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CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 29 septembre 2015

Nature : Décision
Titre : CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 29 septembre 2015
Pays : France
Juridiction : Grenoble (CA), 1re ch. civ.
Demande : 15/02007
Date : 29/08/2015
Nature de la décision : Compétence
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 20/03/2015
Décision antérieure : CASS. CIV. 1re, 22 février 2017
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7349

CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 29 septembre 2015 : RG n° 15/02007

Sur pourvoi Cass. civ. 1re, 22 février 2017 : pourvoi n° 15-27809 ; arrêt n° 219

Publication : Jurica

 

Extrait : « Les mesures de réparation standardisées et immédiates des préjudices liés aux annulations et retards de vols édictées par le règlement 261/2004 se situent hors du champ d'application de la convention de Montréal, de sorte qu'il n'y a pas lieu de se référer aux règles de compétence prévues à son article 33. Le règlement 261/2004 ne prévoyant pas de règles de compétence déterminant la juridiction territorialement compétente pour connaître des litiges relatifs à son application, il convient de se référer au règlement 44/2001 relatif à la compétence judiciaire, à la reconnaissance et à l'exécution des décisions en matière civile et commerciale. »

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/02007. Sur contredit reçu au Tribunal d'Instance de VIENNE le 7 avril 2015, ensuite d'un Jugement (R.G. n° 11-14-0945) en date du 20 mars 2015 enrôlé à la cour d'appel le 7 mai 2015.

 

DEMANDEUR AU CONTREDIT :

Monsieur X.

non comparant, Représenté par Maître Pierre-Louis R., avocat au barreau de PARIS, plaidant par Maître P., avocat au barreau de PARIS

 

DÉFENDERESSE AU CONTREDIT :

SA AIR France

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, non comparante, Représentée et plaidant par Maître P., avocat au barreau de PARIS

 

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Philippe ALLARD, Président, Madame Dominique JACOB, Conseiller, Madame Joëlle BLATRY, Conseiller, Assistés lors des débats de Françoise DESLANDE, greffier.

DÉBATS : A l'audience publique du 29 septembre 2015 Madame BLATRY a été entendue en son rapport. Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries. Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES :

Par jugement du 20 mars 2015, le tribunal d'instance de Vienne a, dans une procédure opposant monsieur X. à la société Air France, relevé son incompétence au profit de la juridiction de proximité de Villeurbanne.

Le 7 avril 2015, monsieur X. a formé contredit à l'encontre de cette décision aux fins de voir constater la compétence territoriale et matérielle de la juridiction de proximité de Vienne et de condamner la société Air France à lui payer une indemnité de procédure de 3.000,00 euros.

Au soutien de son contredit, il fait valoir que :

* les règles de compétence issues de la convention de Montréal sont inapplicables de même que celles des articles L. 6421-3 et L. 6421-4 du code des transports,

* la CJEU dans les arrêts Nelson contre Lufthansa et Tui Travel contre Civil Aviation Authority distingue l'indemnité forfaitaire prévue à l'article 7 du règlement 261/2004 de la réparation du dommage résultant directement du retard telle que visée par l'article 19 de la convention de Montréal,

* la CJEU dans l'arrêt Joan Cuadrench M. contre KLM NV du 22 novembre 2012 précise que « la mesure d'indemnisation prévue aux articles 5 et 7 du règlement n° 261/2004 se situe en dehors du champ d'application des conventions de Varsovie et de Montréal »,

* la convention de Montréal n'étant pas applicable, les règles de compétence qui y sont énoncées ne le sont pas davantage,

* dans son arrêt du 25 mars 2015, la cour de cassation souligne que « la convention de Montréal et le règlement 261/2004 consacrent des droits d'indemnisation différents... l'action en indemnisation formée par les époux X sur le fondement du règlement n'était pas soumise aux règles de compétence prévue par l'article 33 de la convention de Montréal »,

* la CJEU dans l'arrêt Rehder contre Air Baltic précise que la demande introduite sur le fondement du règlement 261/2004 devait être examinée au regard des règles de compétence édictées par le règlement 44/2001, en particulier son article 5.1 qui permet d'assigner la compagnie aérienne devant les juridictions dans le ressort desquelles se trouvent les points de départ et d'arrivée de son avion,

* cette règle de compétence est uniquement destinée à régler les conflits de juridiction entre 2 parties domiciliées dans 2 états membres différents comme le stipule l'article 5,

* dès que demandeur et défendeur sont domiciliés dans le même état membre, les options de compétence prévues au règlement 44/2001 sont inopérantes,

* dans ce cas, comme le prévoient les articles 2 et 4, le règlement 44/2001 renvoie aux règles de compétence applicables aux nationaux, à la loi de chaque état membre et aux règles de compétence qui y sont en vigueur,

* une jurisprudence constante fait application des dispositions de l'article L. 141-5 du code de la consommation aux litiges opposant les compagnies aériennes à leurs passagers,

* la société Air France étant domiciliée dans le même état membre que monsieur X., celui-ci peut solliciter l'application du code de la consommation,

* la société Air France ne peut invoquer le code des transports, les articles L. 6421-3 et suivants du dit code reprenant les dispositions du code de l'aviation civile se contentant de renvoyer à l'intégralité des dispositions de la convention de Montréal.

 

En réponse, la société Air France sollicite la confirmation de la décision et la condamnation de monsieur X. à lui payer la somme de 1.000,00 euros au titre de ses frais irrépétibles.

