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CASS. CIV. 1re, 18 octobre 2017

Nature : Décision
Titre : CASS. CIV. 1re, 18 octobre 2017
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. civile 1
Demande : 16-14571
Décision : 17-1112
Date : 18/10/2017
Numéro ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:C101112
Nature de la décision : Cassation avec renvoi
Mode de publication : Legifrance
Décision antérieure : CA BORDEAUX (1re ch. civ. sect. A), 13 janvier 2016
Numéro de la décision : 1112
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7099

CASS. CIV. 1re, 18 octobre 2017 : pourvoi n° 16-14571 ; arrêt n° 1112

Publication : Legifrance

 

Extrait : « Mais attendu qu'ayant constaté que le prêt litigieux était expressément qualifié de professionnel, puis énoncé que le prélèvement des échéances sur un compte personnel n'était pas exclusif d'une telle qualification dont l'emprunteur ne démontrait pas le caractère erroné, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 18 OCTOBRE 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : 16-14571. Arrêt n° 1112.

DEMANDEUR à la cassation : Monsieur X.

DÉFENDEUR à la cassation : Crédit agricole mutuel Charente-Périgord

Mme Batut (président), président. SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Yves et Blaise Capron, avocat(s).

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'entre le 18 septembre 2001 et le 19 juillet 2008, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Charente-Périgord (la banque) a consenti sept prêts à M. X. (l'emprunteur) ; qu'après en avoir prononcé la déchéance du terme, la banque a, le 11 juillet 2011, assigné l'emprunteur en paiement des sommes restant dues au titre de ces prêts, à l'exception de celui consenti sous forme notariée ;

 

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que l'emprunteur fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande en paiement relative au prêt n° 70XX776, alors, selon le moyen, que ne sont exclus du champ d'application des dispositions du code de la consommation relatives aux prêts de consommation et aux prêts immobiliers que les prêts destinés à financer une activité professionnelle ; que la mention du caractère professionnel du prêt ne doit pas permettre d'éluder la protection du code de la consommation quand le prêt n'est pas réellement destiné au financement d'une activité professionnelle ; que l'emprunteur faisait valoir que si le prêt n° 70XX776 était qualifié de prêt professionnel dans l'offre de prêt, il s'agissait d'une mention erronée, le prêt étant conclu à titre personnel et les échéances du prêt étant prélevées sur son compte personnel ; qu'en se bornant à affirmer, pour écarter ces circonstances et retenir le caractère professionnel de ce prêt, excluant ainsi l'application des dispositions du code de la consommation, qu'il s'agissait simplement du compte que l'emprunteur avait indiqué au prêteur pour le remboursement des échéances, et que l'emprunteur exerçait la profession d'agent immobilier, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants à caractériser la destination professionnelle du prêt, et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles L. 311-3, dans sa rédaction antérieure à la loi du 1er juillet 2010, et L. 312-3 du code de la consommation ;

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Mais attendu qu'ayant constaté que le prêt litigieux était expressément qualifié de professionnel, puis énoncé que le prélèvement des échéances sur un compte personnel n'était pas exclusif d'une telle qualification dont l'emprunteur ne démontrait pas le caractère erroné, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;

 

Sur le second moyen du pourvoi principal :

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que l'emprunteur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts pour manquement de la banque à ses devoirs de conseil, de mise en garde et de prudence, alors, selon le moyen :

