CA AMIENS (1re ch. civ.), 27 mars 2014
CERCLAB - DOCUMENT N° 7353
CA AMIENS (1re ch. civ.), 27 mars 2014 : RG n° 13/06860
Rejet par Cass. civ. 2e, 3 septembre 2015 : pourvoi n° 14-18287 ; arrêt n° 1233
Publication : Jurica
Extrait : « Qu'ainsi que l'oppose le CFF à la SCI X. et contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, la prescription biennale de l'article L. 137-2 du code de la consommation, issue de l'article 4 de la loi du 17 juin 2008, qui n'est d'ailleurs relative qu'à « l'action des professionnels » et non à leur créance, n'a pu s'appliquer à l'action du CFF à compter de son entrée en vigueur, dès lors que cette SCI, personne morale dont l'objet statutaire est l'acquisition, l'administration, l'exploitation, la location, la vente de tous immeubles ainsi que la division de terrains et l'édification de toutes constructions sur ces terrains, ne peut être regardée comme étant un « consommateur » au sens de ces dispositions, étant rappelé que le prêt du 22 janvier 1996, destiné au paiement du solde du prix d'acquisition d'un immeuble, lui a été accordé pour les besoins de la réalisation de cet objet ; Que le fait que ce prêt soit entré dans le champ d'application de la loi du 13 juillet 1979 lors de son octroi est sans incidence à cet égard ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL D’AMIENS
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 27 MARS 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 13/06860. Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU JUGE DE L'EXÉCUTION DE SAINT QUENTIN DU QUATORZE NOVEMBRE DEUX MILLE TREIZE.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE :
SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE
Représentée par Maître Franck DERBISE, avocat au barreau d'AMIENS
ET :
INTIMÉES :
SCI X.
Représentée par Maître Dominique ANDRE, avocat au barreau d'AMIENS
SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE
En qualité de créancier inscrit
DÉBATS & DÉLIBÉRÉ : L'affaire est venue à l'audience publique du 30 janvier 2014 devant la cour composée de M. Philippe BOIFFIN, président de chambre, Madame Marie-Christine LORPHELIN et Mme Valérie DUBAELE, conseillers, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.
A l'audience, la cour était assistée de M. Thomas HERMAND, greffier.
Sur le rapport de M. Philippe BOIFFIN et à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et le président a avisé les parties de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 mars 2014, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
PRONONCÉ : Le 27 mars 2014, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Philippe BOIFFIN, président de chambre, et Mme Charlotte RODRIGUES, greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
Suivant un acte notarié en date du 22 janvier 1996 faisant suite à une offre acceptée le 24 novembre 1995, la Banque La Henin a accordé à la SCI X. un prêt à taux révisable d'un montant de 700.000 francs, d'une durée de 180 mois, destiné au paiement du solde du prix d'acquisition d'un immeuble et au remboursement d'un prêt hypothécaire.
Agissant en vertu de la copie exécutoire de cet acte, le Crédit Foncier de France - CFF -, venant aux droits de la Banque La Henin, a fait délivrer le 9 août 2012 à la SCI X. un commandement de payer la somme totale de 194.259,09 euros au titre du solde restant dû de ce prêt, valant saisie d'un immeuble à usage d'habitation situé [...], cadastré section AE N° XX, YY et ZZ, puis, le 4 décembre 2012, l'a assignée ainsi que le Crédit Foncier de France en tant que créancier inscrit, à comparaître à l'audience d'orientation du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Saint-Quentin qui, par jugement contradictoire en date du 14 novembre 2013, a constaté la prescription de l'action engagée par le CFF, déclaré irrecevable cette action, rejeté les demandes plus amples ou contraires et condamné le CFF aux dépens.
