CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 17 janvier 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7390
CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 17 janvier 2018 : RG n° 15/04976
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Il est de principe qu'en raison du caractère d'ordre public de l'article précité, la clause attributive de compétence contenue dans la convention des parties est inapplicable. Le tableau de l'annexe 4-2-1 prévoit que le tribunal de commerce de Bordeaux est compétent s'agissant des litiges dépendant des ressorts des cours d'appel d'Agen, Bordeaux, Limoges, Pau et Toulouse.
En l'espèce, l'article 17 du contrat du 14 septembre 2011 intitulé « attribution de juridiction » prévoit que « tous différends relatifs à la validité, à l'interprétation, à l'exécution et à la rupture du présent contrat seront de la compétence exclusive du tribunal de commerce d'Agen ». Le litige portant sur les conditions de la rupture des relations commerciales entre les parties, la société ACS Thiers Diffusion invoquant au soutien de sa demande uniquement les dispositions de l'article L. 442-6-I-5° dudit code, soutenant que la rupture de leurs relations commerciales établies est brutale. Ce litige se rapporte donc à l'application des dispositions d'ordre public de l'article D. 442-3 du même code, rendant inapplicable dans le cadre de ce litige l'application de la clause attributive de compétence invoquée par l'appelante. Les moyens invoqués par la société Gifi sont donc inopérants de ce chef. »
2/ « L'article L. 442-6-I-5° précité s'applique à toutes les relations commerciales établies, sauf lorsque des dispositions spéciales régissent la rupture des relations contractuelles. Les articles L. 146-1 et suivants dudit code définissent les règles applicables aux contrats de gérance-mandat, contrats spéciaux, y compris les règles spécifiques à la fin du contrat. […]
Dès lors, l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce ne s'applique pas lors de la cessation des relations ayant existé entre un gérant-mandataire et son mandant pour lesquelles les modalités de la rupture sont déterminées d'abord par la loi, et plus précisément par l'article L. 146-4 précité, qui laisse la liberté aux parties d'organiser la fin du contrat, et qui prévoit que celle-ci peut intervenir à tout moment et sans préavis, en l'absence de faute grave, sous réserve du paiement d'une indemnité spécifique en application des règles spéciales instaurées par la Loi du 2 août 2005. Ensuite, les modalités de la rupture sont spécifiées en l'espèce par le contrat de gérance-mandat qui lie les parties, lequel stipule que la partie qui souhaite ne pas renouveler le contrat doit respecter un préavis d'un mois pour les 3 premières années de contrat, de deux mois à compter de la quatrième année d'existence, puis de 6 mois à partir de la septième année d'existence. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 4
ARRÊT DU 17 JANVIER 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/04976 (10 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 janvier 2015 -Tribunal de Commerce de BORDEAUX – R.G. n° 2013F01279.
APPELANTE :
SAS GIFI MAG
Ayant son siège social : [adresse], N° SIRET : XXX (AGEN), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Matthieu B. G. de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, Ayant pour avocat plaidant : Maître Luc Christophe D., avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
SARL ACS THIERS DIFFUSION
Ayant son siège social : [adresse], N° SIRET : YYY (BÉZIERS), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Bruno R. de la SCP R. - B. - M., avocat au barreau de PARIS, toque : L0050, Ayant pour avocat plaidant : Maître Anne-France G., avocat au barreau de MONTPELLIER
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 13 décembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Irène LUC, Présidente de chambre, chargée du rapport, Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère, Madame Laure COMTE, Vice-Présidente Placée, rédacteur, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Cécile PENG
ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Irène LUC, président et par Madame Cécile PENG, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
La société Gifi Mag, ci-après la société Gifi, est spécialisée dans le domaine des autres commerces de détail en magasin non spécialisé.
La société ACS Thiers est spécialisée dans le domaine des autres commerces de détail spécialisés divers.
Le 14 septembre 2010, la société ACS Thiers a conclu avec la société Gifi un contrat de gérance-mandat d'un an, à effet au 1er septembre 2010, consistant en l'exploitation d'un magasin appartenant à la société Gifi et situé à [ville T.]. Le contrat a été renouvelé jusqu'au 30 septembre 2012.
Le 27 août 2012, par courrier recommandé, la société Gifi a informé la société ACS Thiers qu'elle ne renouvellera pas le contrat.
Par acte du 25 septembre 2013, la société ACS Thiers a assigné la société Gifi devant le tribunal de commerce de Bordeaux, sur le fondement de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce, en rupture brutale de la relation commerciale établie.