1°/ que l'emprunteur faisait longuement valoir que la banque avait manqué à son obligation de mise en garde et de conseil en n'appelant pas son attention sur les risques liés à la multiplicité des prêts souscrits, soit cinq prêts souscrits en moins de six ans pour un montant total de plus de 130.000 euros, et au taux d'endettement exceptionnel de 41 % auquel conduisait l'ensemble de ces prêts ; que la cour d'appel n'a pas répondu sur ce point, se bornant à affirmer qu'il ne pouvait être reproché à la banque de n'avoir pas anticipé les difficultés économiques à venir et qu'il n'était pas justifié d'un soutien abusif compte tenu de la situation de l'emprunteur à la date de conclusion des prêts, tandis que le tribunal ne s'était pas prononcé sur le caractère exceptionnel de la multiplicité d'engagements contractés, ni sur l'incidence du taux d'endettement sur l'obligation de mise en garde incombant à la banque ; qu'en statuant ainsi, sans répondre au moyen selon lequel la banque avait manqué à son obligation de mise en garde et de conseil au regard du caractère exceptionnel tant de la multiplicité des prêts souscrits que du taux d'endettement de l'emprunteur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que, dans ses conclusions d'appel, l'emprunteur critiquait les énonciations des premiers juges selon lesquelles il disposait des compétences particulières pour apprécier la portée de ses engagements, étant propriétaire exploitant d'une société de conseil en gestion immobilière et de négociation immobilière, et ayant ensuite participé à la création de plusieurs sociétés toutes spécialisées dans l'immobilier, soulignant qu'ils avaient commis une erreur d'appréciation, et contestait longuement la qualité d'emprunteur averti qui avait été retenue, en faisant notamment valoir qu'à la date de conclusion des prêts, il ne disposait que de peu d'expérience, sa première entreprise ayant été créée en 2002, et en produisant un certain nombre de pièces à l'appui de ses prétentions ; que la cour d'appel, ne se prononçant nullement à cet égard, n'a apporté aucune réponse à ces moyens des conclusions de l'appelant, et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que l'emprunteur faisait encore valoir que la banque avait commis une faute par le soutien abusif qu'elle lui avait apporté, non seulement lors de la conclusion des contrats de prêt mais encore en maintenant ces concours par la suite, sans user en temps opportun des facultés dont elle disposait pour y mettre fin ni restructurer les crédits, tandis qu'il l'avait alertée, à maintes reprises, sur ses difficultés financières ; que la cour d'appel n'a pas répondu sur ce point, se bornant à affirmer qu'il n'était justifié d'aucun prêt pour la période postérieure aux difficultés financières de l'emprunteur de sorte qu'on ne pouvait caractériser de soutien abusif ; qu'en statuant ainsi, sans répondre au moyen selon lequel la banque avait commis une faute consistant dans la poursuite abusive des contrats de prêt postérieurement à leur conclusion, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Mais attendu qu'après avoir énoncé que l'emprunteur n'offrait pas la preuve de la disproportion des engagements antérieurs à celui souscrit le 19 juillet 2008, la cour d'appel a constaté qu'à cette date, ses revenus mensuels s'établissaient à 6.936,17 euros, tandis que le remboursement de ses emprunts s'élevait à 2.846,14 euros par mois, puis relevé que l'intéressé disposait d'un important patrimoine immobilier dont il n'avait pas informé la banque de la récente diminution destinée à gratifier ses proches ; qu'elle a ajouté que M. X. n'avait enregistré une baisse de ses revenus qu'à compter de la fin de l'année 2008 et qu'il n'avait connu son premier incident de paiement qu'au mois d'août 2009 ; qu'elle a, par ces seuls motifs, sans retenir le caractère averti de l'emprunteur, exclu la nécessité de le mettre en garde et fait ressortir l'absence de tout soutien abusif ; que le moyen n'est pas fondé ;

 

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident :

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l'article 2241 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels, l'arrêt retient que le délai de prescription de cette action a été interrompu par l'assignation délivrée par la banque ;

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Qu'en statuant ainsi, alors que la demande en justice n'interrompt la prescription qu'au profit de son auteur, de sorte que l'assignation de la banque n'avait pu interrompre la prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels formée par M. X., la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi principal ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en paiement de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Charente-Périgord au titre du prêt n° 824YY16701, et en ce qu'il rejette ses demandes tendant à voir condamner M. X. à lui payer une somme supérieure à celle de 15.617,92 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 2011 au titre du prêt n° 824WW9701, ainsi qu'une somme supérieure à celle de 8.298,53 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 2011 au titre du prêt n° 7000VV132, l'arrêt rendu le 13 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Pau ;

Condamne M. X. aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille dix-sept.

