CA POITIERS (2e ch. civ.), 6 février 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7470
CA POITIERS (2e ch. civ.), 6 février 2018 : RG n° 16/03860 ; arrêt n° 88
Publication : Jurica
Extraits : « Pour pouvoir mettre en jeu la responsabilité contractuelle du Crédit Agricole doit être faite la double preuve que les objets détruits ou détériorés se trouvaient effectivement dans le coffre et ce dès la location en 2006 ou peu après, et que leur état de dégradation lors de leur retrait soit en lien certain avec son dépôt dans le coffre et qu'il n'ait pas préexisté. »
2/ « Si le Crédit Agricole a bien une obligation de résultat dans le cadre du contrat litigieux, la clause limitative de responsabilité étant à juste titre écartée, ceci ne délie pour autant pas les demandeurs des règles ordinaires de la preuve. En la matière s'imposent à tous co-contractants, comme au juge, la garantie de secret sur le contenu du coffre et l'obligation du banquier de la respecter, ce qui effectivement rend plus complexe son administration. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 6 FÉVRIER 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 16/03860. Arrêt n° 88. Décision déférée à la Cour : jugement du 18 octobre 2016 rendu(e) par le Tribunal de Grande Instance de LA ROCHELLE.
APPELANTS :
Monsieur X.
né le [date], à [ville],
Madame Y. épouse X.
née [date], à [ville],
Ayant tous les deux pour avocat plaidant Maître Cécile HIDREAU de la SCP BEAUCHARD - BODIN - DEMR., avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT.
INTIMÉE :
CAISSE RÉGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CHARENTE MARITIME - [minute page 2] DEUX SEVRES
agissant aux poursuites et diligences de son Directeur et de ses Administrateurs, domiciliés en cette qualité audit siège social. Ayant pour avocat plaidant Maître H. I. de la SCP I. VIENNOIS FERNANDES, avocat au barreau de SAINTES.
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 6 décembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame J. N., Présidente de chambre, Madame Carole CAILLARD, Conseiller, Monsieur Laurent WAGUETTE, Conseiller, qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Madame L. F.,
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, - Signé par Madame J. N., Présidente de chambre et par Madame Véronique F., Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
OBJET DU LITIGE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le 7 novembre 2006 M. X. et Mme Y. épouse X. ont conclu une convention de mise à disposition de coffre avec l'agence du Crédit Agricole [ville A.] pour une valeur maximale de 92.000 €.
En 2013 ils ont constaté que des objets déposés dans ce coffre avaient subi des détériorations liées à une humidité excessive et ont demandé au Crédit Agricole de prendre en charge le coût de la remise en état d'objet, ceci portant en particulier sur un appareil photo Leica et une montre de valeur.
Le Crédit Agricole sans reconnaître sa responsabilité dans le sinistre invoqué leur a proposé à titre de « geste commercial » la somme de 2.900 €.
Insatisfaits par cette proposition, par acte du 30 décembre 2015, M. X. et Mme Y. épouse X. (les époux X.) ont assigné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Charente Maritime Deux Sèvres (le Crédit agricole) devant le Tribunal de Grande Instance de La Rochelle pour obtenir l'indemnisation du préjudice subi suite à la détérioration d'objets contenus dans un coffre-fort mis à leur disposition à l'agence du Crédit Agricole [ville A.].
[minute page 3] Par jugement du 18 octobre 2016, le tribunal de grande instance de La Rochelle a débouté les époux X. de l'ensemble de leurs prétentions et dit que chaque partie conservera la charge définitive de ses frais et dépens.
Par déclaration en date du 4 novembre 2016 M. X. et Mme Y. épouse X. ont relevé appel de cette décision.
Par conclusions d'incident notifiées par RPVA le 5 janvier 2017, M. X. et Mme Y. épouse X. ont saisi le conseiller de la mise en état aux fins de faire injonction au Crédit Agricole de communiquer l'ensemble des correspondances échangées entre le Crédit Agricole de l'agence [ville A] et l'agence de [ville S.] et l'attestation sur l'honneur des employées du Crédit Agricole [ville A.], à savoir Monsieur A. et Mesdames B. et C. sur l'état des biens litigieux à la sortie du coffre.
Le Crédit Agricole s'est opposé à ces demandes les estimant non fondées, se heurtant au secret bancaire et inopérantes pour la solution du litige.
Par ordonnance du 20 mars 2017 le conseiller de la mise en état les a déboutés de leur incident visant à la production de courriers et attestations. Cette décision n'a pas fait l'objet d'un déféré.
Selon leurs dernières conclusions notifiées le 16 janvier 2017 M. X. et Mme Y. épouse X. demandent à la cour au visa des articles 1134, 1147 du Code Civil de :
- Les déclarer recevables et bien fondés en leur recours et leurs demandes,
- Réformer le jugement entrepris et statuant à nouveau purement et simplement le jugement,
- Dire et juger la Caisse Régionale de Crédit Agricole Charente Maritime Deux Sèvres responsable du préjudice subi du fait de la détérioration des biens confiés,
- La condamner à leur payer la somme de 11.377,86 € au titre des réparations, outre 5.000 € à titre de dommages et intérêts complémentaires, sauf à déduire la somme de 2.900 € versée à titre commercial.
- La condamner à 3.000 € à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel,
- Rejeter toutes demandes, fins et conclusions contraires.
