CA VERSAILLES (3e ch.), 30 novembre 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 7270
CA VERSAILLES (3e ch.), 30 novembre 2017 : RG n° 16/01658
Publication : Jurica
Extrait : « Il en résulte qu'ainsi que l'a énoncé le tribunal, la rencontre n'était pas achevée, en sorte que l'aléa du contrat sur l'issue de la rencontre subsistait et que l'article 5.4 du règlement FDJ n'avait pas vocation à s'appliquer. En revanche, la situation était bien régie par l'article 5.3 du règlement, qui vise précisément le sort des paris lorsque la manifestation a commencé avant l'heure prévue, et qui dispose qu'en un tel cas la FDJ peut annuler tout ou partie des paris effectués après le début de la rencontre.
La liberté laissée à la FDJ d'annuler ou non un pari ne peut être considérée comme une clause abusive au sens du code de la consommation, les opérations de pari, qui ne constituent ni un contrat de vente ni un contrat de prestation de service, n'étant pas soumises à ce code. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
TROISIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 16/01658. Code nac : 59B. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 octobre 2015 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE (7e ch.) : R.G. n° 14/02089.
LE TRENTE NOVEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT, La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], de nationalité Française, Représentant : Maître Matthieu C. de l'AARPI LEXONE, Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0473, Représentant : Maître Matthieu E. de l'AARPI LEXONE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0473
INTIMÉE :
SOCIÉTÉ LA FRANCAISE DES JEUX
Société anonyme d'économie mixte, N° SIRET : XXX, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, Représentant : Maître Marion C. de la SELARL S. C. & Associés, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 347, Représentant : Maître Régis C. de la SELARL H. SOCIETE D AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0061
Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 octobre 2017 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique BOISSELET, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Véronique BOISSELET, Président, Madame Françoise BAZET, Conseiller, Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Maguelone PELLETERET,
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
M. X. a conclu le 24 février 2012 entre 15 h 12 et 15 h 16 le 24 février 2012 dix contrats de jeu, pour une somme totale de 520 euros, dans le cadre d'offres de pronostics sportifs dénommés « Parions Sport » proposés par la société Française des jeux (FDJ). Découvrant par la suite que l'un de ces paris avait été enregistré après le début de la manifestation sportive concernée, à la suite de l'avancement de son horaire, il a sollicité auprès de la FDJ l'annulation de ce pari, qui devait être alors à ses yeux considéré comme gagnant. La FDJ ayant refusé tout paiement, au titre de gains ou de remboursement de la mise, M. X. l'a assignée en paiement devant le tribunal de grande instance de Nanterre, par acte du 22 janvier 2014.
Par jugement du 15 octobre 2015, le tribunal de grande instance de Nanterre a débouté M. X. de toutes ses demandes et l'a condamné à payer à la société FDJ la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Par acte du 4 mars 2016 M. X. a interjeté appel et par dernières écritures du 2 octobre 2017 prie la cour de :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- déclarer la société FDJ fautive pour manquement à son obligation d'information, de conseil et de mise en garde pour offre publique erronée de pari ainsi que pour la collecte de pari, le 24 février 2012, après 14 heures concernant la rencontre opposant Nadezhda Orenbourd à Spartak M.R Vidnoje,
- juger abusive et inopposable à M. X. la clause 5.3 du règlement de la FDJ pour l'offre de paris sportifs à cotes proposée en point de vente,
- condamner la FDJ à lui payer :
* la somme de 9.618,13 euros au titre des contrats de paris conclus,
* la somme de 10.000 euros au titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation d'information, de conseil et de mise en garde,
* la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive,
à titre subsidiaire :
- condamner la FDJ à lui payer la somme de 520 euros au titre du remboursement de ses mises,
en tout état de cause :
- condamner la FDJ à lui payer la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,
- débouter la FDJ de toutes ses demandes.
Par dernières écritures du 4 octobre 2017, la FDJ prie la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. X. de toutes ses demandes, et condamné celui-ci au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. X. au paiement à la FDJ de la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais et dépens exposés en cause d'appel et aux dépens avec recouvrement direct.
Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions notifiées aux dates mentionnées ci-dessus, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 octobre 2017.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI, LA COUR :
M. X. se prévaut des articles 5.4 et 5.10 du règlement de la FDJ disposant que tout pari n'ayant pas de résultat sportif possible ou dont le résultat est déjà connu est annulé, et que l'annulation d'un pari consiste à le considérer comme gagnant et à passer sa cote à 1 pour la détermination des gains des combinaisons.
La FDJ lui oppose l'article 5.3 qui prévoit, en cas d'avancement de l'heure d'une manifestation, que si la manifestation sportive a déjà commencé au moment où le nouvel horaire est connu de la FDJ, les prises de jeu ne sont plus autorisées, et les cotes en vigueur lors des prises de jeu réalisées par les joueurs avant le commencement de la manifestation sportive sont maintenues, la FDJ se réservant le droit d'annuler les pronostics des combinaisons de tous ou certains des paris enregistrées après le début de la manifestation sportive.