 

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour M. X., demandeur au pourvoi principal,

 

PREMIER MOYEN DE CASSATION

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, confirmant le jugement entrepris, condamné M. X. à payer à la Crcam Charente Périgord au titre du prêt n° 70XX776 les sommes de 24.517,11€ telle qu'arrêtée au 3 juin 2013 avec intérêts au taux conventionnel de retard de 8,75 % l'an à compter de cette date jusqu'à complet paiement, et de 1.454,06 € à titre d'indemnité de recouvrement avec intérêts au taux conventionnel à compter du jugement jusqu'à complet paiement ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Aux motifs propres que « Prêt 70XX776. Selon offre préalable du 19 juillet 2008, la banque a consenti à monsieur X. un prêt d'un montant de 20 000€ stipulé remboursable en 120 échéances au taux nominal de 5,75 %, soit un Teg de 6,5707 %. Ce prêt était expressément qualifié de professionnel de sorte que les dispositions du code de la consommation n'ont pas à s'appliquer à ce prêt. Le fait que les échéances de l'emprunt aient été prélevées sur le compte personnel de monsieur X. est insuffisant à lui ôter tout caractère professionnel s'agissant du numéro de compte que l'emprunteur a décidé de donner au prêteur pour le remboursement des échéances. Il n'en reste pas moins que l'emprunteur, qui exerçait la profession d'agent immobilier, a bien souscrit un prêt professionnel de sorte qu'il supporte la charge de la preuve du caractère erroné de cette qualification. Il ne procède à ce titre que par affirmations de sorte que c'est à bon droit que le premier juge a retenu ce caractère professionnel. Le débat sur les clauses abusives est donc de plus fort sans portée et la créance a été exactement appréciée par le premier juge de sorte que le jugement sera confirmé sur ce point » (arrêt attaqué, p. 6) ;

Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que « s'agissant du prêt n° 70XX776 d'un montant de 20.000 € souscrit le 19 juillet 2008 et intitulé « Contrat de prêt » : son objet est intitulé « Part sociale Investissements divers » et sa désignation est renseignée sous le vocable « Prêt professionnel » ; en l'absence de tout élément tendant à établir que ces mentions seraient erronées et que le prêt aurait été consenti à Monsieur X. à titre personnel, il n'apparaît pas que celui-ci relève du crédit à la consommation, de sorte que l'exception d'incompétence soulevée le concernant sera rejetée » (jugement entrepris, p. 10) ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Alors que ne sont exclus du champ d'application des dispositions du code de la consommation relatives aux prêts de consommation et aux prêts immobiliers que les prêts destinés à financer une activité professionnelle ; que la mention du caractère professionnel du prêt ne doit pas permettre d'éluder la protection du code de la consommation quand le prêt n'est pas réellement destiné au financement d'une activité professionnelle ; que M. X. faisait valoir que si le prêt n° 70XX776 était qualifié de prêt professionnel dans l'offre de prêt, il s'agissait d'une mention erronée, le prêt étant conclu à titre personnel et les échéances du prêt étant prélevées sur son compte personnel ; qu'en se bornant à affirmer, pour écarter ces circonstances et retenir le caractère professionnel de ce prêt, excluant ainsi l'application des dispositions du code de la consommation, qu'il s'agissait simplement du compte que l'emprunteur avait indiqué au prêteur pour le remboursement des échéances, et que l'emprunteur exerçait la profession d'agent immobilier, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants à caractériser la destination professionnelle du prêt, et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles L. 311-3, dans sa rédaction antérieure à la loi du 1er juillet 2010, et L. 312-3 du code de la consommation.

 

SECOND MOYEN DE CASSATION

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, confirmant le jugement entrepris, débouté M. X. de ses demandes tendant à voir déclarer la Crcam Charente Périgord responsable d'un manquement à ses devoirs de conseil, de mise en garde et de prudence, et d'avoir en conséquence débouté M. X. de sa demande en paiement de dommages et intérêts équivalents au montant de la créance de la Crcam Charente Périgord ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Aux motifs propres que « Monsieur X. considère que la banque a manqué à ses obligations à son endroit et lui a ainsi causé un préjudice qu'il évalue au montant des sommes qu'il reste devoir. Il sollicite en conséquence des dommages et intérêts dont le montant devrait exactement se compenser avec sa dette. (…) En outre sur la faute, monsieur X. procède essentiellement par affirmations. S'il existe effectivement plusieurs crédits, il n'en demeure pas moins qu'ils ont été consentis également sur plusieurs années et que monsieur X. n'a rencontré des difficultés financières qu'à compter de fin 2008 début 2009 de sorte qu'on voit mal comment la banque aurait pu lors de la souscription des prêts de 2002 ou 2003 anticiper de difficultés à venir. Cela est d'autant plus le cas que la plupart des prêts avaient une nature de prêts immobiliers et étaient destinés à financer des travaux dans la résidence principale de monsieur X. Ils étaient souscrits à chaque fois pour un montant raisonnable dans une perspective de travaux d'amélioration d'un habitat. Monsieur X. disposait de ressources confortables et d'un patrimoine immobilier dont il a décidé de céder la nue-propriété à ses enfants au moment où il a commencé à rencontrer des difficultés financières ce dont à l'évidence il ne peut se prévaloir pour caractériser un manquement de la banque. En toute hypothèse le dernier prêt a été souscrit à l'été 2008 et c'est uniquement, même en suivant monsieur X. dans son argumentation, à compter de la fin 2008 qu'il a connu une diminution de son activité et par là même de ses revenus. Il n'est justifié d'aucun prêt pour la période postérieure de sorte que l'on ne peut caractériser de soutien abusif » (arrêt attaqué, p. 6) ;