Par jugement du 23 janvier 2015, le tribunal de commerce de Bordeaux :
- a débouté la société Gifi de son exception d'incompétence,
- s'est déclaré compétent,
- a condamné la société Gifi à payer à la société ACS Thiers la somme de 59.466 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie,
- a débouté la société ACS Thiers de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,
- a débouté la société ACS Thiers de sa demande de dommages et intérêts au titre de la clause de non concurrence,
- a débouté la société Gifi de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- a dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire,
- a condamné la société Gifi à payer à la société ACS Thiers la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- a condamné la société Gifi aux dépens.
La société Gifi a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 4 mars 2015.
La procédure devant la cour a été clôturée le 21 novembre 2017.
LA COUR
Vu les conclusions du 26 octobre 2017 par lesquelles la société Gifi, appelante, invite la cour, au visa des articles au visa des articles 517, 48, 73 et suivants du code de procédure civile, L. 146-1 et suivants, L. 442-6-I-5° du code de commerce, 1134 et suivants du code civil, à :
- réformer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 23 janvier 2015,
statuant à nouveau,
in limine litis :
- déclarer que le tribunal de commerce de Bordeaux était incompétent rationae loci pour connaître des demandes de la société ACS Thiers,
- dire que le présent litige relève de la compétence du tribunal de commerce d'Agen en application du contrat liant les parties,
- renvoyer en conséquence l'examen du litige devant le tribunal de commerce d'Agen,
en tout état de cause,
- débouter la société ACS Thiers de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,
- dire que les dispositions générales de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce sont inapplicables à la détermination de l'indemnisation de la cessation d'un contrat de gérance-mandat, soumise à des règles légales spéciales d'ordre public,
- dire que c'est à bon droit que la société Gifi a procédé au non-renouvellement du contrat de gérance-mandat du 28 septembre 2012,
- dire que sa relation contractuelle avec la société ACS Thiers n'était ni établie, ni stable,
- dire que le dirigeant de la société ACS Thiers a expressément reconnu judiciairement par conclusions produites devant le tribunal de commerce de Béziers n'avoir aucune croyance dans la stabilité de leur relation contractuelle,
- dire que le défaut de justification de sa marge brute par la société ACS Thiers la prive de toute indemnisation,
- condamner la société ACS Thiers au paiement d'une somme de 15.000 euros à son bénéfice en sanction du caractère abusif de la présente procédure,
- condamner la société ACS Thiers au paiement de la somme de 5.000 euros à son bénéfice au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Lexavoue Paris-Versailles ;
Elle fait valoir notamment :
- le contrat conclu avec la société ACS Thiers contient une clause attributive de compétence au profit du tribunal de commerce d'Agen,
- le tribunal de commerce de Bordeaux est donc incompétent pour trancher le litige,
- les dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce sont inapplicables au contrat de gérance-mandat, soumis aux dispositions spéciales et d'ordre public de la loi du 2 août 2005,
- c'est à bon droit que le contrat de gérance-mandat n'a pas été renouvelé à son terme, le 30 septembre 2012, par correspondance du 27 août 2012, un délai de préavis de deux mois et demi a été observé,
- les conditions requises par l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce ne sont pas remplies, en ce que la société ACS Thiers n'avait aucune confiance en la stabilité de leurs relations commerciale qui n'étaient ni établies ni stables, que la société ACS Thiers a bénéficié d'un préavis de deux mois et demi, durée appropriée compte tenu de la durée de la relation commerciale,
- en matière de prestations de services, la marge brute est traditionnellement égale au chiffre d'affaires hors taxes, diminué du coût des services hors taxes,
- la clause de non-concurrence est valide car sa zone d'application est précise, à savoir un rayon de 50 km et elle est limitée à son activité ;
Vu les conclusions du 15 novembre 2017 par lesquelles la société ACS Thiers, intimée ayant formé appel incident, demande à la cour, au visa des articles 1134, 1147, 1149 et 1382 du code civil, L. 442-6-I-5° du code du commerce, de :
sur la compétence territoriale,
- rejeter l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société Gifi,
en conséquence,
- dire que le tribunal de commerce de Bordeaux était territorialement compétent,
sur la rupture du contrat de gérance-mandat,
à titre principal,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 23 janvier 2015
- dire que le préavis de deux mois qui lui a été accordé par la société Gifi dans le cadre de la rupture du contrat de gérance-mandat est insuffisant,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 23 janvier 2015 et dire que la rupture par la société Gifi du contrat de gérance-mandant signé avec elle est brutale,
- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 23 janvier 2015 et dire que la société Gifi aurait dû lui accorder un préavis de 8 mois,
