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CA VERSAILLES (3e ch.), 22 février 2018

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (3e ch.), 22 février 2018
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 3e ch.
Demande : 16/03881
Date : 22/02/2018
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 24/05/2016
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7476

CA VERSAILLES (3e ch.), 22 février 2018 : RG n° 16/03881 

Publication : Jurica

 

Extrait : « L'article 4.1.1 des conditions générales de la police exige que soit rapportée la preuve d'une effraction et d'un forcement du verrouillage de direction et la détérioration du faisceau de démarrage ou d'un système anti-vol. Cette disposition constitue une condition de la mise en œuvre de la garantie et il appartient à l'assuré de rapporter la preuve que les conditions de la garantie sont réunies. Toutefois l'assureur ne peut valablement limiter à certains indices prédéterminés et cumulatifs la preuve du sinistre alors qu'en application des dispositions de l'article 1315 du code civil, cette preuve est libre. La charge qui pèse sur M. Y. est donc de prouver, par tous moyens, que son véhicule a été volé, étant rappelé qu'il est présumé de bonne foi.

Les attestations produites émanant notamment des voisins de M. Y. établissent que ceux-ci ont constaté la présence de bris de verre à l'endroit où ce dernier stationnait son véhicule, devant son domicile. Trois de ces témoins (M. et Mme L. et M. F.) relatent avoir alors contacté M. Y. qui leur a précisé qu'il se trouvait déjà à la gendarmerie. M. C. Y. affirme quant à lui que, passant le matin dans la rue où habite son neveu, il avait fait le même constat et c'était lui qui avait réveillé ce dernier pour l'informer de la disparition de son véhicule.

Il est constant que le véhicule n'a jamais été retrouvé, ce qui est assez fréquent, et il ne saurait dès lors être exigé de M. Y. qu'il rapporte la preuve du forcement du verrouillage de direction et la détérioration du faisceau de démarrage ou d'un système anti-vol, ce qui s'apparente à la preuve impossible et qui à l'évidence est de nature à créer au détriment de l'assuré un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, que prohibe l'article L. 132-1 du code de la consommation. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

TROISIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 22 FÉVRIER 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 16/03881. Code nac : 58E. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 avril 2016 par le Tribunal de Grande Instance de CHARTRES (1re ch.), R.G. n° 15/00470.

LE VINGT DEUX FÉVRIER DEUX MILLE DIX HUIT, [minute page 1] La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

APPELANTE :

SA ASSURANCES DU CRÉDIT MUTUEL (ACM)

N° SIRET : XXX, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentant : Maître A. laure RIQUET de la SCP CAUCHON COURCELLE E. RIQUET MARTINS LECADIEU, Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000029 - N° du dossier 56504, Représentant : Maître E. de la SCP CAUCHON COURCELLE E. RIQUET MARTINS LECADIEU, Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES

 

INTIMÉ :

Monsieur X.

Monsieur Y.

né le [date], à [ville], Représentant : Maître H. D. de la SCP GIBIER FESTIVI RIVIERRE D., Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000021, Représentant : Maître I., Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES substituant Maître D. de la SCP GIBIER FESTIVI RIVIERRE D., avocat au barreau de CHARTRES

 

Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 8 janvier 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise BAZET, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Véronique BOISSELET, Président, Madame Françoise BAZET, Conseiller, [minute page 2] Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame J. K.,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 19 mai 2014, M. Y. a été victime du vol de son véhicule, dont son assureur, la société ACM, a refusé l'indemnisation.

Par acte du 13 février 2015, M. Y. a assigné la société ACM devant le tribunal de grande instance de Chartres.

Par jugement du 27 avril 2016, le tribunal a condamné la société ACM à payer à M. Y. les sommes de 9.060 euros et 800 euros, débouté M. Y. de sa demande de dommages et intérêts et condamné l'assureur à payer une indemnité de procédure de 2.000 euros ainsi qu'aux dépens.

 

Par acte du 24 mai 2016, la société ACM a interjeté appel de cette décision et par dernières écritures du 3 novembre 2016 demande à la cour de :

- la juger recevable et bien fondée en son appel,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- débouter M. Y. de toutes ses demandes, fins et conclusions

- condamner M. Y. à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens avec recouvrement direct.