Et aux motifs, à les supposer adoptés, des premiers juges que « en matière de crédit immobilier, le prêteur n'a pas l'obligation légale de s'assurer de la solvabilité de l'emprunteur, mais la jurisprudence met à sa charge un devoir de conseil et de mise en garde des emprunteurs non avertis contre les risques encourus. Ce devoir de conseil et de mise en garde ne s'impose que si le crédit proposé ou sollicité n'est pas parfaitement adapté aux capacités financières de l'emprunteur et si ce dernier est un profane. La qualité d'emprunteur averti ou profane s'apprécie au regard de sa profession, de ses aptitudes à apprécier la portée de ses engagements au moment de la signature de l'offre de prêt. S'agissant de l'appréciation du risque d'endettement et de la proportionnalité de l'engagement, la jurisprudence considère que la faute de la banque s'apprécie non pas en fonction d'une situation financière révélée postérieurement à la souscription du crédit mais de la situation apparente au moment de l'acceptation de l'offre. En l'occurrence, les prêts litigieux ont été souscrits entre 2001 et 2008 et les premiers impayés sont survenus au mois d'août 2009. Les parties s'accordent pour reconnaître qu'avant le mois d'août 2009, Monsieur X. avait honoré tous ses engagements tant personnels que professionnels. Monsieur X. était en effet propriétaire exploitant de la Sarl A. Immobilier installée [adresse], créée en 2002, ayant pour activité le conseil en gestion immobilière et la négociation immobilière. Il a ultérieurement participé à la création de plusieurs sociétés toutes spécialisées dans l'immobilier dont certaines ont été dissoutes au cours de l'année 2010. Par ces seules qualités, et bien que la plupart des prêts a été souscrite à titre personnel, Monsieur X. disposait de compétences particulières pour apprécier la portée de ses engagements, s'agissant en outre de prêts classiques à échéances fixes, constituant des mécanismes financiers ne présentant aucune complexité ni aléa ou risque particulier. Pour apprécier le caractère disproportionné de ses engagements, monsieur X. choisit de se référer à l'année 2008, renonçant ainsi implicitement à invoquer cet argument pour les prêts souscrits antérieurement, de sorte que seule l'année 2008 sera examinée. Monsieur X. indique qu'à cette époque, ses revenus personnels étaient de 6.936,17 € par mois et ses charges d'emprunt de 2.846,14 €, étant cependant précisé que même si son épouse n'était pas liée par ses engagements bancaires, elle disposait de revenus personnels lui permettant de contribuer aux charges du ménage. Monsieur X. disposait également d'un patrimoine immobilier conséquent. Toutefois, le 8 avril 2008, soit trois mois avant la souscription du dernier prêt de 20.000 € en date du 19 juillet 2008, Monsieur X. a fait donation à ses enfants des immeubles de R. et de D. avec réserve d'usufruit et interdiction d'aliéner, réduisant ainsi considérablement la consistance de son patrimoine immobilier sur lequel s'appuie habituellement un organisme prêteur pour consentir un prêt. Monsieur X. prétend que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente Périgord avait été préalablement informée de cette donation et de ce qui en résultait pour lui, ce qui ne ressort pas clairement des pièces qu'il produit lesquelles démontrent seulement que le prêt immobilier afférent à l'un des deux immeubles avait fait l'objet d'un remboursement anticipé par Monsieur X. le 4 avril 2008 à hauteur de 113.462,76 €, soit quatre jours avant la donation. A cet égard il convient de relever qu'il n'est nullement précisé comment ce prêt a été remboursé, si ce n'est que l'on peut supposer que Monsieur X. disposait soit de liquidités, soit de garanties suffisantes pour obtenir d'autres concours bancaires. De fait, au vu de ces éléments, il est loin d'être démontré que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente Périgord avait à sa disposition plus de renseignements et d'informations que Monsieur X. n'était lui-même en mesure de lui en fournir, pour se livrer à une analyse financière de sa situation. En revanche, la qualité des relations professionnelles qu'elle entretenait depuis 2001 avec Monsieur X., le respect de ses engagements financiers et l'importance de ses revenus lui permettaient d'envisager de dépasser de façon exceptionnel le seuil d'endettement de 33 % habituellement consenti par les usages bancaires, afin de consentir à ce dernier un dernier prêt dit « professionnel » non pas destiné à reconstituer une trésorerie éventuellement défaillante ce qui aurait pu créer des inquiétudes, mais à des « part sociale – investissements divers ». Dans ces conditions et au vu de ces éléments, il n'est nullement démontré que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente Périgord ait commis une quelconque faute de nature à engager sa responsabilité au titre de ses devoirs de conseil, de mise en garde et de prudence, de sorte que Monsieur X. sera débouté de ses demandes formées de ce chef » (jugement entrepris, p. 14 et 15) ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

