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CA LYON (6e ch. civ.), 31 mars 2005

Nature : Décision
Titre : CA LYON (6e ch. civ.), 31 mars 2005
Pays : France
Juridiction : Lyon (CA), 6e ch. civ.
Demande : 03/05879
Date : 31/03/2005
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7323

CA LYON (6e ch. civ.), 31 mars 2005 : RG n° 03/05879 

Publication : Legifrance

 

Extraits : 1/ « Que le déménageur peut valablement stipuler que toute action à son encontre doit être intentée dans l’année qui suit la livraison ; que l’article 15 précité s’impose aux parties au contrat ; que l’action de Monsieur X. est ainsi soumise à une prescription annale, de nature contractuelle, ayant vocation à s’appliquer indépendamment de la nature juridique du contrat, contrat de transport ou contrat d’entreprise, liant les parties ; Attendu qu’une telle clause, prévoyant un délai de prescription d’un an, ne présentant pas de difficultés d’interprétation, ne peut être qualifiée d’abusive et n’est pas contraire à l’ordre public ; que ne peut être retenu un déséquilibre significatif alors que le réclamant a un délai d’un an pour intenter une action pour pertes et avaries concernant des meubles meublants et qu’un tel délai est suffisant et ne remet pas en cause les règles protectrices des consommateurs ; que le moyen tiré de l’irrégularité et de l’inapplicabilité de cette clause n’est pas fondé ».

2/ « Attendu qu’en application de l’article 1134 du Code civil, comme pour le délai de prescription prévu à l’article 15 des conditions générales, ces dispositions contractuelles s’imposent aux parties et la jurisprudence invoquée par l’appelant sur l’application de l’article L. 133-3 du Code de commerce est inopérante en l’espèce ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE LYON

SIXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 31 MARS 2005

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° R.G. n° 03/05879. Sur appel de TI Lyon, 4 août 2003 : R.G. n° 2002/02835. Nature du recours : APPEL Affaire : Demande en dommages-intérêts contre le prestataire de services pour mauvaise exécution.

 

APPELANT :

Monsieur X.

représenté par la SCP BRONDEL-TUDELA, Avoués assisté par Maître BRUMM, Avocat, (TOQUE 768)

 

INTIMEES :

SA MONDIA DÉMÉNAGEMENT

représentée par Maître MOREL, Avoué assistée par Maître RENAUDIN, Avocat, (MARSEILLE)

SA SUISSE ACCIDENT

représentée par Maître MOREL, Avoué assistée par Maître RENAUDIN, Avocat, (MARSEILLE)

 

Instruction clôturée le 14 janvier 2005

DÉBATS en audience publique du 15 février 2005 tenue par Madame de la LANCE, Conseiller rapporteur, (sans opposition des avocats dûment avisés) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté lors des débats de Madame SENTIS, Greffier

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré : Monsieur LECOMTE, Président, Madame DUMAS, Conseiller.

Madame de la LANCE, Conseiller a rendu […]

ARRÊT contradictoire prononcé à l’audience publique du 31 MARS 2005, par Monsieur LECOMTE, Président, qui a signé la minute avec Madame SENTIS, Greffier

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Monsieur X., avec sa famille, devant déménager de [ville S.] [ville L.], s’est adressé à la Société MONDIA DÉMÉNAGEMENT et a donné son accord sur une proposition de prestations, accompagnée d’un devis, du 25 juillet 2000, comportant l’emballage et le déballage de la totalité des biens, à l’exception des vêtements, la protection particulière de certains meubles et une assurance dommages. Un premier chargement intervient le 22 août 2000 avec une livraison le 24 août suivant, puis un second le 4 septembre avec une livraison le 6 septembre 2000. Le 14 septembre 2000, une équipe de deux personnes vient terminer le déballage.