Elle expose que :

* l'article L. 141-5 du code de la consommation du code est une disposition générale qui n'est pas d'ordre public,

* l'indemnisation forfaitaire instituée par le règlement 261/2004 est exorbitante du droit commun, le demandeur étant dispensé de rapporter la preuve de son préjudice,

* il résulte de la jurisprudence communautaire et française dominante que l'action en indemnisation sur le fondement du règlement 261/2004 doit être soumise, au choix du demandeur, à l'appréciation d'une des juridictions dans le ressort duquel se trouve soit le siège social du défendeur, soit le lieu de départ soit le lieu d'arrivée,

* elle est donc bien fondée à solliciter la confirmation du jugement déféré retenant la juridiction du lieu d'arrivée,

* la jurisprudence de l'arrêt Rehder doit recevoir application, l'article 5.1 visant à unifier les règles de conflit de juridiction sans renvoyer aux règles internes des états membres,

* la jurisprudence de cet arrêt du 9 juillet 2009 se justifie par « l'existence d'un lien de rattachement particulièrement étroit entre le contrat et la juridiction qui est appelée à en connaître en vue de l'organisation utile du procès »,

* en désignant les fors compétents dans son arrêt du 9 juillet 2009 pour connaître d'une demande fondée sur le règlement 261/2004, la CJEU a, de fait, rejeté l'application des règles internes des états membres,

* subsidiairement, elle se fonde sur les dispositions des codes de l'aviation civile et des transports,

* elle s'oppose à la demande adverse en indemnité de procédure.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

1/ Sur la compétence territoriale :

Monsieur X. a fondé son action à l'encontre de la société Air France sur le règlement CE 261/2004 établissant les règles d'indemnisation et d'assistance des passagers notamment en cas d'annulation ou de retard important d'un vol.

L'article 7 de ce règlement prévoit une indemnisation forfaitaire ; il s'agit d'une mesure réparatrice standardisée, distincte de l'action fondée sur l'article 29 de la convention de Montréal visant à obtenir des dommages et intérêts à titre de réparation individualisée.

Les mesures de réparation standardisées et immédiates des préjudices liés aux annulations et retards de vols édictées par le règlement 261/2004 se situent hors du champ d'application de la convention de Montréal, de sorte qu'il n'y a pas lieu de se référer aux règles de compétence prévues à son article 33.

Le règlement 261/2004 ne prévoyant pas de règles de compétence déterminant la juridiction territorialement compétente pour connaître des litiges relatifs à son application, il convient de se référer au règlement 44/2001 relatif à la compétence judiciaire, à la reconnaissance et à l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.

La société Air France ne conteste pas que les dispositions de la convention de Montréal ne sont pas applicables du fait du fondement de la demande de monsieur X. sur le règlement 261/2004.

La compagnie aérienne ne conteste pas davantage l'application du règlement 44/2001 au titre de la détermination des règles de compétence.

Toutefois, elle s'oppose à monsieur X. en revendiquant l'application de l'article 5.1 de ce dernier règlement, tel que retenu par la juridiction européenne dans son arrêt Rehder du 9 juillet 2009.

Le dit article 5.1 situé dans la section 2 intitulée compétences spéciales dispose que : « une personne domiciliée sur le territoire d'un état membre peut être attraite, dans un autre état membre: a) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base a été exécutée ou doit être exécutée ».

En revanche, monsieur X. sollicite l'application les dispositions de compétence générale des articles 2 et 4 qui renvoient aux règles de compétence du droit national.

L'article 2 dispose que les personnes domiciliées sur le territoire d'un état membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet état membre.

En l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des règles de compétences spéciales alors que les 2 parties sont domiciliées dans le même état membre contrairement aux parties s'opposant dans l'arrêt rendu par la CJEU le 9 juillet 2009 qui étaient domiciliées dans 2 états membres distincts.

Subsidiairement, la société Air France entend se prévaloir des dispositions du code des transports et du code de l'aviation civile.

Les articles L. 6421-3 et suivants du code des transports, reprenant les dispositions du code de l'aviation civile qui renvoient à la convention de Montréal laquelle n'a pas vocation à s'appliquer pour une demande fondée sur le règlement CE 261/2004, ne peuvent pas davantage être retenus.

Les 2 parties étant domiciliées en France, les règles de compétences françaises sont applicables, notamment l'article L. 141-5 du code de la consommation laissant au choix du consommateur la saisine de la juridiction du lieu où il demeurait au moment de la conclusion du contrat ou de la survenance du fait dommageable.

Au regard du domicile, au moment de la conclusion du contrat, de monsieur X. dont la qualité de consommateur n'est pas contestée, la juridiction de proximité de Vienne est compétente.

Le jugement déféré sera donc infirmé, la procédure et les parties étant renvoyées devant la juridiction de proximité de Vienne.

 

2/ Sur les mesures provisoires :

L'équité justifie de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au seul bénéfice de monsieur X.

Enfin, la société Air France supportera les dépens de l'instance en contredit.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la Loi,

Déclare recevable et bien fondé le contredit formé par monsieur X.,

Déclare la juridiction de proximité de Vienne compétente pour trancher le litige opposant monsieur X. à la société Air France,

Renvoie la cause et les parties devant cette juridiction et y ordonne la transmission de l'entier dossier,

Condamne la société Air France à payer à monsieur X. la somme de 2.000,00 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Air France aux dépens de l'instance en contredit.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Monsieur ALLARD, Président, et par Madame DESLANDE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier                Le Président