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CA PARIS (pôle 4 ch. 5), 10 septembre 2014

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 4 ch. 5), 10 septembre 2014
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 4 ch. 5
Demande : 13/00945
Date : 10/09/2014
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 16/01/2013
Décision antérieure : CASS. CIV. 3e, 26 novembre 2015
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7360

CA PARIS (pôle 4 ch. 5), 10 septembre 2014 : RG n° 13/00945

Cassé par Cass. civ. 3e, 26 novembre 2015 : pourvoi n° 14-25761 ; arrêt n° 1332

Publication : Jurica

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 4 CHAMBRE 5

ARRÊT DU 10 SEPTEMBRE 2014

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 13/00945 (5 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 6 décembre 2012 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - R.G. n° 09/13182.

 

APPELANTE :

SA AXA FRANCE IARD

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par : Maître Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034, Assistée de : Maître Marie GITTON, pour le Cabinet BEN ZENOU, avocat au barreau de Paris, toque : G207

 

INTIMÉE :

Société THELEM ASSURANCES venant aux droits de la Compagnie MRA

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par : Maître Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065, Assistée de : Maître Dominique NICOLAI LOTY, avocat au barreau de Paris, toque : B420

 

COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été débattue le 8 avril 2014, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Marie-José THEVENOT, Présidente de chambre, Madame Dominique BEAUSSIER, Conseillère, Madame Maryse LESAULT, Conseillère, qui en ont délibéré. Rapport ayant été fait par Madame Maryse LESAULT, Conseillère, conformément à l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : M. Guillaume MARESCHAL

ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Marie-José THEVENOT, Présidente et par Madame Corine COLLIN, Greffier présent lors du prononcé.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par acte sous seing privé du 18 août 1994 les époux X. ont conclu un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan avec la société MAISONS PIERRE (ci-après MAISONS PIERRE), pour la construction d’un pavillon au [adresse].

L’assurance DO [N.B. dommages ouvrages] a été souscrite auprès de l’UAP aux droits de laquelle est venue la compagnie AXA France IARD.

MAISONS PIERRE a souscrit une assurance RC [N.B. responsabilité civile] professionnelle et RC décennale auprès de la même compagnie.

Les travaux de gros-œuvre ont été sous-traités à la société TMBS, assurée auprès de la société THELEM ASSURANCES venant aux droits de la société MRA.

Par ailleurs les maîtres d’ouvrage ont confié directement à TMBS la construction d’un mur de soutènement retenant les terres de remblai.

Un procès-verbal de réception sans réserve a été établi le 24 juillet 1995.

Le 15 septembre 2004, les époux X. ont déclaré un sinistre auprès de l’assureur DO en raison de l’apparition de 3 fissures sur le pignon ouest et une autre sous le porche d’entrée.

L’assureur ayant opposé un refus de garantie le 2 décembre 2004 en déniant le caractère décennal des désordres, les époux X. ont obtenu la désignation de M. B. en qualité d’expert judiciaire par ordonnance de référé du 7 novembre 2005. Celui-ci a clos son rapport le 14 octobre 2009.

Par acte du 16 octobre 2007 les époux X. ont assigné MAISONS PIERRE et AXA pris en sa triple qualité d’assureur DO, RC professionnelle et RC décennale, devant le tribunal de grande instance de Bobigny pour obtenir leur condamnation au paiement des travaux réparatoires. THELEM ASSURANCES, assureur de TMBS, a été appelée en garantie par acte du 14 janvier 2010.

