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CA AIX-EN-PROVENCE (8e ch. C), 18 janvier 2018

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (8e ch. C), 18 janvier 2018
Pays : France
Juridiction : Aix-en-provence (CA), 8e ch. C
Demande : 15/17022
Décision : 2018/6
Date : 18/01/2018
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 25/09/2015
Numéro de la décision : 6
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7375

CA AIX-EN-PROVENCE (8e ch. C), 18 janvier 2018 : RG n° 15/17022 ; arrêt n° 2018/6

Publication : Jurica

 

Extrait : « Que l'appelant invoque vainement les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce et l'insuffisance du préavis de deux mois, lequel résulte de la loi ».

 

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

HUITIÈME CHAMBRE C

ARRÊT DU 18 JANVIER 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/17022. Arrêt n° 2018/6. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 20 juillet 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 2014/8114.

 

APPELANT :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], demeurant [adresse], représenté par Maître Pierre G., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assisté de Maître Thibaud V., avocat au barreau de PARIS

 

INTIMÉE :

SA BNP PARIBAS

prise en la personne de son représentant légal, dont le siège est sis [adresse], représentée et assistée de Maître Christine M. de la SCP T. G. B. T. M., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 21 novembre 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de : Monsieur Dominique PONSOT, Président, Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Conseiller, Madame Claudine PHILIPPE, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 janvier 2018

ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 janvier 2018, Signé par Monsieur Dominique PONSOT, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu le jugement du tribunal de commerce d’Aix-en-Provence du 20 juillet 2015 ayant, notamment :

- rejeté les arguments contraires de M. X.,

- fait droit à la demande de la BNP Paribas,

- condamné M. X. à payer à la BNP Paribas la somme de 51.417,26 euros outre les intérêts de retard au taux de 9,05 % à compter du 7 août 2014,

- ordonné la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du code civil,

- autorisé M. X. à se libérer du montant de la dette en principal, intérêts et frais, en 24 versements d'égale valeur, pour le premier avoir lieu trente jours après la signification de la décision et ainsi de suite, tous les trente jours suivants, jusqu'à complet paiement,

- condamné M. X. à payer à la BNP Paribas la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné également M. X. à supporter les dépens,

- ordonné l'exécution provisoire ;

Vu la déclaration du 25 septembre 2015, par laquelle M. X. a relevé appel de cette décision ;

 

Vu les dernières conclusions notifiées le 20 novembre 2017, aux termes desquelles M. X. demande à la cour de :

Vu les articles 1134, 1135, 1147 du code civil,

Vu l'article L. 313-12 du code monétaire et financier,

Vu l'article L. 442-6 du code de commerce,

Vu l'article 1382 du code civil,

Vu l'article L. 341-4 du code de la consommation,

A titre principal,

- dire et juger que la banque a commis une faute dans la rupture brutale du concours bancaire à son débiteur principal et que cette faute est également caractérisée à son encontre, en sa qualité de caution,

- dire et juger que cette faute a engendré la cessation de paiement de la société JFE et la possibilité de s'adresser à la caution personnelle,

- condamner la société BNP Paribas à lui régler, au titre de cette faute, une somme de 25.000 euros qui viendra en compensation avec les sommes réclamées par la société BNP Paribas,

- subsidiairement, dire et juger que la caution est déchargée en raison de la faute de la banque dans la rupture des concours bancaires au débiteur principal,

- dire et juger également que la caution est déchargée en raison de la violation du devoir de conseil de la banque envers la caution,

- dire et juger très subsidiairement que la caution est déchargée en raison de la disproportion manifeste de l'acte de cautionnement par rapport à ses revenus et son patrimoine,

Par conséquent,

- dire et juger que la banque ne peut réclamer aucune somme au titre de l'acte de caution qu'il a souscrit,

En toute hypothèse,

- condamner la BNP Paribas à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la BNP Paribas aux entiers dépens ;

 

Vu les dernières conclusions notifiées le 20 novembre 2017, aux termes desquelles la société BNP Paribas demande à la cour de :

- débouter M. X. de son appel, de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement entrepris, sauf à ramener le montant de la condamnation de M. X. à 24.707,74 euros assortis des intérêts au taux de 9,05 % l'an à compter du 10 octobre 2017 jusqu'à parfait paiement,

- ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil,

- condamner M. X. à lui verser la somme de 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. X. aux entiers dépens, dont distraction ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Attendu que la société d'électricité JFE, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 23 mai 1997, a ouvert un compte courant n° [...] dans les livres de la SA BNP Paribas ;

Qu'elle a signé le 23 novembre 2007 un contrat de facilité de caisse de 15.000 euros, puis le 20 août 2008 et le 25 février 2010 deux contrats de découvert professionnel, chacun, à hauteur de 45.000 euros pour une durée de 12 mois ;

Que le 20 août 2008, M. X., gérant, s'est porté caution solidaire de tous les engagements de la société dans la limite de 54.000 euros en principal, intérêts, pénalités ou intérêts de retard pour une durée de 10 ans ;

Que par courrier du 13 juillet 2011, la BNP Paribas a dénoncé ses concours avec un préavis de 60 jours ;

Que le 9 février 2012, la SARL JFE a été placée en redressement judiciaire ;

Que le 6 mars 2012, la banque a déclaré sa créance pour la somme de 52.579,17 euros laquelle a été admise à titre chirographaire échu ;

Que suivant jugement du 26 mars 2013, le plan de continuation de la société a été arrêté sur une durée de huit ans ;

Qu'après avoir délivré vainement mises en demeure à la caution, la BNP Paribas a fait assigner celle-ci, par acte d'huissier du 27 août 2014, en paiement de la somme de 51.517,26 euros outre intérêts ;

Que par le jugement entrepris, le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a fait droit à la demande de la banque dans les termes susvisés et a accordé des délais de paiement à M. X. ;

Que devant la cour, M. X. s'oppose à la demande en paiement de la banque ;

 

Sur la rupture du concours bancaire :

Attendu que M. X. expose qu'il a connu à partir de 2011 de graves difficultés de santé et que la SARL JFE a perdu des marchés publics de sorte que la trésorerie de l'entreprise a été affectée ; qu'il précise qu'il n'a pu obtenir un crédit auprès du service d'appui aux entreprises ; qu'il fait valoir que la banque a refusé toute solution financière et a dénoncé son concours bancaire par lettre du 13 juillet 2011 ; qu'il soutient que le respect du délai de 60 jours imposé par la loi n'est pas en soi suffisant pour exclure la faute de la banque dans la rupture abusive des concours bancaires ; qu'il souligne l'ancienneté de la relation commerciale avec la SA BNP Paribas, le respect de ses obligations par la société, la dépendance de cette dernière au concours financier accordé ; qu'il estime que la banque est à l'origine de la situation de cessation de paiements dans la mesure où moins de six mois après la dénonciation des concours bancaires la société JFE a fait l'objet d'une procédure d'ouverture d'un redressement judiciaire ;

Attendu que la société BNP Paribas rétorque qu'elle a dénoncé les concours par lettre recommandé avec accusé de réception le 13 juillet 2011 avec un préavis de 60 jours comme le prévoit l'article L. 313-12 du code monétaire et financier ; qu'elle observe M. X. procède par voie d'affirmation lorsqu'il prétend que c'est elle qui aurait entrainé une cessation des paiements alors qu'aucun élément justificatif n'est produit aux débats ; qu'elle relève que M. X. a effectué une démarche auprès du conseiller général du canton de P. pour indiquer les difficultés de trésorerie de l'entreprise « condamnée à brève échéance avec licenciement du personnel » et souligne que les difficultés financières de l'entreprise sont consécutives à l'absence d'attribution de marchés publics ;

Attendu qu'en application de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier, tout concours à durée indéterminée autre qu'occasionnel, qu'un établissement de crédit ou une société de financement consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l'expiration d'un délai de préavis, fixé lors de l'octroi du concours.

Ce délai ne peut sous peine de nullité de la rupture du concours être inférieur à 60 jours.

L'établissement de crédit ou la société de financement n'est pas tenu de respecter un délai de préavis que l'ouverture de crédit soit à durée indéterminée ou déterminée en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s'avérerait irrémédiablement compromise.

Le non-respect de ces dispositions peut entraîner la responsabilité pécuniaire de l'établissement de crédit ou de la société de financement. ;

Attendu que le contrat de découvert professionnel du 25 février 2010 a été consenti pour la somme de 45.000 euros à compter du 20 janvier 2010 jusqu'au 20 janvier 2011 ;

Que la SA BNP Paribas a dénoncé le découvert accordé par courrier du 13 juillet 2011 avec un délai de préavis expirant le 15 septembre 2011 ;

Qu'ainsi, elle a respecté les dispositions précitées ;

Qu'aucun abus n'est caractérisé ;

Que l'appelant invoque vainement les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce et l'insuffisance du préavis de deux mois, lequel résulte de la loi ;

Attendu que M. X. explique dans un courrier du 20 juin 2011 adressé à un conseiller général que l'activité de la SARL JFE est dédiée à 90 % aux marchés publics et que des marchés ne lui ont pas été attribués dans les mêmes proportions qu'en 2010, ce qui a mis en difficulté la trésorerie de l'entreprise ; qu'il relate que le découvert bancaire va être supprimé du fait des résultats en baisse ;

Que l'attestation de M. A., expert-comptable, se réfère à des clients défaillants dont la mairie des P.-M. et au manque crucial de trésorerie accentué par le refus de la banque de maintenir le découvert autorisé de 45 000 euros ;

Qu'ainsi, l'appelant ne peut imputer à la banque les difficultés et la cessation de paiement de la SARL JFE ;

Que le moyen est inopérant ;

 

Sur la disproportion du cautionnement :

