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CA BORDEAUX (1re ch. civ. sect. B), 30 septembre 2015

Nature : Décision
Titre : CA BORDEAUX (1re ch. civ. sect. B), 30 septembre 2015
Pays : France
Juridiction : Bordeaux (CA), 1re ch. sect. B
Demande : 13/03466
Date : 30/09/2015
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 4/06/2013
Décision antérieure : CASS. CIV. 1re, 12 juillet 2017
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7319

CA BORDEAUX (1re ch. civ. sect. B), 30 septembre 2015 : RG n° 13/03466 

Cassé par Cass. com., 12 juillet 2017 : pourvoi n° 15-27703 ; arrêt n° 1065 ; Bull. civ.

Publication : Legifrance

 

Extrait : « Mais les dispositions ci-dessus, qui visent des contrats s'inscrivant dans une opération incluant une location financière, ne sont pas applicables au cas d'espèce. En effet, le contrat d'entretien litigieux pouvaient parfaitement être conclu pour du matériel acquis en pleine propriété par la Scp C.-L.-F. et à l'inverse, la location du matériel n'était pas liée à la souscription d'un contrat d'entretien de ce dernier, de sorte que les deux conventions qui avaient une existence propre et étaient susceptibles d'exécution indépendamment l'une de l'autre, ne peuvent pas être considérées comme s'inscrivant dans une opération unique au sein de laquelle l'anéantissement de l'un des contrats aurait pour effet de priver l'autre de cause. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION B

ARRÊT DU 30 SEPTEMBRE 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de rôle : 13/03466. Rédacteur : Monsieur Michel BARRAILLA, Président. Nature de la décision : AU FOND. Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 mai 2012 (R.G. 10/05874 - 5ème chambre civile) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 4 juin 2013.

 

APPELANTE :

LA SCP MICHEL C. - JEAN L. - CLAUDE F.

notaires associés, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis [adresse], Représentée par Maître Max B., Avocat au barreau de BORDEAUX,

 

INTIMÉE ET APPELANTE PAR APPEL INCIDENT :

LA SAS KONICA MINOLTA BUSINESS SOLUTIONS FRANCE

exerçant sous le nom KONICA MINOLTA - (inscrite au R.C.S. de VERSAILLES sous le n° B XXX), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis [adresse], Représentée par la S.C.P. Claire LE B. et Laurène D'A., Avocats Associés au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Axelle L., membre de l'A.A.R.P.I. Michaël H. et Axelle L., Avocats Associés au barreau de PARIS

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 15 juin 2015 en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Michel BARRAILLA, Président, Madame Catherine FOURNIEL, Président, Madame Catherine COUDY, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marceline LOISON

ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Suivant bon de commande du 12 avril 2006, la société civile professionnelle de notaires C. - L. - F. a pris en location financière trois photocopieurs auprès de la société BNP Paribas Lease Group, et a souscrit le même jour un contrat d'entretien et de fourniture auprès de la Sas Konica Minolta Business Solutions France, pour une durée de 60 mois, moyennant un loyer trimestriel de 2.955,00 euros.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 août 2008, la Scp C.-L.-F. a demandé à la société Konica Minolta la résiliation anticipée de ce contrat de services, à compter du 31 août 2008, au motif qu'elle avait résilié la location financière.

La Scp C.-L.-F. n'étant pas d'accord pour s'acquitter d'une indemnité de résiliation anticipée, la société Konica Minolta l'a assignée par acte du 28 mai 2010 devant le tribunal de grande instance de Bordeaux auquel elle demandait dans ses dernières conclusions l'allocation d'une somme de 10.494,90 euros à titre d'indemnité de résiliation outre diverses sommes au titre des intérêts, frais et accessoires, et une clause pénale de 1.574,24 euros.