Par jugement du 6 décembre 2012 le tribunal de grande instance de Bobigny a :

- condamné AXA France IARD à verser aux époux X. au titre des travaux réparatoires :

* la somme de 134.923,30 euros au titre de reprise des fondations, indexée sur l’indice BT01 outre TVA,

* celle de 27.146,05 euros au titre des travaux intérieurs, avec même indexation et TVA,

* 10% de ces sommes HT ainsi indexées au titre de la maîtrise d’œuvre, dont le coût des honoraires d’études déjà engagées, soit 11.630,10 euros,

* 4% de ces deux sommes au titre des frais de souscription d’une assurance DO,

- dit que les sommes seront assorties du versement des intérêts au taux légal à compter du jugement,

- condamné AXA France IARD à verser aux époux X. les sommes de :

* 174 euros pour frais de déménagement des meubles, 1.092 euros pour frais de garde-meubles, 4.920 euros pour coût de location d’un pavillon,

* 9.297,70euros au titre des frais d’investigations réglés en cours d’expertise non inclus dans le coût de celle-ci,

- débouté les époux X. du surplus de leurs demandes ; débouté AXA de ses demandes contre THELEM ; condamné AXA à payer aux époux X. la somme de 6.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, et à THELEM ASSURANCES celle de 2.000 euros à ce titre ; condamné AXA France aux dépens.

AXA a interjeté appel de cette décision le 16 janvier 2013 à l’encontre de THELEM ASSURANCES.

La clôture est du 14 janvier 2014.

 

Par conclusions récapitulatives signifiées le 1er août 2013 sous sa double qualité d’assureur DO et d’assureur de garantie décennale de l’entreprise MAISONS PIERRE, AXA demande à la cour, au visa des articles 1792 et suivants, 1147 et 1382 et 1131 et 2270-1 et 2270-2 du code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, l’article 2270-2 étant devenu l’article 1792-4-2 du même Code, et L. 124-1 du Code des assurances, de :

- juger que la société TMBS est intégralement responsable des désordres à la fois parce qu’elle a exécuté comme sous-traitant de MAISONS PIERRE le gros œuvre et les fondations qui sont le siège des désordres, et qu’elle a exécuté le mur de soutènement, directement commandé par les époux X.

- déclarer non écrite la clause du contrat souscrite auprès de THELEM limitant la période de garantie à une durée de dix ans à compter de la réception des travaux dans la mesure où cette durée est inférieure à la durée de la responsabilité de l’assurée,

- déclarer recevable et fondé l’appel en garantie formé par AXA FRANCE à l’encontre de THELEM ASSURANCE,

En conséquence, infirmer le jugement en ce qu’il a débouté AXA FRANCE de son appel en garantie à l’encontre de THELEM ASSURANCE, rejeter tous les moyens contraires de THELEM ASSURANCES, condamner THELEM ASSURANCE à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre au profit des époux X., en principal, intérêts, frais irrépétibles et dépens ; condamner THELEM ASSURANCE, au paiement de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens de première instance et d’appel, avec recouvrement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

 

Par conclusions récapitulatives du 27 décembre 2013, THELEM ASSURANCES demande à la cour, de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté AXA de ses demandes formées à son encontre et en ce qu’il l’a condamnée à lui verser 2.000 euros en application de l’article 700 du CPC ; ce faisant :

- juger que l’action d’AXA France est prescrite en application des dispositions contractuelles et en ce qu’il a débouté AXA de toutes ses demandes,

-subsidiairement de dire que l’action et également prescrite en application de l’article 2270-2 du code civil, et débouter des demandes sur ce fondement,

- plus subsidiairement, juger que TMBS n’a aucune part de responsabilité dans les désordres qui sont imputables à la décision prise en dehors et en amont de son intervention par le maître d’ouvrage et MAISONS PIERRE de ne pas réaliser de sondage, et que cette faute constitue une cause étrangère de nature à exonérer totalement son assurée de sa responsabilité à l’égard de MAISONS PIERRE ; en conséquence débouter AXA de toutes ses demandes à son encontre ; juger subsidiairement que la part de responsabilité de TMBS ne saurait être que symbolique et la garantie de THELEM strictement limitée à la part de responsabilité retenue (20 % maximum selon l’expert),

- très subsidiairement juger qu’en aucun cas le coût de l’indexation des travaux de réfection des frais irrépétibles et dépens ne peut être supporté par elle ; faire application des plafonds et franchise contractuels,

- en tout état de cause condamner AXA à lui payer 7.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile aux dépens de première instance et d’appel avec recouvrement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE LA COUR,

Le litige devant la cour concerne les seuls recours formés contre la société THELEM ASSURANCES assureur du sous-traitant TMBS, par la compagnie AXA en sa double qualité d’assureur de MAISONS PIERRE et d’assureur dommage de la construction de la maison individuelle commandée par les époux X. à MAISONS PIERRE.

