CA AIX-EN-PROVENCE (8e ch. B), 23 novembre 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 7246
CA AIX-EN-PROVENCE (8e ch. B), 23 novembre 2017 : RG n° 15/19756 ; arrêt n° 2017/398
Publication : Jurica
Extrait : « Contrairement à ce qu'affirme Mme X., l'acte de cautionnement comporte, aux termes de la mention manuscrite légale, la durée du cautionnement soit 5 années de sorte que l'appelante en connaissait parfaitement l'échéance. L'article 6 de cet acte intitulé : « durée-cessation du cautionnement » indique très précisément les modalités de dénonciation du cautionnement par lettre recommandée avec accusé de réception et la durée de préavis soit 90 jours. Mme X. a également, aux termes de l'article 11 de l'acte, reconnu avoir reçu une copie de l'acte de cautionnement, de sorte qu'elle est totalement infondée à soutenir qu'elle ne disposait pas des informations nécessaires pour la dénonciation de son engagement. S'agissant de la durée du préavis, elle n'a rien d'excessif au regard de la durée de l'engagement de caution lui-même, elle ne crée aucun déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties et ne saurait par conséquent être qualifiée de clause abusive. »
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
HUITIÈME CHAMBRE B
ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/19756. Arrêt n° 2017/398. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 6 octobre 2015 enregistré(e) au répertoire général sous le R.G. n° 2014/7484.
APPELANTE :
SA LYONNAISE DE BANQUE
agissant poursuites et diligences de son représentant légal, dont le siège social est sis [adresse], représentée par Maître Martial V., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Maître Julie R., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉE :
Madame X.
née le [date] à [ville], demeurant [adresse], représentée par Maître Claude R., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 26 septembre 2017 en audience publique devant la Cour composée de : Madame Valérie GERARD, Président de chambre, magistrat rapporteur, Madame Françoise DEMORY-PETEL, Conseiller, Madame Anne DUBOIS, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2017
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2017, Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
La SA Lyonnaise de banque a conclu avec la SARL Newvision :
- par acte sous seing privé du 3 avril 2008, une convention de compte courant professionnel,
- par acte sous seing privé du 8 juillet 2009, un prêt professionnel destiné à l'aménagement de ses locaux, d'un montant en capital de 27.900 euros remboursable en 60 mensualités de 520,14 euros au taux de 4,50 %.
Par acte sous seing privé du 29 mars 2012, Mme X., alors gérante de la SARL Newvision, s'est portée caution solidaire des engagements de la SARL Newvision à hauteur de 48.000 euros.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 juillet 2013, Mme X. a dénoncé son engagement de caution.
Par jugement du 19 septembre 2013, le tribunal de commerce d'Aix en Provence a prononcé le redressement judiciaire de la SARL Newvision (converti en liquidation judiciaire le 25 février 2014) et la SA Lyonnaise de Banque a déclaré sa créance le 28 octobre 2013.
La SA Lyonnaise de Banque a mis en demeure Mme X. d'exécuter ses engagements par lettres recommandées avec accusé de réception des 28 octobre 2013 et 7 avril 2014 et, à défaut de paiement, l'a fait assigner devant le tribunal de commerce d'Aix en Provence, lequel a, par jugement du 6 octobre 2015 :
- constaté que la SA Lyonnaise de Banque a manqué à son devoir de conseil,
- condamné Mme X. à payer à la SA Lyonnaise de Banque la somme de 11.231,52 euros dont 5.812,59 euros au titre du prêt et 5.418,93 euros au titre du solde du compte courant à la date du 31 mai 2013, assortis des intérêts au taux légal et de la capitalisation à compter du 28 octobre 2013,
- débouté la SA Lyonnaise de Banque du surplus de ses demandes,
- dit qu'il n'y a pas lieu à une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme X. aux dépens.
La SA Lyonnaise de Banque a interjeté appel le 6 novembre 2015.
Vu les conclusions de la SA Lyonnaise de Banque du 27 mai 2016, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles elle demande à la cour de :
Vu les dispositions des articles 1907 et suivants du Code civil,
Vu les dispositions des articles 2288 et suivants du Code civil,
- réformer la décision frappée d'appel en ce qu'elle a ramené le taux d'intérêts applicable au solde du prêt au taux légal et réduit le montant de la créance de la banque à la somme de 5.418,93 euros au titre du solde débiteur arrêté au 30 mai 2013,
- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de Mme X. comme étant infondées,
En conséquence, statuant à nouveau,
- condamner Mme X. au paiement de la somme en principal de 23.761,86 euros au titre du solde débiteur outre intérêts au taux légal à compter du 29 octobre 2013 jusqu'à parfait paiement et à la somme en principal de 5.812,59 euros outre intérêts au taux contractuel de 7,50 % à compter du 20 septembre 2013 jusqu'à parfait paiement au titre du solde du prêt,
- ordonner la capitalisation des intérêts selon les modalités de l'article 1154 du code civil,
- la condamner au paiement d'une somme de 1.800,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Vu les conclusions de Mme X. du 1er avril 2016, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles elle demande à la cour de :
Vu les articles L. 341-2, L. 341-3 et L. 341-4 du Code de la consommation, les articles 1134, 1147, 1226, 1231, 1382, 1907, 2288, 2292 et 2314 du Code civil.