En indiquant avoir fait des réserves sur les lettres de voiture et avoir adressé des lettres recommandées mentionnant les désordres survenus lors du déménagement, sans obtenir l’indemnisation de son préjudice, Monsieur X., le 12 juillet 2002, a fait assigner devant le tribunal d’instance de Lyon la Société MONDIA DÉMÉNAGEMENT pour la voir condamner à lui payer des dommages et intérêts. La Société SUISSE ACCIDENT, assureur de la Société MONDIA DÉMÉNAGEMENT, est intervenue volontairement à la procédure.

Par jugement du 4 août 2003, le tribunal a dit que l’action de Monsieur X. était prescrite et a condamné celui-ci à payer à la Société MONDIA DÉMÉNAGEMENT et à la Société SUISSE ACCIDENT la somme globale de 190 € au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Monsieur X. a interjeté appel du jugement.

* * *

Monsieur X. soutient que le contrat de déménagement est un contrat d’entreprise distinct du contrat de transport, les prestations d’emballage et de déballage étant aussi importantes que l’opération de transport, que la prescription annale de l’article L. 133-3 du Code de commerce n’est donc pas applicable, que la prescription annale prévue par l’article 15 des conditions générales du contrat doit également être écartée, cette clause irrégulière étant dans le seul intérêt du déménageur, l’engagement exprès du consommateur n’étant pas établi, et le déménageur n’ayant pas été, par son attitude laissant le client dans l’incertitude, un cocontractant de bonne foi, que la loi du 12 juin 2003 ne peut trouver application en l’espèce, que, subsidiairement, la prescription a été interrompue, le 6 septembre 2001, par la lettre d’acceptation d’indemnité d’une validité d’un an rédigée par l’assureur, aucun refus de garantie n’ayant jamais été opposé, qu’aucun forclusion n’est encourue, les réserves sur la lettre de voiture du 6 septembre ayant été confirmées par courrier recommandé du 12 septembre et complétées le 19 septembre suivant, le déballage n’ayant été terminé que le 14 septembre, et la formalité de la lettre recommandée n’étant plus obligatoire lorsque les réserves sur la lettre de voiture ont été acceptées, même tacitement, et qu’il n’y a aucune présomption de livraison conforme, la seule lettre de voiture présentée ayant été utilisée le 6 septembre et la longueur du déballage ayant créé une situation non prévue aux conditions générales.

L’appelant fait valoir qu’il est bien fondé à solliciter sur le fondement des articles 1134 et 1147 du Code civil l’indemnisation de son préjudice sur la base des lettres de voiture des 24 août et 6 septembre 2000, et des courriers des 12 et 19 septembre 2000 énumérant les dommages, confirmés par le constat d’huissier du 16 novembre 2001, que les devis produits justifient le coût des remises en état réclamé, et qu’il a subi également un trouble de jouissance. Il demande à la Cour de réformer le jugement entrepris, de condamner solidairement la Société MONDIA DÉMÉNAGEMENT et la Société SUISSE ACCIDENTS à lui verser la somme de 6 731,13 ä en remboursement du préjudice subi et celle de 3 000 € [ou F. ?] au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

* * *

La Société MONDIA KIRWAN, exerçant sous l’enseigne MONDIA DÉMÉNAGEMENT, et la Société SUISSE ACCIDENTS, nouvellement dénommée SWISS LIFE, font valoir que la prescription annale invoquée a un fondement contractuel, qu’elle est prévue à l’article 15 des conditions générales du contrat et figure sur le devis accepté par Monsieur X. et sur les lettres d’accompagnement du devis, que Monsieur X. a déclaré, par une mention précédant sa signature, qu’il avait pris connaissance des conditions générales de vente figurant au verso, que ces conditions lui sont donc opposables, que son action, engagée plus

