CA NANCY (ch. ex.), 22 février 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7454
CA NANCY (ch. ex.), 22 février 2018 : RG n° 17/02115
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu que cette clause s'analyse en une stipulation expresse et non équivoque qui dispense le créancier de l'envoi d'une mise en demeure préalable à la déchéance du terme en cas notamment de non-respect des engagements de l'emprunteur, ce qui recouvre le défaut de paiement d'une ou plusieurs échéances du prêt ; Attendu que contrairement à ce que soutiennent les époux X., cette clause n'est pas abusive au sens de l'article L. 212-1 du code de la consommation, y compris en ce qui concerne les hypothèses autres que le non-respect des engagements de l'emprunteur, dans la mesure où elle énonce précisément les cas dans lesquels le créancier peut se prévaloir de la déchéance du terme sans mise en demeure préalable et que ces cas ne correspondent pas à des motifs étrangers au contrat de crédit ; Qu'il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé l'annulation de la déchéance du terme du prêt ; Qu'il y a lieu également de débouter les époux X. de leur demande tendant à dire que la clause litigieuse est abusive, que cette clause ne doit pas les lier, que la déchéance du terme est non avenue, de dire par voie de conséquence que le commandement valant saisie immobilière fondé sur une créance non exigible est non avenu et d'ordonner la mainlevée des inscriptions publiées au service de la publicité foncière ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE NANCY
CHAMBRE DE L’EXÉCUTION - JEX
ARRÊT DU 22 FÉVRIER 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 17/02115. Décision déférée à la Cour : jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de NANCY, R.G. n° 15/00068, en date du 22 juin 2017.
APPELANTE :
SA BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE
prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [adresse], N° SIRET : XXX, représentée par Maître Patrice C. de la SCP G. C. G., avocat au barreau de NANCY
INTIMÉS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], domicilié [adresse], représenté par Maître Hervé B., avocat au barreau de NANCY
Madame Y., épouse X.
née le [date] à [ville], domiciliée [adresse], représentée par Maître Hervé B., avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 905 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 13 novembre 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Yannick BRISQUET, Conseiller, chargée du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre, Madame Sandrine GUIOT-MLYNARCZYK, Conseiller, Monsieur Yannick BRISQUET, Conseiller.
Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;
Le 18 janvier 2018, date indiquée à l'issue des débats, le délibéré a été prorogé au 8 février 2018, puis au 22 février 2018.
ARRÊT : contradictoire, prononcé publiquement le 22 février 2018 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile ; signé par Madame GUIOT-MLYNARCZYK, Conseiller, en l'absence du Président empêché, et par Madame PERRIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire ;
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Selon acte reçu le 25 mars 2010 par Maître Z., notaire à [ville T.], la Banque Populaire Lorraine Champagne, qui est désormais dénommée la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne, a consenti à M. X. et à Mme Y. épouse X. un prêt d'un montant de 186.534 euros, remboursable en 300 mensualités, avec intérêt au taux contractuel de 4,60 % l'an.
Le 23 juillet 2014, la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne a adressé à chacun des époux X. une lettre recommandée avec accusé de réception pour les informer que la déchéance du terme était intervenue, rendant de ce fait immédiatement exigible l'intégralité des sommes dues.
Suivant commandements de payer valant saisie immobilière de Maître W., huissier de justice à [ville N.], en date des 25 avril et 2 mai 2015, publiés au service de la publicité foncière de [ville T.] le 10 juin 2015, volume XX concernant M. X. et YY concernant Mme X., la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne a fait saisir une propriété sise à [ville E.], [...], cadastrée section ZZ pour 2 a 17 ca et WW [...] pour 02 a 95 ca, pour avoir paiement de la somme totale de 199.324,83 euros.
Le cahier des conditions de vente a été déposé au greffe le 4 août 2015.
Par actes d'huissier en date du 31 juillet 2015, la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne a fait assigner M. X. et Mme X. devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nancy à l'audience d'orientation du 24 septembre 2015.
M. et Mme X. ont demandé l'annulation du commandement valant saisie immobilière au motif d'une part qu'il ne contenait pas les mentions exigées par l'article R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution et, d'autre part, en raison de l'absence de créance exigible, faute pour la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne d'avoir dûment prononcé la déchéance du terme en les mettant préalablement en demeure.
