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CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 22 novembre 2017

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 22 novembre 2017
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 4
Demande : 15/01067
Date : 22/11/2017
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7260

CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 22 novembre 2017 : RG n° 15/01067

Publication : Jurica

 

Extrait : « S'agissant des contrats conclus avant le 1er janvier 2009, la société Normanbel ne saurait exciper utilement des dispositions de l'article 21-IV de la loi du 4 août 2008, dite LME, devenu le nouvel article L. 442-6-I-2° du code de commerce et prévoyant la responsabilité de la personne qui soumet ou tente de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans la mesure où il n'est applicable qu'aux contrats conclus à compter de cette date. Il n'est donc susceptible de concerner que le seul contrat de franchise du 13 octobre 2009 relatif au magasin de [ville C.] centre.

Il est constant que le contrat de franchise en cause disposait de clauses imposant au franchisé des aménagements spécifiques de son point de vente. Cette obligation inhérente au contrat de franchise est justifiée en ce que protégeant le savoir-faire du franchiseur dont le caractère secret, substantiel et identifié n'est pas contesté, elle permet d'assurer l'uniformité et l'identité commune du réseau et par suite, son développement, et elle constitue la contrepartie de la transmission du savoir-faire du franchiseur. Elle est donc nécessaire à l'équilibre de la convention, ce que d'ailleurs les appelants ne contestent pas, faisant seulement grief au franchiseur de ne pas avoir exécuté lui-même cette obligation dans ses succursales.

Mais, le franchiseur justifie avoir procédé à des investissements importants dans ses succursales à hauteur de 6,5 millions d'euros (pièce intimées n° 43) suivant devis et factures portant sur des travaux de rénovation et d'aménagement (pièces intimées n°44, 44 a 46 e, 48 et 51) de sorte que l'existence d'aucun déséquilibre significatif n'est avérée.

Par suite, faute de démontrer qu'elle a été soumise par la société Casa à des clauses qui lui ont été imposées au sens de l'article L. 442-6-I- 2° du code de commerce, la société Normanbel sera déboutée de la demande formée à ce titre et le jugement entrepris sera confirmé de ce chef. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 4

ARRÊT DU 22 NOVEMBRE 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/01067 (13 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 décembre 2014 -Tribunal de Commerce de PARIS - R.G. n° 2013062451.

 

APPELANTS :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], Demeurant : [adresse]

SARL NORMANBEL

Ayant son siège social : [adresse], N° SIRET : XXX (CAEN), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Laurence T. B., avocat au barreau de PARIS, toque : P0241, Ayant pour avocat plaidant : Maître Fleur B., avocat au barreau de PARIS, toque : L 230

 

INTIMÉES :

SAS CASA FRANCE

Ayant son siège social : [adresse], N° SIRET : YYY (CRETEIL), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Société CASA INTERNATIONAL,

Ayant son siège social : [adresse], N° d'entreprise : ZZZ, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentées par Maître Florence G. de la SELARL P. - DE M. - G., avocat au barreau de PARIS, toque : L0018, Ayant pour avocat plaidant : Maître Jean-Philippe A. de la SELARL JP K. ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R156

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 11 octobre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Irène LUC, Présidente de chambre, Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère, rédacteur, Madame Laure COMTE, Vice-Présidente Placée.

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Dominique MOUTHON VIDILLES dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Cécile PENG

ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Irène LUC, président et par Madame Cécile PENG, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Les sociétés Casa France et Casa International (ci-après « la société Casa ») ont pour activité la commercialisation sous enseigne « Casa » d'articles et de produits pour la décoration, l'ameublement et d'autres articles d'aménagement de la maison. Ces articles sont commercialisés sous cette enseigne par un réseau de succursales et de franchisés.

La société Normanbel, dont M. X. est le gérant, a été créée en 1991 en vue de l'exploitation en franchise de magasins sous enseigne Casa.

La société Normanbel a ouvert successivement cinq magasins sous contrat de franchise Casa :

- un magasin à [ville R.] ouvert en juillet 1991,

- un magasin à [ville B.] ouvert en novembre 1991,

- un magasin à [ville M.] ouvert en septembre 1994,

- un magasin à [ville H.]  ouvert en septembre 1995,

- un magasin à [ville C.] centre ouvert en octobre 2000.

Les contrats de franchise étaient conclus à durée déterminée renouvelables tacitement sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties selon les modalités suivantes :

- concernant le magasin de [ville R.] :

Le 15 juillet 1991, les parties ont signé un premier contrat de franchise pour une durée de 9 ans ainsi qu'un avenant de prolongation en 1997. Elles ont conclu par la suite trois nouveaux contrats de franchise les 28 février 2001, 29 février 2004 et 1er mars 2007, chacun d'une durée de 3 ans. Le dernier arrivé à son terme le 28 février 2010 n'a pas été renouvelé.

