CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 14 septembre 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 7046
CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 14 septembre 2017 : RG n° 15/04839
Publication : Jurica
Extrait : « C'est donc en tant que garde-meubles et dépositaire du piano que sa responsabilité se trouve engagée, les conditions générales du contrat rappelant à cet égard que l'entreprise est responsable des biens qui lui sont confiés dans les conditions édictées par les article 1927 à 1932 du code civil et plus particulièrement par celles de l'article 1933 qui n'exonère le dépositaire de sa responsabilité par les dégradations des choses dont il a la garde que s'il prouve qu'elles ne sont pas de son fait.
L'article 17 des conditions générales du contrat fixe une limitation de l'indemnisation dans la limite du préjudice matériel prouvé et des conditions particulières négociées entre l'entreprise et le client quant à la valeur du mobilier, ces conditions particulières fixant sous peine de nullité de plein droit du contrat : - le montant de l'indemnisation maximum pour la totalité du mobilier ; - le montant de l'indemnisation maximum par objet non valorisé sur une liste.
Les conditions particulières du contrat de garde-meubles ne font que reprendre textuellement sous la rubrique déclaration de valeur du mobilier la limitation de garantie prévue au contrat de déménagement, sans aucune référence au piano objet du contrat, à savoir : - valeur totale du mobilier : 4.500 euros ; - valeur maximale par objet ou élément de mobilier : les termes de la garantie souscrite sur votre contrat de déménagement s'appliquant à défaut, la valeur maximale par objet est fixée à 80 euros.
Cette seule référence à la garantie souscrite au contrat de déménagement qui limite la garantie du déménageur à la valeur globale déclarée pour la totalité des objets transportés soit 4.500 euros et à la valeur maximum par objets soit 80 euros, en l'absence de liste d'objets valorisés, est de nature à induire en erreur le client et entretenir une confusion entre la valeur déclarée du mobilier lors du déménagement et la valeur du mobilier confié au garde-meubles alors que les deux contrats sont indépendants et n'ont pas le même objet puisque le contrat de déménagement porte sur l'ensemble du mobilier des époux X. et que le contrat de garde-meubles ne porte que sur un seul meuble à savoir le piano dont la valeur déclarée au contrat ne se trouve finalement pas déterminée avec certitude.
Dès lors, cette clause de limitation de la responsabilité du dépositaire par seule référence à ce qui a été convenu entre les parties à l'occasion d'un autre contrat qui n'a pas le même objet, ne peut être opposée au client sans qu'il soit nécessaire de démontrer la faute lourde du dépositaire. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 4 CHAMBRE 9
ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/04839 (10 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 janvier 2015 - Tribunal d'Instance de PARIS (8ème) - RG n° 11-14-000093.
APPELANTE :
La société DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU, Déménagements LA CIGOGNE, SARL
prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège, N° SIRET : XXX, Représentée et assistée de Maître Pierre E.-J., avocat au barreau de PARIS, toque : D1562
INTIMÉS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], Représenté par Maître Estelle R.-A., avocat au barreau de PARIS, toque : J026, Assistée de Maître Amaury D.-M., avocat au barreau de LYON, toque : T851
Madame Y. épouse X.
née le [date] à [ville], Représentée par Maître Estelle R.-A., avocat au barreau de PARIS, toque : J026, Assistée de Maître Amaury D.-M., avocat au barreau de LYON, toque : T851
PARTIES INTERVENANTES :
GROUPAMA RHÔNE-ALPES, AUVERGNE
N° SIRET : YYY, Représentée et assistée de Maître Laure B. de la SELEURL LBCA, avocat au barreau de PARIS, toque : C2364
La société GROUPE E. ASTRAMAR agissant pour le compte d'AXA France IARD et ALLIANZ GLOBAL CORPORATE et SPECIALITY SE
N° SIRET : ZZZ, Représentée par Maître Anne G.-B. de la SCP G. B., avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111, Assistée de Maître Renaud C., avocat au barreau de PARIS, toque : D2176
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 30 mai 2017, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme Patricia GRASSO, Conseillère faisant fonction de Présidente, Mme Françoise JEANJAQUET, Conseillère, Mme Marie MONGIN, Conseillère, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Camille LEPAGE.
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Marie MONGIN, conseiller ayant participé au délibéré pour le président empêché et par Mme Camille LEPAGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Les époux X. ont conclu le 8 novembre 2011 un contrat de déménagement avec la société DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU devant intervenir du 19 décembre au 3 janvier 2012, ainsi qu'un contrat de garde-meubles pour leur piano également signé le même jour.
Leur piano ayant subi des détériorations, les époux X. ont, par acte délivré le 13 janvier 2014, assigné la SARL DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU devant le tribunal d'instance du 8ème arrondissement aux fins d'obtenir notamment sa condamnation au paiement des frais de gardiennage et de remise en état du piano et de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance.
Par jugement réputé contradictoire en date du 29 janvier 2015, le tribunal d'instance a déclaré les demandes de M. X. irrecevables, déclaré Mme X. recevable en son action, dit que la responsabilité contractuelle de la SARL DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU est engagée à l'égard de Mme X., condamné la SARL DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU à payer à Mme X. à titre de dommages et intérêts les sommes de 7.005 euros en réparation du préjudice matériel lié aux frais de gardiennage et de remise en état du piano et 500 euros en réparation du préjudice de jouissance, le tout avec intérêts au taux légal à compter de sa décision, condamné la SARL DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU à payer à Mme X. la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens et a ordonné l'exécution provisoire.
Par déclaration en date du 3 mars 2015, la SARL DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU a interjeté appel de cette décision.
Par acte délivré les 26 mai et 29 mai 2015, la SARL DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU a assigné en intervention forcée GROUPAMA Rhône Alpes Auvergne et le GROUPE E..
Dans ses dernières conclusions du 5 mai 2017, la SARL DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter les époux X. de toutes leurs demandes, de dire que la manœuvre du chariot élévateur CATERPILLAR est à l'origine des dégâts occasionnés au piano, que les époux X. ne peuvent prétendre à titre de réparation des dégâts subis par leur piano qu'à l'allocation de 80 euros en application de la clause limitative de responsabilité contenue dans le contrat et de condamner GROUPAMA, assureur automobile, couvrant le chariot élévateur à la relever et garantir de l'ensemble de ses condamnations ; subsidiairement, dans l'hypothèse où il serait retenu que c'est à l'occasion de l'exécution du contrat de transport de déménagement que leur piano a été endommagé, de juger que les époux X. ne peuvent prétendre qu'à l'allocation de 80 euros en application de la clause limitative de responsabilité prévue au contrat ; à titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où serait retenue une faute inexcusable à l'occasion du contrat de transport de déménagement, de condamner AXA FRANCE et ALLIANZ GLOBAL CORP. chacune à hauteur de 50 % à la relever et garantir des condamnations mises à sa charge, de juger que les demandes dirigées à l'encontre des sociétés AXA FRANCE et ALLIANZ ne sont pas prescrites et qu'il n'y a pas lieu à déclarer ces demandes irrecevables pour cause de déchéance de la garantie pour déclaration tardive ; en tout état de cause, de débouter M. et Mme X. de leurs demandes en réparation de leur préjudice de jouissance, en paiement de la somme de 1.040 euros au titre de leur préjudice financier subi à l'occasion des frais de stockage complémentaires, de condamner tout succombant au paiement de la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d'appel.
L'appelante fait tout d'abord valoir qu'aux termes de l'additif au contrat versé aux débats, les époux X. ont opté pour la garantie contractuelle « SUPER ECO » soit une limite de responsabilité de l'entreprise pour la totalité des objets transportés de 4.500 euros et par objet transporté de 80 euros et que le contrat de garde-meubles renvoie aux clauses du contrat de déménagement, qu'elle est donc en droit d'opposer la clause contractuelle de limitation de responsabilité aux époux X.
Elle soutient que les époux X. ne rapportent pas la preuve qu'elle ait commis une faute inexcusable à l'occasion du contrat de déménagement qui seule peut tenir en échec la limitation d'indemnisation prévue par le contrat et que le sinistre qui a pour origine la maladresse du conducteur du chariot élévateur lors de la sortie du garde meubles de la caisse dans laquelle était entreposé le piano et doit donc être pris en charge par la société GROUPAMA Rhône-Alpes Auvergne en sa qualité d'assureur flotte automobile des véhicules ; que si une éventuelle faute de démontage et l'emballage hors caisse du piano par ses préposés était retenue, elle ne saurait caractériser la faute inexcusable et il ne pourrait être retenu qu'un préjudice encadré par les clauses limitatives de garantie choisies par les époux X., lesquelles ne peuvent s'analyser en des clauses abusives.
