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CA LYON (1re ch. civ. B), 3 novembre 2009

Nature : Décision
Titre : CA LYON (1re ch. civ. B), 3 novembre 2009
Pays : France
Juridiction : Lyon (CA), 1re ch. B
Demande : 08/07407
Date : 3/11/2009
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Décision antérieure : CASS. CIV. 1re, 20 janvier 2011
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7325

CA LYON (1re ch. civ. B), 3 novembre 2009 : RG n° 08/07407

Pourvoi rejeté par Cass. civ. 1re, 20 janvier 2011 : pourvoi n° 10-10174 ; Cerclab n° 5191

Publication : Jurica

 

Extrait (demandes des appelants) : « Monsieur et Madame X. ont relevé appel de cette décision. Ils maintiennent que Maître G. aurait dû leur conseiller de recourir à un prêt destiné aux particuliers et non pas à un prêt professionnel prévoyant le versement de 5 % à un fonds de garantie et une clause de remboursement anticipé abusive. Ils font valoir que le caractère professionnel des prêts a favorisé la précipitation de la lecture des contrats ».

Extrait (motifs) : « Attendu qu'il résulte très clairement de ces éléments que Maître G. n'est pas intervenu dans l'obtention d'un financement au bénéfice des époux X., lesquels se sont mis directement en contact avec la Société SDR-SE ; Attendu que Maître G. n'avait pour devoir que de constater l'accord des parties et d'en formaliser la teneur et ne peut se voir reprocher un manquement à son obligation d'information et de conseil ; Attendu que les époux X. étaient en mesure de constater que les contrats de prêt datés du 26 mars 1990 portaient sur des sommes de 1.155.000 francs et 400.000 francs soit un montant global dépassant le montant prévu dans le compromis ; qu'ils étaient également en mesure de lire et de comprendre la clause numéro 6 intitulé « faculté de remboursement anticipé », ou à tout le moins de solliciter des explications de la part d'un professionnel ; Attendu qu'en tout état de cause Maître G. ne pouvait lors de la signature de l'acte prévoir la disparition du fonds de garantie qui a empêché la renégociation du prêt ni le montant de l'indemnité qui serait due quatre ans plus tard ».

 

COUR D’APPEL DE LYON

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE B

ARRÊT DU 3 NOVEMBRE 2009

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 08/07407. Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON (1re ch.) au fond du 24 septembre 2008 : R.G. n° 06/04976.

 

APPELANTS :

Monsieur P. X.

représenté par Maître Annie GUILLAUME, avoué à la Cour, assisté de Maître André-Pierre SEON, avocat au barreau de LYON

Madame Y. épouse X.

représentée par Maître Annie GUILLAUME, avoué à la Cour, assistée de Maître André-Pierre SEON, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Scp R. - B. & G.

NOTAIRES ASSOCIÉS, représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour, assistée de Maître CHAÎNE, avocat au barreau de LYON

 

L'instruction a été clôturée le 2 octobre 2009

L'audience de plaidoiries a eu lieu le 5 octobre 2009

L'affaire a été mise en délibéré au 3 novembre 2009

COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré :

Président : Monsieur ROUX, conseiller faisant fonction de président de chambre,

Conseiller : Madame MORIN,

Conseiller : Madame AUGE

Greffier : Madame JANKOV, pendant les débats uniquement.

A l'audience Monsieur ROUX a fait son rapport conformément à l’article 785 du Code de procédure civile.

ARRÊT : contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, - signé par Monsieur ROUX, conseiller faisant fonction de président de chambre et par Madame JANKOV greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Monsieur P. X. gérant de la Sarl SPIRAL exerçant une activité de menuiserie, et son épouse née Y. ont désiré acquérir un tènement comportant un local industriel et commercial déjà loué par la Société SPIRAL, une habitation et un terrain, le tout situé à [ville C.] mis en vente par Monsieur et Madame Z. Ils souhaitaient y installer leur habitation personnelle après travaux et louer la partie professionnelle à la Sarl SPIRAL et à d'autres entreprises.

Un compromis de vente a été rédigé le 10 juillet 1989.

Le prix convenu était de 1.000.000 francs dont 70.000 francs payables au comptant et 300.000 payables à terme en 120 échéances. Le paiement à terme devait être garanti par une caution bancaire.