- concernant le magasin [ville H.] :

Le 7 septembre 1995, un premier contrat de franchise a été signé entre les parties pour une durée de 9 ans. Un second contrat de franchise a été signé le 7 septembre 2004 pour une durée de trois ans. Trois avenants de prolongation ont par la suite été signés, les 24 août 2007, 1er février 2008 et 8 octobre 2009. Le dernier arrivé à son terme le 31 janvier 2010 n'a pas été renouvelé.

- concernant le magasin de [ville C.] centre :

Le 13 octobre 2000, les parties ont conclu un contrat de franchise pour une durée de 3 ans. Le 13 octobre 2003, les parties ont conclu un second contrat de franchise pour une durée de 3 ans.

En 2006, les parties ont conclu un troisième contrat de franchise pour une durée de 3 ans. Le 13 octobre 2009, les parties ont conclu un quatrième contrat de franchise pour une durée de 3 ans.

Le 13 octobre 2012, le contrat a été reconduit tacitement pour une durée de 2 ans. Il est arrivé à son terme le 13 octobre 2014 et n'a pas été renouvelé.

À partir de cette résiliation, les parties n'étaient plus liées par aucun contrat, la société Normanbel ayant auparavant résilié unilatéralement les contrats de franchise concernant les magasins de [ville M.] et de [ville B.].

Par exploit du 15 octobre 2013, la société Normanbel et son gérant, M. X. ont assigné devant le tribunal de commerce de Paris la société Casa France et la société Casa International en réparation du préjudice subi du fait :

- de l'imposition par les sociétés Casa d'obligations ayant pour conséquence de créer un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties,

- de la tentative des sociétés Casa d'obtenir des investissements sans contrepartie,

- de la rupture brutale des relations commerciales existant entre les parties.

Par jugement du 23 décembre 2014, le tribunal de commerce de Paris a :

- dit que la société Casa France et la société Casa International ont rompu brutalement la relation commerciale établie avec la société Normanbel,

- condamné la société Casa France et la société Casa International in solidum à payer à la société Normanbel la somme de 234.500 euros au titre de dommages et intérêts pour la rupture brutale de la relation établie avec la société Normanbel,

- condamné la société Normanbel à payer à la société Casa International la somme de 49.869,20 euros au titre des contributions publicitaires ainsi que les intérêts au taux légal avec anatocisme à compter du 21 mars 2013,

- ordonné la compensation de cette somme avec la somme accordée à la société Normanbel,

- débouté la société Normanbel de ses autres demandes,

- débouté M. X. de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société Casa France et la société Casa International à payer in solidum à la société Normanbel la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement à charge pour la société Normanbel de fournir une caution bancaire couvrant en cas d'exigibilité de leur remboursement éventuel toutes les sommes versées en exécution du présent jugement outre les intérêts éventuellement courus sur ces sommes,

- condamné la société Casa France et la société Casa International aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 129,24 euros dont 21,32 euros de TVA.

La cour est saisie de l'appel interjeté par la société Normanbel et M. X., du jugement du tribunal de commerce de Paris du 23 décembre 2014.

 

LA COUR

Vu les dernières conclusions signifiées le 4 septembre 2017 par la société Normanbel et M. X., appelants, par lesquelles il est demandé à la cour, au visa des articles L. 442-6-I-2° et 5°, L. 420-2, L. 420-1, et L. 442-5 du code de commerce, 1134, 1289 et 1382 du code civil, et des principes d'exception d'inexécution et de loyauté, de :

- recevant la société Normanbel et M. X. en leur appel, les y déclarer bien fondés,

- déclarer les sociétés Casa France et Casa International mal fondées en leur appel incident, les en débouter,

- infirmer partiellement le jugement entrepris,

- dire qu'une relation commerciale ininterrompue de vingt-deux ans a été établie entre la société Normanbel et M. X. d'une part et les sociétés Casa France et Casa International d'autre part,

- dire que les sociétés Casa France et Casa International ont rompu brutalement les relations commerciales établies avec la société Normanbel et M. X., sans respecter un préavis suffisant et raisonnable eu égard à la durée de ces relations et à la dépendance économique qui existe entre la société Normanbel et les intimées,

- dire que le délai de préavis suffisant pour mettre fin à ces relations aurait dû être de 36 mois,

- dire qu'aucune inexécution fautive n'est imputable à la société Normanbel,

- dire que les sociétés Casa France et Casa International ont soumis la société Normanbel à des obligations de travaux d'aménagements qu'elles n'imposaient pas à ses propres succursales, créant ainsi un déséquilibre significatif dans leurs droits et obligations au titre des contrats de franchise,

- dire que les sociétés Casa France et Casa International ont imposé, en leur qualité de franchiseur, des prix de revente minimum à la société Normanbel,

- dire que la société Normanbel a subi un préjudice de marge brute du fait de la rupture brutale de ses relations commerciales établies avec les sociétés Casa France et Casa International,

