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CASS. COM., 20 septembre 2017

Nature : Décision
Titre : CASS. COM., 20 septembre 2017
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. commerciale
Demande : 16-14812
Décision : 17-1136
Date : 20/09/2017
Numéro ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:CO01136
Nature de la décision : Rejet
Mode de publication : Legifrance
Décision antérieure : CA PARIS (pôle 1 ch. 1), 15 décembre 2015
Numéro de la décision : 1136
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7115

CASS. COM., 20 septembre 2017 : pourvoi n° 16-14812 ; arrêt n° 1136

Publication : Legifrance ; Bull. civ.

 

Extrait : « Attendu qu’aux termes de l’article 7, point 2, du règlement (UE) 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, tel qu’interprété par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 14 juillet 2016, aff. C-196/15 Granolo SpA c. Ambroisi Emmi France SA), une action indemnitaire fondée sur une rupture brutale de relations commerciales établies de longue date ne relève pas de la matière délictuelle ou quasi délictuelle, au sens de ce règlement, s’il existait, entre les parties, une relation contractuelle tacite reposant sur un faisceau d’éléments concordants, parmi lesquels sont susceptibles de figurer, notamment, l’existence de relations commerciales établies de longue date, la bonne foi entre les parties, la régularité des transactions et leur évolution dans le temps exprimée en quantité et en valeur, les éventuels accords sur les prix facturés et/ou sur les rabais accordés, ainsi que la correspondance échangée ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : 16-14812. Arrêt n° 1136.

DEMANDEUR à la cassation : Société Etablissements Proutheau-Laboute

DÉFENDEUR à la cassation : Société de droit belge AVR BVBA

Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président), président. SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat(s).

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

 

Sur le moyen unique :

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 15 décembre 2015), rendu sur contredit, que la société de droit belge AVR BVBA (la société AVR), qui conçoit et fabrique du matériel agricole, était en relation d’affaires depuis l’année 2003 avec la société Etablissements Proutheau-Laboute (la société Proutheau), distributeur ; que cette relation ayant cessé en janvier 2010, la société Proutheau a assigné devant le tribunal de commerce de Paris la société AVR en réparation de son préjudice, sur le fondement de l’article L. 442-6-I-5° du code de commerce ; que la société AVR a soulevé une exception d’incompétence au profit des juridictions belges ; que le tribunal de commerce de Paris s’est dit compétent ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que la société Proutheau fait grief à l’arrêt de déclarer le tribunal de commerce de Paris incompétent et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir alors, selon le moyen :

1°/ qu’une action indemnitaire pour rupture brutale d’une relation commerciale établie est, à tout le moins lorsque les relations ne sont pas régies par un contrat cadre, de nature délictuelle, tant en droit français qu’en droit de l’Union européenne ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que les relations commerciales entre les parties n’étaient pas régies par ce contrat cadre ; qu’en considérant, pour déclarer le tribunal de commerce de Paris incompétent, que la demande indemnitaire de la société Etablissements Proutheau-Laboute à l’encontre de la société AVR BVBA, pour rupture de relation commerciale établie, relevait de la matière contractuelle, la cour d’appel a violé l’article L. 442-6-I-5° du code de commerce, ensemble l’article 5, 3° du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ;

2°/ que l’action de la société Etablissements Proutheau-Laboute était fondée sur la rupture brutale, par la société AVR BVBA, d’une relation commerciale établie et non sur la rupture d’un contrat ; qu’en considérant, pour accueillir le contredit, que la « rupture des relations contractuelles » relevait de la matière contractuelle au sens de l’article 5.1 du règlement n° 44/2001, la cour d’appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Mais attendu qu’aux termes de l’article 7, point 2, du règlement (UE) 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, tel qu’interprété par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 14 juillet 2016, aff. C-196/15 Granolo SpA c. Ambroisi Emmi France SA), une action indemnitaire fondée sur une rupture brutale de relations commerciales établies de longue date ne relève pas de la matière délictuelle ou quasi délictuelle, au sens de ce règlement, s’il existait, entre les parties, une relation contractuelle tacite reposant sur un faisceau d’éléments concordants, parmi lesquels sont susceptibles de figurer, notamment, l’existence de relations commerciales établies de longue date, la bonne foi entre les parties, la régularité des transactions et leur évolution dans le temps exprimée en quantité et en valeur, les éventuels accords sur les prix facturés et/ou sur les rabais accordés, ainsi que la correspondance échangée ; que l’arrêt relève que la société AVR a vendu pendant plusieurs années, soit de 2003 à 2010, du matériel agricole à la société Proutheau que cette dernière distribuait en France ; qu’il ajoute que l’article 5 des conditions générales des contrats de vente conclus entre les parties, intitulé « Lieu de livraison », précisait « les marchandises sont censées être livrées à partir de nos magasins avant expédition » ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir l’existence d’une relation contractuelle tacite, la cour d’appel, qui n’a pas méconnu les termes du litige, a pu retenir que l’action relevait de la matière contractuelle et, les marchandises étant livrées en Belgique, déclarer le tribunal de commerce de Paris incompétent ; que le moyen n’est pas fondé ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Etablissements Proutheau-Laboute aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société AVR BVBA la somme de 3.000 euros et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille dix-sept.