Ils ont en outre demandé au juge de l'exécution :
- de dire que la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne ne pouvait pratiquer des mesures d'exécution forcée, faute d'être en possession d'un titre exécutoire répondant aux conditions fixées par les dispositions du décret du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires,
- d'annuler l'exploit introductif pour l'audience d'orientation, faute pour cet acte de préciser la qualité de la personne l'ayant signifié, s'agissant d'un acte d'exécution,
- de prononcer en conséquence la caducité du commandement,
- d'ordonner en conséquence la mainlevée pure et simple du commandement contesté, aux frais de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne,
- d'ordonner la mainlevée de l'inscription du commandement au service de la publicité foncière de Toul, et d'annuler subséquemment l'assignation à l'audience d'orientation,
- d'ordonner la déchéance des intérêts du contrat de crédit sur lequel repose la mesure d'exécution contestée et de dire qu'y sera substitué l'intérêt au taux légal, à compter de l'origine de l'amortissement,
- de supprimer et subsidiairement réduire la clause pénale,
- de laisser à la charge de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne l'ensemble des frais liés aux mesures d'exécution et la condamner à supporter les frais associés aux mesures de mainlevée,
- à titre infiniment subsidiaire, de les autoriser à procéder à la vente amiable du bien saisi,
- de condamner la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à leur payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne s'est opposée aux prétentions des époux X. et a maintenu sa demande de vente forcée.
Par jugement du 22 juin 2017, le juge de l'exécution a :
- rejeté la demande des époux X. tendant à voir prononcer la nullité des commandements de saisie immobilière en date des 25 avril et 2 mai 2015 et à voir ordonner leur mainlevée,
- rejeté la demande des époux X. tendant à voir prononcer la nullité de l'assignation à l'audience d'orientation,
- prononcé l'annulation de la déchéance du terme du prêt en date du 23 juillet 2014,
En conséquence,
- fixé la créance de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à la somme de 12.590,44 euros selon décompte arrêté au 25 mars 2015, augmentée des intérêts au taux contractuel de 4,60 % l'an,
- validé les commandements de saisie immobilière en date des 25 avril et 2 mai 2015 à hauteur de la somme de 12.590,44 euros,
- dit que les intérêts continueront à courir jusqu'à la distribution du prix de vente à intervenir,
- constaté qu'il n'existe pas d'autre créancier inscrit sur le bien saisi,
- rejeté la demande de M. X. et de Mme X. tendant à être autorisés à vendre amiablement le bien immobilier saisi,
- ordonné la vente forcée des biens et droits immobiliers sis à [...], cadastrés section ZZ pour 2 a 17 ca et WW [...] pour 02 a 95 ca, soit au total 5 a 12 ca,
- fixé le montant de la mise à prix à la somme de 120.000 euros, conformément au cahier des conditions de vente,
- dit qu'il sera procédé à la vente forcée à l'audience du juge de l'exécution du jeudi 12 octobre 2017 à 14 heures,
- désigné Maître W., huissier de justice à [ville N.], pour assurer la visite des lieux, en se faisant assister, si besoin est, d'un serrurier et de la force publique, selon les modalités qu'il lui appartiendra de déterminer en accord avec le créancier poursuivant,
- dit que l'huissier de justice instrumentaire pourra se faire assister lors de la visite d'un ou plusieurs professionnels agréés et chargés d'établir et de réactualiser les différents diagnostics immobiliers prévus par les réglementations en vigueur,
- dit que la décision désignant l'huissier pour assurer la visite devra être signifiée, trois jours au moins avant la visite, aux occupants des biens et droits immobiliers saisis,
- ordonné la publicité de la vente à intervenir conformément aux dispositions des articles R. 322-31 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,
- débouté M. X. et Mme X. de leur demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. X. et Mme X. aux dépens.