- dire que la société Normanbel a subi un préjudice financier du fait des licenciements de ses salariés, consécutifs à la rupture brutale de sa relation contractuelle avec les sociétés Casa France et Casa International,

- dire que la société Normanbel a subi un préjudice financier du fait du déséquilibre significatif dans les droits et obligations au titre des contrats de franchise créé par les sociétés Casa France et Casa International,

- dire que M. X. a subi un préjudice moral du fait de la résiliation des contrats de franchise conclus avec les sociétés Casa France et Casa International,

- dire que M. X., subit un préjudice financier lié à la perte de sa rémunération de gérant du fait de l'arrêt total de l'activité de franchisé de la société Normanbel,

en conséquence,

- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a dit que les sociétés Casa France et Casa International ont rompu brutalement la relation commerciale établie avec la société Normanbel,

- infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a jugé qu'un préavis de 23 mois était suffisant eu égard à la durée des relations commerciales,

- infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté la société Normanbel, pour le surplus dépassant la somme de 234.500 euros, de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice de marge brute subi par la société Normanbel du fait de la rupture brutale de sa relation commerciale établie avec les sociétés Casa France et Casa International,

- infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté M. X. de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice lié à la perte de sa rémunération de gérant, du fait de le rupture brutale de sa relation commerciale établie avec les sociétés Casa France et Casa International,

- infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté la société Normanbel de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier lié aux licenciements de ses salariés du fait de la rupture brutale de sa relation commerciale établie avec les sociétés Casa France et Casa International,

- infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté la société Normanbel de sa demande de dommages et intérêts en réparation des préjudices financiers subis du fait du déséquilibre significatif dans les droits et obligations au titre des contrats de franchise créé par les sociétés Casa France et Casa International,

- infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté M. X. de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait du comportement des sociétés Casa France et Casa International,

- infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné la société Normanbel à verser à la société Casa International la somme de 49.869,20 euros au titre des contributions publicitaires,

et statuant à nouveau,

- condamner solidairement les sociétés Casa France et Casa International à verser à la société Normanbel la somme de 1.719.790,80 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de marge brute subi par la société Normanbel du fait de la rupture brutale de sa relation commerciale établie avec les sociétés Casa France et Casa International, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil, jusqu'à parfait paiement,

- condamner solidairement les sociétés Casa France et Casa International à verser à la société Normanbel la somme de 170.372 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier lié aux licenciements de ses salariés du fait de la rupture brutale de sa relation commerciale établie avec les sociétés Casa France et Casa International, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil, jusqu'à parfait paiement,

- condamner solidairement les sociétés Casa France et Casa International à verser à M. X. la somme de 71.143,40 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice lié à la perte de sa rémunération de gérant, du fait de la rupture brutale de sa relation commerciale établie avec les sociétés Casa France et Casa International, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil, jusqu'à parfait paiement,

- condamner solidairement les sociétés Casa France et Casa International à verser à la société Normanbel la somme de 277.914,98 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices financiers qu'elle a subis du fait du déséquilibre significatif dans les droits et obligations au titre des contrats de franchise, créé par les sociétés Casa France et Casa International, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil, jusqu'à parfait paiement,

- condamner solidairement les sociétés Casa France et Casa International à verser à M. X. la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil jusqu'à parfait paiement,

- débouter les sociétés Casa France et Casa International de l'intégralité de leurs moyens, fins et prétentions,

subsidiairement,

- ordonner la compensation entre les sommes qui pourront être accordées aux sociétés Casa France et Casa International au titre de leur demande de paiement de la contribution publicitaire, et les sommes, toutes causes confondues, qu'elles seront condamnées à verser à la société Normanbel à titre de dommages et intérêts,

en tout état de cause,

- condamner la solidairement, les sociétés Casa France et Casa International à régler, à chacun des requérants, la somme de 25.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de l'indemnité mise à leur charge en première instance,

- condamner les sociétés Casa France et Casa International aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera poursuivi par Maître Laurence T.-B. en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

 

Vu les dernières conclusions signifiées le 2 août 2017 par les sociétés Casa France et Casa International, intimées ayant formé appel incident, par lesquelles il est demandé à la cour de :

* a :

- condamné la société Normanbel à payer à la société Casa International la somme de 49.869,20 euros au titre des contributions publicitaires de juillet 2012 à août 2014 ainsi que les intérêts au taux légal avec anatocisme à compter du 21 mars 2013,

- débouté M. X. de ses demandes,

* infirmer partiellement le jugement entreprise en ce qu'il a :

- jugé qu'une relation commerciale de 22 ans a été établie entre la société Normanbel et M. X. d'une part, et les sociétés Casa France et Casa International d'autre part,

- jugé que les sociétés Casa France et Casa International ont rompu brutalement les relations commerciales établies avec la société Normanbel,

- jugé que le délai de préavis suffisant pour mettre fin à ces relations aurait dû être de 23 mois,