Attendu que M. X. soutient qu'il appartient à la banque d'établir qu'au moment où il appelle la caution le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation ; il soutient que ses revenus sont insuffisants ;

Attendu que la SA BNP Paribas estime que l'engagement de caution litigieux n'est pas disproportionné aux biens et revenus de la caution ;

Attendu que la fiche de renseignements signée le 13 mai 2008 par M. X. fait ressortir notamment :

- marié sous le régime de la séparation de biens, un enfant à charge ;

- revenus professionnels : 24.000 euros par an ;

- revenus locatifs et fonciers : 1.500 euros par an ;

- prêt personnalisé BNP : montant restant dû 1.460,12 euros ;

- prêt immobilier BNP : montant restant dû 39.888,37 euros ;

- patrimoine :

* résidence principale propriété du couple estimé à 450.000 euros ;

* terrain Zac de P., propriété de la SCI estimée à 115.000 euros ;

Attendu qu'au regard de ses revenus, biens, endettement, M. X. n'a pas souscrit un cautionnement manifestement disproportionné ;

Que le moyen est écarté ;

 

Sur le devoir de conseil et de mise en garde :

Attendu que M. X. invoque la violation du devoir de conseil qui impose à la banque d'avertir son client des risques d'une opération de financement et de conserver la preuve de cet avertissement ; qu'il observe qu'un gérant de société n'est pas, de plein droit, « averti » et que la BNP Paribas devait le prévenir des dangers de l'opération de crédit envisagée ;

Attendu que la société BNP Paribas relève que M. X. est dirigeant de la SARL JFE depuis 1997, de sorte qu'il a parfaitement apprécié la portée de son engagement ; qu'elle fait valoir qu'il est une personne avertie ; qu'elle rappelle qu'il a rempli une fiche de renseignements et considère que le taux d'endettement est de l'ordre de 15,29 % ;

Attendu qu'en vertu du principe de non immixtion dans les affaires de son client, le banquier dispensateur de crédit n'est pas tenu d'un devoir de conseil sauf s'il a joué un rôle actif dans l'élaboration du projet et a fourni un conseil inadapté à la situation de son client qu'il connaissait ; que ces conditions n'étant pas réunies en l'espèce, le moyen ne peut prospérer ;

Attendu que la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l'égard d'une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté aux capacités financières de la caution ou il existe un risque de l'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur ;

Que le manquement de l'établissement de crédit à son devoir de mise en garde, à le supposer établi, n'a aucune incidence sur la validité de contrat et ne peut se résoudre qu'en l'octroi de dommages et intérêts ; que l'appelant ne peut donc être déchargé sur ce fondement ;

Que M. X. est le gérant-associé unique de la SARL JFE depuis l'immatriculation de celle-ci au registre du commerce et des sociétés le 23 mai 1997 ; que nonobstant l'objet social de la société, il a acquis au fil du temps une expérience certaine, durable, et étendue en matière de gestion et de crédit accordé dans le monde de l'entreprise qu'il connaît ; que de ce fait, il doit être considéré comme une personne avertie de même que la société dont il est le représentant légal ;

Qu'en toute hypothèse, il ne démontre pas l'inadaptation du crédit aux capacités financières de la SARL JFE et l'existence d'un risque d'endettement ;

Qu'il s'ensuit que la banque n'était pas tenue à son égard d'un devoir de mise en garde ;

Que M. X. doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts ;

 

Sur le montant de la créance :

Attendu que la SA BNP Paribas réclame la somme de 24.707,74 euros eu égard aux quatre dividendes perçus, outre intérêts ;

Attendu que M. X. relate que la SARL JFE a réglé la somme de 28.886,25 euros à échéances régulière sans faire défaut au plan de redressement ; qu'il affirme que la créance s'élève à la somme de 23.692,92 euros actualisée au 26 octobre 2017 ;

Attendu que la banque communique le décompte arrêté au 10 octobre 2017 avec mention du taux légal ; que sa créance au principal est fondée en son principe et son montant ;

Qu'il convient d'infirmer le jugement et condamner l'appelant à verser à l'établissement bancaire la somme de 24.707,74 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2017 ;

Que la capitalisation des intérêts ordonnée en première instance sera confirmée ;

Que les parties ne concluent pas sur les dispositions relatives aux délais de paiement qui ne sont pas, par conséquent, remises en cause ;

 

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Attendu que l'équité justifie de confirmer la décision déférée au titre des frais irrépétibles de première instance et de condamner les appelants à verser à l'intimée la somme de 1.200 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré, sauf en ses dispositions relatives à la condamnation en paiement de M. X. ès qualités de caution,

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne M. X. ès qualités de caution de la SARL JFE à verser à la SA BNP Paribas la somme de 24.707,74 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2017 ;

Y ajoutant,

Condamne M. X. à verser à la SA BNP Paribas la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne M. X. aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

LE GREFFIER                    LE PRESIDENT