en conséquence,
- condamner la société Gifi à lui payer la somme de 99.113,35 euros au titre de sa perte de marge,
- condamner la société Gifi à lui payer la somme de 10.000 euros au titre du préjudice moral,
à titre subsidiaire,
- dire que la brutalité de la rupture des relations commerciales entre la société Gifi et elle est constitutive d'une faute de cette dernière engageant sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil,
en conséquence,
- condamner la société Gifi à lui payer la somme de 99.113,35 euros au titre de sa perte de marge,
- condamner la société Gifi à lui payer la somme de 10.000 euros au titre du préjudice moral,
sur la clause de non-concurrence,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 23 janvier 2015,
- dire nulle la clause de non concurrence insérée dans le contrat de gérance- mandat signé entre la société Gifi et elle,
- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 23 janvier 2015 et condamner la société Gifi à lui payer au titre la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 23 janvier 2015,
- débouter la société Gifi de sa demande reconventionnelle à son encontre visant à la voir condamner à la somme de 15.000 Euros à titre de dommage et intérêts,
- condamner la société Gifi à lui payer la somme de 5.000 Euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;
Elle explique notamment que :
- s'agissant d'une demande fondée sur l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce, le tribunal de commerce de Bordeaux et la cour d'appel de Paris étant seuls compétents pour trancher le litige, s'agissant de règles de compétence est d'ordre public,
- les dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce sont applicables aux relations fondées sur les articles L. 146-1 et suivants du code de commerce,
- la rupture des relations commerciales établies a été brutale, aux motifs que le préavis d'un mois qui lui a été accordé est insuffisant au regard de son engagement d'exclusivité et de sa dépendance économique et qu'elle aurait dû bénéficier d'un préavis de 6 mois,
- elle a subi un préjudice du fait de la brutalité de la rupture des relations commerciales, celui-ci consistant en une perte de bénéfices ainsi que des pertes annexes,
- elle a subi un préjudice moral subi en raison du manque de loyauté de la société Gifi,
- la clause de non-concurrence est nulle, n'étant pas limitée quant à l'activité et l'espace, étant disproportionnée dans la mesure où elle ne vise pas à la protection d'un savoir-faire substantiel et identifié ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.
Sur la compétence du tribunal de commerce de Bordeaux :
La société Gifi soulève l'incompétence du tribunal de commerce de Bordeaux en invoquant la clause attributive de compétence du contrat la liant avec la société ACS Thiers Diffusion, ce que conteste cette dernière au motif que le fondement de sa demande est la rupture brutale des relations commerciales établies, que seuls des tribunaux de commerce spécifiquement désignés par décret peuvent statuer sur ces demandes, et que la clause attributive de compétence n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce, ces règles spécifiques étant d'ordre public.
[*]
Le dernier alinéa de l'article L. 442-6, III du code de commerce précise que « les litiges relatifs à l'application du présent article sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret ».
L'article D. 442-3 du même code dispose que « pour l'application de l'article L. 442-6, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole (…) sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2-1 du présent livre ».
Il est de principe qu'en raison du caractère d'ordre public de l'article précité, la clause attributive de compétence contenue dans la convention des parties est inapplicable.
Le tableau de l'annexe 4-2-1 prévoit que le tribunal de commerce de Bordeaux est compétent s'agissant des litiges dépendant des ressorts des cours d'appel d'Agen, Bordeaux, Limoges, Pau et Toulouse.
En l'espèce, l'article 17 du contrat du 14 septembre 2011 intitulé « attribution de juridiction » prévoit que « tous différends relatifs à la validité, à l'interprétation, à l'exécution et à la rupture du présent contrat seront de la compétence exclusive du tribunal de commerce d'Agen ».
Le litige portant sur les conditions de la rupture des relations commerciales entre les parties, la société ACS Thiers Diffusion invoquant au soutien de sa demande uniquement les dispositions de l'article L. 442-6-I-5° dudit code, soutenant que la rupture de leurs relations commerciales établies est brutale.
Ce litige se rapporte donc à l'application des dispositions d'ordre public de l'article D. 442-3 du même code, rendant inapplicable dans le cadre de ce litige l'application de la clause attributive de compétence invoquée par l'appelante. Les moyens invoqués par la société Gifi sont donc inopérants de ce chef.
Le siège de l'appelante relevant du ressort de la cour d'appel d'Agen, le tribunal de commerce de Bordeaux est donc seul compétent pour trancher la demande en dommage et intérêts formulée par la société ACS Thiers Diffusion à l'encontre de la société Gifi.
Le jugement doit donc être confirmé sur ce point.
