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CA DOUAI (2e ch. sect. 1), 17 avril 2014

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (2e ch. sect. 1), 17 avril 2014
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 2e ch. sect. 1
Demande : 12/04019
Date : 17/04/2014
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Décision antérieure : CASS. COM., 5 janvier 2016
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7391

CA DOUAI (2e ch. sect. 1), 17 avril 2014 : RG n° 12/04019 

Publication : Jurica

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

DEUXIÈME CHAMBRE SECTION 1

ARRÊT DU 17 AVRIL 2014

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 12/04019. Jugement (R.G. n° 08/02416) rendu le 10 mai 2012, par le Tribunal de Grande Instance de DUNKERQUE.

 

APPELANTS :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], de nationalité Française, demeurant [adresse], Représenté par Maître François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI, Assisté de Maître Laurent PARLEANI, avocat au Barreau de PARIS

SA SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE D'APPROVISIONNEMENT DE LA RÉGION DE L'ARTOIS SCAPARTOIS

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, ayant son siège social [adresse], Représentée par Maître François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI, Assistée de Maître Laurent PARLEANI, avocat au Barreau de PARIS

SAS SOCIÉTÉ DE DISTRIBUTION D'HAZEBROUCK SDH

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, ayant son siège social [adresse], Représentée par Maître François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI, Assistée de Maître Laurent PARLEANI, avocat au Barreau de PARIS

SA STE RIVERY DISTRIBUTION - SORIDIS

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, ayant son siège social [adresse], Représentée par Maître François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI, Assistée de Maître Laurent PARLEANI, avocat au Barreau de PARIS

 

INTIMÉS :

Monsieur Y.

de nationalité Française, demeurant [adresse], Représenté par Maître Marie-Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI, Assisté de Maître Jacques ALARD, avocat au Barreau de PARIS

Madame Z. épouse Y.

demeurant [adresse], Représentée par Maître Marie-Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI, Assistée de Maître Jacques ALARD, avocat au Barreau de PARIS

SCI VERHAEGE ET LEROY

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, ayant son siège social [adresse], Représentée par Maître Éric LAFORCE, avocat au barreau de DOUAI, Assistée de Maître Brigitte PETITDEMANGE, avocat au barreau de LILLE

SAS ITM ALIMENTATION NORD

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, ayant son siège social [adresse], Représentée par Maître Isabelle CARLIER, avocat au barreau de DOUAI, Assistée de Maître JONVEL Jean Alain, avocat au barreau de PARIS

Société COMALIM ex COUDEKERQUE DISTRIBUTION

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, ayant son siège social [adresse], Représentée par Maître Marie-Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI, Assistée de Maître Jacques ALARD, avocat au Barreau de PARIS

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Christine PARENTY, Président de chambre, Philippe BRUNEL, Conseiller, Sandrine DELATTRE, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Caroline NORMAND

DÉBATS à l'audience publique du 30 janvier 2014 après rapport oral de l'affaire par Philippe BRUNEL. Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 avril 2014 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine PARENTY, Président, et Caroline NORMAND, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 19 décembre 2013

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Dunkerque en date du 10 mai 2012 qui, saisi par les sociétés SCAPARTOIS, CARVIDIS, SORIDIS et SDH, sociétés relevant du mouvement Édouard Leclerc, d'une demande visant à voir déclarer nul un protocole d'accord conclu le 11 juillet 2008 entre la société COUDEKERQUE DISTRIBUTION, exploitant un supermarché sous l'enseigne Édouard Leclerc à [ville C.B.], et la SCI VERHAEGHE et LEROY, bailleur des locaux d'exploitation, au motif qu'il méconnaissait frauduleusement les termes d'un pacte de préférence stipulé lors de l'acquisition des actions de la société COUDEKERQUE DISTRIBUTION par les époux Y. et la SOCIÉTÉ FINANCIERE COUDEKERQUE au profit des actionnaires minoritaires relevant du mouvement Édouard Leclerc a, conformément à l'argumentation développée par les défendeurs, déclaré nul le pacte de préférence au motif que les critères de détermination du prix des actions n'étaient pas connus des parties au jour de la signature de la convention en contravention avec les dispositions des articles 1591 et 1592 du Code civil ;

Vu la déclaration d'appel des sociétés SCAPARTOIS, SDH, SORIDIS et de M. X.

