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CASS. COM., 13 septembre 2017

Nature : Décision
Titre : CASS. COM., 13 septembre 2017
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. commerciale
Demande : 16-16501
Décision : 17-1071
Date : 13/09/2017
Numéro ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:CO01071
Nature de la décision : Cassation avec renvoi
Mode de publication : Legifrance
Décision antérieure : CA BESANÇON (1re ch. civ. et com.), 5 janvier 2016
Numéro de la décision : 1071
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7079

CASS. COM., 13 septembre 2017 : pourvoi n° 16-16501 ; arrêt n° 1071

Publication : Legifrance

 

Extrait : « Attendu que toute cour d’appel autre que celle de Paris est dépourvue du pouvoir juridictionnel de statuer sur des demandes fondées sur les dispositions de l’article L. 442-6 du code de commerce ; que la méconnaissance de ces dispositions est sanctionnée par une fin de non-recevoir ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : 16-16501. Arrêt n° 1071.

DEMANDEUR à la cassation : Mme X. - Société Damideaux boissons

DÉFENDEUR à la cassation : Société BD Boissons Distribution

Mme Mouillard (président), président. SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat(s).

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d’office, dans les conditions de l’article 620 du code de procédure civile, après avertissement délivré aux parties :

 

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu les articles L. 442-6 III et D. 442-3 du code de commerce ;

 

CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause)                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que toute cour d’appel autre que celle de Paris est dépourvue du pouvoir juridictionnel de statuer sur des demandes fondées sur les dispositions de l’article L. 442-6 du code de commerce ; que la méconnaissance de ces dispositions est sanctionnée par une fin de non-recevoir ;

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X., qui exploite un fonds de commerce de café, bar, restaurant, a conclu, le 3 octobre 2006, avec la société Cafein grand Est, aux droits de laquelle vient la société BD boissons distribution (la société BD boissons), une convention commerciale de distribution aux termes de laquelle elle s’engageait à se fournir exclusivement auprès de cette société, durant une période de cinq ans, pour les boissons débitées dans son établissement ; que reprochant à Mme X., qui s’était approvisionnée auprès de la société Damideaux boissons (la société Damideaux), d’avoir manqué à son engagement et à cette dernière société de s’être rendue complice de ce manquement, la société BD boissons les a assignées devant le tribunal de commerce de Vesoul aux fins d’obtenir leur condamnation in solidum au paiement de l’indemnité de rupture stipulée au contrat ; que, devant la cour d’appel de Besançon, Mme X. et la société Damideaux ont invoqué les dispositions de l’article L. 442-6-1-2° du code de commerce et la nullité du contrat d’approvisionnement pour s’opposer à la demande en paiement formée par la société BD boissons ;

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu qu’après avoir écarté le moyen de nullité du contrat tiré du déséquilibre significatif qui l’affectait, l’arrêt retient que Mme X. a manqué à son engagement d’achat exclusif résultant du contrat conclu le 3 octobre 2006, aidée en cela par la société Damideaux ;

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Qu’en statuant ainsi, alors qu’il lui appartenait de relever d’office le moyen tiré de son défaut de pouvoir juridictionnel pour statuer sur l’application de l’article L. 442-6-1-2° du code de commerce et l’irrecevabilité en résultant de la demande fondée sur cet article, formée devant elle, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS et, sans qu’il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi : CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, confirmant le jugement, il condamne Mme X. à payer à la société BD boissons distribution la somme de 492,83 euros, lui donne acte de ce qu’elle ne s’oppose pas à la restitution du matériel et la condamne à restituer le perfect draft et l’installation de tirage pression, l’arrêt rendu le 5 janvier 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Besançon ; remet en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Besançon autrement composée ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize septembre deux mille dix-sept.

 

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme X. et la société Damideaux boissons.

 

