que la société Mondéos a légitimement refusé de payer une seconde fois des prestations qui avaient déjà fait l'objet d'un règlement, qu'elle a saisi un médiateur de cette difficulté, qu'elle a été contrainte d'agir en référé pour récupérer ses stocks en urgence, les guides risquant d'être périmés, que la société C. a retenu abusivement des produits et causé l'annulation de nombreuses commandes de la part des clients de la société Mondéos. Elle réclame le remboursement de trois factures pour des frais indus et soutient que la procédure est abusive.
La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur ce, la Cour :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce, « engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :
... 5) de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels (...) Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure » ;
Considérant qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que les parties étaient liées par des relations commerciales stables et habituelles depuis plus de dix ans, en l'absence de toute convention écrite, les guides Mondéos et Balado étant imprimés par l'imprimerie C. chaque année, et les parties se réunissant annuellement pour négocier les conditions applicables et notamment les tarifs ;
Que courant 2010 sont apparues des difficultés, l'imprimerie C. annonçant une hausse des prix du papier la contraignant à augmenter ses tarifs, ce que la société Mondéos a refusé ;
Que des mails ont été échangés, la société Mondéos refusant les hausses proposées et demandant la gratuité de certaines prestations annexes, en échange du maintien des tarifs à des taux qu'elle estimait « identiques à ceux d'un imprimeur de quartier », et la société C. expliquant que ces hausses étaient inéluctables ;
Que fin novembre 2010, la société C. a fait savoir à la société Mondéos qu'elle ne pouvait prendre à sa charge les prestations gratuites demandées et qu'elle refusait de donner des avoirs sur les produits non brochés, mais qu'elle proposait tout de même un projet de contrat pour 2011, en consentant un effort supplémentaire ;
Que la société Mondéos ayant d'abord refusé ces conditions, de nouveaux échanges ont eu lieu avant un accord de renouvellement pour une année, mais que Mondéos a fait état de sa réflexion sur une sortie de marché éventuelle, indiquant qu'elle envisageait de mettre fin à leur collaboration en cas de désaccord sur une optimisation des coûts ;
Qu'après avoir proposé une augmentation de 6 %, ramenée ensuite à 3 %, la société C. a finalement accepté pour 2011 l'impression des deux guides aux mêmes conditions tarifaires, mais a confirmé qu'elle ne pouvait plus assurer la prise en charge gratuite de certaines prestations accessoires ;
Que contrairement à ce qu'allègue la société C., il ne peut être déduit de ces échanges une pression ou une menace de rupture brutale au sens de l'article L. 442-6 (I) 4° du code de commerce ;
Que certes cette acceptation de renouvellement du contrat aux mêmes conditions a été faite en raison de l'urgence de lancer les nouvelles impressions, mais qu'il ne peut en être déduit aucune manœuvre ou pression inacceptable, susceptible d'être sanctionnée au titre de l'article susvisé ;
Que dans ces conditions, les relations contractuelles se sont poursuivies en 2011 entre les parties, mais avec un aléa laissant anticiper des incertitudes sur la stabilité desdites relations, compte tenu des désaccords persistants relatifs aux tarifs, entre l'augmentation souhaitée par la société C. et la baisse demandée par la société Mondéos, et compte tenu du souhait manifesté par la société Mondéos de scinder l'impression des guides Balado entre plusieurs imprimeurs afin de rechercher des tarifs plus attractifs, pour tenir compte de l'évolution du marché des guides de voyage et de la concurrence des guides « virtuels », ce qui était son droit ;
Que nonobstant son ancienneté, la relation s'est dès lors trouvée fragilisée depuis le mois d'avril 2010, et a connu des atermoiements jusqu'en décembre 2011, date à laquelle la société C. a pris acte de la rupture et a refusé de répondre à l'appel d'offres lancé concernant les guides Balado ;
Que des échanges de correspondances ont émaillé cette période avec des propositions et des contre-propositions, mais sans certitude sur l'issue des négociations ;
Que nonobstant le ton parfois ferme des échanges, les parties étaient bien en négociation depuis plus d'une année, mais qu'elles n'arrivaient pas à se mettre d'accord ;
Qu'elles ont néanmoins reconduit leur contrat pour une nouvelle édition annuelle des deux guides, chacune finissant par y trouver son compte ;
Que ce n'est qu'au moment du renouvellement pour 2012 que les désaccords ont repris ;
Que sans constituer une menace de déréférencement, comme allégué par la société C., la position de la société Mondéos a été ferme sur la demande de baisse du budget de 12 %, laissant néanmoins ouverte la possibilité de poursuivre une collaboration en 2012 si un accord était trouvé ;
Qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, la société C. ne pouvait dans ces conditions anticiper avec certitude la continuité de la relation dans le cadre de la nouvelle négociation tarifaire, plus d'un an après les premières difficultés, alors au surplus que le maintien de cette relation dépendait en grande partie de sa propre position ;
Qu'en effet, contrairement aux affirmations de la société C., il n'est pas établi que les fluctuations des prix du papier aient jamais été prises en compte par celle-ci pour fixer les tarifs à la hausse ou à la baisse des prix pratiqués, ces derniers étant fonction d'autres éléments dont elle était maître, formant un tout, et couvrant d'autres prestations que la seule impression des guides de voyage ;
Que depuis avril 2010 et jusqu'au 20 décembre 2011, date à laquelle la société C. a pris acte de la rupture, la relation entre les parties a commencé à se précariser et ne présentait dès lors plus le caractère de stabilité exigé par l'article L. 442-6-I-5° rappelé ci-dessus ;
Que c'est la société C. qui a décidé de rompre le contrat ;
Qu'indépendamment de la prise d'acte par la société C. de la rupture, qui est sans effet sur le caractère brutal allégué de celle-ci, c'est la société C. qui a également fixé la durée du préavis accordé à la société Mondéos, à savoir trois mois, jusqu'à fin mars 2012, durée que la société Mondéos n'a pas critiquée ;
Que cette durée est parfaitement compatible avec la fragilisation des relations commerciales dans laquelle se trouvaient les parties depuis plus d'un an et ne permet pas de qualifier la rupture de brutale ;
Qu'à plusieurs reprises, les durées de préavis envisagées en cas de rupture avaient été fixées à six mois dans un premier temps, puis à trois mois, et que la date du 31 mars 2012 correspondait à la fin de la production pour 2012 ;
Considérant que par ailleurs les échanges par mail versés aux débats et la reconduction du contrat pour une nouvelle année pour les deux guides démontrent que les parties négociaient déjà depuis 2010, certes de façon ferme, mais néanmoins dans une position d'égalité et ne permettent pas d'établir les pressions alléguées par la société C., ni les menaces qui pèseraient sur cette dernière, ni que l'attitude de la société Mondéos puisse être analysée comme un refus de négocier ;
Qu'il n'est dès lors pas établi, comme l'ont retenu à juste titre les premiers juges, qu'un déséquilibre ait été créé entre les parties par la société Mondéos ;
Qu'aucun élément ne permet de justifier que la société C. aurait été contrainte de renouveler le contrat à des conditions qui lui paraissaient inacceptables ;
Que pour l'ensemble de ces motifs, il y a lieu de confirmer la décision des premiers juges qui ont estimé que la rupture brutale au sens de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce n'était pas établie et ont débouté la société C. de l'ensemble de ses demandes ;
Considérant que c'est également par des motifs précis et pertinents que la cour adopte, statuant sur la demande reconventionnelle de la société Mondéos pour les manquements qu'aurait commis la société C. dans la restitution des stocks, que les premiers juges ont rejeté la demande d'indemnisation formulée à ce titre et ont rejeté la demande de remboursement de la facture de 15.308,80 euros correspondant aux coûts additionnels induits par la demande de retour de stock ;
Que les premiers juges ont également débouté par des motifs précis et pertinents que la cour adopte la société Mondéos de sa demande de remboursement de la facture réglée à la société Reliure de Touraine et Genilloise de Transport pour une somme de 5.865 euros ;
Considérant qu'en ce qui concerne le litige relatif à la Ligue de l'enseignement, aucune pièce versée aux débats ne vient justifier la responsabilité de la société C. ni les sommes réclamées par la société Mondéos ;
Qu'il y a lieu de débouter la société Mondéos de ses demandes à ce titre et d'infirmer la décision sur ce point ;
Considérant que ni les circonstances du litige, ni les éléments de la procédure ne permettent de caractériser à l'encontre de la société C. une faute de nature à faire dégénérer en abus le droit d'agir ou de se défendre en justice ;
Qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de dommages intérêts formée à ce titre ;
Que la société C. succombant, il y a lieu d'allouer à la société Mondéos une indemnisation complémentaire au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, et la condamner aux dépens ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a alloué une somme de 9.500 euros à la société Mondéos à titre de dommages et intérêts,
L'INFIRMANT sur ce point,
DÉBOUTE la société Mondéos de ses demandes,
Y ajoutant,
CONDAMNE la société C. à payer à la société Mondéos la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société C. aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président
Vincent BRÉANT Louis DABOSVILLE
- 6170 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Domaine de la protection - Soumission ou tentative de soumission à un déséquilibre significatif
- 6216 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par contrat - Prestation de services