Sur la rupture brutale des relations commerciales établies :
La société Gifi soutient que les dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce sont inapplicable en l'espèce, s'agissant d'un contrat de gérance-mandat soumis aux dispositions spéciales des articles L. 146-1 et suivants du même code, cet article régissant l'ensemble des hypothèses de fin de mandat. Subsidiairement, elle explique que la société ACS Thiers ne pouvait légitimement croire à la stabilité de leurs relations et qu'en tout état de cause la nature même du contrat d'une durée d'une année non renouvelable démontre le caractère instable des relations. Elle conteste la durée du préavis demandé.
La société ACS Thiers réplique que les articles L. 146-1 et suivants du même code n'ont pas vocation à s'appliquer ne prévoyant pas l'hypothèse du non renouvellement du contrat. Elle relève ensuite que ses relations commerciales avec la société Gifi étaient établies et qu'elle aurait dû bénéficier d'un préavis de 6 mois, pour 3 années de relations commerciales. Elle explique que la société Gifi par sa déloyauté a rendu brutale la rupture, lui laissant penser que le contrat serait renouvelé.
Les parties s'opposent sur l'application des dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce au non renouvellement d'un contrat de gérance-mandat, sur le caractère établi des relations commerciales, sur la durée du préavis et sur le préjudice.
Aux termes de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce :
« Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (…) de rompre unilatéralement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.
Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ».
La rupture des relations commerciales établies peut intervenir à effet immédiat à la condition qu'elle soit justifiée par des fautes suffisamment graves imputées au partenaire commercial.
L'article L. 442-6-I-5° précité s'applique à toutes les relations commerciales établies, sauf lorsque des dispositions spéciales régissent la rupture des relations contractuelles.
Les articles L. 146-1 et suivants dudit code définissent les règles applicables aux contrats de gérance-mandat, contrats spéciaux, y compris les règles spécifiques à la fin du contrat. L'article L. 146-4 dudit code précise notamment que « le contrat liant le mandant et le gérant-mandataire peut prendre fin à tout moment dans les conditions fixées par les parties » puis détaille les modalités d'indemnisation du gérant-mandataire en cas de résiliation du contrat par le mandat en l'absence de faute grave du gérant-mandataire. Ainsi, le contrat ayant pris fin à l'issue contractuelle, aucune indemnité légale n'est due au gérant-mandataire.
Dès lors, l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce ne s'applique pas lors de la cessation des relations ayant existé entre un gérant-mandataire et son mandant pour lesquelles les modalités de la rupture sont déterminées d'abord par la loi, et plus précisément par l'article L. 146-4 précité, qui laisse la liberté aux parties d'organiser la fin du contrat, et qui prévoit que celle-ci peut intervenir à tout moment et sans préavis, en l'absence de faute grave, sous réserve du paiement d'une indemnité spécifique en application des règles spéciales instaurées par la Loi du 2 août 2005. Ensuite, les modalités de la rupture sont spécifiées en l'espèce par le contrat de gérance-mandat qui lie les parties, lequel stipule que la partie qui souhaite ne pas renouveler le contrat doit respecter un préavis d'un mois pour les 3 premières années de contrat, de deux mois à compter de la quatrième année d'existence, puis de 6 mois à partir de la septième année d'existence.
En outre, il convient de relever que le contrat dont il est question n'implique pas de flux d'affaires entre les parties.
Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter les demandes de dommages et intérêts formées à l'encontre de la société Gifi sur le fondement la rupture brutale des relations commerciales établies.
Il y a donc lieu d'infirmer le jugement sur ce point, et de débouter la société ACS Thiers de sa demande de ce chef.
Sur les fautes contractuelles liées à la rupture :
La société ACS Thiers explique la société Gifi a commis des fautes à son égard au motif que la rupture est déloyale, lui ayant laissé penser que le contrat serait renouvelé, et que le délai de préavis n'a pas été suffisant.
La société Gifi explique que le droit commun de la responsabilité contractuelle ne s'applique pas, s'agissant en l'espèce d'un contrat de mandataire gérant, contrat spécial.
Les dispositions de l'article L. 146-4 du code du commerce définit les conditions de fin de contrat de mandataire-gérant et le contrat liant les parties dispose que le délai de préavis au moment de la date de renouvellement du contrat de gérance-mandat est d'un mois, le contrat ayant une durée de moins de 2 années.
En l'espèce, la société Gifi a respecté les dispositions contractuelles, lesquelles définissent que le délai de préavis fixé contractuellement, accepté par la société ACS Thiers. Par ailleurs, cette dernière ne démontre pas que la société Gifi lui a laissé penser que le contrat serait renouvelé et qu'elle aurait commis une faute en ne renouvelant pas le contrat.
