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CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 6 mars 2018

Nature : Décision
Titre : CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 6 mars 2018
Pays : France
Juridiction : Grenoble (CA), 1re ch. civ.
Demande : 15/05451
Date : 6/03/2018
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 21/12/2015
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7468

CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 6 mars 2018 : RG n° 15/05451

Publication : Jurica

 

Extrait : « Il est incontestable que ce n'est que deux années après l'échéance du terme du prêt Duetto, suite au non-respect des engagements des époux X. et après de multiples mises en demeure que la banque a procédé à l'exigibilité anticipée du prêt Immoplus, après leur avoir rappelé les dispositions de l'article 9-1-9, étant observé que Monsieur X., en sa qualité de conseiller financier, était parfaitement en mesure d'apprécier la portée de cette clause. De surcroît, au regard des besoins des époux X. et de leur montage financier, leur impossibilité de rembourser le prêt Duetto alors que le bien en considération duquel il avait été accordé avait été vendu depuis trois années, démontrait, objectivement, la mise en péril de l'ensemble du projet financier et justifiait la mise en œuvre de la clause contestée. Dès lors, cette clause ne créait aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et Chebanca n'a commis aucune faute en la mettant en œuvre. »

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 6 MARS 2008

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/05451. Appel d'un Jugement (R.G. n° 12/03963) rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE en date du 2 novembre 2015 suivant déclaration d'appel du 21 décembre 2015.

 

APPELANTS :

Monsieur X.

né le [date] [ville], de nationalité Française, [adresse]

Madame Y. épouse X.

née le [date] [ville], de nationalité Française, [adresse]

[minute page 2] Représentés par Maître G. C. de la SELARL EUROPA AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et plaidant par Maître Christian MENARD, avocat au barreau de CHAMBERY

 

INTIMÉE :

La Société CHE BANCA SPA

dont l'établissement principal en France est [adresse], immatriculée au RCS de LYON sous le numéro XXX, immatriculée au RCS de MILAN sous le n° YYY, prise en la personne de son représentant légal, domicilié. Représentée par Maître Florence NERI de la SCP FOLCO TOURRETTE NERI, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et Maître F. I. de la SELARL I. DE LA SELLE, avocat au barreau de PARIS, plaidant par Maître MEHAMDIA, avocat au barreau de PARIS

 

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Madame Hélène COMBES, Président de chambre, Madame Dominique JACOB, Conseiller, Madame Joëlle BLATRY, Conseiller,

Assistées lors des débats de Madame Laetitia GATTI, Greffier.

DÉBATS : A l'audience publique du 29 janvier 2018, Madame A. a été entendue en son rapport. Les avocats ont été entendus en leurs observations. Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES :

Le 15 avril 2008, la société Micos Banca SPA aujourd'hui dénommée Chebanca SPA (Chebanca) a consenti à Monsieur X. et à son épouse, Madame Y., un prêt relais Duetto de 200.000,00 € d'une durée de 24 mois et un prêt Immoplus de 163.000,00 € remboursable en 240 mensualités.

Malgré la vente, le 27 avril 2009, pour 200.000,00 € d'un bien immobilier, le prêt relais n'a pas été soldé à son terme fixé le 5 juillet 2010.

Seule la somme globale de 56.533,34 € a été remboursée en 2011.

Une première procédure a été introduite par la banque le 29 mai 2012 concernant le prêt Duetto et, par jugement du 23 juin 2013, les époux X. ont été condamnés à payer à Chebanca la somme de 155.628,54 € au titre du prêt relais.

Suivant exploit d'huissier en date du 29 août 2012, Chebanca a fait citer Monsieur et Madame [minute page 3] X., devant le tribunal de grande instance de Grenoble, à l'effet d'obtenir leur condamnation à lui payer diverses sommes au titre du prêt Immoplus.

Par jugement du 2 novembre 2015, cette juridiction a :

- condamné solidairement Monsieur et Madame X. à payer à Chebanca la somme de 141.023,17 € avec intérêts au taux de 2,60 % l'an à compter du 6 juillet 2012,

- débouté Monsieur et Madame X. de l'ensemble de leurs prétentions à l'encontre de la banque,

- condamné Monsieur et Madame X. à payer à Chebanca une indemnité de procédure de 1.500,00 €, ainsi qu'aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration en date du 21 décembre 2015, Monsieur et Madame X. ont relevé appel de cette décision.