 

Vu les dernières conclusions des sociétés SCAPARTOIS, SDH, SORIDIS et de M. X. en date du 16 décembre 2013 demandant la réformation du jugement :

Ils contestent que l'action de la société SCAPARTOIS soit irrecevable au motif qu'elle n'est pas associée de la société COUDEKERQUE DISTRIBUTION, le caractère frauduleux du protocole d'accord transactionnel rendant son action en annulation recevable et son action en réparation du préjudice subi du fait du protocole étant recevable sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;

Sur le fond, ils font valoir que le pacte de préférence est valide dès lors que la détermination du prix n'est pas une condition de validité d'un tel pacte qui ne constitue pas un contrat de vente de telle sorte que seules les dispositions de l'article 1843-4 du Code civil relatives à l'estimation des parts et actions, à défaut d'accord amiable, par voie d'expertise, sont applicables et présentent un caractère impératif ; ils font également valoir que la Cour de Cassation reconnaît au tiers expert ainsi désigné toute liberté pour la détermination de la valeur des parts qu'il peut en conséquence s’affranchir des directives données par les statuts ;

à titre subsidiaire, ils soutiennent que la nullité susceptible d'affecter le pacte est une nullité relative et que, les époux Y. ayant mis en œuvre la procédure de notification de la cession et d'évaluation des droits prévus par les statuts ont confirmé les termes du pacte de préférence qui doit être appliqué, expurgé de la mention relative aux modalités de détermination du prix par rapport aux critères habituellement retenus par le mouvement Leclerc ; ils font également valoir à titre subsidiaire que la nullité éventuelle de la clause relative au prix ne justifie pas que la nullité s'étende à la totalité du pacte de préférence ;

Estimant que le protocole d'accord transactionnel constitue une fraude caractérisée aux droits des associés minoritaires résultant du pacte de préférence, les appelants demandent son annulation et la réparation de leur préjudice sous forme de condamnation in solidum des époux Y., de la société COUDEKERQUE DISTRIBUTION, de la société ITM ALIMENTAIRE NORD et de la SCI VERHAEGHE et VERHAEGHE et LEROY à payer aux sociétés SORIDIS, SDH et à M. THEME la somme de 2.662.500 euros au titre de la privation de la possibilité de prendre le contrôle de la société COUDEKERQUE DISTRIBUTION et à la société coopérative SCAPARTOIS la somme de 1.963.341 euros au titre de la perte d'un coopérateur générant un affaiblissement de sa puissance de négociation et la perte de la quote-part de participation aux charges ;

 

Vu les dernières conclusions des époux Y. et de la société COMALIM (anciennement COUDEKERQUE DISTRIBUTION) en date du 6 novembre 2013 visant, d'une part, à ce que l'action de la société SCAPARTOIS soit déclarée irrecevable dès lors qu'elle n'avait pas la qualité d'actionnaire de la société COMALIM et qu'elle n'était pas partie au pacte de préférence ; sur le fond, ils demandent la confirmation du jugement en faisant valoir que les stipulations des statuts de COMALIM relatives à l'offre préalable de vente et les stipulations du pacte d'actionnaires sont contraires aux dispositions des articles 1591 et 1592 du Code civil et sont en conséquence nulles ; ils contestent que les dispositions de l'article 1843-4 du Code civil soient applicables aux pactes de préférence en soutenant, pour l'essentiel, qu'elles seraient limitées aux cas de cession légale ou forcée de droits sociaux et ne viseraient pas les cas de promesse de vente librement consenties et soutiennent au contraire que les articles 1591 et 1592 du Code civil posent une exigence de déterminabilité du prix qui s'étend aux promesses de vente et aux pactes de préférence dès lors qu'un prix défini y est prévu ; ils estiment qu'en l'espèce la rédaction de la clause litigieuse du pacte d'actionnaires, peu claire selon eux, aboutit à la désignation automatique d'un expert pour la détermination du prix de cession même sans contestation sur le prix ce dont il résulte que l'application de l'article 1843-4 était exclue compte tenu en outre des directives données à l'expert pour procéder à l'évaluation des droits, de telles directives ne pouvant se concevoir que dans le cas de l'expertise prévue par l'article 1592 du Code civil ; ils estiment que la nullité affectant ainsi le pacte de préférence est absolue et donc non susceptible de confirmation ;