Pour écarter la demande en nullité du commandement valant saisie immobilière tirée de l'absence d'un titre exécutoire régulier, le premier juge a retenu que l'acte notarié était bien revêtu de la formule exécutoire, qu'il comportait bien 50 pages et non 25 et que la copie incomplète invoquée par les époux X. leur avait été signifiée dans le cadre d'une autre procédure d'exécution que la procédure de saisie immobilière. Il a également considéré, en réponse au moyen tiré de la violation de l'article R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution, que la mention « au taux de 4,60 euros l'an » constituait une simple erreur matérielle et qu'il fallait lire en réalité « au taux de 4,60 % l'an ».
Pour prononcer l'annulation de la déchéance du terme, le juge de l'exécution a considéré qu'elle était intervenue sans mise en demeure préalable, en vertu d'une clause permettant à l'établissement de crédit de prononcer de plein droit cette déchéance en cas de manquement par l'emprunteur à l'une de ses obligations, et que cette clause devait être considérée comme abusive et réputée non écrite. Le premier juge a en conséquence estimé que le capital restant dû mentionné aux commandements n'était pas exigible, de même que les intérêts sur le capital restant dû, et que seules les échéances impayées et les intérêts échus sur celles-ci devaient être retenus pour la fixation de la créance.
Il a considéré que la demande de substitution de l'intérêt au taux légal au taux conventionnel était prescrite en application de l'article 2224 du code civil dans la mesure où son point de départ devait être fixé à la date de l'acte authentique du 25 mars 2010 et que les époux X. n'ont sollicité la déchéance du droit aux intérêts conventionnels que dans leurs conclusions déposées le 24 septembre 2015, soit postérieurement au 25 mars 2015.
Il a en outre écarté la demande d'annulation de l'assignation à l'audience d'orientation en retenant qu'elle ne constitue pas un acte d'exécution forcée relevant de la compétence exclusive des huissiers et qu'elle peut donc être délivrée aussi bien par un huissier de justice que par un clerc assermenté.
* * *
La Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne a interjeté appel de cette décision par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d'appel le 17 août 2017.
Elle a déposé le 23 août 2017 une requête comprenant ses conclusions et pièces, en vue d'obtenir une audience à jour fixe et elle a été autorisée par ordonnance du 5 septembre 2017 à assigner M. X. et Mme X. pour l'audience du 13 novembre 2017.
Dans ses conclusions récapitulatives du 2 novembre 2017, la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a prononcé l'annulation de la déchéance du terme du prêt en date du 23 juillet 2014 et fixé sa créance à la somme de 12 590,44 euros avec intérêts au taux contractuel à compter du 25 mars 2015.
Elle soutient que la déchéance du terme est régulièrement intervenue en vertu de la clause mentionnée à l'acte notarié du 25 mars 2010 et demande en conséquence que sa créance soit fixée à la somme de 199 324,83 euros, sous réserve des intérêts au taux de 4,60 % l'an à compter du 25 mars 2015.
La banque demande la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande des époux X. tendant à voir prononcer la nullité des commandements de saisie-immobilière en date des 25 avril et 2 mai 2015 et à voir ordonner leur mainlevée, rejeté la demande des époux X. tendant à voir prononcer la nullité de l'assignation à l'audience d'orientation, rejeté la demande de M. et Mme X. tendant à être autorisés à vendre amiablement le bien saisi, rejeté les demandes des époux X. tendant à substituer le taux légal au taux conventionnel et ordonné la vente forcée des biens et droits immobiliers situés à Ecrouves, sur la mise à prix de 120.000 euros.
Elle demande à la cour d'ordonner le retour du dossier au premier juge pour poursuite de l'adjudication forcée.
Elle sollicite la condamnation de M. et Mme X. au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne soutient que la clause du contrat de prêt prévoyant que les sommes dues deviendront de plein droit immédiatement exigibles sans qu'il soit besoin d'une mise en demeure préalable en cas de non-respect des engagements de l'emprunteur ne constitue pas une clause abusive au sens de l'article R. 212-1 du code de la consommation dans la mesure où il s'agit d'une clause résolutoire et non d'une clause de résiliation discrétionnaire.