 

Dans ses conclusions signifiées le 1er septembre 2013, M. Y. demande à la cour de :

- confirmer le jugement,

- débouter l'ACM de l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions,

- condamner l'ACM à lui payer la somme de 9.060 euros au titre de l'indemnisation du vol de son véhicule,

- condamner la même à lui payer la somme de 800 euros au titre de l'indemnisation du vol de ses effets personnels,

- dire que ces deux sommes produiront intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 août 2014,

- condamner l'ACM à lui payer la somme de 1.000 euros en réparation de son préjudice moral causé par sa résistance abusive,

- condamner l'ACM à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens avec recouvrement direct.

 

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions notifiées aux dates mentionnées ci-dessus, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 21 décembre 2017.

[minute page 3]

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR QUOI, LA COUR :

Le tribunal a jugé que la clause de la police d'assurance selon laquelle l'assureur ne prend pas en charge les vols ou tentatives de vol commis alors que les clés se trouvent dans le véhicule s'analyse comme une clause de déchéance et non une clause d'exclusion de garantie, de telle sorte qu'elle ne peut recevoir application que si le manquement imputable à l'assuré a eu un rôle causal dans la survenance du sinistre. Puis, examinant les circonstances dans lesquelles le vol avait eu lieu, le tribunal a jugé qu'il n'était pas démontré que l'étourderie commise par M. Y. en laissant les clefs du véhicule dans la voiture était à l'origine du vol et en a conclu que la clause susvisée ne pouvait donc être mise en application.

La société ACM soutient que la clause précitée est une clause d'exclusion de garantie et qu'il est de jurisprudence constante que son application n'est pas subordonnée à la démonstration que le manquement de l'assuré a joué un rôle causal dans la survenance du sinistre. Elle ajoute que les décisions que lui oppose M. Y. ne sont pas comparables aux circonstances du vol de son véhicule puisque les clefs avaient été volées avec violence, l'assuré étant au volant. L'assureur fait observer que si M. Y. affirme désormais que les clefs étaient dans une veste placée dans le coffre du véhicule, il n'avait pas donné cette précision devant les services de police et qu'en tout état de cause ce fait n'est pas de nature à modifier les conséquences de l'application de la clause d'exclusion.

L'assureur fait par ailleurs observer que les conditions d'application de la garantie ne sont pas réunies dès lors que l'article 4.1.1 des conditions générales exige que soit rapportée la preuve d'une effraction et d'un forcement du verrouillage de direction et la détérioration du faisceau de démarrage ou d'un système anti-vol.

M. Y. réplique que la seule présence des clefs dans le véhicule ne peut donner lieu à exclusion de garantie dès lors que le vol a été commis en raison d'autres circonstances. Il soutient que les voleurs se sont introduits dans son véhicule par effraction en brisant une vitre et que le fait que les clefs aient été présentes dans le coffre, ce que les malfaiteurs ne pouvaient voir, n'a joué aucun rôle causal dans la survenance du sinistre.

M. Y. soutient par ailleurs que dans la mesure où le véhicule n'a pas été retrouvé l'assureur ne peut affirmer que la condition tenant au forcement du verrouillage n'est pas remplie.

* * *

Aux termes de l'article L. 113-1 du code des assurances, « les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police. Toutefois, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré ».

Une clause d'exclusion de garantie a pour objet d'exclure un risque particulier de la garantie dans le champ de laquelle il se trouve normalement inclus. Il est de principe que la clause qui prive l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières dans lesquelles le risque s'est réalisé s'analyse en une clause d'exclusion de garantie.

Au cas présent, l'article 4.5 des conditions générales de la police d'assurance - dont M. Y. ne conteste pas qu'elles lui sont opposables - prévoit que la société ACM ne garantit pas « les vols ou tentatives de vol commis alors que les clés se trouvent sur le contact, dans, sur ou sous le véhicule, à moins que le vol ne soit commis par effraction d'un garage privatif clos et verrouillé dans lequel le véhicule est stationné ou par actes de violences caractérisés ».

Il s'agit là d'une clause d'exclusion de garantie et il incombe à l'assureur qui s'en prévaut de démontrer qu'elle doit recevoir application.

[minute page 4] Au cas présent, les nombreuses attestations et les photographies des lieux de l'infraction -permettant de voir la présence sur le sol de morceaux de verre - conduisent la cour à retenir que les voleurs se sont introduits dans le véhicule en brisant une de ses vitres. Il en résulte que le vol a été perpétré et rendu possible par cette effraction et non par la présence d'une clef oubliée dans un blouson et dont M. Y. avait déclaré spontanément la présence, tant auprès de l'assureur que des services de gendarmerie.

Il y a lieu de juger en conséquence que la société ACM échoue à démontrer que la clause doit recevoir application.

L'article 4.1.1 des conditions générales de la police exige que soit rapportée la preuve d'une effraction et d'un forcement du verrouillage de direction et la détérioration du faisceau de démarrage ou d'un système anti-vol.

Cette disposition constitue une condition de la mise en œuvre de la garantie et il appartient à l'assuré de rapporter la preuve que les conditions de la garantie sont réunies. Toutefois l'assureur ne peut valablement limiter à certains indices prédéterminés et cumulatifs la preuve du sinistre alors qu'en application des dispositions de l'article 1315 du code civil, cette preuve est libre. La charge qui pèse sur M. Y. est donc de prouver, par tous moyens, que son véhicule a été volé, étant rappelé qu'il est présumé de bonne foi.

Les attestations produites émanant notamment des voisins de M. Y. établissent que ceux-ci ont constaté la présence de bris de verre à l'endroit où ce dernier stationnait son véhicule, devant son domicile. Trois de ces témoins (M. et Mme L. et M. F.) relatent avoir alors contacté M. Y. qui leur a précisé qu'il se trouvait déjà à la gendarmerie. M. C. Y. affirme quant à lui que, passant le matin dans la rue où habite son neveu, il avait fait le même constat et c'était lui qui avait réveillé ce dernier pour l'informer de la disparition de son véhicule.

Il est constant que le véhicule n'a jamais été retrouvé, ce qui est assez fréquent, et il ne saurait dès lors être exigé de M. Y. qu'il rapporte la preuve du forcement du verrouillage de direction et la détérioration du faisceau de démarrage ou d'un système anti-vol, ce qui s'apparente à la preuve impossible et qui à l'évidence est de nature à créer au détriment de l'assuré un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, que prohibe l'article L. 132-1 du code de la consommation.

Il y a lieu de juger en conséquence que, par ces présomptions précises et concordantes, la preuve du sinistre est suffisamment rapportée et que la société ACM doit sa garantie.

Aux termes de l'article 33 des conditions générales, le règlement de l'indemnité est basé sur la valeur de remplacement du véhicule fixé par l'expert. Le tribunal ne pouvait donc pas se référer à la côte Argus pour fixer sa valeur de remplacement à 6.650 euros et il y a lieu de fixer celle-ci à la somme de 6.000 euros retenue par l'expert. M. Y. avait souscrit une garantie supplémentaire, dite de valeur majorée, qui prévoit que s'agissant d'un véhicule de plus de 5 ans acquis depuis plus de douze mois, la majoration est de 40 % sans pouvoir toutefois excéder le prix d'achat du véhicule, lequel s'élevait à 7.742,50 euros. L'indemnité doit donc être fixée à cette somme dont il convient de déduire la franchise de 250 euros, soit 7.492,50 euros, et le jugement sera infirmé pour l'avoir fixée à celle de 9.060 euros.

L'indemnité allouée produira intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure délivrée le 26 août 2014.

M. Y. soutient par ailleurs que dans son véhicule se trouvaient divers effets personnels dont un blouson, un portefeuille, une chemise, un pantalon, deux paires de chaussures et des articles de sport, qu'il évalue à la somme totale de 815,80 euros, que les premiers juges ont retenue. La société ACM [minute page 5] fait observer avec pertinence que la présence de ces biens dans le véhicule n'est pas prouvée et la déclaration faite par l'assuré devant les services de gendarmerie ne fait état que d'un blouson de la marque H&M. La facture relative à un blouson de cuir de la marque RedSkin ne peut donc être prise en compte.

La demande en indemnisation de la perte des effets personnels sera donc rejetée et le jugement infirmé de ce chef.

C 'est par de justes motifs que la cour adopte que le tribunal a rejeté la demande en dommages-intérêts formée par M. Y.

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et à l'indemnité de procédure seront confirmées.

La société ACM, qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel avec recouvrement direct.

En remboursement de ses frais irrépétibles d'appel il sera alloué à M. Y. la somme de 3.000 euros.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme le jugement en ce qu'il a condamné la société ACM à payer à M. Y. les sommes de 9.060 euros et 800 euros,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne la société ACM à payer à M. Y. la somme de 7.492,50 euros avec intérêt au taux légal à compter du 26 août 2014,

Rejette la demande en paiement de la somme de 800 euros,

Confirme le jugement pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne la société ACM aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société ACM à payer à M. Y. la somme de 3.000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,               Le Président,