A titre infiniment subsidiaire, elle fait valoir que si une faute inexcusable était retenue, les sociétés AXA FRANCE et ALLIANZ GLOBAL CORPORATE lui devrait garantie sans que puisse lui être opposée la prescription biennale de l'article L. 114-1 du code des assurances, ni la déchéance de garantie pour déclaration tardive en application de l'article L. 113-2 du code des assurances ; qu'elle dispose en outre, aux termes des conditions générales de responsabilité civile des professionnels du transport d'une garantie faute lourde à concurrence du montant maximum par sinistre et sous déduction des franchises prévues aux conditions particulières.
Aux termes de leurs dernières conclusions du 20 avril 2017, les époux X. demandent à la cour à titre principal de confirmer dans toutes ses dispositions le jugement, de rejeter l'ensemble des demandes de GROUPAMA, du GROUPE E. et des assureurs AXA FRANCE IARD et ALLIANZ GLOBAL CORP ; à titre subsidiaire, de dire que la clause limitative de responsabilité du contrat de déménagement et du contrat de garde-meubles est abusive, de condamner l'appelante au paiement de la somme de 7.005 euros correspondant aux frais de gardiennage et de remise en état du piano et au paiement d'une somme de 2.000 euros à titre de réparation du préjudice de jouissance ; en tout état de cause, de débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes, de débouter les sociétés GROUPAMA, GROUPE E., AXA FRANCE et ALLIANZ GLOBAL CORP de l'ensemble de leurs demandes, de condamner la société DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU au paiement de la somme de 1.040 euros au titre du préjudice financier subi à raison des frais de stockage complémentaires, de la condamner ou tout succombant, au paiement d'une somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens qui pourront être recouvrés directement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Les époux X. exposent que la société DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU s'était engagée à transporter le piano de [ville P.] à [ville M.] puis à le garder en container scellé dans leurs locaux, que ce n'est qu'en appel qu'ils ont découvert, que les dégradations seraient liées à une chute du container dans le cadre de l'exécution du contrat de garde-meubles que la société appelante a expliqué pour la première fois dans ses écritures que les dégâts constatés sur le piano seraient dus à un déplacement de caisse intervenu le 21 mars 2013 au cours duquel le chariot élévateur aurait heuré une autre caisse qui serait alors tombée sur celle contenant le piano, que cette version est en contradiction avec la déclaration de sinistre effectuée auprès de son assureur qui faisait état d'une chute directe de la caisse contenant le piano.
Ils soutiennent que l'appelante a commis dans la mise en œuvre de son obligation contractuelle les manquements les plus graves constitutifs d'une faute lourde : incompétence dans l'évaluation des conditions d'enlèvement du piano, retard dans l'exécution de la prestation en raison de l'absence d'échelle escamotable, démontage imprévu du piano effectué par le personnel présent non qualifié, absence de mise en œuvre des mesures de protection nécessaires les plus élémentaires, transport des pièces du piano hors container sécurisé, refus de répondre aux courriers et mises en demeure des époux X. et dissimulation des circonstances du prétendu accident survenu avant la caisse dans laquelle le piano était conservé ; que si l'hypothèse de l'accident était retenue, la faute lourde est également caractérisée ; que les négligences avérées au regard des circonstances de l'enlèvement du piano et de son transport sans protection suffisante sont suffisantes à faire obstacle à l'application de la clause limitative de responsabilité.
A titre subsidiaire, les époux X. soutiennent que la cour devra écarter l'application de l'article L. 133-8 du code de commerce dès lors qu'ils ne sont pas commerçants et qu'ils ont contracté en qualité de consommateurs et que tout acte conclu entre commerçant et non-commerçant est soumis par principe à un régime dualiste, avec application du droit civil pour le non-commerçant et application du droit commercial pour le commerçant ; que la gravité des manquements de la société appelante, reconnue par le juge d'instance, permet de caractériser une faute inexcusable de nature à faire échec à la limitation de l'indemnisation du préjudice que ce soit au titre du droit civil ou au titre du droit commercial.