Ils contestent tout comportement frauduleux en expliquant notamment que le protocole transactionnel avait pour objet de mettre fin à une situation rendue précaire par le défaut de renouvellement du bail et que les éléments constitutifs de la fraude ne seraient pas réunis. Ils font au contraire grief aux appelants de vouloir acquérir leurs droits sociaux à bas prix pour se maintenir dans les lieux et négocier une indemnité d'éviction conséquente ;

Ils contestent enfin que les appelants puissent demander à la fois l'annulation de l'accord transactionnel et la réparation du préjudice qui serait résulté de cet accord ; à titre subsidiaire, ils contestent la réalité et l'évaluation du préjudice ;

 

Vu les dernières conclusions de la SCI VERHAEGHE et LEROY en date du 26 juin 2013 demandant la confirmation du jugement sauf en ce qu'il avait déclaré recevable l'action de la société SCAPARTOIS ; la SCI estime que la société SCAPARTOIS est irrecevable à agir en annulation du protocole alors qu'elle n'est pas associée de la société COUDEKERQUE DISTRIBUTION et qu'elle est également tiers au pacte de préférence ; elle soutient qu'elle est également irrecevable à agir à son égard en responsabilité délictuelle faute de démontrer que la SCI avait connaissance de l'existence du pacte de préférence ; sur le fond, elle estime que le pacte de préférence est nul par application des articles 1591 et suivants du Code civil pour indétermination du prix, les dispositions de l'article 1843-4 ne pouvant trouver application en l'espèce ; elle estime que la nullité affectant le pacte est absolue compte tenu notamment du fait qu'elle vise à la protection de l'ordre public économique ; elle conteste que sa responsabilité puisse être engagée au titre de l'article 1382 du Code civil et conteste également la réalité du préjudice dont se prévaut la société SCAPARTOIS ;

 

Vu les dernières conclusions de la société ITM ALIMENTAIRE NORD en date du 17 septembre 2013 demandant la confirmation du jugement ; elle fait valoir que l'action de SCAPARTOIS est irrecevable faute pour cette société d'être partie au pacte de préférence ; elle fait également valoir qu'elle doit être mise hors de cause dès lors qu'elle n'a pas qualité de partie à l'acte dont l'annulation est demandée et qu'elle n'est pas responsable de l'exploitation des magasins sous l'enseigne Intermarché qui relève de distributeurs indépendants ; sur le fond elle estime qu'aucune fraude n'est démontrée et fait valoir que le droit de préférence imposé par le mouvement Leclerc est nul faute de prix déterminable comme l'a jugé la Cour de Cassation à plusieurs reprises, que la nullité de cette clause affecte la totalité du pacte de préférence sans qu'il y ait lieu de distinguer entre le principe du droit de préférence et les modalités de détermination du prix et que les dispositions de l'article 1843-4 du Code civil relatif à la détermination par voie d'expertise du prix de cession des droits sociaux ne sont pas applicables dès lors que les stipulations du pacte de préférence excluaient toute liberté de négociation du prix ; à titre subsidiaire, la société ITM ALIMENTAIRE NORD conteste l'existence d'une fraude en expliquant notamment que la signature de l'accord transactionnel n'a été rendue possible que par l'attitude dilatoire du mouvement Leclerc dans le cadre de la mise en œuvre du droit de préférence et par sa volonté d'obtenir les actions de la société COUDEKERQUE DISTRIBUTION à vil prix ; la réalité du préjudice allégué ainsi que sa valeur sont également contestées ;