d’un an après la livraison, est ainsi prescrite, que cette clause, ne créant aucun déséquilibre significatif entre les parties, et l’appelant ayant été en mesure d’apprécier sa portée, est régulière, que la loi du 12 juin 2003 permet également d’appliquer la prescription annale au contrat de déménagement, qu’il n’y a pas eu d’interruption de la prescription en l’absence de reconnaissance du droit du réclamant, l’offre transactionnelle produite prévoyant qu’à défaut d’acceptation, l’assureur reprendra tous ses droits, que la prescription a donc fait son ouvre, qu’en outre, l’action est irrecevable sur le fondement de l’article 16 des conditions générales du contrat, l’appelant n’ayant pas confirmé les réserves émises par lettre recommandée dans les trois jours, que, subsidiairement, la réclamation ne pourrait prospérer que pour les réserves émises dans la lettre de voiture de livraison, se heurtant pour le surplus à la présomption de livraison conforme.

Les intimées, dans le cadre subsidiaire, énoncent que les réclamations se trouveraient ainsi limitées à la somme de 729,51 € [ou F. ?], et qu’il ne peut exister aucun trouble de jouissance, l’indemnisation n’intervenant que dans la limite du préjudice matériel.

Elles soutiennent qu’il serait inéquitable qu’elles fassent les frais du caractère procédurier de Monsieur X. et attirent l’attention de la Cour sur les frais irrépétibles.

Elles demandent à la Cour de débouter Monsieur X. de toutes ses demandes et de le condamner à leur payer une somme de 3.000 € [ou F. ?] en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la prescription de l’action :

Attendu qu’en application de l’article 1134 du Code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ;

Attendu que Monsieur X. a signé le contrat, daté du 25 juillet 2000, qui lui était soumis par la Société MONDIA DÉMÉNAGEMENT, détaillant les prestations proposées et accompagné d’un devis ; qu’une mention de ce contrat, insérée au-dessus des signatures, indique qu’il déclare avoir pris connaissance des conditions générales de ventes figurant au verso ; que ces conditions générales sont en effet imprimées au verso des deux pages du contrat et du devis ; que l’article 15 de ces conditions générales, intitulé prescription, énonce que les actions en justice pour avarie, perte ou retard auxquelles peut donner lieu le contrat de déménagement doivent être intentées dans l’année qui suit la livraison du mobilier (article 108 du Code de commerce) ; que cette clause figure également au verso des lettres de voiture signées par Monsieur X. dont il a gardé un exemplaire ;

Que le déménageur peut valablement stipuler que toute action à son encontre doit être intentée dans l’année qui suit la livraison ; que l’article 15 précité s’impose aux parties au contrat ; que l’action de Monsieur X. est ainsi soumise à une prescription annale, de nature contractuelle, ayant vocation à s’appliquer indépendamment de la nature juridique du contrat, contrat de transport ou contrat d’entreprise, liant les parties ;

Attendu qu’une telle clause, prévoyant un délai de prescription d’un an, ne présentant pas de difficultés d’interprétation, ne peut être qualifiée d’abusive et n’est pas contraire à l’ordre public ; que ne peut être retenu un déséquilibre significatif alors que le réclamant a un délai d’un an pour intenter une action pour pertes et avaries concernant des meubles meublants et qu’un tel délai est suffisant et ne remet pas en cause les règles protectrices des consommateurs ; que le moyen tiré de l’irrégularité et de l’inapplicabilité de cette clause n’est pas fondé ;

Attendu que la livraison du mobilier est intervenue le 6 septembre 2000, que le déballage n’a été terminé que le 14 septembre suivant ; que Monsieur X. a assigné le déménageur par acte du 12 juillet 2002, soit après l’expiration du délai d’un an suivant la livraison, qui doit être fixée au 14 septembre 2001 ;

 

Sur l’interruption de la prescription :

Attendu que la prescription annale peut être interrompue par une demande en justice ou peut résulter d’une reconnaissance de responsabilité et d’un engagement de réparer le dommage émanant du débiteur de l’obligation ;