Ils soutiennent que la clause limitative de responsabilité dans les contrats de déménagement et de garde-meubles est abusive en application de l'article R. 212-1 du code de la consommation qui dispose qu'une clause est irréfragablement présumée abusive dès lors qu'elle supprime ou réduit le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations.
A titre subsidiaire, les époux X. font valoir que la société DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU a adjoint à son activité celle de garde-meubles et a fait signer un contrat en ce sens aux intimés, qu'en sa qualité de dépositaire, elle est tenue de veiller à la garde et la conservation des meubles confiés et que les dispositions du code de commerce visées par les parties adverses sont inapplicables au contrat de garde-meubles, qu'il y a une présomption de faute pour tous les dommages autres que ceux à propos desquels le garde-meubles a formulé des réserves précises sur l'inventaire remis au déposant, qu'en omettant d'attirer l'attention du client sur le danger d'entreposer le piano dans des locaux non adéquats, la société DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU a commis une faute lourde l'obligeant à réparer l'intégralité des dégâts.
Ils font valoir qu'aux termes du rapport d'expertise diligentée par l'assureur responsabilité civile de la société DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU, les dommages ont été évalués à 6.451,51 euros, qu'ils ont été contraints de recourir à une entreprise spécialisée dans la réparation de piano qui, dans le devis réalisé, a attesté que la remise en état du piano présentait des difficultés techniques trop importantes et ne paraissait plus sérieusement envisageable, qu'ils ont engagé des frais supplémentaires afin de stocker le piano endommagé et désormais inutilisable qui s'élèvent à la somme de 1.040 euros.
Selon ses dernières écritures du 5 mai 2017, le groupe E. ASTRAMAR, intervenant forcé et représentant les sociétés AXA FRANCE IARD et ALLIANZ GLOBAL CORPORATE intervenantes volontaires, demande à la cour de donner acte aux sociétés AXA FRANCE IARD et ALLIANZ GLOBAL CORPORATE de leur intervention volontaire ; de dire à titre principal les demandes de la société DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU irrecevables pour cause de déchéances des garanties et à titre subsidiaire de débouter la société DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU de ses demandes à leur encontre ; à titre subsidiaire, d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de débouter les époux X. de l'intégralité de leurs demandes, dirigées contre la société DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU et de dire l'assignation en intervention forcée dirigée à l'encontre du groupe E. ASTRAMAR sans objet ; subsidiairement, d'infirmer partiellement le jugement et faire application des limitations de responsabilités tirées du contrat de déménagement à hauteur de 80 euros, voire des limitations légales du contrat type général soit 750 euros, les assureurs en bénéficiant par ricochet ; en tout état de cause, de condamner tout contestant au paiement d'une indemnité de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens qui pourront être recouvrés directement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Ils soutiennent que la procédure en intervention forcée est irrecevable pour cause de déchéance de la garantie d'assurance au visa des dispositions de l'article L. 113-2 du code des assurances et que la conséquence directe de cette répercussion tardive a été d'empêcher les assureurs de l'appelante de mettre en place, en temps utile, les mesures conservatoires nécessaires.
Ils font valoir que la police souscrite par le groupe E. ASTRAMAR ne couvre pas le chariot élévateur dont la manutention est à l'origine du sinistre.
Enfin, ils soutiennent que le défaut de fondement de la demande principale rend sans objet la procédure en intervention forcée à leur encontre ; que les époux X. avaient opté pour la formule « super éco » qui ne couvrait pas de façon spécifique les contraintes induites par le transport d'un piano et que la faute inexcusable qui permettrait de faire obstacle à la limitation de responsabilité prévue au contrat en application des dispositions de l'article L. 133-8 du code de commerce, n'est pas démontrée.
Aux termes de ses dernières conclusions du 19 avril 2017, la société GROUPAMA RHÔNE-ALPES AUVERGNE demande à la cour de débouter la SARL DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU ainsi que tout autre concluant de leurs demandes formulées à son égard et de la mettre hors de cause ; subsidiairement, de dire que les époux X. ne sauraient solliciter une somme supérieure à 80 euros au titre de leur indemnisation et de les débouter du surplus de leur demandes, de débouter tout concluant du surplus de ses demandes ; en tout état de cause, de condamner tout succombant à lui verser la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui pourront être recouvrés directement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que la société DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU a souscrit auprès de GROUPAMA un contrat d'assurance « flotte de véhicules automobiles », que la société DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU ne rapporte pas la preuve que les conditions requises par la police pour engager la garantie de GROUPAMA sont réunies, qu'elle ne rapporte pas la preuve des circonstances au cours desquelles le dommage serait survenu et impliquant le chariot élévateur.