En réponse à la contestation de la validité du taux effectif global soulevée par les époux X., elle soutient que dans la mesure où l'offre préalable a été acceptée le 3 mars 2010 et qu'elle contient les éléments permettant d'apprécier l'exactitude ou la validité du taux effectif global, la prescription est acquise depuis le 3 mars 2015. Elle souligne que l'acte notarié mentionne le montant du prêt, les intérêts, le coût de l'assurance, les frais de prise de garantie, les frais de prise d'hypothèque ainsi que les frais de dossier et que M. et Mme X. ne rapportent pas la preuve d'une irrégularité.
La Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne s'oppose à la réduction de l'indemnité de 7 % en soutenant qu'elle ne présente pas le caractère d'une clause pénale que le juge pourrait majorer ou minorer en application de l'article 1152 du code civil et, subsidiairement, en soutenant que les époux X. ne précisent pas en quoi elle serait manifestement excessive.
Pour s'opposer à la vente amiable, la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne fait valoir que les époux X. ne produisent aucun mandat de vente et qu'ils ont déjà bénéficié de larges délais pour rechercher un acquéreur.
* * *
Par conclusions transmises par voie électronique le 29 octobre 2017, M. X. et Mme X. demandent à la cour de confirmer partiellement le jugement et de l'infirmer pour le surplus.
Ils soutiennent que les dispositions relatives à la déchéance du terme contenues dans l'offre de crédit du 3 mars 2010 sont constitutives d'une clause abusive, que cette clause ne doit pas les lier et que la déchéance du terme est non avenue.
Ils invoquent la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle la déchéance du terme d'un contrat de prêt d'une somme d'argent ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.
Ils affirment que le crédit est actuellement en cours d'amortissement et que la déchéance du terme n'est pas intervenue régulièrement, y compris en ce qui concerne les échéances impayées à hauteur de 12.590,44 euros.
M. et Mme X. demandent en conséquence à la cour de dire qu'en raison de l'absence d'exigibilité des sommes correspondant au prêt, le commandement de payer valant saisie immobilière est non avenu, d'ordonner la mainlevée de l'inscription dudit commandement publié au service de la publicité foncière de Toul et d'annuler subséquemment l'assignation à l'audience d'orientation.
Subsidiairement, M. et Mme X. demandent l'annulation du commandement de saisie immobilière délivré les 25 avril et 2 mai 2015, faute de contenir les mentions exigées par l'article R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution. Ils demandent encore son annulation en l'absence de créance exigible, faute pour la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne d'avoir dûment prononcé la déchéance du terme en les mettant préalablement en demeure.
Ils demandent aussi à la cour de dire que la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne ne pouvait pratiquer des mesures d'exécution forcées faute d'être en possession d'un titre exécutoire répondant aux conditions fixées par les dispositions du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires, modifié par le décret n° 2005-973 du 10 août 2005 en ses articles 12 et suivants.
Ils sollicitent l'annulation de l'exploit introductif pour l'audience d'orientation, faute pour cet acte de préciser la qualité de la personne l'ayant signifié, s'agissant d'un acte d'exécution, et demandent à la cour de prononcer en conséquence la caducité du commandement et d'ordonner la mainlevée pure et simple du commandement contesté, aux frais de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne. Ils demandent que soit ordonnée la mainlevée de l'inscription dudit commandement publié au service de la publicité foncière de Toul.
M. et Mme X. demandent aussi :
- d'ordonner la déchéance des intérêts du contrat de crédit sur lequel repose la mesure d'exécution contestée et de dire qu'y sera substitué l'intérêt au taux légal, à compter de l'origine de l'amortissement ;
- de supprimer et subsidiairement réduire la clause pénale ;
- de laisser à la charge de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne l'ensemble des frais liés aux mesures d'exécution et la condamner à supporter les frais associés aux mesures de mainlevée.
A titre infiniment subsidiaire, les époux X. demandent à être autorisés à procéder à la vente amiable du bien saisi s'il n'est pas fait droit à leurs contestations.