Par jugement du 15 mai 2012, non assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Bordeaux a condamné la Scp C.-L.-F. à payer à la société Konica Minolta la somme de 10.494,90 euros à titre d'indemnité de résiliation, celle de 60,00 euros au titre des frais exposés, avec intérêts de droit et capitalisation annuelle de ces intérêts, et celle de 1.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a alloué l'indemnité de résiliation en application des dispositions de l'article 10 C des conditions générales du contrat de services, après avoir considéré, pour répondre aux arguments de la Scp C.-L.-F., qu'il n'y avait pas indissociabilité entre les contrats de location de matériel et de fourniture de services, de sorte que la résiliation du premier n'avait pu entraîner celle du second.

La Scp C.-L.-F. a relevé appel de ce jugement le 4 juin 2013.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 11 décembre 2014, elle conteste devoir une quelconque indemnité de résiliation en soutenant que le contrat de service est devenu sans objet du fait de la restitution des copieurs, à laquelle elle a procédé dès le 3 octobre 2008, et qui rend impossible l'exécution du service d'entretien et de la maintenance. La Scp C.-L.-F. invoque à l'appui de cette analyse deux arrêts de la chambre mixte de la Cour de Cassation en date du 17 mai 2013, selon lesquels les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants, et que sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance.

En l'espèce, la résiliation du contrat de location de matériel rend impossible puisque sans objet, l'exécution du contrat de service. En vertu des décisions susvisées, la clause prévoyant le paiement d'une indemnité de résiliation doit être réputée non écrite comme étant inconciliable avec le principe d'interdépendance des contrats.

La Scp C.-L.-F. ajoute que la résiliation du contrat de fourniture n'a causé aucun préjudice à la société Konica Minolta puisque l'indemnité de résiliation prévue au contrat de location a été réglée à la société BNP Paribas Lease Group, et que cette dernière a donc recouvré l'intégralité de sa créance cédée par la société Konica Minolta à laquelle elle n'a plus rien à réclamer.

Elle fait valoir que l'indemnité de résiliation ne peut se justifier par la notion d'amortissement indemnisant le manque à gagner du prestataire, puisqu'il s'agit d'un contrat à exécution successive dont la rémunération est versée au fur et à mesure de l'accomplissement de la prestation, et non d'un contrat instantané dont la rémunération est fixée dès l'origine.

Subsidiairement, la Scp C.-L.-F. demande à la cour de requalifier l'indemnité de résiliation en clause pénale et de la réduire à l'euros symbolique en raison de son caractère manifestement excessif.

Dans ses dernières écritures remises et notifiées le 19 décembre 2014, la société Konica Minolta répond que les contrats de location financière entre la Scp C.-L.-F. et la société BNP Paribas Lease Group d'une part, et de services entre la Scp C.-L.-F. et la société Konica Minolta d'autre part sont parfaitement distincts, et que le deuxième n'est pas l'accessoire du premier dans la mesure où la vente ou la location financière d'un photocopieur n'était nullement subordonnée à la souscription d'un quelconque contrat de service auprès de la société Konica Minolta, ces machines pouvant parfaitement fonctionner sans contrat d'entretien.

Elle soutient que les arrêts de la chambre mixte de la Cour de Cassation invoqués par la Scp C.-L.-F. ne sont pas applicables à l'espèce, dans la mesure où ils sont intervenus pour lutter contre les abus des sociétés de financement et où la Cour de Cassation a fixé les conditions d'interdépendance des contrats, qui sont d'une part l'existence d'un contrat de prestations, et d'autre part celle d'un contrat de location souscrit pour financer le premier contrat, cette interdépendance entraînant la caducité du contrat de location financière si le contrat de prestation est annulé ou résilié, et non l'inverse.

La société Konica Minolta ajoute que la résiliation anticipée du contrat de services lui a causé un préjudice dans la mesure où n'étant pas propriétaire des copieurs, elle ne peut en disposer à son profit. En toute hypothèse, la notion de préjudice est étrangère à son droit de percevoir l'indemnité de résiliation qui résulte de la seule application du contrat.