- condamné les sociétés Casa France et Casa International in solidum à payer à la société Normanbel la somme de 234.500 euros au titre de dommages et intérêts pour la rupture brutale des relations commerciales établies avec la société Normanbel,

* statuant à nouveau,

- débouter la société Normanbel de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Normanbel à payer à la société Casa International la somme de 1.918,04 euros au titre de la contribution publicitaire impayée au titre du mois de septembre 2014, ainsi que les intérêts au taux légal avec anatocisme à compter du 17 octobre 2014,

* en tout état de cause,

- condamner in solidum la société Normanbel et M. X., à verser à chacune des sociétés Casa France et Casa International la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum la société Normanbel et M. X. aux entiers dépens ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Sur l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties dans l'exécution des relations commerciales :

La société Normanbel soutient que la société Casa l'a soumise, tout au long de la relation commerciale, à un déséquilibre significatif dans l'exécution de leurs relations commerciales, en lui imposant d'importants travaux de mise aux normes du concept Casa dans les trois magasins de [ville R.], [ville H.] et de [ville C.] centre sous peine de résiliation de leur contrat de franchise alors même qu'elle ne s'imposait pas de telles normes pour ses succursales, n'assurant alors pas la promotion de son réseau qui constitue pourtant une obligation essentielle pour le développement de l'enseigne. Elle se prévaut à cet égard de constats d'huissier qu'elle produit aux débats. Elle sollicite la somme de 277.914,98 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du déséquilibre significatif correspondant au montant du prêt nécessaire au financement des travaux de mise aux normes souscrit le 15 juillet 2009 et à la perte de marge subie pendant ces travaux. Elle ajoute que le déséquilibre significatif peut ressortir d'une clause du contrat mais également s'apprécier dans l'exécution ou plutôt la non-exécution d'une des clauses du contrat par le franchiseur et soutient que la société Casa ne démontre pas avoir réalisé des travaux de mise aux normes de ses succursales

La société Casa souligne que les contrats signés avant l'entrée en vigueur de la LME ne sont pas concernés par l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce. Elle estime en conséquence que le seul contrat de franchise sur lequel la société Normanbel pourrait formuler des demandes au titre d'un prétendu déséquilibre significatif est celui conclu le 13 octobre 2009, relatif au magasin de [ville C.] centre. Elle relève que la société Normanbel ne parvient pas à démontrer par quelles stipulations contractuelles la société Casa aurait instauré un déséquilibre significatif dans ses rapports avec elle. Elle rappelle qu'il est primordial que le franchisé applique les normes correspondant au savoir-faire transmis par le franchiseur ainsi que leurs modifications décidées par le franchiseur et que le respect de l'aménagement des points de vente à enseigne Casa par le franchisé est une condition essentielle des contrats de franchise conclus par la société Normanbel avec la société Casa. Concernant le non-respect des normes Casa dans ses succursales invoqué, elle indique que la société Normanbel confond la propreté des points de vente avec le respect des agencements. Elle ajoute que les nouvelles succursales sont toujours au dernier concept Casa lors de leur ouverture et qu'elle a effectué des travaux substantiels dans ses magasins succursales. Enfin, elle estime qu'elle a fait preuve de patience à l'égard de la société Normanbel pour la réalisation des travaux de mise aux normes et qu'elle n'a eu aucun comportement déloyal vis à vis de son franchisé.

* * *

S'agissant des contrats conclus avant le 1er janvier 2009, la société Normanbel ne saurait exciper utilement des dispositions de l'article 21-IV de la loi du 4 août 2008, dite LME, devenu le nouvel article L. 442-6-I-2° du code de commerce et prévoyant la responsabilité de la personne qui soumet ou tente de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans la mesure où il n'est applicable qu'aux contrats conclus à compter de cette date. Il n'est donc susceptible de concerner que le seul contrat de franchise du 13 octobre 2009 relatif au magasin de [ville C.] centre.

Il est constant que le contrat de franchise en cause disposait de clauses imposant au franchisé des aménagements spécifiques de son point de vente. Cette obligation inhérente au contrat de franchise est justifiée en ce que protégeant le savoir-faire du franchiseur dont le caractère secret, substantiel et identifié n'est pas contesté, elle permet d'assurer l'uniformité et l'identité commune du réseau et par suite, son développement, et elle constitue la contrepartie de la transmission du savoir-faire du franchiseur. Elle est donc nécessaire à l'équilibre de la convention, ce que d'ailleurs les appelants ne contestent pas, faisant seulement grief au franchiseur de ne pas avoir exécuté lui-même cette obligation dans ses succursales.

Mais, le franchiseur justifie avoir procédé à des investissements importants dans ses succursales à hauteur de 6,5 millions d'euros (pièce intimées n° 43) suivant devis et factures portant sur des travaux de rénovation et d'aménagement (pièces intimées n°44, 44 a 46 e, 48 et 51) de sorte que l'existence d'aucun déséquilibre significatif n'est avérée.