 

Au dernier état de leurs écritures en date du 11 mars 2016, Monsieur et Madame Orsolani demandent, outre le rejet des prétentions adverses, de :

- leur déclarer inopposables les conditions générales des prêts et l'article 9-1-9,

- à défaut, dire que ces conditions ne pouvaient s'appliquer que pour des opérations d'achat immobilier, ce qui n'est pas leur cas,

- dire que l'article 9-1-9 des conditions générales est abusif, constitue une clause léonine et est donc nul,

- débouter Chebanca de sa demande relative à l'exigibilité anticipée du prêt et de ses demandes en condamnation,

- constater que Chebanca a refusé unilatéralement de prélever les échéances mensuelles du prêt Immoplus,

- condamner Chebanca à leur payer des dommages-intérêts de 5.000,00 €,

- leur donner acte de ce qu'ils sont prêts à régler les échéances mensuelles du crédit et qu'ils n'ont jamais entendus s'y soustraire,

- ordonner la reprise des prélèvements interrompus par Chebanca dans les mêmes conditions que celles initialement prévues au prêt et sans aucune pénalité,

- dire que les prélèvements interviendront dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- condamner Chebanca à leur payer la somme de 5.000,00 € au titre de leurs frais irrépétibles.

Ils font valoir que :

- ils ont rencontré des difficultés dans le règlement du prêt relais Duetto, mais ont toujours réglé le prêt Immoplus,

- l'arrêt des prélèvements, à compter du mois de mars 2012, est dû uniquement à Chebanca,

- Chebanca a entendu résilier le prêt Immoplus en faisant application de l'article 9-1-9 prévoyant que la résolution d'un prêt concernant la même opération immobilière pouvait entrainer la résolution du deuxième prêt accordé,

- ils contestent l'application de cette clause dans la mesure où ils n'ont jamais signé les conditions générales,

- ils contestent formellement en avoir eu connaissance,

- la banque ne pouvait refuser unilatéralement de prélever les mensualités,

- il ne peut être allégué que leur compte n'était plus approvisionné alors que la banque ne fonde pas son refus de prélèvement sur un solde débiteur mais sur l'application d'une clause qui leur est inopposable,

- cette clause est léonine,

- en premier lieu, les deux prêts ne concernaient pas le financement de l'achat d'un même [minute page 4] immeuble puisque le premier concernait la vente de leur maison d'habitation et le second la construction d'un autre ouvrage, il s'agissait de deux immeubles distincts et d'une opération de construction et non d'achat,

- la clause litigieuse attribue des droits disproportionnés à la banque par rapport à ses obligations,

- cette clause va à l'encontre du principe de l'autonomie des contrats.

 

Par écritures récapitulatives du 11 mai 2016, la société Chebanca sollicite le rejet des prétentions adverses, la confirmation du jugement déféré et, y ajoutant, la condamnation des époux X. à lui payer une indemnité de procédure de 2.500,00 €.

Elle expose que :

Monsieur et Madame X., ayant attesté et signé avoir pris connaissance des conditions générales, sont mal fondés à soulever une inopposabilité de la clause,

- le prêt Immoplus est consubstantiel au prêt Duetto, en ce sens qu'il concerne la même opération immobilière,

- la phase de construction fait partie intégrante de l'opération d'acquisition immobilière,

- contrairement à ce que prétendent les acquéreurs, la clause litigieuse ne donne pas à la banque un pouvoir discrétionnaire,

- il y avait des causes objectives de la mise en œuvre de la clause,

- il y a eu des problèmes de respect du prêt Duetto,

- elle a inscrit une hypothèque judiciaire sur le seul bien immobilier des époux X.,

- pour garantir le paiement du prêt Immoplus, elle devait également inscrire une hypothèque judiciaire sur ce bien,

- pour procéder à cette inscription hypothécaire, elle devait prononcer la déchéance du terme de ce crédit,

- les échéances non prélevées, n'étant pas indues, il n'existe aucun préjudice pour les époux X..

 

La clôture de la procédure est intervenue le 19 décembre 2017.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

1/ Sur la demande en paiement de la banque :

Les époux X. contestent l'exigibilité anticipée du prêt Immoplus du fait de la mise en œuvre de la clause 9-1-9 au regard, en premier lieu, de son inopposabilité, en second lieu, de son inapplicabilité et enfin, du fait de son caractère abusif.