1°) Alors que M. X. faisait longuement valoir que la banque avait manqué à son obligation de mise en garde et de conseil en n'appelant pas son attention sur les risques liés à la multiplicité des prêts souscrits, soit cinq prêts souscrits en moins de six ans pour un montant total de plus de 130.000 €, et au taux d'endettement exceptionnel de 41% auquel conduisait l'ensemble de ces prêts (conclusions d'appel, p. 20 et s.) ; que la cour d'appel n'a pas répondu sur ce point, se bornant à affirmer qu'il ne pouvait être reproché à la banque de n'avoir pas anticipé les difficultés économiques à venir et qu'il n'était pas justifié d'un soutien abusif compte tenu de la situation de l'emprunteur à la date de conclusion des prêts, tandis que le tribunal ne s'était pas prononcé sur le caractère exceptionnel de la multiplicité d'engagements contractés, ni sur l'incidence du taux d'endettement sur l'obligation de mise en garde incombant à la banque ; qu'en statuant ainsi, sans répondre au moyen selon lequel la Crcam avait manqué à son obligation de mise en garde et de conseil au regard du caractère exceptionnel tant de la multiplicité des prêts souscrits que du taux d'endettement de M. X., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) Alors que dans ses conclusions d'appel, M. X. critiquait les énonciations des premiers juges selon lesquelles il disposait des compétences particulières pour apprécier la portée de ses engagements, étant propriétaire exploitant d'une société de conseil en gestion immobilière et de négociation immobilière, et ayant ensuite participé à la création de plusieurs sociétés toutes spécialisées dans l'immobilier, soulignant qu'ils avaient commis une erreur d'appréciation, et contestait longuement la qualité d'emprunteur averti qui avait été retenue, en faisant notamment valoir qu'à la date de conclusion des prêts, il ne disposait que de peu d'expérience, sa première entreprise ayant été créée en 2002, et en produisant un certain nombre de pièces à l'appui de ses prétentions (p. 23 et 24) ; que la cour d'appel, ne se prononçant nullement à cet égard, n'a apporté aucune réponse à ces moyens des conclusions de l'appelant, et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) Alors que M. X. faisait encore valoir que la banque avait commis une faute par le soutien abusif qu'elle lui avait apporté, non seulement lors de la conclusion des contrats de prêt mais encore en maintenant ces concours par la suite, sans user en temps opportun des facultés dont elle disposait pour y mettre fin ni restructurer les crédits, tandis qu'il l'avait alertée à maintes reprises sur ses difficultés financières (conclusions d'appel, p. 20, §1, et p. 25 et s.) ; que la cour d'appel n'a pas répondu sur ce point, se bornant à affirmer qu'il n'était justifié d'aucun prêt pour la période postérieure aux difficultés financières de M. X. de sorte qu'on ne pouvait caractériser de soutien abusif ; qu'en statuant ainsi, sans répondre au moyen selon lequel la Crcam avait commis une faute consistant dans la poursuite abusive des contrats de prêt postérieurement à leur conclusion, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Charente-Périgord, demanderesse au pourvoi incident,