S’agissant des faits, MAISONS PIERRE a sous-traité les fondations du pavillon à TMBS et le maître d’ouvrage a directement commandé à cette dernière la réalisation d’un mur de soutènement et de ses fondations.

Le principal désordre objet du litige est une fissure traversante et évolutive sur le mur de la façade du pavillon, dû à un tassement des fondations du mur pignon porteur des façades Sud-Ouest et Nord-Est en limite de propriété.

Le jugement entrepris a retenu le caractère décennal des désordres, écarté l’existence invoquée d’une cause exonératoire de responsabilité (sécheresse exceptionnelle et fait d’un tiers). Visant les constatations et analyse de l’expert judiciaire il a rappelé que la principale cause de tassement de l’angle ouest du pavillon est la différence d’encastrement des semelles en béton armé en profondeur sur la totalité de l’emprise du pavillon, le constructeur ayant fait le choix de fondations superficielles non adaptées aux caractéristiques mécaniques du sol, le terrain étant situé à proximité d’anciennes carrières de gypse. Le jugement a également souligné que si l’absence de désolidarisation des fondations du mur de soutènement construit par TBMS, de celles du pavillon s’est conjuguée au phénomène de sécheresse et a participé à la réalisation du désordre, pour autant il n’y aurait pas eu d’apparition de désordre si le pavillon avait été construit sur des fondations adaptées au type de sol. Il a désigné l’absence d’étude préalable du sol comme cause principale du désordre.

Le jugement a expressément écarté la faute des maîtres d’ouvrage pour ne pas avoir fait procéder à des sondages de sol, en estimant qu’il n’y avait pas eu de prise de risque de leur part en l’absence d’information sur le risque encouru et son ampleur. Il a retenu que « la seule mention barrée dans un avenant « sondage préconisé par les services administratifs » n’établit pas que le constructeur a averti les maîtres d’ouvrage des risques qu’ils prenaient en renonçant à recourir à des sondages de sols ».

Condamnée en sa qualité d’assureur dommage-ouvrage, la compagnie AXA par ailleurs assureur de responsabilité décennale de MAISONS PIERRE, fait grief à la décision entreprise de l’avoir déboutée de ses recours contre THELEM ASSURANCES, assureur de TMBS.

Les premiers juges ont écarté la garantie de THELEM en retenant qu’elle était fondée à opposer la non application de sa garantie, le terme de 10 ans à compter de la réception fixé pour sa durée étant expiré, alors que s’agissant d’une garantie facultative l’assureur est libre de fixer cette durée.

 

1 - Sur la recherche de garantie de THELEM ASSURANCES assureur de TMBS :

AXA a conclu sous sa double qualité.

1-1-En qualité d’assureur de responsabilité décennale de MAISONS PIERRE elle est recevable à rechercher la garantie de TMBS sous-traitante de son assurée pour réalisation défectueuse des fondations du pavillon. Sur ce premier fondement elle est subrogée dans les droits de l’entreprise principale MAISONS PIERRE. Le contrat de sous-traitance a été passé entre deux sociétés commerciales, la prescription applicable est de 10 ans. La réception est du 24 juillet 1995, alors qu’AXA a assigné THELEM ASSURANCES par acte du 4 mai 2006 après expiration du délai de 10 ans. Elle est en conséquence forclose.

1-2- Sur le second fondement AXA assureur DO est recevable à agir en sa qualité de subrogée des maîtres d’ouvrage d’une part au titre du contrat qu’ils ont directement conclu avec TMBS pour la réalisation du mur de soutènement, d’autre part sur le fondement quasi-délictuel pour les travaux de fondations du pavillon réalisés en sous-traitance de MAISONS PIERRE.