Par ailleurs l'indemnité de résiliation ne peut s'analyser en une clause pénale susceptible de réduction, cette clause ayant été souscrite indépendamment de toute notion d'inexécution et s'apparentant à une clause de dédit, destinée à rétablir l'équilibre dans l'économie générale du contrat en cas de volonté d'une partie de sortir du contrat avant le terme prévu.

La société Konica Minolta sollicite en conséquence la confirmation du jugement en ce qu'il lui a alloué la somme de 10.494,90 euros TTC à titre d'indemnité de résiliation calculée conformément aux dispositions contractuelles.

La société Konica Minolta forme appel incident et sollicite la condamnation de la Scp C.-L.-F. à lui payer les pénalités contractuelles de retard, la clause pénale ainsi que divers frais et indemnités.

L'affaire a été débattue à l'audience du 12 janvier 2015.

Par un arrêt avant dire droit du 2 mars 2015, cette cour a ordonné la production par la Scp C.-L.-F. du contrat de location souscrit le 12 avril 2006 auprès de la BNP Paribas Lease Group pour financer le matériel fourni par la société Konica Minolta.

L'affaire a été à nouveau fixée à l'audience du 15 juin 2015, l'ordonnance de clôture ayant été prononcée le 1er juin 2015.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Motifs :

Sur la demande principale :

La Scp C.-L.-F. conteste le droit de la société Konica Minolta à percevoir l'indemnité contractuelle de résiliation anticipée au motif que le contrat d'entretien conclu avec cette dernière est indissociable du contrat de location financière du même matériel conclu avec la société BNP Paribas Lease Group dont il ne serait que l'accessoire, de telle sorte que l'anéantissement du contrat principal conclu avec la société BNP Paribas Lease Group devrait entraîner celle du contrat de service qui, dépourvu de cause, ne saurait ouvrir droit à une indemnité du fait de sa résiliation par le bénéficiaire de la prestation.

Aux termes de l'article 10 C des conditions générales de services, « dans tous les cas de résiliation avant l'expiration de la période initiale ou des périodes renouvelées du contrat de services à l'initiative de KMBSF ou du client, la résiliation entraînera, au profit de KMBSF, sans mise en demeure préalable, le paiement par le client d'une indemnité égale à 100 % de la valeur de la moyenne mensuelle des copies effectuées ou dues depuis la date d'entrée en vigueur du contrat de services jusqu'à sa date de résiliation anticipée, multiplié par le nombre de mois restant à courir entre la date de résiliation et la date normale d'expiration du présent contrat. »

Il n'est pas contesté qu'à l'issue d'un calcul effectué suivant les modalités ci-dessus, l'indemnité de résiliation s'élève à une somme de 10.494,90 euros qui a donné lieu de la part de la société Konica Minolta à l'établissement d'une facture en date du 9 octobre 2008.

Il ressort des pièces produites que la Scp C.-L.-F. a conclu avec la société BNP Paribas Lease Group un contrat de location portant sur trois photocopieurs pour une durée de 60 mois moyennant le paiement de 20 loyers trimestriels HT de 2.955,00 euros ; que les dispositions des conditions générales ne font dépendre ni la conclusion, ni l'exécution, ni la résiliation du contrat d'un quelconque contrat de service ; que ce dernier a été conclu indépendamment du contrat de location financière, car si les deux conventions ont porté sur les mêmes biens, aucune clause du contrat de location du matériel ne fait référence à l'obligation pour le souscripteur de conclure un contrat d'entretien pour celui-ci, ni ne fait dépendre les conditions de résiliation du contrat de location de celles du contrat d'entretien ; à l'inverse, le contrat de services pouvait parfaitement être passé sur un matériel différent de celui qui a fait l'objet du contrat de location, de sorte qu'il ne peut être valablement soutenu qu'il en constitue l'accessoire.

Pour soutenir néanmoins que ces contrats sont interdépendants, la Scp C.-L.-F. se prévaut de deux arrêts du 17 mai 2013 de la chambre mixte de la Cour de Cassation selon lesquels 'les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants ; sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance.'