Vu l'ordonnance de clôture du 19 décembre 2013 ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Attendu que la société civile immobilière VERHAEGHE et LEROY est propriétaire à [ville C.B.] de deux ensembles immobiliers contigus situés sur un ancien site industriel dont l'un a été occupé jusqu'au 30 janvier 2009 par un supermarché exploité sous l'enseigne Édouard Leclerc par la société COUDEKERQUE DISTRIBUTION ultérieurement devenue COMALIM et l'autre occupé jusqu'au 6 décembre 2006 par un magasin MOBIS ; que le premier ensemble, était loué à la société COUDEKERQUE DISTRIBUTION initialement par bail commercial du 22 janvier 1981 puis par un nouveau bail du 28 septembre 1990 pour une durée de neuf ans, reconduit au-delà du terme par tacite reconduction ;

Attendu que la société COUDEKERQUE DISTRIBUTION a été reprise en 1994 par les époux Y. par le biais d'une société holding, la SOCIÉTÉ FINANCIERE COUDEKERQUE ; que l'une et l'autre des sociétés ont été constituées avec d'autres exploitants de magasins Leclerc, associés minoritaires, suivant un schéma caractéristique du fonctionnement des sociétés exploitant sous l’enseigne Édouard Leclerc ; que, suivant le même schéma, a été conclu simultanément un pacte de préférence prévoyant un droit prioritaire d'achat au profit des associés minoritaires de la société COUDEKERQUE DISTRIBUTION et de la société holding, qui se voyaient par ailleurs reconnaître un droit de vote majoritaire au conseil d'administration de la société COUDEKERQUE DISTRIBUTION ; que le pacte de préférence signé le 20 octobre 1994 prévoyait que tout projet de cession totale ou partielle par un associé des actions dont il est titulaire devrait faire l'objet d'une offre préalable de cession aux autres associés le prix étant fixé à défaut d'accord amiable à dire d'expert ; le protocole stipulait également que les experts devraient veiller plus particulièrement à rechercher des éléments de comparaison avec des fonds similaires dans la région ou des régions comparables mais plus spécialement à l'intérieur du mouvement LECLERC et qu'ils devraient s'inspirer des critères habituellement retenus dans le mouvement pour d'autres cessions ;

Que, dans le cadre d'un programme de réhabilitation et de rénovation initié par les communes de Dunkerque et [ville C.B.], la SCI VERHAEGHE et LEROY envisageait une restructuration de son ensemble immobilier, l'activité du centre Leclerc devant être transférée dans l'ancien magasin MOBIS, devenu vacant depuis le 6 décembre 2006 du fait de la liquidation de son exploitant, dans le cadre d'un nouveau bail permettant de porter la surface de vente de 2500 m² environ à 4000 m² ;

Attendu en définitive que le projet n'aboutissait pas et le bailleur mettait fin au bail par congé du 28 août 2007 pour le 28 février 2008, offrant le paiement d'une indemnité d'éviction de 500.000 euros ; que la société COUDEKERQUE DISTRIBUTION prenait acte de la résiliation du bail mais contestait le montant de l'indemnité ;

Attendu que, par ailleurs, les époux Y. ayant été contactés par le groupe Intermarché pour la reprise du fonds, la SOCIÉTÉ FINANCIERE COUDEKERQUE et les époux Y. signaient le 31 août 2007 avec la société ITM ALIMENTAIRE NORD un protocole de cession des actions de la société COUDEKERQUE DISTRIBUTION COMALIM sous condition suspensive de la purge du droit de préemption des actionnaires minoritaires ; que le cessionnaire ITM ALIMENTAIRE NORD déclarait faire son affaire personnelle de la situation issue du refus de renouvellement du bail ; que les actions de la société COUDEKERQUE DISTRIBUTION COMALIM étaient cédées pour un prix provisoire de 7.500.000 euros ;

Attendu que, conformément aux clauses du pacte de préférence, les cédants notifiaient le 21 septembre 2007 leur offre préalable de vente aux actionnaires minoritaires membres du mouvement Leclerc ; que les experts désignés par chacune des parties pour l'évaluation des actions ne parvenaient pas à un d'accord, l'expert des cédants aboutissant à une valeur de 8.000.000 euros et celui des minoritaires à 1.950.000 ou 3.550.000 suivant que le bail était ou pas renouvelé ; qu'un tiers expert était désigné par ordonnance du président du tribunal de commerce de Dunkerque ;