TBMS a exécuté les fondations tant du mur de soutènement (co-contractante directe des maîtres d’ouvrage) que du pavillon (sous-traitante) sans les désolidariser et sans adapter le type de fondations à la nature du sol.

1-2-1 Dans ses relations contractuelles avec les maîtres d’ouvrage, TMBS ne pouvait s’affranchir de son obligation de conseil quant au choix de fondations adapté, et il lui appartenait à cet égard de s’enquérir de la nature du sol, et de refuser le cas échéant d’intervenir face au choix des maîtres d’ouvrage de ne pas faire d’études de sol préalable, n’étant nullement justifié que ces derniers profanes aient été avisés par TMBS des risques encourus par cette absence d’étude préalable. Elle a ainsi engagé sa responsabilité.

Cependant le délai pour agir sur ce fondement est de 10 ans à compter de la réception, survenue en l’espèce le 24 juillet 2005. Or AXA n’a assigné THELEM assureur de TMBS que par assignation aux fins d’expertise le 4 mai 2006, de sorte qu’elle est forclose sur ce fondement.

1-2-2- Les maîtres d’ouvrage et par conséquent l’assureur DO subrogé peuvent agir sur le fondement quasi-délictuel pour faute du sous-traitant. Selon les dispositions de l’article 2270-1 ancien du code civil, l’action sur ce fondement était soumise au délai de 10 ans à compter de la manifestation du dommage.

La manifestation du dommage étant caractérisée en l’espèce par la déclaration de sinistre formée par les maîtres d’ouvrage à l’assureur DO le 15 septembre 2004, le délai d’exercice du recours était ouvert jusqu’au 15 septembre 2014.

Ce délai n’était pas expiré lors de l’entrée en vigueur de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 qui a fixé ce délai à 10 ans à compter de la réception. Or l’article 26 -II de cette loi stipule que les dispositions de la loi qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la dite loi, sans que la durée puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Il en résulte que la recevabilité de l’action d’AXA n’a pas été remise en cause par la loi ayant modifié la prescription.

 

2 - Validité de la clause limitative de garantie de la police souscrite auprès de THELEM ASSURANCES :

S’agissant de la clause litigieuse prévue au contrat d’assurance souscrit par TMBS, THELEM rappelle que selon l’article 2-32 des conditions spéciales l’assuré sous-traitant est garanti pour les mêmes risques (garantie décennale) que lorsqu’il est titulaire d’un contrat de louage d’ouvrage et soutient que la durée de cette garantie, fixée à 10 ans à compter de la réception, ne peut plus être mise en application.

AXA soutient comme en première instance que l’article 2 des conditions générales de la police, auxquelles renvoie l’article 2-32 cité ne s’appliquent que pour l’assurance obligatoire, que la responsabilité de TMBS n’est pas recherchée en l’espèce sur le fondement de la garantie obligatoire et qu’il convient en conséquence d’appliquer les seules dispositions des conditions spéciales qui ne limitent pas la garantie en cas de mise en cause de la responsabilité du sous-traitant.

Cependant il ne résulte pas de la police versée aux débats que la garantie de TMBS prise en sa qualité de sous-traitante soit couverte autrement que par les dispositions précitées pour les désordres relevant comme il est dit au chapitre III des conditions générales, de la responsabilité engagée sur le fondement de la présomption de responsabilité établie par les articles 1792 et suivants du code civil.

En conséquence c’est par des motifs pertinents que la cour fera siens que les premiers juges ont dit que la responsabilité du sous-traitant relevant d’une assurance facultative, l’assureur est libre de fixer sa durée de sa garantie et qu’en l’espèce la garantie limitée au délai de 10 ans à compter de la réception est expirée, de sorte que AXA sera déboutée de son recours contre THELEM.

 

3 - Autres demandes :

Il sera statué sur les dépens et frais irrépétibles dans les termes du dispositif.

LE GREFFIER                   LE PRÉSIDENT

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris

Y ajoutant,

CONDAMNE la société AXA FRANCE IARD à payer à la société THELEM ASSURANCES la somme de 2500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société AXA FRANCE IARD aux dépens et en admet le recouvrement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.