Parmi les conditions suspensives figurait l'obtention d'un prêt de 1.320.000 francs et celle d'un permis de construire pour l'agrandissement de la partie habitation. La date de réitération de la vente était fixée au 15 novembre 1989, elle a été différée d'un commun accord entre les parties.

La SOCIETE DE DEVELOPPEMENT REGIONAL DU SUD-EST (SDR-SE) a par courrier du 22 décembre 1989 fait connaître à Monsieur X. qu'elle lui offrait deux prêts de 550.000 francs et 400.000 francs pour l'acquisition du tènement immobilier. Elle imposait entre autres conditions particulières la création d'une Sci, la caution solidaire de Monsieur P. X. et de son frère Monsieur D. X., la souscription d'une assurance décès sur la tête de Monsieur P. X. pour un capital de 950.000 francs, la délégation à la SDR-SE des loyers versés par la Sarl SPIRAL à la Sci.

Les époux X. ont constitué la Sci l’E. qui par assemblée du 2 janvier 1990 a accepté les conditions de la SDR-SE.

Suite aux difficultés à obtenir une caution bancaire garantissant le crédit vendeur de 300.000 francs les parties ont convenu de modifier le prix de vente qui est passé à 900.000 francs payable au comptant. Par ailleurs la condition suspensive concernant le permis de construire a été supprimée. Les parties en ont informé leurs notaires respectifs par courriers du 1er mars 1990.

La Société SDR-SE a adressé aux époux X. deux contrats de prêts datés du 26 mars 1990 portant sur des montants en capital de 1.155.000 francs et 400.000 francs destinés l'un et l'autre à l'acquisition du tènement immobilier. Ces deux contrats prévoyaient l'un et l'autre la souscription d'une assurance décès sur la tête de Monsieur P. X. pour la totalité des capitaux empruntés et imposaient les conditions déjà indiquées dans le courrier du 22 décembre 1989.

Parmi les conditions figurait l'obligation d'adhérer à un fonds de garantie à hauteur de 5 % du capital emprunté, ce fonds étant générateur de produits financiers et restituable à la fin du prêt.

L'acte authentique de vente a été reçu le 30 mars 1990 par Maître G. notaire des acquéreurs et Maître DUTEL notaire des vendeurs en présence de Maître T. notaire de la SDR-SE. Les conditions des prêts consentis par la SDR-SE étaient reproduites aux pages 10 et suivantes de l'acte.

Madame W. épouse de Monsieur D. X. intervenait à l'acte et donnait autorisation à son époux de se porter caution solidaire de l'emprunteur et d'engager les biens communs.

Suivant actes notariés des 6 novembre 1990 et 16 mai 1991 la Sci l’E. a souscrit deux autres prêts de 215.000 francs et 310.000 francs pour le financement des travaux.

Par une lettre du 16 novembre 1992 la SDR-SE informait la Sci l’E. qu'à la suite de difficultés liées à la situation économique les fonds de garantie étaient déficitaires et avaient été clos de sorte que les parts qu'ils détenaient devaient être comptabilisées en perte exceptionnelle.

En 1993 la Sci l’E. a sollicité le remboursement anticipé des quatre prêts.

La SDR-SE leur a demandé le paiement d'une somme de 2.455.853 francs pour un capital restant dû de 1.851.788 francs soit une différence de 604.065 francs. La SDR-SE invoquait la clause 6 figurant dans chacun des contrats de prêt aux termes de laquelle en cas de remboursement anticipé l'emprunteur devait verser à la SDR-SE la somme des « valeurs actuelles » des échéances restant dues, valeurs calculées au jour du versement effectif au taux moyen des Obligations d'Etat minoré de deux points, étant précisé que cette somme ne pourrait être inférieure au capital objet du remboursement. A ces sommes devaient s'ajouter les intérêts courus au taux contractuel et une indemnité égale à un semestre d'intérêts à ce même taux.

La Sci l’E. a fait assigner le 20 décembre 1994 la SDR-SE devant le Tribunal de Grande Instance de LYON pour entendre dire et juger que la clause 6 des contrats de prêt était une clause pénale excessive et qu'il y avait lieu d'appliquer l’article L. 312-21 du Code de la consommation limitant le montant de l'indemnité en cas de remboursement anticipé à 3 % du capital restant dû.

Par un arrêt infirmatif en date du 3 novembre 1999 la Cour d'Appel de LYON estimant que l'opération immobilière financée avait un caractère professionnel au sens de l'article L. 312-3 du Code de la construction et échappait aux dispositions protectrices de l'article L. 312-21 a condamné la Sci l’E. à payer à la SDR-SE les sommes dues à la date du 13 janvier 1997 soit : 1.308.852 francs, 429.515 francs, 272.981 francs, 363.327 francs, outre intérêts aux taux conventionnels ;

La Sci Etang du Loup a vendu le bien pour le prix de 2 millions de francs selon les dires des époux X.

Par acte en date du 2 mars 2006 Monsieur et Madame X. ont engagé une action en responsabilité contre la Scp R. - B. & G. notaires associés à [ville B.]. Ils soutenaient que Maître G. avait manqué à son devoir d'information et de conseil et sollicitaient la condamnation de la Scp de notaires au paiement de la somme de 284.398 euros en réparation de leur préjudice moral et financier outre 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Ils reprochaient à Maître G. de ne pas avoir choisi des prêts adaptés à leur situation, et de ne pas les avoir alertés sur les pénalités exorbitantes en cas de remboursement anticipé. Ils soutenaient que les deux prêts de 1.155.000 et 400.000 francs avaient été signés dans la précipitation le jour de la signature de l'acte sans qu'ils aient eu connaissance de la clause 6 imposant le paiement de 33 % du capital restant dû en cas de remboursement anticipé.

Ils précisaient que le notaire ne les avait pas avisés du fait que ces prêts ne respectaient pas les dispositions du compromis et que les montants étaient supérieurs au prix d'acquisition. Ils invoquaient des irrégularités contenues dans l'acte et soutenaient que Madame W. n'était pas présente lors de la signature, que l'acte avait été signé le 30 mars 1990 et non pas le 29 mars 1990 comme le soutenait Maître G., que pendant plusieurs mois après le déblocage des prêts Monsieur X. n'était pas assuré contre les risques décès invalidité et que les biens n'étaient pas assurés contre l'incendie. Ils estimaient leur préjudice financier personnel à 166.775 euros outre 97.623 euros dus à Monsieur D. X. pour son engagement de caution, et leur préjudice moral à 20.000 euros.

La Scp de notaires résistait à la demande en soutenant que l'opération financée était une opération immobilière d'envergure allant bien au-delà de l'acquisition d'une habitation principale puisque des locaux à usage professionnels devaient être restaurés et loués à diverses sociétés dont la Société SPIRAL gérée par Monsieur P. X.

Elle faisait valoir que l'ensemble de l'opération avait été menée par Monsieur P. X., qui avait négocié directement avec les vendeurs dont la Société SPIRAL était déjà le locataire, et que les époux X. avaient négocié directement avec la Société SDR-SE.

Elle faisait valoir que les époux X. avaient reçu les contrats de prêts avant la signature de l'acte et les avaient remis à Maître G., et que les arguments concernant la présence de Madame W. ou la prise d'effet des assurances étaient inopérants.

Par jugement en date du 24 septembre 2008 le Tribunal de Grande Instance de LYON a débouté Monsieur et Madame X. de leurs demandes et les a condamnés à payer à la Scp R. - B. & G. la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Monsieur et Madame X. ont relevé appel de cette décision.

Ils maintiennent que Maître G. aurait dû leur conseiller de recourir à un prêt destiné aux particuliers et non pas à un prêt professionnel prévoyant le versement de 5 % à un fonds de garantie et une clause de remboursement anticipé abusive. Ils font valoir que le caractère professionnel des prêts a favorisé la précipitation de la lecture des contrats.

Ils maintiennent leurs griefs concernant l'absence d'assurance décès-invalidité sur la tête de Monsieur X., et l'absence d'assurance incendie avant le 20 avril 1990.

Ils font valoir que la date de la procuration donnée par la SDR-SE à son mandataire n'est pas mentionnée dans l'acte et que Madame W. ne s'est présentée que plus tard pour signer l'acte.

Ils exposent qu'ils ont reversé à la SDR-SE la totalité du prix de vente soit 2 millions de francs après avoir remboursé 1.953.330 francs en sept ans. Ils estiment leur perte financière à 1.100.000 francs soit 166.775 euros outre 97.623 euros dus à Monsieur D. X. saisi en sa qualité de caution.

