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CA PARIS (pôle 1 ch. 1), 15 décembre 2015

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 1 ch. 1), 15 décembre 2015
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 1 ch. 1
Demande : 15/10615
Date : 15/12/2015
Nature de la décision : Compétence
Mode de publication : Jurica
Décision antérieure : CASS. COM., 20 septembre 2017
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7365

CA PARIS (pôle 1 ch. 1), 15 décembre 2015 : RG n° 15/10615

Sur pourvoi Cass. com., 20 septembre 2017 : pourvoi n° 16-14812 ; arrêt n° 1136

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Considérant que seules les règles de conflit de juridictions doivent être mises en œuvre pour déterminer la juridiction compétente combien même des dispositions impératives constitutives de lois de police, comme en l'espèce celles de l'article L. 442-6-1-5° du code de commerce, seraient applicables au fond du litige ».

2/ « Considérant que si en droit français, la rupture brutale d'une relation commerciale établie, sans préavis écrit engage la responsabilité délictuelle de son auteur, il n'en demeure pas moins que selon la jurisprudence constante de la CJCE devenue CJUE, la notion de « matière contractuelle » doit être interprétée de manière autonome en se référant aux systèmes et aux objectifs de la convention, en vue d'assurer l'application uniforme de celle-ci dans tous les Etats contractants, cette notion ne saurait, dès lors, être comprise comme renvoyant à la qualification que la loi nationale applicable donne au rapport juridique en cause devant la juridiction nationale ; Que selon la Cour de Justice de l'Union Européenne, la matière délictuelle a un caractère résiduel et une demande qui ne repose pas sur « un engagement librement assumé d'une partie envers l'autre » se rattache à la matière délictuelle ; que cette matière comprend toute demande qui vise à mettre en jeu la responsabilité d'un défendeur et qui ne se rattache pas à la matière contractuelle au sens de l'article 5.1du Règlement ;

Considérant qu'en l'espèce, la rupture des relations contractuelles, son caractère licite ou abusif relève de la matière contractuelle au sens de l'article 5.1 du Règlement n° 44/2001 ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 1 CHAMBRE 1

ARRÊT DU 15 DÉCEMBRE 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/10615 (5 pages). CONTREDIT. Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 mai 2015 - Tribunal de Commerce de PARIS – R.G. n° 2014049569.

 

DEMANDERESSE AU CONTREDIT :

Société AVR BVBA

prise en la personne de ses représentants légaux, représentée par Maître Philippe J. P. de la SELARL J.-P., avocat postulant du barreau de PARIS, toque : P0017, assistée par Maître Patricia B., avocat au barreau de CHARTRES,

 

DÉFENDERESSE AU CONTREDIT :

SARL ETS P. L.

prise en la personne de ses représentants légaux, représentée par Maître S., avocat postulant du barreau de PARIS, représentée par Maître Isabelle G.-A., avocat plaidant du barreau de CHARTRES

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 novembre 2015, en audience publique, le rapport entendu, les avocats des parties ne s'y étant pas opposé, devant Madame GUIHAL, conseillère, faisant fonction de présidente et Madame DALLERY, conseillère, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame GUIHAL, conseillère, faisant fonction de présidente, Madame DALLERY, conseillère, Madame BOUVIER, conseillère, appelée pour compléter la cour conformément aux dispositions de l'ordonnance de roulement portant organisation des services rendue le 26 août 2015 par Madame le premier président de la cour d'appel de PARIS.

Greffier, lors des débats : Madame PATE Mélanie

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame GUIHAL, conseillère, faisant fonction de présidente et par Madame PATE, greffier présent lors du prononcé.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La société de droit belge AVR BVBA a pour activité la conception et la production de matériel agricole notamment pour la culture de la pomme de terre.

La SARL Etablissements P.-L. a pour activité la vente de matériels et de pièces agricoles neufs ou d'occasion.

Les relations d'affaires qui existaient entre ces deux sociétés depuis l'année 2003 ont cessé en janvier 2010.

P.-L. invoquant la distribution à partir de l'année 2003, en [département], des matériels destinés au traitement des pommes de terre produits par AVR BVBA, a fait assigner cette dernière par acte du 26 août 2014 devant le tribunal de commerce de Paris pour rupture brutale des relations commerciales établies sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce pour obtenir réparation de son préjudice.

Par jugement du 11 mai 2015, le tribunal de commerce de Paris, rejetant l'exception d'incompétence au profit du tribunal belge de commerce de Courtrai soulevée par AVR BVBA, s'est déclaré compétent.

AVR BVBA a formé contredit à ce jugement.

Aux termes de ses conclusions n° 2 reprises oralement à l'audience, elle prie la cour la recevant en son contredit, d'infirmer le jugement, de dire le tribunal de commerce de Paris incompétent au profit du Tribunal de commerce de Courtrai, de dire que le droit applicable est le droit belge, de débouter P.-L. de ses demandes et de condamner celle-ci à lui verser 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La contredisante soutient en premier lieu que la clause attributive de compétence mentionnée notamment sur les factures et les contrats de vente est valable sur le fondement de l'article 17 de la Convention, de Bruxelles et de l'article 23 du Règlement (CE) 44/2001 du 22 décembre 2000, qu'elle n'y a pas renoncé et que, selon la jurisprudence française, elle doit être mise en œuvre même en présence de dispositions impératives constitutives de lois de police applicables au litige. Elle dit que cette clause doit s'appliquer y compris pour un litige relevant du domaine délictuel comme c'est le cas de l'article L. 442-6 du code de commerce dès lors que cette clause, rédigée en termes généraux visent tout litige quel que soit son fondement.