- infirmer le jugement du tribunal de commerce d’Aix-en-Provence du 6 octobre 2015,
Statuer à nouveau.
- prononcer la nullité de l'engagement de caution de Mme X. souscrit le 29 mars 2012 au profit de la SA Lyonnaise de Banque pour garantir les engagements de la société Newvision,
- débouter la SA Lyonnaise de Banque de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
À défaut,
- dire et juger que l'engagement de caution de Mme X. souscrit le 29 mars 2012 au profit de la SA Lyonnaise de Banque n'était pas destiné à garantir tous les engagements de la société Newvision antérieurs à la date de l'acte de cautionnement,
À titre subsidiaire
- dire et juger que la SA Lyonnaise de Banque ne peut se prévaloir du contrat de cautionnement de Mme X. en raison de son caractère manifestement disproportionné à ses biens et revenus,
- dire et juger que la SA Lyonnaise de Banque a manqué à son devoir de mise en garde,
- dire et juger que Mme X. est libérée de son engagement de caution à l'égard de la SA Lyonnaise de Banque,
À titre infiniment subsidiaire,
- dire et juger que Mme X. est déchargée de son engagement de caution à l'égard de la SA Lyonnaise de Banque pour perte des recours subrogatoires,
- dire et juger que la SA Lyonnaise de Banque a causé un préjudice à Mme X. justifiant qu'elle soit déchargée totalement de ses obligations au titre de son cautionnement,
- dire et juger à défaut que les sommes réclamées se compensent avec le préjudice correspondant causé par la SA Lyonnaise de Banque à Mme X. dont elle lui doit réparation,
À défaut d'infirmation des chefs ci-dessus :
- confirmer le jugement en ce qu'il a réduit le montant de la créance de la SA Lyonnaise de Banque à la somme de 5.418, 93 euros au titre du solde débiteur et appliqué au solde du prêt le taux d'intérêts légal.
- condamner en outre la SA Lyonnaise de Banque à réparer le préjudice causé à Mme X. pour procédure abusive en lui versant la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner la SA Lyonnaise de Banque à payer à Mme X. la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner enfin la SA Lyonnaise de Banque aux entiers dépens de première instance et d'appel.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la nullité du cautionnement :
1) Le non-respect des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation :
Mme X. soutient que son cautionnement est nul, les mentions manuscrites prescrites par ces textes n'étant pas chacune suivie de sa signature, lesdites mentions n'étant séparées que par un point.
Mais la juxtaposition des formules des articles L. 341-2 et L. 341-3, rigoureusement conformes à chacun de ces deux textes, seulement séparées par un point et suivies immédiatement de la signature de Mme X. ne contrevient pas aux dispositions d'ordre public de ces textes et ne rend pas nul le cautionnement.
2) L'indétermination du montant du consentement et de sa durée :
Mme X. fait valoir qu'il existe une confusion sur le montant cautionné entre la mention manuscrite et la clause figurant en page 1 de l'acte de cautionnement, de même que sur sa durée et sa date d'échéance.
En page un, l'acte de cautionnement mentionne au titre du montant du cautionnement la somme de 48.000 euros et une durée de 5 années à compter de la signature.
La mention manuscrite apposée par Mme X., conforme au texte d'ordre public susvisé, qui seule fait foi du montant et de la durée de l'engagement de caution, énonce clairement que l'engagement de caution est donné pour un montant de 48.000 couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard, soit un montant maximal incluant tous les accessoires, et pour la durée de 5 ans, nécessairement à compter de la signature de l'acte de cautionnement.
Le respect des dispositions légales relatives aux mentions manuscrites est exclusive de toute ambiguïté sur le montant maximal pouvant être réclamé à la caution et la durée de son engagement.
Sur l'obligation garantie :
Mme X. soutient que son engagement ne saurait couvrir les engagements passés de la SARL Newvision ni les dettes dont le fait générateur est antérieur au 29 mars 2012.
Il résulte des pièces produites que la créance au titre du prêt et du solde débiteur du compte courant n'est devenue exigible que par suite du prononcé du redressement judiciaire de la SARL Newvision le 19 septembre 2013 et qu'en tout état de cause, en se portant caution des sommes dues par la SARL Newvision, la caution n'a pas entendu limiter son engagement aux dettes futures, le cautionnement d'une dette déjà née étant parfaitement régulier s'il est donné en connaissance de cause, ce qui est le cas en l'espèce, où Mme X. a souscrit le cautionnement en sa qualité de gérante de la SARL Newvision, donc parfaitement informée de la situation financière de la débitrice principale.
Sur la perte des recours subrogatoires :
L'article 2314 du code civil ne peut être invoqué que si les droits, privilèges ou hypothèques existaient préalablement à l'engagement de caution ou si le créancier s'était engagé à les prendre. En l'espèce la caution ne peut reprocher à la banque un défaut de subrogation dans une garantie qu'elle n'a pas prise et ne s'était pas engagée à prendre. Le moyen est dépourvu de portée.
