CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA BORDEAUX (1re ch. civ.), 9 novembre 2017

Nature : Décision
Titre : CA BORDEAUX (1re ch. civ.), 9 novembre 2017
Pays : France
Juridiction : Bordeaux (CA), 1re ch.
Demande : 16/04238
Date : 9/11/2017
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 30/06/2016
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2017-022865
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 7121

CA BORDEAUX (1re ch. civ.), 9 novembre 2017 : RG n° 16/04238 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « En cause d'appel, il n'est pas contesté que le contrat de prêt consenti par l'appelante aux époux X., constituait un prêt à la consommation et ce même si le montant du prêt était supérieur à celui de 21.500 euros applicable à cette date, dès lors que les parties avaient procédé à une application volontaire des dispositions relatives aux prêts à la consommation. »

2/ « Mais, sans même qu'il y ait lieu de déterminer si ces causes relevaient d'une clause abusive, il convient de rappeler que par application des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation tel qu'applicable à la date du contrat, la sanction d'une telle clause n'est pas la déchéance du droit aux intérêts pour le prêteur mais le caractère réputé non écrit de la clause. La déchéance des intérêts pourrait certes être encourue si la clause réputée non écrite une fois soustraite du contrat, il subsistait une offre ne satisfaisant pas aux règles de formalisme prévues par les dispositions des anciens articles L. 311-8 à L. 311-13 du code de la consommation.

Tel n'est pas le cas en l'espèce puisqu'en dehors de cette clause litigieuse l'offre préalable correspondait bien aux prévisions sus visées et que la déchéance du terme n'a pas été prononcée pour un des motifs visés à la clause contestée mais pour le motif de défaillance de l'emprunteur dans le paiement des échéances ».

 

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 9 NOVEMBRE 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 16/04238 (Rédacteur : Catherine BRISSET, conseiller). Nature de la décision : AU FOND. Décision déférée à la cour : jugement rendu le 20 mai 2016 par le Tribunal d'Instance de BORDEAUX (R.G. n° 14-003277) suivant déclaration d'appel du 30 juin 2016.

 

APPELANTE :

SA CRÉDIT FONCIER ET COMMUNAL D'ALSACE ET DE LORRAINE CFCAL

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [...]

représentée par Maître C. substituant Maître Carolina C.-O. de la SCP J. - C. AVOCATS DYNAMIS EUROPE, avocats au barreau de BORDEAUX

 

INTIMÉS :

M. X.

né le [date] à [ville], de nationalité Française, demeurant [adresse]

Maria Y. épouse X.

née [date] à [ville], de nationalité Française, demeurant [adresse]

représentés par Maître G. substituant Maître Lauriane D., avocats au barreau de BORDEAUX

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 septembre 2017 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Catherine BRISSET, conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Michèle ESARTE, président, Catherine COUDY, conseiller, Catherine BRISSET, conseiller.

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Selon offre de prêt en date du 11 juillet 2006, acceptée le 12 juillet 2006, la SA Crédit Foncier et Communal d'Alsace et de Lorraine (CFCAL) a consenti à M. et Mme Y. épouse X. un prêt d'un montant de 57.000 euros remboursable en 120 mensualités au taux révisable sur la base de l'Euribor 3 mois.

Des mensualités étant demeurées impayées, la banque s'est prévalue de la déchéance du terme puis, par acte du 1er octobre 2014, a fait assigner les époux X. devant le tribunal d'instance de Bordeaux en paiement des sommes restant dues, soit 19.915,32 euros en principal.

Par jugement du 20 mai 2016, le tribunal s'est déclaré compétent, a déclaré l'action de la banque recevable mais l'a déboutée de toutes ses prétentions.

Le tribunal a retenu que le prêt relevait d'une application conventionnelle des dispositions du code de la consommation pour un crédit à la consommation, que l'action n'était pas forclose mais qu'il existait une cause de déchéance du droit aux intérêts. Le tribunal a considéré que compte tenu de cette déchéance, les emprunteurs avaient déjà soldé le capital dû par eux.

La SA CFCAL a relevé appel de la décision le 30 juin 2016.

Dans ses dernières écritures en date du 27 janvier 2017, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, elle conclut à la réformation du jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts et l'a déboutée de ses demandes et sollicite condamnation solidaire des époux X. au paiement de la somme de 19.915,32 euros avec intérêts au taux contractuel à compter du 1er août 2014. Elle demande en outre la capitalisation des intérêts et la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que si le tribunal a jugé à bon droit que son action était recevable c'est à tort qu'il l'a déchue de son droit aux intérêts alors que les débiteurs reconnaissaient devoir la somme réclamée. Elle soutient que la clause considérée comme abusive par le tribunal n'a pas pour effet d'aggraver la situation des emprunteurs ou d'instaurer un déséquilibre entre les parties, alors en outre que la sanction d'une telle clause n'est pas la déchéance du droit aux intérêts. Elle s'oppose à des délais de paiement.

Dans leurs dernières écritures en date du 28 novembre 2016, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, les époux X. concluent à la confirmation du jugement et à titre subsidiaire à des délais de paiement. Ils demandent condamnation de l'appelante à leur payer la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils soutiennent que le contrat de prêt comprenait bien des clauses abusives justement relevées d'office par le premier juge et qu'il y avait donc lieu à déchéance du droit aux intérêts. Subsidiairement, ils invoquent leur situation et sollicitent des délais de paiement comprenant des échéances mensuelles plafonnées à 200 euros sans application d'intérêts.