 

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté la caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente-Périgord de ses demandes formées au titre du prêt n° 824YY16701, de ses demandes tendant à la condamnation de M. X., au titre du prêt n° 824WW9701, à lui payer des sommes supérieures à la somme de 15 617, 92 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 2011 et de ses demandes tendant à la condamnation de M. X., au titre du prêt n° 7000VV132, à lui payer des sommes supérieures à la somme de 8.298,53 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 2011 ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Prêt 824YY16701. Selon offre préalable du 6 septembre 2002 il a été consenti à Monsieur X. un prêt immobilier d'un montant de 30.000 € stipulé remboursable en 84 échéances au taux nominal de 5,55 %, soit un teg de 6,4161 %. / Des échéances sont demeurées impayées et la déchéance du terme a été prononcée. / La banque produit effectivement un décompte de sorte que ce n'est pas pour ce motif que sa prétention était mal fondée. Cependant, ainsi que l'a exactement caractérisé le premier juge, la prétention visant à la déchéance du droit aux intérêts n'était pas prescrite et ce au regard des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008. / Or, contrairement aux dispositions de l'article L. 312-7 du code de la consommation, la banque ne justifie pas avoir adressé au prêteur l'offre préalable par voie postale. La banque soutient que le délai de réflexion a cependant été respecté et invoque la date d'émission de l'offre. Toutefois, cette date d'émission ne peut en aucun cas suppléer à l'absence d'envoi par voie postale étant encore observé que l'émission de l'offre ne permet pas de savoir à quelle date elle a été remise à l'emprunteur. / Il y a donc bien lieu à déchéance du droit aux intérêts. Dans de telles conditions la banque n'établit pas qu'il subsiste une créance en capital puisque tous les paiements réalisés par l'emprunteur devaient s'imputer sur le capital initial compte tenu de la déchéance. / Pour ces motifs substitués à ceux des premiers juges, le jugement sera confirmé. / Prêt 824WW9701. Selon offre préalable du 9 avril 2003, la banque a consenti à Monsieur X. un prêt immobilier d'un montant de 46.000 € stipulé remboursable en 180 échéances au taux nominal de 4,95 %, soit un teg de 5,8787 %. / Des échéances sont demeurées impayées et la déchéance du terme a été prononcée. / Pour les motifs exposés ci-dessus, la demande au titre de la déchéance des intérêts n'est pas prescrite. / Là encore et contrairement aux dispositions de l'article L. 312-7 du code de la consommation, la banque ne justifie pas avoir adressé au prêteur l'offre préalable par voie postale. La banque soutient que le délai de réflexion a cependant été respecté et invoque la date d'émission de l'offre. Toutefois, cette date d'émission ne peut en aucun cas suppléer à l'absence d'envoi par voie postale étant encore observé que l'émission de l'offre ne permet pas de savoir à quelle date elle a été remise à l'emprunteur. / Il y a donc bien lieu à déchéance du droit aux intérêts. 86 échéances ont été réglées pour un montant total de 30.382,08 € qui doit s'imputer sur le capital de sorte que la créance de la banque s'établit à la somme de 15.617,92 € à l'exception de toute autre somme. / […] Le jugement sera en conséquence réformé sur le seul montant et Monsieur X. condamné au paiement de la somme de 15.617,92 € avec intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 2011, date de l'assignation valant mise en demeure. / […] Prêt 7000VV132. Selon offre préalable du 16 août 2004, la banque a consenti à Monsieur X. un prêt immobilier d'un montant de 20.000 € stipulé remboursable en 120 échéances au taux nominal de 3,56 % soit un teg de 4,4161 %. / Des échéances sont demeurées impayées et la déchéance du terme a été prononcée. / Pour les motifs exposés ci-dessus, la demande au titre de la déchéance des intérêts n'est pas prescrite. / Là encore et contrairement aux dispositions de l'article L. 312-7 du code de la consommation, la banque ne justifie pas avoir adressé au prêteur l'offre préalable par voie postale. La banque soutient que le délai de réflexion a cependant été respecté et invoque la date d'émission de l'offre. Toutefois, cette date d'émission ne peut en aucun cas suppléer à l'absence d'envoi par voie postale étant encore observé que l'émission de l'offre ne permet pas de savoir à quelle date elle a été remise à l'emprunteur. / Il y a donc bien lieu à déchéance du droit aux intérêts. 59 échéances ont été réglées pour un montant total de 11.701,47 € qui doit s'imputer sur le capital de sorte que la créance de la banque s'établit à la somme de 8.298,53 € à l'exception de toute autre somme. / […] Le jugement sera en conséquence réformé sur le seul montant et Monsieur X. condamné au paiement de la somme de 8.298,53 € avec intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 2011, date de l'assignation valant mise en demeure » (cf., arrêt attaqué, p. 4 à 7) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « suivant acte d'huissier du 11 juillet 2011, la caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente-Périgord a fait assigner Monsieur X. devant le tribunal de grande instance de Périgueux sur le fondement des articles 1134, 1154, 1905 et suivants du code civil, L. 312-1 et suivants du code de la consommation afin de l'entendre condamner à lui payer les sommes dues au titre de chacun des prêts, autre que le prêt notarié. / […] Aux termes de l'article 312-7 du code de la consommation le prêteur est tenu de formuler par écrit une offre adressée gratuitement par voie postale à l'emprunteur éventuel. / Aux termes d'une jurisprudence constante de la cour de cassation, l'inobservation de cette règle de forme est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts. / La déchéance du droit aux intérêts n'affectant pas les conditions de formation du contrat et n'étant pas une nullité, celle-ci ne relève pas de l'article 1304 du code civil et se prescrivait par dix ans avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 qui a ramené ce délai à cinq ans. / La loi qui réduit la durée du délai d'une prescription ou d'une forclusion fait courir le nouveau délai à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. / En application de ces principes, il convient de constater que : - la prescription décennale n'était acquise pour aucun des contrats avant le 19 juin 2008, date d'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, le plus ancien des contrats ayant été souscrit en 2001, - le délai de cinq ans a donc commencé à courir le 19 juin 2008 mais seulement jusqu'au 18 septembre 2011 date d'expiration du délai de prescription décennale pour le prêt le plus ancien, - or, à cette date, l'assignation avait déjà été délivrée devant le tribunal. / En conséquence, l'action en déchéance du droit aux intérêts n'est prescrite pour aucun des prêts. / […] Pour le surplus, la caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente-Périgord ne rapporte pas la preuve des offres de prêt n° 824427116701 - 824WW9701 - 7000VV132 par voie postale. / En conséquence, la déchéance du droit aux intérêts est encourue pour chacun de ces prêts » (cf., jugement entrepris, p. 3 ; p. 12 et 13) ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