Par suite, faute de démontrer qu'elle a été soumise par la société Casa à des clauses qui lui ont été imposées au sens de l'article L. 442-6-I- 2° du code de commerce, la société Normanbel sera déboutée de la demande formée à ce titre et le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

 

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies :

Aux termes de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce, « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : ... 5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ».

Les parties ne contestent pas avoir conclu successivement cinq contrats de franchise pour l'exploitation de cinq magasins sous enseigne Casa par la société Normanbel à [ville R.] (juillet 1991), à [ville B.] (novembre 1991), à [ville M.] (septembre 1994), à [ville H.] (septembre 1995) et à [ville C.] centre (octobre 2000) et que ces contrats ont été renouvelés puis résiliés tour à tour :

- pour les magasins de [ville B.] et de [ville M.] à l'initiative du franchisé avec l'accord du franchiseur, respectivement en 1999 et 2001,

- pour le magasin de [ville R.] le 28 février 2010 à l'expiration de son terme, en l'absence de renouvellement,

- pour le magasin [ville H.] le 31 janvier 2010 à l'expiration de son terme, en l'absence de renouvellement,

- pour le magasin de [ville C.] centre le 13 octobre 2014 à l'expiration de son terme, en l'absence de renouvellement.

Se prévalant de l'existence de relations commerciales établies avec la société Casa depuis 22 ans et d'un état de dépendance économique, la société Normanbel se prétend victime d'une rupture brutale en ce qu'après avoir résilié les contrats de franchise de [ville R.] et [ville H.], la société Casa a mis un terme définitif à la relation en procédant à la résiliation du dernier contrat (Caen) avec un préavis de 16 mois alors qu'elle aurait dû lui accorder un préavis de 36 mois, ce que conteste cette dernière.

Il ressort de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce que la brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit ou de l'insuffisance de la durée de ce préavis au regard des relations commerciales antérieures. L'évaluation de la durée du préavis à accorder est fonction de toutes les circonstances de nature à influer son appréciation au moment de la notification de la rupture, notamment de l'ancienneté des relations, du volume d'affaires réalisé avec l'auteur de la rupture, du secteur concerné, de l'état de dépendance économique de la victime, des dépenses non récupérables dédiées à la relation et du temps nécessaire pour retrouver un partenaire sur le marché de rang équivalent.

 

Sur l'existence d'une dépendance économique :

La société Normanbel sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a considéré que l'état de dépendance économique qu'elle invoquait n'était pas démontré.

Elle soutient qu'un faisceau d'indices justifie qu'elle était en situation de dépendance économique à l'égard du franchiseur dès lors :

- qu'une clause d'approvisionnement exclusif et d'interdiction de toute autre activité était stipulée aux contrats de franchise,

- qu'une clause de non-affiliation, d'une durée d'un an après la cessation du contrat était mentionnée aux contrats de franchise,

- que le franchiseur a pris soin de faire disparaître les franchisés au profit de ses succursales et qu'elle-même n'avait aucune solution équivalente ni aucun autre débouché,

- qu'elle était tenue de respecter les directives du franchiseur sur la gestion de ses achats et de ses ventes,

- que la société Normanbel réalisait 100 % de son chiffre d'affaires avec la société Casa,

- que la société Casa imposait des prix minimum de revente.

La société Casa réplique que la société Normanbel n'établit pas avoir été placée dans un état de dépendance économique et ne prouve pas l'absence de solution équivalente à la franchise sous enseigne Casa. Elle considère que les clauses d'approvisionnement exclusif au sein d'un contrat de franchise sont classiques dès lors qu'elles permettent d'assurer l'uniformité et l'identité commune du réseau, que cette clause permettait à la société Normanbel de commercialiser d'autres produits avec l'accord du franchiseur et que la clause de non-affiliation respectait les conditions légales de limitation et de proportionnalité. Concernant le grief de prix minimum de revente imposé, la société Casa estime que la société Normanbel n'établit aucunement l'existence de prix imposés dans la mesure où elle ne justifie ni d'une évocation de prix de revente au public, ni d'une police des prix, ni d'une application effective des prix prétendument préconisés par la société Casa.

* * *

L'état de dépendance économique se définit comme l'impossibilité pour une entreprise de disposer d'une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu'elle a nouées avec une autre entreprise. La mise en évidence d'une telle situation peut notamment résulter du jeu cumulé d'un ensemble de clauses contractuelles imposées par un franchiseur et limitant la faculté du franchisé de se reconvertir après la rupture des relations commerciales.

Il ressort de l'article 33 des conditions générales de vente des contrats de franchise que la société Normanbel disposait de la faculté de solliciter du franchiseur l'autorisation de vendre d'autres produits, ce qu'elle n'a pas fait de sorte qu'elle a délibérément choisi de s'approvisionner exclusivement auprès du franchiseur.