Elle soutient en outre que les dommages allégués sont exclus de la garantie de GROUPAMA résultant des dispositions générales du contrat d'assurance, que ne sont ainsi pas garantis les dommages atteignant les choses confiés ou loués au conducteur ou subis par les objets, marchandises transportés par le véhicule assuré ; que la société de déménagement a modifié sa version des faits telle que résultant de sa déclaration de sinistre du 4 juillet 2013 pour tenter d'échapper à l'exclusion de garantie qui lui était opposée.
Elle fait valoir en toute hypothèse que les époux X. ne rapportent pas la preuve d'une faute lourde interdisant à la société de déménagement de se prévaloir de la limite de responsabilité contractuellement prévue.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE,
Il convient de donner acte aux sociétés AXA FRANCE IARD et ALLIANZ GLOBAL CORPORATE de leur intervention volontaire.
Sur les demandes des époux X. à l'encontre de la société DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU :
Les époux X. ne contestent pas le jugement en ce qu'il a déclaré les demandes de M. X. irrecevables et le jugement sera confirmé sur ce point.
Il est constant que Mme X. souscrit le 8 novembre 2011 avec la société DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU un contrat de déménagement de ses meubles du [adresse P.] au [adresse M..] devant se dérouler du lundi 19 décembre 2011 avec une arrivée au 3 janvier 2012 mais également un contrat de garde meubles pour un piano droit devant être placé et conservé en caisse.
La lettre de voiture n° 5748 précise que le piano a été démonté hors caisse et sera mis en caisse de 4 m3 au garde meubles et ne sera pas remonté.
Aux termes d'un courrier du 21 mai 2012, Mme X. s'est inquiétée d'être sans nouvelle de son piano relayé par un nouveau courrier de son conseil du 18 juillet 2012 et la société DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU y a répondu par courrier du 1er août 2012 en l'informant que le piano démonté était dans une caisse de 4 m3 n°001 portant les n° de plombs 013845/013846 à leur garde-meubles de la [ville S.], lui demandant également de signer un nouveau contrat de garde-meubles tout en lui adressant les factures correspondant aux trois premiers trimestres 2012.
L'attestation signée contradictoirement par Mme X. et le représentant de la société DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU lors de la sortie du piano du garde-meubles le 21 mars 2013 fait mention de la réserve suivante « La caisse contient un piano démonté. Les pièces du piano n'ont pas été suffisamment protégées ni manipulées avec précaution. En conséquence, il a été constaté contradictoirement que les vanteaux sont tordus et cassés, les ivoires de certaines touches sont cassés également. Voici en l'état les constatations qui ont pu être faites » et en Nota Bene « Le piano avait été démonté à paris par la CIGOGNE. Il était en parfait état de fonctionnement ».
Si la société DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU ne conteste pas sa responsabilité dans la dégradation du piano droit de Mme X., elle entend lui opposer la limitation de responsabilité figurant dans le contrat de déménagement et reprise dans le contrat de garde-meubles, déniant le caractère inexcusable de la faute commise.
Or, selon ses propres déclarations faites à son assureur GROUPAMA, assureur de sa flotte de véhicules, elle reconnaît que le sinistre a eu lieu le 21 mars 2013 à la sortie du garde-meubles de [ville T.] en déplaçant la caisse de 4 m3 avec le chariot élévateur CATERPILLAR, celui-ci ayant percuté une autre caisse avec la caisse qu'il transportait, ce qui a entraîné sa chute du chariot endommageant le piano qui était à l'intérieur.
C'est donc bien lors de l'exécution du contrat de garde-meubles et non du contrat de déménagement que les dommages sont intervenus, et ces dommages résultent du fait de la société DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU.
C'est donc en tant que garde-meubles et dépositaire du piano que sa responsabilité se trouve engagée, les conditions générales du contrat rappelant à cet égard que l'entreprise est responsable des biens qui lui sont confiés dans les conditions édictées par les article 1927 à 1932 du code civil et plus particulièrement par celles de l'article 1933 qui n'exonère le dépositaire de sa responsabilité par les dégradations des choses dont il a la garde que s'il prouve qu'elles ne sont pas de son fait.