Les époux X. font valoir essentiellement
- que la motivation du tribunal est critiquable en ce qu'elle leur impose une preuve excessive impossible sur le constat de l'état des objets avant leur dépôt et sur les conditions de conservation dans le coffre,
- ils produisent les factures d'achat de l'appareil photo et des réparations effectuées sur celui-ci pièces 7 et 8,
- ils produisent des photos des objets avant leur dépôt dans le coffre et des photos lors de leur retrait en 2013 qui démontrent la dégradation de leur état l'humidité étant visible,
- le crédit Agricole ne peut se dégager de sa responsabilité contractuelle et de son obligation de conservation.
[minute page 4]
Selon ses dernières conclusions notifiées le 31 janvier 2017, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Charente Maritime Deux Sèvres demande à la cour de :
- Confirmer le jugement entrepris.
- Dire et juger que la clause d'exclusion de responsabilité n'est pas une clause abusive.
- Débouter les époux X. et Y. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.
- Condamner solidairement les époux X. à lui payer la somme de 3.000 sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’en tous les frais et dépens de l'instance et autoriser la SCP I. - Viennois - Fernandes, Avocats, à recouvrer les dépens d'appel directement contre eux.
Le Crédit Agricole fait valoir principalement :
- l'absence de preuve rapportée par les demandeurs que les objets se trouvaient dans le coffre-fort lorsqu'ils ont été dégradés et de l'état des objets lors de leur dépôt, les photos non datées et imprécises sur l'état de fonctionnement étant inopérantes
- l'absence de preuve que la dégradation a été provoquée par le coffre-fort et son humidité,
- l'absence de factures d'achats des objets, celle de l'appareil photo ne porte pas le nom de l'acquéreur
- il n'a jamais reconnu sa responsabilité mais a fait un geste commercial envers ses clients, le courrier du 15 mai 2014 comme l'a indiqué le tribunal ne vaut pas reconnaissance de sa responsabilité
L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 novembre 2017.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Pour pouvoir mettre en jeu la responsabilité contractuelle du Crédit Agricole doit être faite la double preuve que les objets détruits ou détériorés se trouvaient effectivement dans le coffre et ce dès la location en 2006 ou peu après, et que leur état de dégradation lors de leur retrait soit en lien certain avec son dépôt dans le coffre et qu'il n'ait pas préexisté.
Pour débouter les époux X. le tribunal après avoir considéré que la clause limitative de responsabilité figurant au contrat devait être réputée non écrite, dans la mesure où une obligation particulière de surveillance et de prise des mesures nécessaires pour assurer la sauvegarde des objets entreposés dans le coffre lui incombait en tant qu'obligation de résultat dont il n'est délié que par la force majeure, compte tenu de l'autre obligation impérative du banquier relative au secret du contenu du coffre a estimé que les époux X. ne rapportaient pas la preuve de l'état d'entretien des objets lors de leur dépôt ni de ce que les conditions de conservation dans le coffre ont entraîné leur dégradation.
Les correspondances échangées entre les instances régionales et nationales du Crédit Agricole et les époux X., relatives au litige les opposant ont été versés aux débats :
- le 15 mai 2014, la Direction Générale du Crédit Agricole a adressé à ce sujet un courrier aux époux X. en leur faisant une proposition d'indemnisation à titre commercial, et sans reconnaissance de responsabilité faute de preuve de l'état des biens avant leur placement dans le coffre et de preuve de leur valeur.
- le Crédit Agricole a produit l'attestation de Mme E. B., l'employée de l'agence [ville A.] [minute page 5] qui a accompagné les époux X. dans la salle des coffres a procédé en leur présence à son déverrouillage et s'est retirée ensuite ainsi que l'exige la confidentialité garantie aux déposants sur le contenu du coffre.
Les pièces 7 et 8 appellent des observations de la cour, la facture qui correspondrait à l'achat de l'appareil (sans nom de l'acheteur) rédigée en allemand lieu Fribourg est datée du 27 avril 2004 alors que les factures de réparation du magasin photo Express à La Rochelle de cet appareil sont datées de du 5 mars 2001 pour la 1ère et du 2 avril 2001 pour la seconde, les époux X. ont indiqué qu'il s'agirait en fait d'un objectif pour l'appareil en question, ils ne produisent donc pas sa facture d'achat.
Si le Crédit Agricole a bien une obligation de résultat dans le cadre du contrat litigieux, la clause limitative de responsabilité étant à juste titre écartée, ceci ne délie pour autant pas les demandeurs des règles ordinaires de la preuve. En la matière s'imposent à tous co-contractants, comme au juge, la garantie de secret sur le contenu du coffre et l'obligation du banquier de la respecter, ce qui effectivement rend plus complexe son administration.
Pour le surplus, les parties développant en appel la même argumentation que celle présentée au premier juge, se basant sur les mêmes pièces, hormis la pièce 8 des époux X. évoquée supra, la cour se réfère expressément aux motifs du jugement déféré qu'elle adopte pour le confirmer dans toutes ses dispositions, y compris sur les dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance.
En revanche les époux X. succombant totalement en leur appel et ayant contraint le Crédit Agricole à engager des frais irrépétibles pour assurer la défense de ses intérêts sur la voie de recours qu'ils ont exercée, seront condamnés à lui payer la somme de 2.000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
- Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 18 octobre 2016 par le tribunal de grande instance de La Rochelle,
Y ajoutant,
- Condamne M. X. et Mme Y. épouse X. à payer à la Caisse de Crédit Agricole Mutuel Charente Maritime Deux Sèvres la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne M. X. et Mme Y. épouse X. à supporter les entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
- 6114 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Responsabilité du professionnel - Clauses limitatives et exonératoires - Droit postérieur au décret du 18 mars 2009 (R. 212-1-6° C. consom.)
- 6617 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Coffre-fort