Ils sollicitent la condamnation de la Scp de notaires à leur verser :

- 166.775 euros au titre de leur préjudice financier,

- 120.000 euros au titre de leur préjudice moral,

- 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

La Scp R.-B. & G. réfute les moyens et arguments des époux X. et conclut à la confirmation de la décision déférée sauf à ce qu'il lui soit alloué 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi qu'une nouvelle indemnité de 3.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DISCUSSION :

Attendu que le compromis de vente du 10 juillet 1989 prévoit une condition suspensive concernant l'obtention d'un prêt de 1.320.000 francs mais ne précise pas le nom de l'organisme prêteur ;

Attendu que par courrier du 11 octobre 1989 la SDR-SE a avisé la Sarl SPIRAL des conditions d'obtention d'un prêt de 1.440.000 francs, et ce en réponse à une demande de la Sarl SPIRAL du 29 septembre 1989 ; que parmi les conditions indiquées figurait l'existence d'un fonds de garantie (5 %) ;

Attendu que par lettre du 27 novembre 1989 Monsieur X., pour la Sci Etang du Loup demandait à la SDR-SE, en réponse à une lettre du 24 novembre 1989, la liste des éléments indispensables pour « monter le dossier » ;

Attendu que par lettre du 22 décembre 1989 la SDR-SE informait la Sci Etang du Loup de l'acceptation de deux prêts de 550.000 francs et 400.000 francs, lui en précisait les conditions, et lui demandait les coordonnées de son notaire ;

Attendu que par lettre du 2 janvier 1990 la Sci Etang du Loup faisait savoir à Maître G. qu'elle avait transmis ses coordonnées à la SDR-SE chargée du financement ;

Attendu qu'il résulte très clairement de ces éléments que Maître G. n'est pas intervenu dans l'obtention d'un financement au bénéfice des époux X., lesquels se sont mis directement en contact avec la Société SDR-SE ;

Attendu que Maître G. n'avait pour devoir que de constater l'accord des parties et d'en formaliser la teneur et ne peut se voir reprocher un manquement à son obligation d'information et de conseil ;

Attendu que les époux X. étaient en mesure de constater que les contrats de prêt datés du 26 mars 1990 portaient sur des sommes de 1.155.000 francs et 400.000 francs soit un montant global dépassant le montant prévu dans le compromis ; qu'ils étaient également en mesure de lire et de comprendre la clause numéro 6 intitulé « faculté de remboursement anticipé », ou à tout le moins de solliciter des explications de la part d'un professionnel ;

Attendu qu'en tout état de cause Maître G. ne pouvait lors de la signature de l'acte prévoir la disparition du fonds de garantie qui a empêché la renégociation du prêt ni le montant de l'indemnité qui serait due quatre ans plus tard ;

Attendu que Maître G. n'est pas responsable du fait que l'assurance décès prévue au contrat de financement ait pris effet après la signature de l'acte authentique ;

Attendu que le fait que Madame W. conjointe d'une caution ait signé l'acte postérieurement est parfaitement indifférent au présent litige comme l'est également la date d'effet de l'assurance incendie des bâtiments ou l'absence de la date de procuration ;

Attendu que le préjudice financier subi par les époux X. résulte du caractère professionnel du prêt consenti par la SDR-SE à laquelle ils ont eu recours ; que Maître G. est parfaitement étranger à cette situation et qu'il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté les époux X. de leurs demandes ;

Attendu que la Scp R. - B. et G. ne démontre pas avoir subi un préjudice justifiant les dommages et intérêts qu'elle sollicite ;

Attendu par contre que l'équité commande d'élever à la somme de 5.000 euros le montant de l'indemnité qui lui a été allouée en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré, sauf à élever à CINQ MILLE EUROS (5.000 EUROS) le montant de l'indemnité allouée à la Société Civile Professionnelle (Scp) R. - B. & G. en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

Rejette toutes demandes plus amples ou contraires des parties,

Condamne Monsieur P. X. et son épouse née Y. aux dépens de l'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la Société Civile Professionnelle (Scp) BRONDEL-TUDELA, Société d'avoués.

LE GREFFIER                    LE PRESIDENT