En second lieu, la société belge fait valoir qu'en tout état de cause, le tribunal de commerce de Courtrai est compétent au regard du droit communautaire applicable sur le fondement des articles 2 et 5 du Règlement (CE) 44/2001 du 22 décembre 2000, ajoutant qu'au regard de la notion de lien le plus étroit avec l'obligation en cause, la Cour de cassation considère que dans le cadre d'une action fondée sur une prétendue rupture de relations d'affaires établies, la juridiction territorialement compétente est celle du lieu où se trouve le siège social de la société qui aurait dû donner un préavis.

Par des conclusions déposées et reprises oralement à l'audience, P.-L., se prévalant du principe de l'estoppel et de l'article 122 du code de procédure civile, demande de constater que la contredisante a volontairement renoncé à l'application de la clause attributive de compétence aux juridictions belges ainsi qu'à l'application de la loi belge et que les juridictions françaises sont compétentes pour trancher le litige. Subsidiairement, elle dit que les conditions générales de vente d'AVR BVBA sont inopposables ou en tout cas inapplicables à la responsabilité délictuelle, fondement de son action, de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris et très subsidiairement, de dire ce tribunal compétent en vertu du droit communautaire, le dommage issu du fait générateur résultant de la décision de AVR BVBA étant survenu en France, de débouter la contredisante de ses demandes, d'évoquer le litige et d'inviter la société belge à présenter son argumentation au fond, enfin, de condamner celle-ci à lui verser 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR QUOI :

Considérant que la société de droit belge AVR BVBA a vendu pendant plusieurs années à la société française P.-L. du matériel agricole que celle-ci distribuait en [département] sans contrat cadre ni exclusivité ;

Considérant qu'en assignant la société française P.-L. en paiement d'un solde de factures sur le fondement des articles 1134, 1135 et 1147 du code civil, devant les juridictions françaises, en l'espèce le tribunal de commerce de Chartres, la société de droit belge AVR BVBA a tacitement mais nécessairement et en pleine connaissance de cause renoncé à se prévaloir de la clause attributive de compétence au profit des juridictions belges figurant notamment sur les factures prévoyant (clause 11) : « En cas de différend, seuls les tribunaux du siège du vendeur sont compétents » ;

Considérant que seules les règles de conflit de juridictions doivent être mises en œuvre pour déterminer la juridiction compétente combien même des dispositions impératives constitutives de lois de police, comme en l'espèce celles de l'article L. 442-6-1-5° du code de commerce, seraient applicables au fond du litige ;

Considérant que l'article 5 du Règlement CE 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale dispose : « Une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut être attraite, dans un autre Etat membre :

1) a) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ;

b) aux fins d'application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu de l'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande est :

- pour la vente de marchandises, le lieu d'un Etat membre où, en vertu du contrat les marchandises ont été ou auraient dû être livrées,

- pour la fourniture de services, le lieu d'un Etat membre où en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ;

c) le point a s'applique si le point b ne s'applique pas ; ... »

...

3) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire » ;

Considérant que si en droit français, la rupture brutale d'une relation commerciale établie, sans préavis écrit engage la responsabilité délictuelle de son auteur, il n'en demeure pas moins que selon la jurisprudence constante de la CJCE devenue CJUE, la notion de « matière contractuelle » doit être interprétée de manière autonome en se référant aux systèmes et aux objectifs de la convention, en vue d'assurer l'application uniforme de celle-ci dans tous les Etats contractants, cette notion ne saurait, dès lors, être comprise comme renvoyant à la qualification que la loi nationale applicable donne au rapport juridique en cause devant la juridiction nationale ;

Que selon la Cour de Justice de l'Union Européenne, la matière délictuelle a un caractère résiduel et une demande qui ne repose pas sur « un engagement librement assumé d'une partie envers l'autre » se rattache à la matière délictuelle ; que cette matière comprend toute demande qui vise à mettre en jeu la responsabilité d'un défendeur et qui ne se rattache pas à la matière contractuelle au sens de l'article 5.1du Règlement ;

Considérant qu'en l'espèce, la rupture des relations contractuelles, son caractère licite ou abusif relève de la matière contractuelle au sens de l'article 5.1 du Règlement n° 44/2001 ;

Considérant que selon l'article 5.1 b) du Règlement précité, pour la vente de marchandises, le lieu de l'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande est le lieu d'un Etat membre où, en vertu du contrat les marchandises ont été ou auraient dû être livrées ;

Considérant qu'il résulte de l'article 5 « Lieu de livraison » des conditions générales des contrats de vente conclus entre les parties que « Les marchandises sont censées livrées à partir de nos magasins avant expédition... » ; Qu'en conséquence, au regard du lieu de livraison en Belgique où a eu lieu la vente, il convient, accueillant le contredit, de déclarer le tribunal de commerce de Paris incompétent et de renvoyer les parties à se mieux pourvoir ;

Considérant que la détermination de la loi applicable ne relève pas du contredit ;

Considérant que P.-L. est condamnée à payer à AVR BVBA la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

Reçoit le contredit ;

Infirme le jugement ;

Déclare le tribunal de commerce de Paris incompétent,

Renvoie les parties à se mieux pourvoir ;

Condamne la société P.-L. aux frais du contredit ainsi qu'au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE     LA CONSEILLÈRE, faisant fonction de présidente