Vu l'appel de ce jugement formé par le CFF et l'autorisation lui ayant été donnée le 19 décembre 2013 d'assigner les intimés à l'audience du 30 janvier 2014 de la cour d'appel,
Vu les dernières conclusions signifiées le 20 janvier 2014 par lesquelles le CFF, poursuivant l'infirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris, demande à la cour de le recevoir en son appel, de débouter la SCI X. de toutes ses prétentions, de mentionner le montant de sa créance à la somme en principal, intérêts, frais et accessoires de 194.259,09 euros au 30 juin 2012, outre intérêts postérieurs, d'ordonner la vente forcée de l'immeuble saisi sur mise à prix de 80.000 euros, de dire que les visites seront organisées selon les modalités précisées au dispositif de ces conclusions, de fixer le taux des enchères à 200 euros, de renvoyer les parties devant le juge de l'exécution pour fixer la date de l'adjudication et de condamner la SCI X. aux entiers dépens d'appel,
Vu les dernières conclusions signifiées le 23 janvier 2014 par lesquelles la SCI X., intimée, demande à la cour de déclarer irrecevable pour tardiveté l'appel interjeté par le CFF, de confirmer le jugement entrepris et de condamner le CFF aux entiers dépens ainsi qu'à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité de l'appel :
Considérant que la SCI X. soulève l'irrecevabilité de l'appel du CFF interjeté le 12 décembre 2013, faute d'avoir été formé dans les quinze jours ayant suivi la notification du jugement entrepris faite à cette société par le greffe du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Saint Quentin par pli recommandé avec demande d'avis de réception du 18 novembre 2013, distribué à son destinataire le 19 novembre suivant ;
Qu'elle soutient que cette notification a valablement fait courir le délai d'appel dès lors que la méconnaissance des dispositions de l'article R. 311-7 § 2 du code des procédures civiles d'exécution qui prévoient que la notification d'un jugement d'orientation doit être faite par voie de signification ne constitue qu'un vice de forme et qu'en l'espèce, le CFF n'invoque aucun grief en lien avec cette irrégularité, la notification effectuée par le greffe comportant toutes les indications nécessaires à l'exercice de la voie de recours ;
Qu'elle rappelle que l'article R. 311-10 du même code dispose que la nullité des actes de la procédure de saisie-immobilière est régie par les règles du code de procédure civile applicables aux actes de procédure, telles que notamment édictées par les articles 693 et 694 du code de procédure civile ;
Considérant, cependant, que l'article R. 311-7 du code des procédures civiles d'exécution impose que la notification d'un jugement tel que celui rendu le 14 novembre 2013 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Saint Quentin soit faite par voie de signification, c'est à dire par un acte d'un huissier de justice ;
Que la notification faite par le greffe au CFF ne satisfait pas à cette exigence et n'a donc pu faire courir le délai d'appel à son encontre, ainsi que ce dernier le fait valoir, alors que la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 311-7 du code des procédures civiles d'exécution ne constituant pas un vice de forme affectant l'acte de notification, la SCI X. n'est pas fondée à se prévaloir de l'absence de grief ;
Qu'aucune signification régulière du jugement n'ayant été faite au CFF et à son conseil, l'appel formé par cette société le 12 décembre 2013 est recevable ;
Sur le fond :
Considérant que la SCI X. soutient qu'au 9 août 2012, date de la délivrance du commandement de saisie-immobilière, la créance du CFF était prescrite depuis le 19 juin 2010, la prescription biennale de l'article L. 137-2 du code de la consommation s'étant substituée à compter du 19 juin 2008, date d'entrée en vigueur de ces dispositions, à celle décennale initiale qui avait commencé à courir en 2001, année au cours de laquelle ont eu lieu « les premiers actes d'exécution révélateurs de la déchéance du terme » ;
Qu'elle fait valoir qu'un crédit immobilier tel que celui qui lui a été consenti le 22 janvier 1996 entre bien dans le champ d'application de l'article L. 137-2 du code de la consommation, peu important à cet égard que le bénéficiaire de ce crédit soit un consommateur ou un professionnel, alors qu'en ayant accordé un prêt immobilier relevant des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation, le CFF « s'est interdit d'exciper de la qualité de professionnel de son cocontractant emprunteur » ;
Qu'elle ajoute que les actes d'une précédente procédure de saisie-immobilière poursuivie entre 2001 et 2007, dont se prévaut le CFF, n'ont pu avoir d'effet interruptif au regard tant des dispositions des articles 2247 ancien et 2243 actuel du code civil que de celles de l'article 694 § 3 de l'ancien code de procédure civile, en l'état de la « décision de rejet définitif total » prise le 12 novembre 2007 par le conservateur des hypothèques de Saint Quentin ;