Qu’en l’espèce, par courrier du 6 septembre 2001, la Société MONDIA DÉMÉNAGEMENT a transmis à Monsieur X. une lettre d’acceptation d’indemnité de ses assureurs pour un montant de 1.892,44 F, lui demandant de la retourner complétée et signée ; qu’un courrier identique du 16 octobre 2001 a été adressé, l’indemnité proposée étant portée à 4.216,44 F ; qu’il est exact que ces offres précisent que cette lettre d’acceptation d’indemnité reprend la proposition amiable de l’assureur, sans aucune reconnaissance du droit du réclamant et qu’à défaut d’acceptation, l’assureur reprend tous ses droits, dont celui d’invoquer la prescription annale à compter du 7/9/2000 pour la totalité de la réclamation ; qu’en conséquence, si le courrier du 6 septembre 2001 ne constitue pas un engagement inconditionnel de payer entraînant novation et donc la substitution de la prescription de droit commun à la prescription d’un an, il constitue cependant une offre d’indemnisation, soit un acte interruptif faisant simplement courir, à compter de sa date, un nouveau délai de prescription d’un an ;

Attendu que l’action engagée par Monsieur X. le 12 juillet 2002 n’était donc pas prescrite ; que le jugement sera réformé sur ce point ;

 

Sur la forclusion de l’action :

Attendu qu’il est stipulé à l’article 16 des conditions générales du contrat de déménagement qu’à la réception de son mobilier, en cas de perte ou d’avarie et pour sauvegarder ses droits et moyens de preuve, le client a intérêt à émettre dès la livraison et la mise en place, en présence des représentant de l’entreprise, des réserves écrites, précises et détaillées. Que ces réserves aient été prises ou non, le client doit, en cas de perte ou d’avarie, soit adresser à l’entreprise une lettre recommandée dans laquelle il décrit le dommage constaté, soit faire établir un acte extrajudiciaire (constat d’huissier). Ces formalités doivent être accomplies dans les 3 jours, non compris les dimanches et jours fériés, qui suivent la livraison. A défaut, le client est privé du droit d’agir contre l’entreprise (article 105 du Code de commerce) ;

Attendu qu’en application de l’article 1134 du Code civil, comme pour le délai de prescription prévu à l’article 15 des conditions générales, ces dispositions contractuelles s’imposent aux parties et la jurisprudence invoquée par l’appelant sur l’application de l’article L. 133-3 du Code de commerce est inopérante en l’espèce ; que la réception du mobilier a été effectuée en plusieurs fois, les 24 août, 7 et 14 septembre 2000 ; que Monsieur X. a émis des réserves sur deux lettres de voiture des 24 août et 7 septembre 2000, confirmées et complétées par des courriers des 12 et 19 septembre 2000, alors que les lettres recommandées décrivant les dommages devaient être adressés après les livraisons, au plus tard, les 28 août, 11 et 18 septembre 2000 ; Qu’en conséquence, Monsieur X. était forclos à agir contre la société MONDIA DÉMÉNAGEMENT, en application des clauses du contrat et ne peut être que débouté de l’ensemble de ses demandes ;

 

Sur les frais irrépétibles :

Attendu, en revanche, qu’il paraît équitable, eu égard aux circonstances, que chaque partie conserve pour elle les frais engagés dans cette procédure et de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Reçoit en la forme l’appel de Monsieur X.,

Réforme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Constate la forclusion de l’action engagée par Monsieur X.,

Déboute, en conséquence, Monsieur X. de l’ensemble de ses demandes,

Déboute la Société MONDIA KIRWAN, exerçant sous l’enseigne MONDIA DÉMÉNAGEMENT, et la Société SUISSE ACCIDENTS, nouvellement dénommée SWISS LIFE, de leur demande fondée sur l’article 700 du nouveau Code

de procédure civile,

Condamne Monsieur X. aux entiers dépens de première instance et d’appel, ces derniers étant distraits au profit de Maître MOREL, Avoué, conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.

LE GREFFIER                                LE PRESIDENT