 

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyen produit par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour la société Etablissements Proutheau-Laboute

 

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré le tribunal de commerce de Paris incompétent et renvoyé les parties à se mieux pourvoir ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS QUE la société de droit belge AVR BVBA a vendu pendant plusieurs années à la société française Proutheau-Laboute du matériel agricole que celle-ci distribuait en Eure-et-Loir sans contrat-cadre ni exclusivité ; qu’en assignant la société française Proutheau-Laboute en paiement d’un solde de factures sur le fondement des articles 1134, 1135 et 1147 du code civil, devant les juridictions françaises, en l’espèce le tribunal de commerce de Chartres, la société de droit belge AVR BVBA a tacitement mais nécessairement et en pleine connaissance de cause renoncé à se prévaloir de la clause attributive de compétence au profit des juridictions belges figurant notamment sur les factures prévoyant (clause 11) : « En cas de différend, seuls les tribunaux du siège du vendeur sont compétents » ; que seules les règles de conflit de juridictions doivent être mises en oeuvre pour déterminer la juridiction compétente combien même des dispositions impératives constitutives de lois de police, comme en l’espèce celles de l’article L. 442-6-I-5° du code de commerce, seraient applicables au fond du litige ; que l’article 5 du Règlement CE 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale dispose : « Une personne domiciliée sur le territoire d’un Etat membre peut être attraite, dans un autre Etat membre : 1) a) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ; b) aux fins d’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu de l’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est : - pour la vente de marchandises, le lieu d’un Etat membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées, - pour la fourniture de services le lieu d’un Etat membre où en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ; c) le point a s’applique si le point b ne s’applique pas (…) ; 3) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire » ; que si, en droit français, la rupture brutale d’une relation commerciale établie, sans préavis écrit, engage la responsabilité délictuelle de son auteur, il n’en demeure pas moins que selon la jurisprudence constante de la CJCE devenue CJUE, la notion de « matière contractuelle » doit être interprétée de manière autonome en se référant aux systèmes et aux objectifs de la convention, en vue d’assurer l’application uniforme de celle-ci dans tous les Etats contractants, cette notion ne saurait, dès lors, être comprise comme renvoyant à la qualification que la loi nationale applicable donne au rapport juridique en cause devant la juridiction nationale ; que selon la Cour de justice de l’Union européenne, la matière délictuelle a un caractère résiduel et une demande qui ne repose pas sur « un engagement librement assumé d’une partie envers l’autre » se rattache à la matière délictuelle ; que cette matière comprend toute demande qui vise à mettre en jeu la responsabilité d’un défendeur et qui ne se rattache pas à la matière contractuelle au sens de l’article 5.1 du Règlement ; qu’en l’espèce, la rupture des relations contractuelles, son caractère licite ou abusif relève de la matière contractuelle au sens de l’article 5.1 du Règlement n° 44/2001 ; que selon l’article 5.1 b) du Règlement précité, pour la vente de marchandise, le lieu de l’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est le lieu d’un Etat membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées ; qu’il résulte de l’article 5 « Lieu de livraison » des conditions générales des contrats de vente conclus entre les parties que « Les marchandises sont censées livrées à partir de nos magasins avant expédition » ; qu’en conséquence, au regard du lieu de livraison en Belgique où a eu lieu la vente, il convient, accueillant le contredit, de déclarer le tribunal de commerce de Paris incompétent et de renvoyer les parties à se mieux pourvoir ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

1°) ALORS QU’une action indemnitaire pour rupture brutale d’une relation commerciale établie est, à tout le moins lorsque les relations ne sont pas régies par un contrat cadre, de nature délictuelle, tant en droit français qu’en droit de l’Union européenne ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que les relations commerciales entre les parties n’étaient pas régies par ce contrat cadre (avenant page 3 dernier paragraphe) ; qu’en considérant, pour déclarer le tribunal de commerce de Paris incompétent, que la demande indemnitaire de la société Etablissements Proutheau-Laboute à l’encontre de la société AVR BVBA, pour rupture de relation commerciale établie, relevait de la matière contractuelle, la cour d’appel a violé l’article L. 442-6-I-5° du code de commerce, ensemble l’article 5, 3° du Règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ;

2)° ALORS QUE l’action de la société Etablissements Proutheau-Laboute était fondée sur la rupture brutale, par la société AVR BVBA, d’une relation commerciale établie et non sur la rupture d’un contrat ; qu’en considérant, pour accueillir le contredit, que la « rupture des relations contractuelles » relevait de la matière contractuelle au sens de l’article 5.1 du règlement n° 44/2001, la cour d’appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.