Que par protocole d'accord transactionnel du 11 juillet 2008 la société COUDEKERQUE DISTRIBUTION et la SCI VERHAEGHE et LEROY convenaient, d'une part, d'une libération des lieux le 31 janvier 2009 et, d'autre part, du versement par la société VERHAEGHE et LEROY à titre d'indemnité d'éviction transactionnelle d'une somme de 7.400.000 euros constituée à hauteur de 6.550.000 euros de la valeur du fonds de commerce, de 500.000 euros des indemnités de licenciement du personnel et de 350.000 euros du trouble commercial et des pertes sur stocks liquidés ;

Attendu qu'un magasin du groupe Intermarché s'établissait ultérieurement dans des locaux rénovés et agrandis du magasin MOBIS ;

Attendu que c'est dans ces conditions que le 2 décembre 2008, les sociétés SCAPARTOIS, CARVIDIS, SDH. et SORIDIS assignaient la société VERHAEGHE et LEROY, la société COUDEKERQUE DISTRIBUTION, les époux Y. et la société ITM ALIMENTAIRE NORD aux fins d'obtenir l'annulation du protocole transactionnel du 11 juillet 2008 au motif qu'il portait frauduleusement atteinte à leurs droits de préférence d'actionnaires minoritaires en permettant au groupe Intermarché de récupérer l'exploitation du magasin sans qu'aient été respectées les dispositions statutaires relatives au droit de préférence et au droit de préemption ; que c'est dans ces conditions que le tribunal de grande instance de Dunkerque rendait la décision déférée en considérant, conformément à la position des défendeurs, que le pacte de préférence était nul dans la mesure où les modalités d'appréciation du prix des titres cédés, renvoyé à défaut d'accord à l'arbitrage des experts, étaient indéterminées en contravention avec les dispositions de l'article 1591 du Code civil ; le tribunal estimait en outre que les dispositions de l'article 1843-4 du code civil ne pouvaient trouver application ; la demande d'annulation du protocole était ainsi rejetée ;

 

Sur la recevabilité de l'action de la société SCAPARTOIS :

Attendu que la société SCAPARTOIS n'a pas la qualité d'associé de la société COMALIM ; qu'elle n'est pas non plus partie au pacte de préférence du 20 octobre 1994 ; qu'elle n'a donc pas qualité pour demander l'annulation du protocole transactionnel du 11 juillet 2008 au motif que celui-ci constituerait une fraude aux droits des associés minoritaires ; que, certes, la nullité d'un contrat peut être recherchée par tout intéressé lorsqu'il s'agit d'une nullité absolue ; que toutefois en l'espèce la fraude invoquée au soutien de l'action en nullité ne constitue pas une fraude à la loi ou à l'ordre public économique mais une fraude aux droits des associés résultant du pacte de préférence ;

Attendu que, si la société SCAPARTOIS est irrecevable à agir en nullité du protocole, elle est en revanche recevable à agir en réparation du préjudice qui en serait éventuellement résulté, un tiers à un contrat étant toujours recevable à demander la réparation du préjudice résultant de l'existence de ce contrat qui présente à son égard la nature de fait juridique ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré recevable l'action de la société SCAPARTOIS visant à la réparation de son préjudice ;

 

Sur la nullité du pacte de préférence :

Attendu qu'aux termes de l'article 1591 du Code civil : « Le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties. » ; que le prix de vente doit ainsi être déterminable par référence à des critères objectifs ; que par ailleurs, en application de l'article 1592 du Code civil : « Il peut cependant être laissé à l'arbitrage d'un tiers ; si le tiers ne veut ou ne peut faire l'estimation, il n'y a point de vente. »

