CA VERSAILLES (16e ch.), 21 novembre 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 7373
CA VERSAILLES (16e ch.), 21 novembre 2013 : RG n° 12/07008
Sur pourvoi Cass. civ. 2e, 19 février 2015 : pourvoi n° 14-11985
Publication : Jurica
Extrait : « Considérant que Mme X. fait valoir que selon l'article 2777 ancien du code civil, les intérêts se prescrivaient par 5 ans ; Que par ailleurs, les intérêts de retard non prescrits ne sont pas exigibles, faute pour la banque de lui avoir notifié la déchéance du terme ou dès lors que constituant une clause pénale, ils doivent être annulés en ce qu'ils constituent une clause abusive ou doivent être réduits ;
Mais considérant que la discussion sur ce point est vaine dès lors que la saisie-attribution litigieuse, dont la contestation seule est soumise à la cour, n'est fructueuse qu'à hauteur de 107.359 euros, somme qui se trouve être inférieure au montant d'admission de la créance par le juge commissaire, à hauteur de 116.354,24 euros ( 97.264,92 euros + 19.089,32 euros) ; que Mme X. n'ayant pas contesté en tant que « personne intéressée » selon la faculté qui lui en était ouverte par l’article 103 alinea 1er de la loi du 25 janvier 1985 devenu l’article R. 624-8 du code de commerce, l'ordonnance d'admission du juge commissaire, celle-ci est devenue définitive à son égard ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
SEIZIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 21 NOVEMBRE 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/07008. Code nac : 78F. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 septembre 2012 par le Juge de l'exécution de PONTOISE : R.G. n° 12/01539.
LE VINGT ET UN NOVEMBRE DEUX MILLE TREIZE, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANTE :
Madame X.
née le [date] à [ville], de nationalité Française, Représentant : Maître Pascal K., Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 31 - N° du dossier 12109251
INTIMÉE :
CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS et d'ILE DE FRANCE
N° SIRET : XXX, Représentant : Maître Fabrice H.-B., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 000701, Représentant : Maître Jean-François J., Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0944
Composition de la cour : L'affaire a été débattue à l'audience publique du 9 octobre 2013, Madame Anne LELIEVRE, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de : Monsieur Jean-Baptiste AVEL, Président, Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller, Madame Anne LELIEVRE, Conseiller, qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Bernadette RUIZ DE CONEJO
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant acte passé en la forme authentique le 21 juillet 1998 devant Maître Z., notaire à [ville C.] la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL de PARIS et D'ILE DE FRANCE (ci-après le CRÉDIT AGRICOLE) a consenti deux prêts hypothécaires à M. Y. et à Mme X., l'un d'un montant de 667.000 francs (101.683,49 euros) au taux de 5,70 % l'an remboursable en 180 mois, l'autre d'un montant de 133.000 francs (20.275,72 euros) au taux de 5,70% l'an remboursable en 204 mois, destinés à financer l'acquisition d'un bien immobilier.
Par jugement du 18 octobre 1999, le tribunal de commerce de PONTOISE ouvrait une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de M. X., convertie en liquidation judiciaire le 10 décembre 1999. Les emprunteurs ont cessé le remboursement des échéances des prêts.
Le CRÉDIT AGRICOLE a déclaré régulièrement sa créance entre les mains du mandataire judiciaire, par courrier recommandé avec AR du 3 décembre 1999, à titre privilégié pour 116.534,24 euros.
Par ordonnance du 12 mars 2002, le juge commissaire a admis la créance du CRÉDIT AGRICOLE pour la somme de 97.264,92 euros à titre privilégié et pour 19.089,32 euros à titre hypothécaire et par ordonnance du 22 mars 2011, il a autorisé la vente de gré à gré du bien immobilier acquis au moyen des prêts. Celle-ci a été réalisée au prix de 220.000 euros ; la part revenant à M. Y. a été remise au liquidateur aux fins de distribution. A ce jour le CRÉDIT AGRICOLE n'a pas été colloqué sur la part revenant à M. Y., l'état de collocation dressé par Maître C., liquidateur judiciaire, faisant l'objet d'une contestation devant le tribunal de grande instance de PONTOISE qui, par jugement du 18 décembre 2012, a sursis à statuer dans l'attente du présent arrêt.
Agissant en vertu de l’acte notarié contenant les prêts ci-dessus mentionnés, le CRÉDIT AGRICOLE a fait pratiquer le 16 janvier 2012, une saisie-attribution à l'encontre de Mme Y., entre les mains de la SCP M.- M. et S., notaires associés, en leur qualité de séquestre du prix de vente du bien immobilier situé [adresse], ce afin d'obtenir le paiement d'une somme totale de 236.234,28 euros.