La clause de non-affiliation d'une durée d'un an après la cessation du contrat (article 26) était limitée dans le temps et dans l'espace et de surcroît ne s'appliquait pas si le contrat avait pris fin à l'initiative du franchiseur sauf si la résiliation était la conséquence de fautes graves ou de manquements réitérés. D'ailleurs, à la cessation du contrat de franchise Casa à [ville H.], la société Normanbel a exploité dans les mêmes locaux une activité similaire à l'enseigne « Home » (pièce intimée n°12 non contestée par les appelants).

S'agissant des directives du franchiseur sur la gestion des achats-ventes qu'aux termes des contrats de franchise le franchisé s'est engagé à appliquer, la société Normanbel s'abstient d'expliciter en quoi cet engagement contractuel l'aurait empêchée de se reconvertir à l'issue du contrat. Enfin, concernant la pratique de prix de vente conseillés qui lui aurait été en réalité imposée, c'est à juste titre que les premiers juges ont relevé qu'outre le fait qu'elle n'était pas démontrée, elle n'avait aucune incidence sur la faculté de la société Normanbel de redéployer son activité.

Etant ajouté que quelque soit sa notoriété, le réseau Casa dispose d'une faible part de marché dans celui des produits pour l'aménagement de la maison qui est vaste et relevé que la société Normanbel a choisi au fil du temps d'ouvrir des magasins en réseau de franchise Casa sans pouvoir maintenant utilement invoquer une dépendance économique à son égard que cette dernière lui aurait imposée, la société Normanbel ne justifie pas de l'existence d'obstacles juridiques ou factuels à sa faculté de diversification. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il n'a pas retenu la dépendance économique dans son appréciation de la durée du préavis suffisant.

 

Sur l'ancienneté des relations :

La société Normanbel soutient que les relations commerciales entre les parties sont matérialisées par la conclusion de plusieurs contrats de franchise de sorte qu'il convient d'appréhender la rupture brutale des relations au regard de l'ensemble des contrats de franchise conclus entre les parties depuis 1991 et de retenir une durée des relations commerciales totale de 22 ans. Elle considère qu'au regard d'une relation commerciale de 22 ans, la société Casa aurait dû respecter un préavis de 36 mois. Elle affirme qu'en réalité, la pratique du franchiseur consistait à dénoncer les contrats de franchise en vigueur dans le délai de prévenance fixé au contrat, en vue de la signature d'un nouveau contrat de franchise, ce qui lui permettait d'imposer d'importants travaux d'aménagements et de mise au concept à ses franchisés. La société Normanbel soutient ainsi qu'après avoir résilié les contrats de franchise de [ville R.] et [ville H.], la société Casa a mis un terme définitif à la relation qu'elle entretenait depuis plus de 22 ans avec la société Normanbel, en procédant à la résiliation de son dernier contrat de franchise du 13 octobre 2009, suivant courrier en date du 7 juin 2013, à effet au 13 octobre 2014, laissant ainsi un préavis d'une durée de 16 mois, largement insuffisant.

La société Casa estime au contraire qu'il convient d'appréhender la rupture des relations commerciales magasin par magasin, l'objet de chaque contrat de franchise étant autonome et correspondant à différents magasins exploités par la société Normanbel et d'apprécier la durée du préavis accordé par la société Casa également magasin par magasin, par rapport aux préavis effectivement donnés à la société Normanbel pour chaque contrat. Elle considère que la durée des préavis doit être appréciée différemment en fonction de la durée des relations commerciales ayant existé entre la société Normanbel et la société Casa pour l'exploitation de ses magasins. Ainsi, la société Casa soutient qu'elle a accordé des délais de préavis largement suffisants lors de la résiliation des contrats de franchise de chacun des magasins.

* * *

Les relations commerciales entretenues par les parties résultent de la souscription d'une succession de contrats de franchise indépendants les uns des autres, à durée déterminée et renouvelables tacitement, se concluant en fonction de la décision de la société Normanbel acceptée par la société Casa, d'ouvrir un magasin en franchise Casa et se renouvelant d'un commun accord, contrat par contrat. Par suite, et étant souligné que la société Normanbel ne prétend pas que la société Casa se soit engagée à lui garantir la conclusion de plusieurs contrats de franchise, il y a lieu d'analyser la rupture des relations commerciales établies, contrat de franchise par contrat de franchise.

 

Sur la durée du préavis suffisant :

Les premiers juges ont estimé que si, pour les ruptures précédentes des contrats de franchise, le préavis pouvait être considéré comme suffisant, s'agissant du dernier contrat rompu par lettre du 13 octobre 2014, compte tenu de la durée totale de la relation (22 ans), sa fin rendait plus difficile la reconversion de la société Normanbel de sorte qu'elle était en droit d'attendre un préavis plus long que celui de 16 mois accordé. Ils ont évalué à 23 mois le préavis nécessaire pour ce dernier contrat.