La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 14 septembre 2017.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

En cause d'appel, il n'est pas contesté que le contrat de prêt consenti par l'appelante aux époux X., constituait un prêt à la consommation et ce même si le montant du prêt était supérieur à celui de 21.500 euros applicable à cette date, dès lors que les parties avaient procédé à une application volontaire des dispositions relatives aux prêts à la consommation.

Le premier incident de paiement non régularisé est constitué par l'échéance de septembre 2013 de sorte que l'action en paiement introduite par l'assignation du 1er octobre 2014 l'a bien été dans le délai de deux ans. C'est à bon droit que le premier juge l'a déclarée recevable.

Le débat tient à titre principal à la déchéance du droit aux intérêts telle qu'appliquée par le prêteur.

Le premier juge a considéré que l'offre préalable émise par le prêteur n'était pas conforme aux dispositions de L. 311-33 du code de la consommation tel qu'applicable au jour du contrat, dans la mesure où elle contenait une clause qu'il a retenue comme abusive.

Cependant, il apparaît, ainsi que l'a relevé le premier juge, que l'offre préalable émise par la banque contenait bien toutes les énonciations obligatoires. Il s'y ajoutait une clause comportant des causes de déchéance du terme supplémentaires. Mais, sans même qu'il y ait lieu de déterminer si ces causes relevaient d'une clause abusive, il convient de rappeler que par application des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation tel qu'applicable à la date du contrat, la sanction d'une telle clause n'est pas la déchéance du droit aux intérêts pour le prêteur mais le caractère réputé non écrit de la clause. La déchéance des intérêts pourrait certes être encourue si la clause réputée non écrite une fois soustraite du contrat, il subsistait une offre ne satisfaisant pas aux règles de formalisme prévues par les dispositions des anciens articles L. 311-8 à L. 311-13 du code de la consommation.

Tel n'est pas le cas en l'espèce puisqu'en dehors de cette clause litigieuse l'offre préalable correspondait bien aux prévisions sus visées et que la déchéance du terme n'a pas été prononcée pour un des motifs visés à la clause contestée mais pour le motif de défaillance de l'emprunteur dans le paiement des échéances.

C'est donc à tort que le premier juge a retenu une déchéance du droit aux intérêts et le jugement doit être infirmé.

L'action de la banque est donc bien fondée en son principe. Si elle ne présente pas un décompte récapitulant de manière claire sa créance en capital et échéances impayées, il est possible, à partir de ce décompte, de déterminer la créance dans les termes suivants :

- 3.455,67 euros au titre des échéances impayées,

- 139,18 euros au titre des primes d'assurance impayées,

- 15.013,48 euros au titre du capital restant dû,

- 1 euro au titre de l'indemnité conventionnelle après réduction de la clause pénale manifestement excessive au regard du taux d'intérêt stipulé comme révisable sur la base de l'Euribor.

Le surplus des intérêts tel que sollicité par la banque ne peut être admis puisqu'il court sur une somme ne correspondant pas à un capital restant dû au jour des impayés pris en compte et n'est pas davantage explicité.

Les époux X. seront donc condamnés solidairement à payer à la banque la somme de 18.609,33 euros avec à compter du 1er août 2014 intérêts au taux contractuel sur 15.013,48 euros et légal pour le surplus.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée par année entière dans les conditions de l'ancien article 1154 du code civil à compter du 1er octobre 2014, date de la demande en justice.

À titre subsidiaire, les intimés formulent une demande de délais de paiement. Il est exact qu'en première instance la banque ne s'était pas opposée à des délais de paiement. Cependant, tel n'est plus le cas en cause d'appel, la banque faisant état des larges délais dont ont bénéficié les époux X.. S'il résulte du décompte présenté par la banque que les époux X., ont tenté de régulariser leur situation à plusieurs reprises et s'ils n'avaient pas contesté le principe de leur dette, il apparaît toutefois que les époux X. ne justifient pas de leur situation actuelle de ressources. Surtout, leur proposition d'apurement sous forme d'échéance plafonnées à 200 euros par mois ne conduirait à apurer qu'une fraction très faible, puisque d'un quart environ, de la dette pendant le délai de l'ancien article 1244-1 du code civil. Elle est de surcroît inférieure, sans explication, à ce qu'ils proposaient en première instance puisque devant le premier juge ils proposaient des échéances de 300 euros par mois à compter de juillet 2016. Il ne peut donc être fait droit à leur demande de délais de paiement.

Des considérations tirées de l'équité et de la situation respective des parties conduisent à exclure l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Parties perdantes, les époux X. seront solidairement condamnés aux entiers dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Condamne solidairement M. X. et Mme Y. épouse X. à payer à la SA Crédit Foncier et Communal d'Alsace et de Lorraine la somme de 18.609,33 euros avec à compter du 1er août 2014 intérêts au taux contractuel sur 15.013,48 euros et légal pour le surplus,

Ordonne la capitalisation des intérêts par année entière à compter du 1er octobre 2014,

Rejette la demande de délais de paiement,

Dit n'y avoir lieu à indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne solidairement M. X. et Mme Y. épouse X. aux dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Madame Michèle ESARTE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,               Le Président,