PREMIER MOYEN DE CASSATION

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le moyen reproche à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir débouté un débitant de boissons (Mme X., exposante) de sa demande en annulation de la convention d’approvisionnement exclusif le liant à un brasseur (la société BD Boissons Distribution) ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS QUE la convention prévoyait une avance sur ristourne de 9.211,81 € amortissable à raison de 10 % du chiffre d’affaires hors taxes concernant les boissons hors bières en fûts et spiritueux et 45 € hors taxes par hectolitre de bière en fûts ; qu’elle précisait que l’engagement représentait un chiffre d’affaires annuel de 45.000 € ; que, selon les propres écritures du débitant, le chiffre d’affaires obtenu pour l’année précédente, soit 2005, était de 62.610 € hors taxes et qu’il avait été toujours supérieur par la suite à la somme de 45.000 €, notamment en 2006 et 2011 (cf. page 5 des écritures des exposantes) ; que la somme de 45.000 € retenue dans la convention n’était donc pas disproportionnée par rapport à l’activité globale du commerce géré par Mme X. ; que celle-ci opérait en effet une distinction entre le chiffre d’affaires proprement dit et les achats effectués pour affirmer que la convention prévoyait des achats de 45.000 € qui auraient imposé un chiffre d’affaires irréalisable de 180.000 € ; qu’en réalité, ce raisonnement dénaturait les termes de la convention qui énonçait seulement : « le client précise que le présent engagement représente un chiffre d’affaires annuel minimum de 45.000 euros hors taxes » ; que, s’agissant de l’avance sur ristourne, l’intéressé ne pouvait, sans se contredire, affirmer à la fois avoir remboursé dès le 4 octobre 2006 la quasi-totalité de ladite ristourne, à deux cents euros près, en établissant un chèque de 9.011,81 € au profit de la société Cafein Grand Est, et admettre dans ses écritures de première instance être encore redevable au titre de cette avance d’une somme de 493,20 € au 31 décembre 2011 ; que, dès lors, l’avance sur ristourne avait bien été versée par la société Cafein Grand Est, et la somme de 9.011,81 € réglée quelques jours plus tard par Mme X. à ce brasseur correspondait, non pas au remboursement de cette avance, mais au paiement d’une dette dont elle était redevable à l’égard du précédent brasseur, la société Ferrare, aux droits duquel venait la société Cafein Grand Est ; que cette analyse était confortée par le nantissement du fonds de commerce prévu à l’article 4 de la convention à concurrence de la somme de 9.011,81 € ; qu’ainsi, l’avance sur ristourne consentie par le brasseur et versée par ce dernier constituait bien la contrepartie de l’engagement d’exclusivité pris par le débitant de boissons, qui était de surcroît en capacité de solder, grâce à cette avance, la créance de l’ancien brasseur ; que le contrat n’était nullement dépourvu de cause et n’était pas à l’évidence déséquilibré (arrêt attaqué, p. 5 ; p. 6, alinéa 1) ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

ALORS QUE, d’une part, la convention d’approvisionnement exclusif prévoyait, à la charge du débitant de boissons, une exclusivité d’achat pour « toutes les boissons qui seraient débitées dans son établissement » et précisait que cet « engagement représentait un chiffre d’affaires annuel minimum de 45.000 euros HT, soit 225.000 euros pour la durée de la convention, soit 5 ans », tandis qu’à l’article 3 de ladite convention, intitulé « condition résolutoire - Indemnité », il était stipulé, à titre de clause pénale, qu’en cas de manquement partiel ou total à l’un quelconque de ses engagements, « le client serait redevable envers l’entrepositaire d’une indemnité HT égale à 30 % du chiffre d’affaires restant à livrer et du chiffre d’affaires non réalisé » ; qu’en affirmant que la somme de 45.000 € faisait référence au chiffre d’affaires du débitant qui, en réalité, lui était supérieur, de sorte que l’engagement d’exclusivité n’était pas disproportionné, quand il résultait clairement du rapprochement des clauses du contrat que le cafetier s’était engagé à un volume d’achats annuel minimum de 45.000 €, la cour d’appel a dénaturé ce contrat en violation de l’article 1134 du code civil ;

ALORS QUE, d’autre part, l’appréciation d’un déséquilibre significatif implique une analyse concrète et global du contrat ; qu’en retenant que l’engagement d’achat exclusif pris par le débitant de boissons avait pour contrepartie le règlement d’une avance sur ristourne de 9.211,81 € s’imputant sur les achats et que ce règlement lui avait permis « de surcroît » de s’acquitter, à concurrence de la somme de 9.011,81 €, d’une dette dont il restait redevable à l’égard du fournisseur, tout en constatant que ladite somme avait été payée pour libérer un nantissement consenti sur le fonds de commerce à concurrence de son exact montant, ce dont il résultait que le paiement de cette dette annulait, au seul profit du fournisseur, l’avance sur ristourne accordée au débitant de boissons et que, partant, l’engagement d’exclusivité pris par ce dernier se trouvait dépourvu de toute contrepartie, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l’article L. 442-6-I-2° du code de commerce.