Ils sollicitent enfin la condamnation de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à leur payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l'appel principal formé par la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne et sur la déchéance du terme du prêt :
Attendu que le contrat de prêt constaté par acte notarié comporte dans son paragraphe intitulé « défaillance et exigibilité des sommes dues » une clause qui est ainsi rédigée : « Par ailleurs, la totalité des sommes dues en principal, intérêts, frais et accessoires au titre du (des) prêt(s) objet(s) d'une même offre deviendra de plein droit immédiatement exigible sans qu'il soit besoin d'une mise en demeure préalable et aucun autre déblocage de fonds ne pourra être sollicité par l'emprunteur :
- en cas de non-respect des engagements de l'emprunteur ;
- en cas de fausse déclaration ou de déclaration inexacte de l'emprunteur ou de la ou des cautions, dans les questionnaires remis à l'appui de la présente demande de prêt ou dans les documents justificatifs prévus à la présente offre, quant à leur identité ou éléments de solvabilité (revenus, charges) et de nature à affecter celle-ci ;
- en cas de fausse déclaration ou de déclaration inexacte de l'emprunteur ou de la ou des cautions à la compagnie d'assurances en vue de leur adhésion à l'assurance ;
- en cas de décès de la (ou des) personne(s) adhérente(s) à l'assurance mais seulement à concurrence de (ou des) montants pour lequel (lesquels) elle(s) est (sont) assurée(s). » ;
Attendu que cette clause s'analyse en une stipulation expresse et non équivoque qui dispense le créancier de l'envoi d'une mise en demeure préalable à la déchéance du terme en cas notamment de non-respect des engagements de l'emprunteur, ce qui recouvre le défaut de paiement d'une ou plusieurs échéances du prêt ;
Attendu que contrairement à ce que soutiennent les époux X., cette clause n'est pas abusive au sens de l'article L. 212-1 du code de la consommation, y compris en ce qui concerne les hypothèses autres que le non-respect des engagements de l'emprunteur, dans la mesure où elle énonce précisément les cas dans lesquels le créancier peut se prévaloir de la déchéance du terme sans mise en demeure préalable et que ces cas ne correspondent pas à des motifs étrangers au contrat de crédit ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que lors de l'envoi des lettres recommandées du 23 juillet 2014 par lesquelles la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne a informé M. et Mme X. que la déchéance du terme était intervenue, les échéances du 5 septembre 2013 au 5 juillet 2014 étaient impayées, soit une somme de 11.965,58 euros (11 x 1.087,78 euros), de sorte que le non-respect des engagements des emprunteurs était clairement caractérisé ;
Qu'il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé l'annulation de la déchéance du terme du prêt ;
Qu'il y a lieu également de débouter les époux X. de leur demande tendant à dire que la clause litigieuse est abusive, que cette clause ne doit pas les lier, que la déchéance du terme est non avenue, de dire par voie de conséquence que le commandement valant saisie immobilière fondé sur une créance non exigible est non avenu et d'ordonner la mainlevée des inscriptions publiées au service de la publicité foncière ;
Sur la demande d'annulation des commandements valant saisie immobilière :
Attendu que les époux X. soutiennent d'abord que la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne ne se fonde pas sur un titre exécutoire régulier ;
Attendu que par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge a relevé que la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne a produit aux débats la copie certifiée conforme de l'acte authentique du 25 mars 2010 dressé par Maître Z., notaire à Toul, sur lequel sont fondées les poursuites de saisie immobilière et que cet acte contient bien 50 pages ainsi que cela résulte de la numérotation de ses pages ; qu'aucune violation des dispositions du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires ne peut donc être retenue ;
Attendu que le premier juge a également relevé à juste titre que cet acte comporte effectivement en sa première page l'intitulé « République française - Au nom du peuple français » et en dernière page la formule exécutoire telle que prévue par l'article 1er du décret n° 47-1047 du 12 juin 1947, suivie de la mention « En foi de quoi la présente copie exécutoire à ordre sur cinquante pages, réalisée par reprographie, a été certifiée conforme à l'original, signée et scellée par Maître Z., soussigné et délivrée à la Banque Populaire Lorraine Champagne, pour valoir titre exécutoire à concurrence de la somme principale de cent quatre vingt-six mille cinq cent trente quatre euros (186.534,00 euros) » ; que ce moyen doit donc être écarté ;