* Concernant le magasin de [ville R.], il y a lieu de tenir compte d'une relation commerciale de 19 ans en suite d'une succession de quatre contrats de franchise à durée déterminée du 15 juillet 1991 au 28 février 2010, date d'expiration du dernier contrat conclu le 1er mars 2007 pour une durée de 3 ans. Par courrier du 12 février 2009, la société Casa a rappelé à la société Normanbel qui lui indiquait que l'exploitation du magasin n'était plus possible du fait de l'augmentation des loyers des locaux par son bailleur, que le contrat de franchise arrivait à échéance le 28 février 2010 et elle lui a confirmé son accord pour la résiliation définitive à cette date (pièce n°5 intimées). Il doit être relevé que la société Normanbel, qui avait connaissance de la date d'échéance du contrat pour l'avoir signé, est à l'initiative de la résiliation de ce contrat et qu'elle a sollicité l'autorisation de fermer au plus tard le 31 janvier 2010 (pièce n° 8 intimées), devançant ainsi d'un mois la résiliation du contrat. La société Normanbel ne peut dès lors sérieusement soutenir que la dénonciation du contrat par le franchiseur l'était, dans son esprit, à titre purement conservatoire. Il ne ressort, d'ailleurs, d'aucun élément que la société Casa l'ait entretenue dans l'illusion que la relation issue de ce contrat perdure au-delà de son terme. Par suite, c'est vainement qu'elle invoque le fait que la société Casa ne lui aurait pas accordé de délais pour la mise aux normes du magasin. Il lui a été accordé un préavis de 12 mois et 16 jours qui, compte tenu de la durée des relations commerciales de 19 ans, de l'absence de dépendance économique imposée par le franchiseur et du secteur d'activité concerné, apparaît suffisant et ce d'autant qu'elle l'a, d'elle-même, réduit d'un mois. Par suite, ce préavis suffisant prive la rupture de tout caractère brutal.

* Concernant le magasin [ville H.], la durée des relations commerciales s'établit à 15 ans par une succession de deux contrats à durée déterminée conclus le 7 septembre 1995 pour une durée de 6 ans, renouvelable par tacite reconduction pour une durée de deux ans et le 7 septembre 2004 pour une durée de trois ans. A la demande de la société Normanbel qui souhaitait faire coïncider la fin du contrat de franchise avec celle du contrat de bail, la société Casa a accepté la prolongation du contrat jusqu'au 6 septembre 2008, puis jusqu'au 31 décembre 2009 et enfin jusqu'au 31 janvier 2010, date à laquelle la société Normanbel a cessé l'exploitation de son activité sous enseigne Casa dans les locaux et y a exercé une activité similaire mais sans enseigne Casa. Là encore, son affirmation selon laquelle, dans son esprit, la dénonciation du contrat par le franchiseur l'aurait été à titre conservatoire, est peu crédible. La société Normanbel a donc bénéficié d'un préavis de septembre 2007 à janvier 2010, soit 2 ans et 4 mois. Compte tenu de la durée des relations commerciales entre les parties de 15 ans, de l'absence d'état de dépendance économique imposé par le franchiseur et du secteur d'activité concerné, le préavis de 28 mois octroyé par la société Casa est suffisant pour permettre à la société Normanbel de trouver une solution de remplacement. Par suite, le caractère brutal de la rupture n'est pas établi.

* Concernant le magasin de [ville C.], le contrat de franchise ayant été souscrit le 13 octobre 2000, la durée des relations commerciales établies à retenir pour appréhender l'éventuelle brutalité de sa rupture intervenue à l'expiration de son terme, le 13 octobre 2014, ne saurait ressortir à 22 ans comme estimé à tort par les premiers juges mais à 14 ans. Le dernier contrat conclu le 13 octobre 2009 pour une durée de 3 ans, renouvelé le 13 octobre 2012 par tacite reconduction pour une durée de 2 ans, a été dénoncé par courrier du franchiseur du 7 juin 2013 à effet au 13 octobre 2014, date de son terme, soit avec un préavis de 16 mois (pièce appelants n° 49). La société Normanbel ne peut définitivement plus soutenir qu'elle pensait que le franchiseur avait dénoncé le contrat à titre conservatoire dès lors que les notifications précédentes de préavis pour Rouen et Hérouville des 28 février 2010 et 31 janvier 2010 avaient été suivies d'effets, au demeurant sans contestation de sa part. Compte tenu de la durée des relations commerciales entre les parties de 14 ans, de l'absence d'état de dépendance économique imposé par le franchiseur et du secteur d'activité concerné, le préavis de 16 mois octroyé par la société Casa est suffisant pour permettre à la société Normanbel de trouver une solution de remplacement. En conséquence, le caractère brutal de la rupture des relations commerciales établies au titre de ce contrat n'est pas non plus avéré.