Qu'elle estime que les versements qu'elle a opérés pour assurer en 2010 le remboursement d'un autre prêt sont sans incidence sur le cours de la prescription ;
Considérant qu'aucune des parties ne justifie de la date à laquelle est intervenue la déchéance du terme du prêt accordé le 22 janvier 1996 à la SCI X. ;
Qu'un premier commandement de payer valant saisie-immobilière ayant été délivré le 18 juillet 2001 à la SCI X. et publié à la conservation des hypothèques le 10 octobre 2001, il convient de retenir que l'obligation de la SCI X. au titre du solde restant dû de ce prêt est devenue exigible au plus tard à cette date du 18 juillet 2001 à laquelle a donc commencé à courir la prescription décennale de l'ancien article L. 110-4 du code de commerce alors applicable ;
Qu'ainsi que l'oppose le CFF à la SCI X. et contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, la prescription biennale de l'article L. 137-2 du code de la consommation, issue de l'article 4 de la loi du 17 juin 2008, qui n'est d'ailleurs relative qu'à « l'action des professionnels » et non à leur créance, n'a pu s'appliquer à l'action du CFF à compter de son entrée en vigueur, dès lors que cette SCI, personne morale dont l'objet statutaire est l'acquisition, l'administration, l'exploitation, la location, la vente de tous immeubles ainsi que la division de terrains et l'édification de toutes constructions sur ces terrains, ne peut être regardée comme étant un « consommateur » au sens de ces dispositions, étant rappelé que le prêt du 22 janvier 1996, destiné au paiement du solde du prix d'acquisition d'un immeuble, lui a été accordé pour les besoins de la réalisation de cet objet ;
Que le fait que ce prêt soit entré dans le champ d'application de la loi du 13 juillet 1979 lors de son octroi est sans incidence à cet égard ;
Qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, la prescription applicable à l'action du CFF était désormais celle quinquennale du nouvel article L. 110-4 du code de commerce, sans que sa durée totale puisse excéder celle prévue par la loi antérieure ;
Que comme le fait aussi valoir le CFF, la prescription ayant commencé à courir en juillet 2001 a été valablement interrompue par le jugement du 16 septembre 2004 ayant prorogé les effets du commandement publié le 10 octobre 2001, jugement publié le 18 octobre 2004 à la conservation des hypothèques de Saint Quentin ;
Que contrairement à ce que soutient la SCI X., ce jugement qui a prorogé pour une durée de trois ans les effets du commandement et qui, ayant été publié, à la différence de celui du 27 septembre 2007, a produit ses effets à l'égard de tous, a valablement interrompu la prescription même si cette procédure de saisie-immobilière n'a pas été menée à son terme, étant ici observé que le conservateur des hypothèques de Saint Quentin n'a rejeté que la formalité du 8 octobre 2007 relative à la publicité du jugement du 27 septembre 2007 ;
Qu'il s'ensuit que lorsque le CFF a délivré son nouveau commandement du 9 août 2012, son action, introduite avant le 19 juin 2013, date d'expiration du nouveau délai issu de la loi du 17 juin 2008, n'était pas prescrite, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge dont la décision doit ainsi être infirmée en toutes ses dispositions ;
Considérant que le montant de la créance du CFF figurant au commandement et à son décompte arrêté au 8 novembre 2012 ne fait l'objet d'aucune contestation par la SCI X. ; que conformément à l'article R. 322-18 du code des procédures civiles d'exécution, il y a lieu de le mentionner au dispositif du présent arrêt, d'ordonner la vente forcée de l'immeuble saisi et de renvoyer les parties devant le juge de l'exécution pour qu'il détermine les modalités de cette vente ;
Considérant que la SCI X. qui succombe en ses contestations et demandes doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant contradictoirement et en dernier ressort :
- déclare recevable l'appel du Crédit Foncier de France ;
- infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
- statuant à nouveau :
* rejette les contestations et demandes de la SCI X. ;
* fait mention de la créance du Crédit Foncier de France pour un montant en principal, intérêts, frais et accessoires de 194.259,09 euros arrêté au 30 juin 2012, outre intérêts postérieurs au taux de 4,2240 % l'an ;
* ordonne la vente forcée de l'immeuble saisi situé [...] cadastré section AE N° XX, YY et ZZ ;
* renvoie les parties devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Saint Quentin afin que celui-ci détermine les modalités de cette vente ;
* condamne la SCI X. aux dépens de première instance et d'appel.
Le Greffier, Le Président,