Attendu que les dispositions des articles 1591 et 1592 du Code civil sont applicables aux promesses unilatérales ou synallagmatiques de vente ainsi qu'aux pactes de préférence dès lors toutefois que l'exercice du droit ou la mise en œuvre de la promesse est stipulée devoir s'exercer à un prix défini dans l'acte ; que tel est le cas en l'espèce ; qu'en revanche, les dispositions de l'article 1843-4 du Code civil relatives à la détermination du prix de cession des parts sociales par voie d'expertise n'ont pas vocation à s'appliquer, ainsi qu'il résulte des termes mêmes de cet article qui vise « tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d'un associé ou le rachat de ceux-ci par la société... » et, en conséquence, les cas de cession imposée au cédant par les dispositions légales ou par les statuts ; que tel n'est pas le cas en l'espèce ;

Attendu que le pacte d'actionnaires signé le 20 octobre 1994 a institué un droit prioritaire d'achat au profit des actionnaires conçu de la façon suivante :

« Offre préalable de vente

Tout Projet de cession d'actions, que l'actionnaire envisage de céder de tout ou partie des actions dont il est titulaire, devra faire l'objet d'une offre préalable de cession aux autres actionnaires comparant aux présentes, le prix étant fixé, à défaut d'accord amiable à dire d'expert.

L'offre de vente sera faite séparément et simultanément à chaque actionnaire soit par lettre recommandée avec accusé de réception, soit par acte d'huissier. Elle indiquera seulement le nombre d'actions que l'actionnaire offre de vendre et le nom et l'adresse de l'expert choisi par le cédant pour déterminer le prix.

Cette offre de vente engage définitivement le cédant à vendre et à se soumettre au prix déterminé par l'expertise et ne peut donc être rétractée avant l'acceptation ou le refus exprès ou tacite par le bénéficiaire.

Dans les dix jours de la réception de l'offre, les actionnaires bénéficiaires de l'offre ou le plus diligent d'entre eux choisiront leur expert dont ils notifieront l'identité au cédant. En cas de désaccord entre les bénéficiaires, l'expert choisi par la majorité en nombre sera retenu. En cas d'égalité, l'expert choisi par la majorité en actions sera retenu. À défaut de majorité d'accord, il sera pourvu à sa nomination par ordonnance rendue par M. le président du Tribunal de Commerce du siège sur requête du bénéficiaire le plus diligent.

Les experts auront pour mission de fixer le prix de cession. Ils devront remettre leur rapport au siège social dans les 60 jours de la saisine du second expert.

Ils auront dans l'exercice de leur mission tout pouvoir d'investigation et pourront s'entourer de tous les avis qu'ils jugeront utile de recueillir, mais ils devront veiller plus particulièrement en ce qui concerne l'évaluation du fonds de commerce, à rechercher tous éléments de comparaison avec des fonds similaires dans la région où des régions comparables, mais plus spécialement à l'intérieur du mouvement Leclerc et ils devront tenir compte des critères habituellement obtenus dans le mouvement pour d'autres cessions.

À défaut d'accord entre eux, les experts choisis devront s'adjoindre un troisième expert qui arbitrera sans être tenu par les conclusions des premiers experts. Si ceux-ci ne se mettent pas d'accord sur la désignation du troisième expert, il y sera pourvu par simple ordonnance du président du tribunal de commerce du siège sur requête de l'expert le plus diligent. (...) »

Attendu qu'il résulte de ces stipulations que les parties au pacte d'actionnaires ont entendu confier à un tiers la détermination du prix de vente des droits sociaux cédés comme le prévoit l'article 1592 du Code civil ; qu'en effet, malgré la référence faite par ces stipulations à un défaut d'accord entre les parties sur le prix, il apparaît en réalité que la détermination du prix par intervention d'un tiers est seule en l'espèce envisagée et organisée, le cédant devant seulement indiquer aux autres associés le nombre d'actions dont la cession est envisagée et le nom de l'expert choisi par lui ; que les actionnaires bénéficiaires de l'offre doivent alors faire connaître le nom de leur expert qui aura pour mission de fixer le prix de cession, l'offre de vente engageant définitivement le cédant à vendre et à se soumettre au prix déterminé par l'expertise ; qu'il importe peu que les époux Y. aient notifié aux autres actionnaires le 21 septembre 2007 des informations - et notamment le prix de cession - dont la transmission n'était pas prévue par le pacte d'actionnaires ; que, d'ailleurs, cette information n'a pas eu pour effet d'entraîner une négociation sur le prix de vente des actions ; qu'au contraire, les associés auxquels la cession a été notifiée ont immédiatement mis en œuvre la procédure telle qu'elle est décrite dans le pacte d'actionnaires et désigné leur expert ;