Par suite de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que la société Normanbel ne justifie d'aucune brutalité dans les ruptures des relations commerciales établies. Elle sera donc déboutée de ses demandes en indemnisation formées à ce titre et le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

 

Sur les demandes formées par M. X. :

Compte tenu du sens de la présente décision, M. X. qui, à titre personnel, sollicite une indemnisation de 71.143,40 euros correspondant à sa perte de rémunération du fait de l'arrêt total de l'activité de franchisé ainsi que la réparation d'un préjudice moral, sera débouté de ses demandes.

 

Sur la demande reconventionnelle de la société Casa :

La société Casa soutient que la société Normanbel a cessé de payer sa contribution publicitaire prévue à l'article 8 des conditions particulières du contrat de franchise à compter du mois de juillet 2012 et sollicite, en conséquence, sa condamnation au paiement d'une somme de 49.869,20 euros en sus d'une facture de 991,81 euros correspondant au mois de septembre 2014.

Elle fait valoir que la suppression d'une aide commerciale exceptionnellement consentie au cours de précédents exercices n'est pas fautive, qu'elle a adressé de nombreuses mises en demeure qui n'ont pas été suivies d'effets. Elle rappelle que l'exception d'inexécution ne peut être fondée que sur une inexécution majeure de la part du partenaire. Elle souligne que les prétendus manquements et comportements déloyaux dont la société Normanbel excipe, n'ont aucun lien avec la contribution publicitaire dont elle réclame le paiement. Elle affirme qu'elle a toujours exécuté ses obligations contractuelles.

La société Normanbel rappelle que la société Casa avait suspendu le paiement de cette redevance pendant un an à compter du 1er juillet 2011 en raison de la baisse du chiffre d'affaires mais que sa demande légitime de prorogation de cette suspension a été refusée. Elle fait état de plusieurs manquements contractuels et comportements déloyaux du franchiseur (refus de communication des chiffres d'affaires des autres membres du réseau, refus de la soutenir et de l'aider dans la négociation de son bail commercial avec son bailleur, refus d'établir un compte d'exploitation prévisionnel pour le magasin de [ville R.], refus d'assistance pour l'étude de travaux). Elle considère que la loyauté contractuelle aurait dû amener le franchiseur à l'exonérer du paiement de la redevance. Elle en conclut que l'absence d'aide apportée par le franchiseur à son franchisé justifie, par application du principe d'exception d'inexécution, que les demandes reconventionnelles de la société Casa soient rejetées ou, à titre subsidiaire, que soit ordonnée la compensation entre les sommes qui pourront lui être accordées au titre de sa demande de paiement de la contribution publicitaire, et les sommes qu'elle sera condamnées à lui verser à titre de dommages et intérêts.

Mais c'est à juste titre que les premiers juges, rappelant que le paiement de la contribution publicitaire, obligation contractuelle du franchisé librement consentie, est un élément classique du contrat de franchise, ont estimé que la société Normanbel ne pouvait se soustraire à cet engagement. En effet, cette dernière ne justifie ni même n'allègue que le franchiseur n'a pas respecté ses obligations d'action publicitaire qui sont la contrepartie de cette contribution. Par suite, et étant rappelé que la prolongation d'une aide commerciale précédemment consentie n'est pas de droit, la société Normanbel qui ne saurait invoquer des manquements sans lien direct avec l'exception d'inexécution qu'elle invoque, ne justifie pas du bien-fondé de son refus de paiement. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Normanbel à verser la somme de 49.869,20 euros au titre des contributions publicitaires de juillet 2012 à août 2014. Il sera ajouté la somme de 1.918,04 euros au titre de la contribution publicitaire du mois de septembre 2014 dont le montant n'est pas contesté et qui est justifiée comme étant le montant mensuel moyen des contributions publicitaires (49.869,20 euros / 26 mois) en l'absence de communication par la société Normanbel de son chiffre d'affaires réalisé en septembre 2014. Cette somme sera augmentée des intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2014, date des dernières conclusions en première instance valant mise en demeure (pièce n° 50 intimées).

 

Sur les autres demandes :

La société Normanbel et M. X. qui succombent, supporteront in solidum les dépens de première instance et d'appel et devront verser aux sociétés Casa la somme de 3.000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

INFIRME le jugement entrepris dans toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné la société Normanbel à payer à la société Casa International la somme de 49.869,20 euros au titre des contributions publicitaires ainsi que les intérêts au taux légal avec anatocisme à compter du 21 mars 2013 ;

statuant à nouveau,

DÉBOUTE la société Normanbel et M. X. de l'ensemble de leurs demandes ;

y ajoutant,

CONDAMNE la société Normanbel à payer à la société Casa International la somme de 1.918,04 euros au titre de la contribution publicitaire du mois de septembre 2014 ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2014 ;

CONDAMNE in solidum la société Normanbel et M. X. aux dépens de première instance et d'appel ;

CONDAMNE in solidum la société Normanbel et M. X. à verser aux sociétés Casa International et Casa France la somme de 3.000 euros, chacune, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier                La Présidente

Cécile PENG             Irène LUC