Sur la disproportion :
En application de l'article L. 341-4 devenu l'article L. 332-1 du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Le caractère manifestement disproportionné du cautionnement, dont la preuve incombe à la caution, s'apprécie au regard, d'une part, de l'ensemble des engagements souscrits par celle-ci et, d'autre part, de ses biens et revenus, sans tenir compte des revenus escomptés de l'opération garantie et, sauf anomalies apparentes, le créancier professionnel n'a pas l'obligation de vérifier l'exactitude des déclarations de la caution.
Mme X. fait valoir qu'elle ne disposait d'aucun patrimoine et n'avait aucun actif suffisant, ne disposant que de ses revenus personnels.
Il n'est pas discuté que ses revenus annuels pour 2012 se sont élevés à la somme de 62.809 euros. La fiche patrimoniale, « lue et approuvée » par Mme X. le 25 mars 2012, fait état, contrairement à ce qu'elle prétend, d'un patrimoine composé d'un bien immobilier dont la valeur nette s'élève à la somme de 116.150 euros déduction faite de l'emprunt contracté pour son acquisition.
Au regard de ces seuls éléments il n'existe aucune disproportion manifeste entre son engagement de caution et son patrimoine et ses revenus.
Sur le devoir de mise en garde :
La banque est tenue à un devoir de mise en garde à l'égard d'une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté aux capacités financières de la caution ou il existe un risque de l'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur.
Il appartient à la SA Lyonnaise de Banque, à qui incombe la charge de la preuve du caractère averti de la caution, de démontrer, par des critères tels que l'étendue et la diversification du patrimoine, ou la nature et le niveau d'études, ou encore l'expérience dans l'exercice d'une activité commerciale, que Mme X. disposait d'une compétence qui lui permettait d'appréhender les risques, pour le débiteur principal, comme pour elle-même, de l'opération financière garantie.
Le fait que Mme X. était associée de la SARL Newvision depuis 2010, puis associée majoritaire et gérante en 2011 est à cet égard insuffisant.
En revanche, il a été démontré ci-dessus, au regard du patrimoine et des revenus de Mme X., que son engagement était adapté à ses capacités financières et Mme X., à qui incombe la charge de la preuve, ne produit aucune pièce de nature à démontrer que le prêt professionnel destiné à l'aménagement des locaux de la SARL Newvision, était inadapté aux capacités financières de cette société.
Sur la dénonciation du cautionnement :
Mme X. soutient que le préavis contractuel de 90 jours ne lui est pas opposable puisque la date d'échéance n'est pas précisée dans l'acte de cautionnement, qu'ayant souhaité dénoncer son cautionnement dès le 31 mai 2013, sans que la SA SLB ne lui donne les informations nécessaires, elle ne peut être tenue des sommes dues par la SARL NEWVISION au-delà de cette date.
Contrairement à ce qu'affirme Mme X., l'acte de cautionnement comporte, aux termes de la mention manuscrite légale, la durée du cautionnement soit 5 années de sorte que l'appelante en connaissait parfaitement l'échéance. L'article 6 de cet acte intitulé : « durée-cessation du cautionnement » indique très précisément les modalités de dénonciation du cautionnement par lettre recommandée avec accusé de réception et la durée de préavis soit 90 jours. Mme X. a également, aux termes de l'article 11 de l'acte, reconnu avoir reçu une copie de l'acte de cautionnement, de sorte qu'elle est totalement infondée à soutenir qu'elle ne disposait pas des informations nécessaires pour la dénonciation de son engagement. S'agissant de la durée du préavis, elle n'a rien d'excessif au regard de la durée de l'engagement de caution lui-même, elle ne crée aucun déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties et ne saurait par conséquent être qualifiée de clause abusive.
Sur le montant de la créance :
La dénonciation du cautionnement ayant été opérée par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 juillet 2013, Mme X. n'est redevable que des sommes exigibles au 4 octobre 2013. À cette date, le solde débiteur du compte courant s'élevait à 23.761,88, tel qu'il résulte de la déclaration de créance de la banque et des pièces annexées et le solde du prêt s'élevait à 5.286,87 euros.
Seuls les intérêts au taux légal peuvent courir sur le solde débiteur du compte courant, mais Mme X. est débitrice des intérêts au taux contractuel sur les sommes dues au titre du prêt, conformément à son engagement de caution qui couvre le paiement des intérêts de la dette cautionnée.
Le jugement est infirmé en toutes ses dispositions,
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce d’Aix-en-Provence du 6 octobre 2015,
Statuant à nouveau,
Condamne Mme X. à payer à la SA Lyonnaise de Banque :
- la somme de 23.761,86 euros avec intérêts au taux légal à compter du 29 octobre 2013,
- la somme de 5.812,59 euros avec intérêts au taux contractuel de 7,50 %,
Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme X. à payer à la SA Lyonnaise de Banque la somme de deux mille euros,
Condamne Mme X. aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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