Mais les dispositions ci-dessus, qui visent des contrats s'inscrivant dans une opération incluant une location financière, ne sont pas applicables au cas d'espèce. En effet, le contrat d'entretien litigieux pouvaient parfaitement être conclu pour du matériel acquis en pleine propriété par la Scp C.-L.-F. et à l'inverse, la location du matériel n'était pas liée à la souscription d'un contrat d'entretien de ce dernier, de sorte que les deux conventions qui avaient une existence propre et étaient susceptibles d'exécution indépendamment l'une de l'autre, ne peuvent pas être considérées comme s'inscrivant dans une opération unique au sein de laquelle l'anéantissement de l'un des contrats aurait pour effet de priver l'autre de cause.

Il s'ensuit que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la société Konica Minolta était en droit d'exiger de la Scp C.-L.-F. le paiement de l'indemnité prévue en cas de résiliation anticipée du contrat.

 

Sur les autres demandes :

Subsidiairement, la Scp C.-L.-F. demande que l'indemnité de résiliation soit qualifiée de clause pénale et réduite à l'euros symbolique.

En l'espèce toutefois, l'indemnité de résiliation n'est pas assimilable à une peine sanctionnant le défaut d'exécution du contrat, mais est destinée à rétablir l'équilibre économique de l'opération au profit du créancier privé de l'avantage financier qu'il eût obtenu de ses prestations si les relations contractuelles avec le débiteur étaient allées jusqu'à leur terme. En permettant au débiteur de dénoncer le contrat avant l'échéance convenue, la clause de résiliation anticipée doit s'analyser en une faculté de dédit, et l'indemnité fixée en contrepartie au profit du créancier n'est pas susceptible de réduction, les dispositions de l'article 1152 du code civil ne pouvant trouver matière à s'appliquer en pareil cas.

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a débouté la société Konica Minolta de ses demandes formées au titre de la clause pénale et des pénalités de retard pour non-paiement de la facture à son échéance. En effet, l'article 7 des conditions générales du contrat, intitulé « clause pénale », permet à la société Konica Minolta de réclamer au client « ne s'étant pas acquitté de ses obligations contractuelles » l'application d'une clause pénale de 15 % du montant du principal exigible. Or le non-paiement de l'indemnité de résiliation anticipée ne peut être assimilé à une inexécution des obligations contractuelles en ce sens qu'il est postérieur ou concomitant à la résiliation du contrat. Cette indemnité constitue la contrepartie d'une faculté de dédit dont l'exercice a pour effet de mettre fin à la convention. La société Konica Minolta n'est donc pas fondée à solliciter l'application de la clause pénale.

Il en est de même en ce qui concerne les pénalités de retard, applicables selon l'article 6 des conditions générales en cas de non-paiement d'une facture à son échéance. Cette disposition s'entend des factures émises au titre des prestations contractuellement prévues à la charge de la société Konica Minolta, dont le règlement ponctuel n'a pas été contesté, et non d'une facture relative au montant de l'indemnité de résiliation, due par hypothèse une fois que les obligations contractuelles ont pris fin.

La société Konica Minolta a exposé des frais et accessoires justifiés à hauteur d'un montant de 60,00 euros. La décision sera confirmée de ce chef.

Elle le sera également en ce qu'elle a ordonné la capitalisation annuelle des intérêts dus sur les sommes allouées au titre de l'indemnité de résiliation et des frais accessoires.

La Scp C.-L.-F., tenue aux dépens, sera condamnée à payer à la société Konica Minolta la somme de 2.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs,

Reçoit la Scp C.-L.-F. en son appel.

Confirme en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 15 mai 2012 par le tribunal de grande instance de Bordeaux.

Y ajoutant,

Condamne la Scp C.-L.-F. à payer à la société Konica Minolta la somme de 2.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Konica Minolta aux dépens.

Signé par Monsieur Michel Barrailla, Président, et par Madame Marceline Loison, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.

LE GREFFIER                    LE PRÉSIDENT