L'article 17 des conditions générales du contrat fixe une limitation de l'indemnisation dans la limite du préjudice matériel prouvé et des conditions particulières négociées entre l'entreprise et le client quant à la valeur du mobilier, ces conditions particulières fixant sous peine de nullité de plein droit du contrat :
- le montant de l'indemnisation maximum pour la totalité du mobilier ;
- le montant de l'indemnisation maximum par objet non valorisé sur une liste.
Les conditions particulières du contrat de garde-meubles ne font que reprendre textuellement sous la rubrique déclaration de valeur du mobilier la limitation de garantie prévue au contrat de déménagement, sans aucune référence au piano objet du contrat, à savoir :
- valeur totale du mobilier : 4.500 euros ;
- valeur maximale par objet ou élément de mobilier : les termes de la garantie souscrite sur votre contrat de déménagement s'appliquant à défaut, la valeur maximale par objet est fixée à 80 euros.
Cette seule référence à la garantie souscrite au contrat de déménagement qui limite la garantie du déménageur à la valeur globale déclarée pour la totalité des objets transportés soit 4.500 euros et à la valeur maximum par objets soit 80 euros, en l'absence de liste d'objets valorisés, est de nature à induire en erreur le client et entretenir une confusion entre la valeur déclarée du mobilier lors du déménagement et la valeur du mobilier confié au garde-meubles alors que les deux contrats sont indépendants et n'ont pas le même objet puisque le contrat de déménagement porte sur l'ensemble du mobilier des époux X. et que le contrat de garde-meubles ne porte que sur un seul meuble à savoir le piano dont la valeur déclarée au contrat ne se trouve finalement pas déterminée avec certitude.
Dès lors, cette clause de limitation de la responsabilité du dépositaire par seule référence à ce qui a été convenu entre les parties à l'occasion d'un autre contrat qui n'a pas le même objet, ne peut être opposée au client sans qu'il soit nécessaire de démontrer la faute lourde du dépositaire.
En conséquence, la société DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU doit réparer l'entier préjudice de Mme X. dont l'évaluation faite par le premier juge n'est pas sérieusement contestée à hauteur de la somme de 7.005 euros représentant : les frais d'intervention pour l'enlèvement du piano le 21 mars 2013 pour 515 euros, le coût de remise en état du piano pour 6160 euros et les frais de gardiennage du piano pour une période de 6 mois à compter du 25 mars 2013 pour 330 euros, outre la somme de 500 euros en réparation du préjudice résultant de la privation de jouissance du piano durant le temps de sa remise en état.
En conséquence, le jugement, par substitution de motifs, sera confirmé dans toutes ses dispositions
Mme X. ne justifie pas du préjudice complémentaire de jouissance qu'elle invoque en appel, d'autant qu'elle produit un courrier de la société GEBELIN du 4 juin 2015 qui indique que la remise en état du piano présente des difficultés techniques trop importantes et qu'il doit être plus sérieusement envisagé l'achat d'un piano neuf ou d'occasion de qualité similaire et qu'elle n'avait dès lors aucun intérêt à le conserver.
Elle sera donc déboutée de sa demande de ce chef.
Sur la garantie de la société GROUPAMA :
Il résulte de la déclaration de sinistre faite par la société DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU le 4 juillet 2013 au courtier d'assurance GESAM gérant le contrat assurance flotte souscrit auprès de la société GROUPAMA, que sans doute possible la détérioration du piano résulte d'un accident survenu à l'occasion de la manipulation d'un chariot élévateur couvert par la garantie.
Elle est ainsi libellée « Le 21 mars 2013, lors de la sortie du garde-meubles de Toulon, en déplaçant la caisse de 4 m3 avec le chariot élévateur CATERPLILLAR et en manipulant, le chariot élévateur a touché une autre caisse avec la caisse qu'il était en train de porter et cette dernière est tombée du chariot, endommageant le piano qui était à l'intérieur ».
Toutefois, la société GROUPAMA oppose à son assuré l'exclusion de garantie prévue aux conditions générales du contrat qui stipulent que les dommages subis par les objets transportés par un véhicule assuré ne sont pas garantis par le contrat d'assurance automobile garantissant les véhicules de la flotte de la société de déménagement.