Le tribunal a retenu pour l'essentiel qu'il n'était pas prouvé que la FDJ avait connaissance de la modification de l'horaire du match et qu'aucun manquement à une prétendue obligation d'information ne pouvait donc lui être reproché. Il a considéré que le code de la consommation n'était pas applicable, en sorte que les règles relatives aux clauses abusives ne l'étaient pas davantage. Enfin l'épreuve étant toujours en cours lors du pari litigieux, l'aléa du contrat existait toujours, en sorte qu'il ne pouvait être reproché à la FDJ de ne pas avoir annulé le pari. Il a enfin relevé que le pronostic fait par M. X. étant inexact, ce dernier ne pouvait recevoir de gain.
M. X. fait valoir que la FDJ a manqué à ses obligations contractuelles qui consistent à afficher l'horaire exact de début de la manifestation sportive litigieuse et à cesser toute prise de jeu après le début de ladite manifestation sportive, et que ces manquements ont provoqué son erreur. Il observe que le changement d'horaire allégué n'est aucunement établi, en sorte que la FDJ a violé son propre règlement en le laissant parier après le début de la rencontre, ce qui est interdit en cas de paris en point de vente, ce qui est le cas. Il ajoute que la clause 5.3 qui lui est opposée est illicite puisque potestative, en application du code de la consommation, et ne saurait lui être opposée. Il considère qu'à tout le moins, l'inexécution de son obligation d'information par la FDJ justifie le remboursement de sa mise.
La FDJ fait valoir pour l'essentiel que le code de la consommation qui ne s'applique qu'aux contrats de vente et de fourniture de services, est inapplicable à la convention de pari et qu'elle n'est donc pas tenue à une quelconque obligation d'information sur le fondement du droit commun. Elle ajoute que les pièces qu'elle produit établissent la modification de l'horaire de la rencontre, et lui permettent de se prévaloir de l'article 5.3 du règlement, qui constitue une clause de dédit beaucoup plus avantageuse pour le joueur et non une clause d'annulation unilatérale. En effet, la clause contraint la FDJ, lorsqu'elle rétracte son consentement, par suite de la modification de l'heure d'une manifestation sportive, à traiter les paris comme gagnants avec une cote passée à un, ce qui a l'avantage de sauver les paris combinés.
* * *
Il résulte des pièces produites par la FDJ qu'en effet l'heure de la rencontre a été modifiée, puisqu'elle apparaît à 20 h 30 sur le site de la fédération internationale de basket-ball, et qu'elle a en réalité eu lieu à 19 heures, et a duré 1 h 30, selon la réponse officielle de ce club.
L'heure à laquelle les paris ont été passés est connue avec précision, et se situe entre 18 et 14 minutes avant la fin de la rencontre.
Il en résulte qu'ainsi que l'a énoncé le tribunal, la rencontre n'était pas achevée, en sorte que l'aléa du contrat sur l'issue de la rencontre subsistait et que l'article 5.4 du règlement FDJ n'avait pas vocation à s'appliquer. En revanche, la situation était bien régie par l'article 5.3 du règlement, qui vise précisément le sort des paris lorsque la manifestation a commencé avant l'heure prévue, et qui dispose qu'en un tel cas la FDJ peut annuler tout ou partie des paris effectués après le début de la rencontre.
La liberté laissée à la FDJ d'annuler ou non un pari ne peut être considérée comme une clause abusive au sens du code de la consommation, les opérations de pari, qui ne constituent ni un contrat de vente ni un contrat de prestation de service, n'étant pas soumises à ce code.
La FDJ rappelle à juste titre qu'en acceptant de parier, le joueur a accepté les termes du règlement de la FDJ, et a donc donné son consentement à cette clause. Rien ne permet non plus de la contredire lorsqu'elle qualifie de clause de dédit cette faculté d'annulation, plus avantageuse pour le joueur, qui peut ainsi conserver ses chances de gains en cas de combinaison de paris.
Le grief de M. X. consiste à reprocher à la FDJ de n'avoir pas exercé cette faculté à son profit, ce qui lui aurait permis de bénéficier des dispositions de l'article 5.10 du règlement. Il n'établit néanmoins pas que la FJD en avait l'obligation aux termes du contrat, puisque, précisément, il s'agit d'une simple faculté, à moins que les résultats de la rencontre n'eussent été connus ou que tout aléa eût disparu, ce qui l'y aurait contrainte en application de l'article 5.4, et ce qu'il n'établit pas. Au contraire, il n'a jamais soutenu que le résultat était connu quand il a parié, et n'a jamais contesté que son pronostic était perdant. Ainsi, il n'établit pas le tort qui lui aurait été causé par l'absence d'annulation de son pari.
Aucun manquement à une quelconque obligation d'information n'est non plus caractérisé, en l'absence de toute obligation de cette nature dans un contrat de pari, et le tribunal ayant par ailleurs justement observé qu'il n'était pas établi que la FDJ ait eu connaissance de la modification d'horaire au moment de la prise de jeu de M. X.
Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
M. X. qui succombe supportera les dépens d'appel, et contribuera aux frais de procédure exposés par la FJD à hauteur de 1.500 euros.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. X. à payer à la société Française des Jeux la somme complémentaire de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Le condamne également aux dépens d'appel, avec recouvrement direct.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,