Attendu que les époux X. soutiennent ensuite que la nullité des commandements valant saisie immobilière qui leur ont été signifiés doit être prononcée sur le fondement de l'article R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution dont le 3° dispose que le décompte des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l'indication du taux des intérêts moratoires, au motif que ces commandements mentionnent des intérêts au taux de « 4,60 euros l'an » ;
Que le premier juge a cependant exactement relevé, par des motifs pertinents que la cour adopte, que l'utilisation du caractère « euros » au lieu du caractère « % » constitue une simple erreur matérielle et que la mention « au taux de 4,60 euros l'an » signifie en réalité « au taux de 4,60 % l'an » ; qu'il n'existe aucun risque de méprise résultant de cette erreur matérielle et que les commandements valant saisie immobilière comportent donc bien l'indication du taux d'intérêt de 4,60 % l'an, telle qu'elle est exigée par l'article R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution ;
Attendu qu'aucun des griefs invoqués par les époux X. n'est donc établi et il y a lieu dès lors de confirmer le jugement ayant rejeté la demande des époux X. tendant à voir prononcer la nullité des commandements valant saisie immobilière ;
Sur la demande d'annulation des assignations à l'audience d'orientation :
Attendu que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a retenu que l'assignation des débiteurs à l'audience d'orientation ne constitue pas un acte d'exécution forcée au sens de l'article L. 122-1 du code des procédures civiles d'exécution dont la délivrance relève de la compétence exclusive de l'huissier de justice ; que conformément à l'article 6 de la loi du 27 décembre 1923, l'assignation à l'audience d'orientation peut être signifiée par huissiers ou par clercs assermentés ; qu'en l'espèce, il résulte des actes du 31 juillet 2015 qu'ils ont été remis par Maître W., huissier de justice, ou par un clerc assermenté de l'étude ;
Attendu que le premier juge a également retenu à juste titre qu'il ne résulte pas de l'article L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution que l'huissier de justice doit être matériellement en possession du titre exécutoire lorsqu'il délivre l'assignation à l'audience d'orientation ;
Qu'il y a lieu dès lors de confirmer le jugement ayant rejeté l'exception de nullité des assignations à l'audience d'orientation ;
Sur la déchéance du droit aux intérêts et sur le montant de la créance :
Attendu que selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ;
Attendu que le point de départ du délai de prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels se situe au jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant le TEG ;
Attendu que les époux X. soutiennent que l'examen de la convention ne leur permettait pas de se rendre compte de l'erreur affectant le TEG du contrat de crédit offert à leur consentement et que cette erreur n'a pu leur être révélée que grâce à un calcul complexe effectué par leur conseil après l'engagement de la procédure de saisie immobilière ;
Mais attendu que le contrat de prêt définit clairement en page 18 les éléments compris dans le coût total du crédit sur la base desquels a été calculé le TEG, à savoir le montant du prêt, les intérêts, l'assurance, les frais de prise de garantie et les frais de dossier ; que tous les éléments pris en compte par le prêteur pour le calcul du taux effectif global étaient donc déterminés et les emprunteurs disposaient dès la signature de l'acte authentique des informations qui leur permettaient de contester le calcul de la banque ;
Qu'il s'ensuit que le délai de prescription a commencé à courir le 25 mars 2010 et que la prescription quinquennale était acquise lorsque la déchéance du droit aux intérêts a été sollicité pour la première fois par les emprunteurs, dans leurs conclusions déposées le 24 septembre 2015 devant le juge de l'exécution ; que le jugement doit par conséquent être confirmé de ce chef ;
Attendu que l'indemnité de défaillance fixée à 7 % des sommes dues au titre du capital restant dû, des intérêts échus et non versés et, le cas échéant des intérêts de retard, s'analyse en une clause pénale, contrairement à ce que soutient la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne ; qu'eu égard au taux d'intérêt contractuel de 4,60 % qui alourdit déjà sensiblement la dette, cette indemnité apparaît manifestement excessive et doit être réduite, en application des dispositions de l'article 1152 du code civil, devenu l'article 1231-5, à la somme de 1.000 euros ;