ALORS QUE pour être interruptive de prescription, la citation en justice doit être adressée à celui que l'on veut empêcher de prescrire ; qu'en énonçant, dès lors, pour retenir que les demandes de M. X. tendant à la déchéance du droit aux intérêts de la caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente-Périgord relativement aux prêts n° 824YY16701, n° 824WW9701 et n° 7000VV132, que la prescription décennale n'était acquise pour aucun des contrats avant le 19 juin 2008, date d'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, le plus ancien des contrats ayant été souscrit en 2001, que le délai de cinq ans avait donc commencé à courir le 19 juin 2008 mais seulement jusqu'au 18 septembre 2011, date d'expiration du délai de prescription décennale pour le prêt le plus ancien et qu'à cette date, l'assignation avait déjà été délivrée devant le tribunal de grande instance de Périgueux, quand il résultait de ses propres constatations que cette assignation avait été délivrée par la caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente-Périgord à M. X., et non par M. X. à la caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente-Périgord, et quand, dès lors, cette même assignation n'était pas interruptive des prescriptions auxquelles étaient soumises les demandes de M. X. tendant à la déchéance du droit aux intérêts de la caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente-Périgord relativement aux prêts n° 824YY16701, n° 824WW9701 et n° 7000VV132, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 2244 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 19 décembre 2011, qui est applicable à la cause.