Dès lors, aucune faute contractuelle n'est établie à l'encontre de la société Gifi par la société ACS Thiers. La demande de ce chef formulée par la société ACS Thiers doit être rejetée.
Sur la demande de dommages et intérêts pour faute délictuelle :
La société ACS Thiers reproche subsidiairement à la société Gifi d'avoir commis une faute délictuelle à son égard en rompant brutalement leurs relations commerciales.
La société Gifi soutient que cette demande ne peut être fondée sur l'article 1382 du code civil.
La société IDF Management fait grief à la société Gifi d'avoir rompu le contrat de gérance-mandat les liant. Or, il a été relevé supra que l'action fondée sur les dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce n'était pas applicable en l'espèce.
La demande de la société IDF Management à l'encontre de la société Gifi ne peut davantage être fondée sur les dispositions de l'article 1382 ancien du code civil, en l'absence de toute faute délictuelle distincte établie.
Il y a donc lieu de rejeter la demande de ce chef.
Sur la violation de la clause de non concurrence :
La société ACS Thiers soulève la nullité de l'article 15.2 du contrat de gérance mandat, aux motifs que la nature de l'activité interdite n'est pas suffisamment précise, les limitations dans l'espace sont trop étendues, et que la clause est disproportionnée.
La société Gifi relève que la clause est valide, l'ensemble du territoire français n'étant pas visé par la clause, seule son activité étant évoquée.
Sur la validité de la clause :
L'article 15.2 du contrat de gérance mandat est rédigée comme suit « En cas de cessation des relations contractuelles quel qu'en soit la cause, le Gérant Mandataire et ses représentants s'interdisent d'exercer, directement ou indirectement à quelque titre que ce soit, dans un rayon de cinquante (50) kilomètres à vol d'oiseau du fonds de commerce objet du présent mandat et de tous fonds de commerce qui seraient exploités par le Mandant, une activité susceptible de concurrencer directement ou indirectement ce dernier, et ce, pendant une durée de deux ans à compter de la date d'expiration ».
Il est de principe qu'une clause de non-concurrence est licite, dès lors qu'elle est limitée dans le temps et dans l'espace et proportionnée aux intérêts légitimes à protéger.
La clause limite à un rayon de cinquante kilomètres autour des magasins Gifi la possibilité au gérant-mandataire et à ses représentants d'exercer une activité susceptible de concurrencer directement ou indirectement son activité.
Cette clause apparaît très étendue quant à l'espace concerné par l'interdiction d'exercer une activité concurrente, l'espace n'est pas précisément défini et limité.
En outre, la clause est disproportionnée au regard de la durée de la restriction de 2 années, et du but recherché par celle-ci, alors que le savoir-faire justifiant l'interdiction n'étant pas décrit et encore moins établi.
En conséquence, l'article 15.2 du contrat de gérance mandat n'est pas licite et sa nullité doit être prononcée. Le jugement doit être confirmé sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts :
La société ACS Thiers explique uniquement au soutien de sa demande en réparation de son préjudice né du respect de la clause de non concurrence nulle, qu'elle n'a pas pu exercer d'activité relevant de son objet social, sans apporter de pièces justificatives ni d'autres éléments.
Dans ces conditions, il y a lieu de fixer le préjudice subi à la somme de 10.000 euros.
Il y a dès lors lieu de condamner la société Gifi à payer à la société ACS Thiers la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Il y a donc lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société ACS Thiers de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.
Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la société Gifi :
En application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile, l'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol. L'appréciation inexacte qu'une partie se fait de ses droits n'est pas constitutive en soi d'une faute.
La société Gifi ne rapporte pas la preuve de ce que l'action de la société ACS Thiers aurait dégénéré en abus ; elle doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts. Le jugement doit être confirmé sur ce point.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société ACS Thiers, partie perdante, doit être condamnée aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Gifi la somme de 5.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du code de procédure civile formulée par la société ACS Thiers.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a
- condamné la société Gifi à payer à la société ACS Thiers la somme de 59.466 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie,
- débouté la société ACS Thiers de sa demande de dommages et intérêts au titre de la clause de non concurrence,
L'infirmant sur ces points,
Statuant à nouveau,
DÉBOUTE la société ACS Thiers de sa demande de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies,
PRONONCE la nullité de l'article 15.2 du contrat de gérance mandat,
CONDAMNE la société Gifi à payer à la société ACS Thiers la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,
Y ajoutant,
DÉBOUTE la société ACS Thiers de ses demandes de dommages et intérêts,
CONDAMNE la société ACS Thiers aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Gifi la somme de 5.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
REJETTE toute autre demande.
Le Greffier La Présidente
Cécile PENG Irène LUC