Attendu que la créance doit être ainsi fixée :
- échéances impayées du 5 septembre 2013 au 5 juillet 2014 : 11.965,58 euros
- intérêts sur échéances impayées au taux de 4,60 % l'an du 5 septembre 2013 au 25 mars 2015 : 624,86 euros
- capital exigible : 169.274,53 euros
- intérêts sur capital exigible au taux de 4,60 % l'an
du 5 juillet 2014 au 25 mars 2015 : 5.610,64 euros
- intérêts postérieurs au 25 mars 2015 : mémoire
- indemnité de résiliation : 1.000,00 euros
Total sauf mémoire : 188.475,61 euros
Attendu que les commandements valant saisie immobilière en date des 25 avril et 2 mai 2015 doivent être validés à hauteur de la somme de 188 475,61 euros ;
Sur la demande de vente amiable :
Attendu que selon l'article R. 322-15 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution détermine les modalités de poursuite de la procédure en autorisant la vente amiable à la demande du débiteur ou en ordonnant la vente forcée ; qu'il s'assure, lorsqu'il autorise la vente amiable, qu'elle peut être conclue dans des conditions satisfaisantes compte tenu de la situation du bien, des conditions économiques du marché et des diligences éventuelles du débiteur ;
Attendu qu'en l'espèce, les époux X. ne font état d'aucune diligence pour parvenir à la vente amiable de leur bien et ne communiquent aucun mandat de vente ni aucun autre élément permettant d'apprécier les chances de parvenir à une telle vente ;
Que le premier juge a également relevé que M. et Mme X. ont de fait déjà bénéficié d'un délai important pour rechercher un acquéreur amiable depuis la délivrance des commandements valant saisie immobilière ;
Qu'il y a lieu dans ces conditions de rejeter la demande de vente amiable et de confirmer le jugement de ce chef ;
Qu'il convient de renvoyer le dossier au juge de l'exécution pour la poursuite de la vente forcée ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Attendu qu'il est justifié de condamner M. et Mme X. à payer à la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que M. et Mme X., partie perdante, doivent être déboutés de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnés aux entiers dépens ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
INFIRME le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nancy du du 22 juin 2017 en ce qu'il a prononcé l'annulation de la déchéance du terme du prêt en date du 23 juillet 2014, fixé la créance de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à la somme de 12.590,44 euros selon décompte arrêté au 25 mars 2015, augmentée des intérêts au taux contractuel de 4,60 % l'an, et validé les commandements de saisie immobilière en date des 25 avril 2015 et 2 mai 2015 à hauteur de la somme de 12.590,44 euros ;
Statuant à nouveau, du chef des dispositions infirmées :
DIT que la déchéance du terme du prêt accordé par la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne est régulièrement intervenue ;
FIXE la créance de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à la somme totale de 188.475,61 euros (cent quatre-vingt-huit mille quatre cent soixante-quinze euros soixante-et-un centimes), arrêtée au 25 mars 2015, se décomposant comme suit :
- échéances impayées du 5 septembre 2013 au 5 juillet 2014 : 11.965,58 euros
- intérêts sur échéances impayées au taux de 4,60 % l'an du 5 septembre 2013 au 25 mars 2015 : 624,86 euros
- capital exigible : 169.274,53 euros
- intérêts sur capital exigible au taux de 4,60 % l'an du 5 juillet 2014 au 25 mars 2015 : 5 610,64 euros
- intérêts postérieurs au 25 mars 2015 : mémoire
- indemnité de résiliation : 1.000,00 euros
Total sauf mémoire : 188.475,61 euros
VALIDE les commandements valant saisie immobilière en date des 25 avril et 2 mai 2015 à hauteur de la somme de 188 475,61 euros (cent quatre-vingt-huit mille quatre cent soixante-quinze euros soixante-et-un centimes) ;
CONFIRME pour le surplus le jugement déféré ;
RENVOIE la procédure au juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nancy pour la poursuite de la vente forcée ;
Y ajoutant :
CONDAMNE M. X. et à Mme X. épouse M. à verser à la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne la somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE M. X. et à Mme X. épouse M. de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. X. et à Mme X. épouse M. aux entiers dépens.
Le présent arrêt a été signé par Madame GUIOT-MLYNARCZYK, Conseiller à la Cour d'appel de Nancy, en l'absence du Président empêché, en application des articles 452 et 456 du code de procédure civile et par Madame PERRIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE CONSEILLER,
Minute en dix pages.
- 5983 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Juge de l’exécution (JEX)
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