Pour tenter d'échapper à cette absence de garantie, la société DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU allègue en vain d'une autre version des faits à savoir qu'en réalité la caisse transportée sur le chariot élévateur n'était pas celle dans laquelle était le piano qui se trouvait dans la caisse au sol percutée par celle tombée du chariot. Cette version qui ne correspond pas à celle particulièrement claire donnée lors de la déclaration de sinistre n'est corroborée par aucun élément de fait probant et ne peut qu'être écartée.
Par conséquent, les dommages causés au piano qui se trouvait dans la caisse transportée par le chariot élévateur ne peuvent être pris en charge au titre de l'assurance flotte et la société DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU sera déboutée de sa demande de garantie à l'encontre de la société GROUPAMA.
Sur la garantie de sociétés AXA FRANCE IARD et ALLIANZ GLOBAL CORPORATE :
Les sociétés AXA FRANCE IARD et ALLIANZ GLOBAL CORPORATE, assureurs responsabilité civile du transporteur, invoquent la déchéance de garantie en raison du caractère tardif de la notification de la déclaration de sinistre qui leur a été faite par la société GESAM.
Aux termes de l'article L. 113-2 du code des assurances et des conditions générales du contrat, l'assuré est obligé de déclarer à son assureur par lettre recommandée dans le délai de 5 jours ouvrés un sinistre de nature à entraîner la garantie de l'assureur et le caractère tardif de la déclaration ne peut être opposée à l'assuré que si l'assureur établit que le retard dans la déclaration lui a causé un préjudice.
En l'espèce, c'est par courrier du 17 septembre 2014 que le cabinet GESAM pour GROUPAMA a transmis au groupe E.-ASTRAMAR la déclaration de sinistre de la société DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU ainsi que le double du courrier de GROUPAMA TRANSPORT refusant de prendre en charge le sinistre.
Cette transmission a été effectuée tardivement plus d'un an et demi après la date du sinistre, après que la société GROUPAMA ait informé par courrier du 8 septembre 2014 le déménageur qu'elle ne garantirait pas le sinistre et fait diligenter une expertise à laquelle les assureurs responsabilité civiles n'ont pas été convoqués.
Elle est également intervenue après que la société DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU a été assignée par les époux X. devant le tribunal d'instance le 13 janvier 2014, celle-ci n'ayant par ailleurs pas jugé utile de l'attraire en première instance.
Le caractère tardif de cette déclaration qui n'a pas été faite directement par la société de déménagement, a nécessairement causé un préjudice aux assureurs responsabilité civile qui n'ont pas été en mesure d'instruire en temps utile un dossier de sinistre notamment sur les circonstances exactes de sa survenance qui ont été finalement contestées par la société de déménagement, ce qui leur aurait permis d'apprécier la mise en jeu de leur garantie et l'évaluation du préjudice dans le cadre d'une expertise amiable et contradictoire.
Les sociétés AXA FRANCE IARD et ALLIANZ GLOBAL CORPORATE sont donc bien fondées à opposer à la société DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU la déchéance de garantie pour déclaration tardive et la société DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU sera déclarée irrecevable dans ses demandes de garantie à leur encontre.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Donne acte aux sociétés AXA FRANCE IARD et ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY SE de leur intervention volontaire ;
Confirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute Mme X. de sa demande de dommages-intérêts complémentaires ;
Déboute la société DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU de ses demandes à l'encontre de la société GROUPAMA Rhône - Alpes ;
Déclare irrecevables les demandes de la société DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU à l'encontre des sociétés AXA FRANCE IARD et ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY SE ;
Condamne la société DÉMÉNAGEMENTS MOUSSEAU à payer à Mme X. la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société DEMENAGEMENTS MOUSSEAU à payer au groupe E. ASTRAMAR et aux sociétés AXA FRANCE IARD et ALLIANZ GLOBAL CORPORATE la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
La condamne aux dépens de l'appel qui pourront être recouvrés directement par les avocats qui en ont fait la demande conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier Pour le président empêché
- 5985 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Ordre logique des sanctions - Présentation générale
- 6003 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Rédaction et interprétation - Rédaction claire et compréhensible (L. 212-1, al. 1, C. consom.) - Clause confuses
- 6309 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Dépôt pur et garde-meubles