Mme Y. à qui cette saisie-attribution a été dénoncée par acte d'huissier du 23 janvier 2012, a, par acte d'huissier du 15 février 2012, fait assigner le CRÉDIT AGRICOLE devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de PONTOISE, afin de voir annuler et ordonner la mainlevée de la saisie-attribution aux motifs de la prescription de la créance du CRÉDIT AGRICOLE et de voir répartir le produit de la vente, et à titre subsidiaire, afin qu'il soit sursis à statuer tant que la banque n'aura pas produit un décompte détaillé poste par poste de la créance poursuivie, faisant notamment ressortir les intérêts des deux prêts entre le 31 août 2006 et le 31 août 2011 et demande de limiter l'effet attributif de la saisie litigieuse au principal des deux prêts majorés des seuls intérêts calculés sur cette période.
Vu l'appel interjeté le 11 octobre 2012 par Mme X. du jugement rendu le 28 septembre 2012 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de PONTOISE qui l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes, a constaté la validité de la saisie-attribution effectuée le 16 janvier 2012 à l'initiative du CRÉDIT AGRICOLE, l'a condamnée à payer à celui-ci la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 26 avril 2013 par lesquelles Mme X., appelante, demande à la cour :
- à titre de principal, déclarer nulle la saisie-attribution du 16 janvier 2012 et en ordonner la mainlevée,
- subsidiairement, limiter les effets de la saisie-attribution au principal et aux intérêts non prescrits après réduction des intérêts de retard en totalité ou en partie,
- à titre infiniment subsidiaire, condamner le CRÉDIT AGRICOLE à lui payer la somme de 118.201,24 euros et à défaut celle de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- en tout état de cause, en cas de condamnations réciproques ordonner la compensation,
- condamner le CRÉDIT AGRICOLE à lui payer la somme de 5.000 euros en réparation de son préjudice moral, celle de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 30 juillet 2013 par lesquelles la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ET D'ILE DE FRANCE, intimée, conclut à la confirmation du jugement déféré et demande à la cour de débouter Mme X. de l'ensemble de ses demandes, la condamner à lui payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
Vu l'ordonnance de clôture du 10 septembre 2013 ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI, LA COUR :
Sur la nullité de la saisie-attribution :
Considérant que Mme X. invoque la nullité de la saisie-attribution pratiquée le 16 janvier 2012, sur le fondement de l’article 56 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 dans sa rédaction alors en vigueur, selon lequel l'acte d'huissier par lequel le créancier fait procéder à la saisie, doit contenir à peine de nullité, notamment, le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorées d'une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d'un mois ;
Que l'acte de saisie litigieux distingue dans un tableau figurant en première page les causes de la créance en mentionnant que la créance admise à la liquidation judiciaire de M. Y. est de 97.264,92 euros et de 19.089,32 euros ( sommes correspondant à chacun des prêts consentis) tandis que les intérêts, courus du 10 décembre 1999 au 11 août 2011 s'élèvent respectivement à 98.808,90 euros et à 19.392,24 euros ; qu'il est constant qu'aucune disposition légale n'impose au créancier de faire figurer sur l'acte de saisie le détail des intérêts dont seul le montant total est exigé dès lors que le débiteur connaît le montant du taux des intérêts dus et leur point de départ, précisé en l'espèce ;
Qu'il en résulte que l'acte de saisie litigieux en ce qu'il mentionne le montant des sommes dues au titre des intérêts en précisant la période durant laquelle ils ont couru, satisfait aux exigences du texte susvisé ; que Mme X. doit être déboutée de sa demande de nullité de l'acte de saisie-attribution ;
Sur l'existence d'un titre exécutoire et sur la prescription de la créance :
Considérant que Mme X. reproche au premier juge d'avoir rejeté le moyen tiré de la prescription de la créance de la banque ; qu'elle soutient qu'en vertu des dispositions de l’article 161 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 modifié par la loi n° 94-475 du 10 juin 1994 les créanciers titulaires d'un privilège spécial ou d'une hypothèque peuvent dès qu'ils ont déclaré leur créance, même s'ils ne sont pas encore admis, exercer leur droit de poursuite individuelle si le liquidateur n'a pas entrepris la liquidation des biens grevés dans le délai de trois mois à compter du jugement qui ouvre la procédure collective ; qu'elle fait ainsi grief à la banque de ne pas avoir procédé selon les voies de droit commun à son égard ; qu'elle prétend encore que l'admission de la créance de la banque n'est pas assimilable à un titre exécutoire ; qu'en application des articles 2244 et 2249 du code civil, la créance de la banque est prescrite, en l'absence de délivrance d'un commandement de droit commun ou d'une assignation en justice ; qu'elle soutient que la déclaration de créance n'était pas exclusive de toute autre voie de droit à son égard et que ce seul acte n'a pas rendu exigible la créance, faute d'accomplissement des poursuites de droit commun la concernant ;
Mais considérant d'une part que conformément à l’article 3 de la loi du 9 juillet 1991 devenu l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, les actes notariés revêtus de la formule exécutoire constituent des titres exécutoires permettant de poursuivre l'exécution forcée à tout moment sur les biens du débiteur ;
Que la créance est exigible par le seul fait du jugement ayant ouvert la procédure de redressement judiciaire en vertu de l’article L. 622-22 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi sur la sauvegarde, applicable à l'espèce, sans que le créancier ait à requérir une décision à l'encontre du codébiteur, comme le soutient à tort Mme X. ;
Considérant d'autre part, s'agissant de la prescription, que Mme X. ne peut se prévaloir de la prescription acquise selon elle depuis le mois de novembre 1999, soit dix ans après le premier impayé ;
Considérant en effet que selon l’article 1206 du code civil les poursuites faites contre l'un des débiteurs solidaires interrompent la prescription à l'égard de tous et selon l’article 2245 du code civil que l'interpellation faite à l'un des débiteurs solidaires par une demande en justice ou par un acte d'exécution forcée, interrompt le délai de prescription contre tous les autres ;
Que la déclaration de créance en matière de redressement judiciaire équivaut à une demande en justice ; qu'elle est en effet l'acte par lequel le créancier manifeste son intention d'obtenir, dans le cadre de la procédure collective, paiement de ce qui lui est dû par le débiteur ; qu'elle en produit tous les effets ; qu'elle est ainsi interruptive de prescription et que cet effet s'étend non seulement jusqu'à l'admission de la créance au passif mais jusqu'à la clôture de la procédure collective ; que l'effet interruptif de prescription attaché à la déclaration de créance joue même pour les créances hypothécaires et même si le créancier hypothécaire a retrouvé son droit d'agir aux fins de saisie immobilière ; que cet effet interruptif joue, en vertu des textes précités, à l'égard de tous les débiteurs solidairement tenus à la dette ;
Considérant en l'espèce, que le CRÉDIT AGRICOLE a régulièrement déclaré sa créance auprès du mandataire judiciaire à la procédure collective de M. Y. le 3 décembre 1999 ; que le juge commissaire a prononcé l'admission des créances déclarées par deux ordonnances du 12 mars 2002 à hauteur de 97.264,92 euros à titre privilégié et pour 19.089,32 euros à titre hypothécaire ;
Que la procédure collective n'est pas clôturée puisque suite à la vente de gré à gré autorisée par le juge commissaire, du bien immobilier appartenant indivisément à M. Y. et à Mme X. dont la moitié du prix a été versée entre les mains de Maître C. ès qualités de liquidateur, un litige portant sur le montant de la collocation du CRÉDIT AGRICOLE est pendant devant le tribunal de grande instance de PONTOISE, suite à la contestation formée par le CRÉDIT AGRICOLE sur l'état de collocation notifié par le liquidateur ;
Qu'il en résulte que la prescription de la créance dont l'interruption perdure, n'est pas acquise ;
Sur les intérêts de la créance :
Considérant que Mme X. fait valoir que selon l'article 2777 ancien du code civil, les intérêts se prescrivaient par 5 ans ;
Que par ailleurs, les intérêts de retard non prescrits ne sont pas exigibles, faute pour la banque de lui avoir notifié la déchéance du terme ou dès lors que constituant une clause pénale, ils doivent être annulés en ce qu'ils constituent une clause abusive ou doivent être réduits ;
Mais considérant que la discussion sur ce point est vaine dès lors que la saisie-attribution litigieuse, dont la contestation seule est soumise à la cour, n'est fructueuse qu'à hauteur de 107.359 euros, somme qui se trouve être inférieure au montant d'admission de la créance par le juge commissaire, à hauteur de 116.354,24 euros ( 97.264,92 euros + 19.089,32 euros) ; que Mme X. n'ayant pas contesté en tant que « personne intéressée » selon la faculté qui lui en était ouverte par l’article 103 alinea 1er de la loi du 25 janvier 1985 devenu l’article R. 624-8 du code de commerce, l'ordonnance d'admission du juge commissaire, celle-ci est devenue définitive à son égard ;
Qu'il y a lieu dans ces conditions, de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a validé la saisie-attribution pratiquée le 16 janvier 2012 entre les mains de Maître M., notaire associé ; qu'il n'y a pas lieu d'en limiter les effets puisque le montant saisi correspond au montant des créances principales définitivement admises au titre des deux prêts consentis par le CRÉDIT AGRICOLE ;
Considérant que la demande de dommages et intérêts à hauteur de 100.000 euros formée par Mme X. ne repose sur aucun moyen juridique sérieux ; que Mme X. doit en être déboutée ;
Que Mme X. forme une autre demande de dommages et intérêts de 5.000 euros en réparation de son préjudicie moral ;
Qu'elle ne caractérise cependant aucune faute de la banque en relation avec le préjudice qu'elle allègue, lequel résulte en réalité de sa défaillance dans le remboursement des prêts ; qu'elle doit être également déboutée de cette demande ;
Considérant que le tribunal a exactement statué sur les dépens et sur l'application de l’article 700 du code de procédure civile ; qu'en conséquence, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ;
Considérant que Mme X. qui succombe en son recours sera condamnée aux dépens d'appel ; qu'il n'y a pas lieu, en cause d'appel, à allocation d'une somme complémentaire au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; que le CRÉDIT AGRICOLE sera déboutée de sa demande de ce chef ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant, rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties,
Condamne Mme X. aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur AVEL et par Madame RUIZ DE CONEJO, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,