 

DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le moyen reproche à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir condamné un débitant de boissons (Mme X., exposante) à payer à un brasseur (la société BD Boissons Distribution) la somme de 56.435,77 € à titre de clause pénale ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS QUE la convention commerciale de distribution liant Mme X. et la société Cafein Grand Est prévoyait en son article 3 qu’en cas de non-respect total ou partiel par le client de l’un de ses engagements, le contrat serait résolu de plein droit et que le client serait alors redevable envers l’entrepositaire d’une indemnité hors taxes égale à 30 % du chiffre d’affaires restant à livrer et du chiffre d’affaires non réalisé ; qu’il résultait du procès-verbal de constat établi par Maître Y., huissier de justice, le 9 septembre 2011 que Mme X. avait admis s’être fait livrer de la bière en fûts de 30 litres par la société Damideaux Boissons ; qu’elle ne versait aux débats aucune pièce susceptible de venir étayer ses affirmations selon lesquelles elle aurait eu des difficultés à se faire livrer par la société BD Boissons Distribution, si bien qu’elle ne pouvait valablement se prévaloir d’une quelconque exception d’inexécution ; que les livraisons de boissons opérées par la société Damideaux Boissons caractérisaient une violation manifeste de l’engagement d’achat exclusif contracté par Mme X. au profit de la société BD Boissons ; que ces faits étaient de nature à justifier à la fois la résolution de plein droit de la convention et le paiement de l’indemnité de rupture ; que, compte tenu de la durée du contrat et du chiffre d’affaires annuel prévu à la convention, l’indemnité de rupture s’établissait à la somme de 56.435,77 € ; que les exposantes soulignaient le caractère exorbitant de ladite indemnité qui correspondait à une année de chiffre d’affaires ; que, cependant, les contrats constituant la loi des parties et Mme X. ayant accepté cette clause contractuelle en toute connaissance de cause s’agissant d’une commerçante professionnelle, elle serait condamnée à payer la somme de 56.435,77 € à la société BD Boissons (arrêt attaqué, p. 6, § II) ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

ALORS QUE, d’une part, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine si elle est manifestement excessive ou dérisoire ; qu’en se fondant sur la loi des parties pour refuser d’apprécier le caractère exorbitant de l’indemnité convenue, équivalente au chiffre d’affaires généré sur un an par le fonds de commerce du distributeur de boissons, la cour d’appel a méconnu ses pouvoirs en violation de l’article 1152 du code civil ;

ALORS QUE, d’autre part, une clause pénale est susceptible d’être annulée au titre d’un déséquilibre significatif dès lors que les conditions en sont réunies ; qu’en se fondant sur la qualité de commerçant professionnel du distributeur de boissons pour refuser de vérifier le caractère manifestement excessif de l’indemnité convenue, équivalente au chiffre d’affaires réalisé sur un an par l’entreprise, la cour d’appel a violé l’article L. 442-6-I-2° du code de commerce.

 

TROISIÈME MOYEN DE CASSATION

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le moyen reproche à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir condamné un fournisseur (la société Damideaux Boissons, exposante), in solidum avec un débitant de boissons, à payer à un brasseur (la société BD Boissons Distribution) la somme de 56.435,77 € en qualité de tiers complice ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS QUE la société Damideaux Boissons avait été informée de l’existence de la convention commerciale de distribution ; que, malgré cette mise en garde, elle avait poursuivi durant plusieurs années ses livraisons à destination du bar « Le C. » ; qu’en agissant ainsi, elle avait sciemment aidé Mme X. à transgresser ses engagements contractuels et s’était donc comportée comme un tiers complice engageant sa responsabilité vis-à-vis de la société BD Boissons sur le fondement de l’article 1382 du code civil ; que ce comportement était d’autant plus critiquable que les contrats de bière constituaient un usage courant dans ce domaine professionnel ; que la faute délictuelle commise par la société Damideaux avait contribué à la réalisation du préjudice subi par la société BD Boissons du fait des moindres ventes enregistrées par cette dernière et du détournement de clientèle, le volume des transactions opérées entre les exposantes important peu à propos du second aspect (arrêt attaqué, p. 6, dernier alinéa ; p. 7, alinéa 1) ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

ALORS QUE la cassation à intervenir au vu des deux premiers moyens entraînera l’annulation par voie de conséquence de la disposition par laquelle la juridiction du second degré a condamné le tiers complice, in solidum avec le cafetier, au paiement de la clause pénale, en application de l’article 624 du code de procédure civile.