Attendu que les parties ayant ainsi entendu confier la détermination du prix de vente à un tiers comme le prévoit l'article 1592 du Code civil, les dispositions de l'article 1843-4 dont il a été indiqué ci-dessus qu'elles n'étaient pas en l'espèce applicables, doivent en outre être considérées comme ayant été nécessairement écartées par les parties ;

Attendu que, pour que le prix soit considéré comme déterminable au sens de l'article 1591 du Code civil, il est nécessaire même lorsque la détermination en est confiée à un tiers par application de l'article 1592, que les directives éventuellement données à ce tiers évaluateur par les parties présentent un caractère objectif et soient elles-mêmes déterminables ; qu'en l'espèce, tel n'est pas le cas puisque les directives données au tiers évaluateur, lui indiquant de 'rechercher tous éléments de comparaison avec des fonds similaires dans la région où des régions comparables, mais plus spécialement à l'intérieur du mouvement Leclerc » et de « tenir compte des critères habituellement obtenus dans le mouvement pour d'autres cessions » ne sont pas autrement définies et n'apparaissent pas avoir été connues de l'ensemble des parties au pacte d'actionnaires au jour où celui-ci a été conclu ; qu'il importe peu que les actionnaires minoritaires aient fait savoir qu'ils n’entendaient pas se prévaloir des directives ainsi données au tiers évaluateur dès lors que la validité de la clause doit être appréciée au jour du pacte de préférence ;

Attendu en conséquence que, le prix stipulé au pacte de préférence ne présentant pas de caractère déterminable au regard notamment des directives données au tiers évaluateur, la nullité non seulement de la clause mais également du pacte de préférence lui-même a été à juste titre retenue par le premier juge ; qu'il s'agit là d'une nullité absolue, le défaut de détermination du prix portant atteinte à un élément essentiel du contrat de vente ; qu'aucune confirmation ne peut utilement être déduite du fait que les époux Y. aient mis en œuvre la procédure d'évaluation prévue par le pacte ; que les appelants ne sauraient soutenir que l'article 1843-4 aurait vocation à s'appliquer à titre subsidiaire en tant que dispositions d'ordre public ;

Attendu que, le pacte de préférence étant nul, les appelants ne peuvent utilement soutenir que le protocole transactionnel du 11 juillet 2008 aurait été conclu en fraude des droits reconnus par ce pacte ; que leur demande d'annulation du protocole transactionnel ainsi que les demandes subséquentes de dommages-intérêts ont été rejetées à juste titre par le premier juge ;

Attendu en conséquence que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ;

Attendu que la SCI VERHAEGHE et LEROY n'établit pas que l'action engagée par les appelants soit constitutive d'un abus du droit d'ester en justice ; que la demande de dommages intérêts présentée par elle à ce titre doit être rejetée ;

Attendu qu'il serait inéquitable que les intimés conservent à leur charge le montant des frais irrépétibles engagés pour les besoins de la présente instance devant la cour ; que les appelants seront solidairement condamnés à payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 8.000 euros à la SCI VERHAEGHE et LEROY, la somme de 8.000 euros aux époux Y. et à la société COMALIM et la somme de 3.000 euros à la société ITM ALIMENTAIRE NORD ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement par arrêt mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne solidairement les appelants à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 8.000 euros à la SCI VERHAEGHE et LEROY, la somme de 8.000 euros aux époux Y. et à la société COMALIM et la somme de 3.000 euros à la société ITM ALIMENTAIRE NORD ;

Condamne solidairement les appelants aux dépens qui pourront être recouvrés directement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                    LE PRESIDENT

C. NORMAND                     C. PARENTY