La clause litigieuse dispose que « au cas où le préteur concéderait à l'emprunteur deux prêts concernant le financement pour l'achat du même immeuble, même à des conditions diverses, la résolution de l'un des contrats, relatifs aux prêts cités pourra également entraîner la résiliation de l'autre ».

Les époux X. ayant, en page 10 de l'offre de prêt Immoplus, après avoir indiqué « lu et approuvé - bon pour accord », apposé leurs signatures sous la mention selon laquelle ils « attestent avoir pris connaissance de l'offre de prêt (conditions générales et conditions particulières) et avoir été conseillés pour le faire », les dispositions de l'article 9-1-9 leur sont opposables.

Par ailleurs, cette clause concernant une même opération immobilière pour laquelle deux prêts ont été consentis aux emprunteurs, il importe peu que le projet des époux X. comporte une phase de construction, laquelle, en tout état de cause, concerne un immeuble.

[minute page 5] De surcroît, le prêt Duetto était relatif à la vente d'un immeuble destinée à financer l'opération immobilière des époux X.

Dès lors, c'est à bon droit que le tribunal a déclaré la clause litigieuse opposable et applicable aux époux X.

Aux termes de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Les clauses abusives sont réputées non écrites.

En l'espèce, le besoin de financement des époux X. était de 423.423,00 € se décomposant comme suit :

- revente de leur bien immobilier : 200.000,00 €,

- prêt Immoplus : 163.000,00 €,

- apport personnel : 60.243,00 €.

Il est justifié que :

- alors que le bien, pour lequel a été consenti le prêt relais, avait été vendu le 27 avril 2009, le crédit Duetto n'a pas été remboursé à son terme fixé au 5 juillet 2010 et ne l'a été que très partiellement au printemps 2011,

- par courrier recommandé du 18 janvier 2011, Chebanca a mis en demeure les époux X. de régulariser leur dette à ce titre,

- le 1er févier 2011, les époux X. se sont engagés à rembourser le crédit Duetto par des versements mensuels de 5.000,00 €, ce qui n'a pas été respecté,

- par courrier recommandé du 8 avril 2011, Chebanca, rappelant les dispositions de l'article 9-1-9, a mis une deuxième fois les époux X., en demeure de payer leur dette,

- par courrier recommandé du 22 avril 2011, Chebanca, actant le non remboursement des sommes dues, a avisé les époux X. de la transmission de leur dossier au service contentieux,

- par courrier recommandé du 18 janvier 2012, Chebanca a avisé les époux X. de l'exigibilité anticipé du prêt Immoplus en application de l'article 9-1-9.

Il est incontestable que ce n'est que deux années après l'échéance du terme du prêt Duetto, suite au non-respect des engagements des époux X. et après de multiples mises en demeure que la banque a procédé à l'exigibilité anticipée du prêt Immoplus, après leur avoir rappelé les dispositions de l'article 9-1-9, étant observé que Monsieur X., en sa qualité de conseiller financier, était parfaitement en mesure d'apprécier la portée de cette clause.

De surcroît, au regard des besoins des époux X. et de leur montage financier, leur impossibilité de rembourser le prêt Duetto alors que le bien en considération duquel il avait été accordé avait été vendu depuis trois années, démontrait, objectivement, la mise en péril de l'ensemble du projet financier et justifiait la mise en œuvre de la clause contestée.

Dès lors, cette clause ne créait aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et Chebanca n'a commis aucune faute en la mettant en œuvre.

Par voie de conséquence, au regard des justificatifs produits, le jugement déféré, qui condamne solidairement Monsieur et Madame X. à payer à Chebanca la somme de 141.023,17 € avec intérêts au taux de 2,60 % l'an à compter du 6 juillet 2012, sera confirmé.

 

2/ Sur la demande en dommages-intérêts des époux X. :

[minute page 6] Chebanca n'ayant commis aucune faute en mettant en œuvre la clause 9-1-9 et en prononçant l'exigibilité anticipé du prêt Immoplus, il convient de débouter les époux X. de leur demande en dommages-intérêts.

L'ensemble des prétentions des époux X. doit être rejeté.

 

3/ sur les mesures accessoires :

L'équité justifie de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les époux X., qui succombent, supporteront solidairement les dépens de la procédure d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Y ajoutant,

Rejette l'ensemble des demandes de Monsieur X. et de Madame Y. épouse H.,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne solidairement Monsieur X. et de Madame Y. épouse H. aux dépens de la procédure d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame COMBES, Président, et par Madame GATTI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT