CA DOUAI (3e ch.), 29 mars 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7492
CA DOUAI (3e ch.), 29 mars 2018 : RG n° 16/07214 ; arrêt n° 18/134
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « L'exécution de la condition de la réalisation des travaux dans le délai contractuel de 2 ans ne dépend ensuite pas de la seule volonté de l'assureur et le contenu de la clause litigieuse, rédigé en des termes clairs, précis et non équivoques, ne caractérise aucun déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au contrat, au bénéfice du seul assureur, et de nature à la rendre abusive. La circonstance que les entreprises mandatées par le courtier en travaux, bien que payés, n'ont pas initié lesdits travaux n'est donc pas de nature, contrairement à ce que prétendent les époux X. et l'ASAPN, à créer une situation de déséquilibre manifeste. Il résulte ensuite des stipulations du contrat d'assurance, lequel tient lieu de loi aux parties, que le versement de l'indemnité complémentaire est subordonné à une reconstruction et à une réparation, laquelle est versée lors de l'achèvement des travaux sur présentation des justificatifs des dépenses effectuées pour la reconstruction ou la réparation. »
2/ « L'ensemble de ces éléments démontrent que si les époux X., assistés de leur curateur, étaient confrontés à des difficultés, celles-ci n'étaient toutefois ni imprévisibles, ni irrésistibles et ne constituent donc pas un cas de force majeure, comme le soutiennent les époux X. et l'ASAPN, seule à même de justifier le non-respect par les époux X. de leur obligation contractuelle de reconstruire le bien sinistré dans le délai de 2 ans, lequel a par ailleurs été prolongé d'une année selon le courrier du 8 mars 2014. Il s'ensuit que les époux X. et l'ASAPN ne rapportent pas la preuve de l'impossibilité absolue dans laquelle ils se seraient trouvés de reconstruire l'immeuble dans le délai de 3 ans, correspondant au délai contractuel de 2 ans prorogé d'une année. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DOUAI
TROISIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 29 MARS 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 16/07214. Arrêt n° 18/134. Jugement (R.G. n° 15/02268) rendu le 25 octobre 2016 par le tribunal de grande instance de Dunkerque.
APPELANTE :
SA Gan Assurances Immeuble Le Verdi
Représentée par Maître Marianne D., avocat au barreau de Dunkerque, Assistée de Maître Léa M., avocat au barreau de Dunkerque substituant Me Marianne D., avocat au barreau de Dunkerque
INTIMÉS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], de nationalité française
Madame Y. épouse X.
née le [date] à [ville], de nationalité française
Association pour Le Soutien et l'Action Personnalisée dans le Département du Nord, es qualité de curateur de M. X. et de Mme Y. née X.
selon jugement du juge des tutelles du tribunal d'instance de Dunkerque du 25 mai 2009
Représentés et assistés par Maître Pierre C., avocat au barreau de Dunkerque
DÉBATS à l'audience publique du 8 février 2018 tenue par Sara Lamotte magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne Dufossé
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Benoît Mornet, président de chambre, Benoît Pety, conseiller, Sara Lamotte, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 29 mars 2018 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Benoît Mornet, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 9 janvier 2018
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Exposé du litige :
M. X. et Mme Y., épouse X., (les époux X.), sous la curatelle de l'ASAPN, sont propriétaires d'un immeuble, sis [adresse], assuré auprès de la société GAN Assurances (la société GAN).
Leur immeuble a fait l'objet d'un sinistre incendie le 28 janvier 2012.
M. X., sous couvert de l'ASAPN, a signé le 31 mai 2012 une « lettre d'accord quittance » par laquelle il déclare accepter « sans exception ni réserve » de la société GAN la somme de 91.538 euros en indemnité avant travaux et 39.635 euros « payables sur factures de réalisation des travaux ».
Suivant lettre du 5 juillet 2012, la société GAN a informé l'ASAPN du chiffrage des travaux à la somme de 91.538 euros avant travaux et à la somme de 39.635 euros pour la partie libérable sur production de factures, et lui a adressé un chèque de 85.005 euros correspondant à l'indemnité avant travaux déduction faite de la délégation du cabinet G. (91.538 euros – 6.533 euros).
Par acte du 6 août 2015, les époux X., assistés de l'ASAPN, leur curateur, ont fait assigner la société GAN devant le tribunal de grande instance de Dunkerque aux fins de la voir condamner à verser à la société ASAPN, es qualité de curatrice des époux X., la somme de 39.635 euros correspondant à l'indemnité différée du sinistre survenu le 28 janvier 2012.
Selon jugement du 25 octobre 2016, le tribunal de grande instance de Dunkerque a :
- dit que la société GAN n'est pas fondée à opposer à l'ASAPN la prescription de l'article L. 114-1 du code des assurances et que les demandeurs ont utilisé l'indemnité immédiate pour payer des travaux de remise en état dans le délai biennal invoqué par la société GAN,
- condamné la société GAN à payer à l'ASAPN, es qualité de curatrice des époux X., la somme de 39.635 euros avec intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2015,
- condamner la société GAN, outre aux entiers dépens de l'instance et de son exécution, dont distraction au profit de la SCP D.-C., à payer à l'ASAPN, es qualité de curatrice des époux X., la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 1er décembre 2016, la société GAN a relevé appel du jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 3 juillet 2017, la société GAN demande à la cour, au visa de l'article 1103 nouveau du code civil et des conditions générales du contrat souscrit, d'infirmer le jugement attaqué et statuant de nouveau :
- dire que la demande des époux X. et de l'ASAPN se heurte aux dispositions contractuelles visées aux termes des conditions générales de la police,
- par conséquent, les débouter de l'intégralité de leurs demandes,
- à titre reconventionnel, les condamner à lui payer une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers de première d'instance et d'appel.
A l'appui de ses prétentions, la société GAN fait valoir, au regard du principe de la force obligatoire des contrats, que la jurisprudence admet la validité des clauses de police d'assurance conditionnant le versement de l'indemnité différée à la réalisation effective des travaux de reconstruction dans un délai déterminée. Elle soutient que selon l'article 33 des conditions générales de la police d'assurance, le versement de l'indemnité différée est notamment subordonnée, sauf impossibilité absolue, à une reconstruction ou une réparation dans un délai de 2 ans à compter de l'accord réciproque sur le montant de l'indemnité. Elle explique que les parties ont signé le 31 mai 2012 la lettre d'accord sur le montant de l'indemnité et qu'il était expressément indiqué que le différé d'un montant de 39.635 euros serait payé sur présentation des factures. Elle ajoute que la reconstruction devait intervenir au plus tard le 31 mai 2014, mais qu'elle a accepté de proroger d'une année le délai qui venait à échéance, soit jusqu'au 31 mai 2015. Elle avance ensuite que les travaux n'ont pas été achevés dans le délai contractuel imparti, de sorte qu'elle était fondée à refuser de régler le montant de l'indemnité différée. Elle précise également qu'à la page 5 des conditions particulières signées le 18 février 2008, il est expressément stipulé que les époux X. ainsi que d'ailleurs l'ASAPN, signataire, ont reçu un exemplaire des dispositions générales et annexes A 3102 relatives aux garanties choisies. Elle soutient donc que du fait de cette stipulation, les conditions générales et lesdites annexes A3102 ont valeur contractuelle et sont opposables aux époux X. et à l'ASAPN.
En réponse aux conclusions des époux X. et de l'ASAPN, elle fait valoir que ces derniers entretiennent délibérément une confusion entre la prescription de l'article L. 114-1 du code des assurances et le délai de réalisation de la garantie contractuelle invoquée. Elle précise que le délai de 2 ans pour la réalisation des travaux est visé à l'article 33 des conditions générales, qu'il courait jusqu'au 31 mai 2015 après sa prolongation amiable d'un an, mais qu'à cette date, les travaux n'ont pas été réalisés. Elle précise ensuite que la prescription biennale des actions dérivant des contrats d'assurance est visée à l'article L. 114-1 du code des assurances, qu'il est rappelé aux termes de l'article 41 des conditions générales et qu'il n'est aucunement invoqué en l'espèce. Elle soutient donc qu'il faut uniquement se pencher sur la réalisation ou l'absence de réalisation de la condition contractuelle susvisée. Elle ajoute que les époux X. et l'ASAPN avaient une parfaite connaissance de cette condition de garantie, et que le paiement de l'indemnité différée était subordonné à l'achèvement des travaux dans un délai de 2 ans à compte de l'accord relatif à l'indemnisation, comme le montre les courriers échangés. Elle soutient ensuite qu'il ne s'agit pas d'une clause de déchéance de garantie, mais d'une condition suspensive conditionnant le droit au règlement de l'indemnisation différée à l'achèvement des travaux dans un délai convenu. Elle soutient encore que cette clause ne crée aucun déséquilibre contractuel et que la réalisation de la condition est complètement extérieure à sa volonté. Elle soutient enfin que les époux X. et l'ASAPN ne démontrent pas que l'absence d'achèvement des travaux dans le délai imparti serait due à un cas de force majeure.
Dans leurs dernières conclusions notifiées le 7 avril 2017, les époux X. et l'ASAPN demandent à cour :
au visa des articles L. 114-1 du code des assurances,
- dire que la société GAN a manqué à son devoir d'information et de conseil à leur égard,
au visa des articles L. 114-2, L. 114-3 du code des assurances, et 2233 du code civil,
- dire que la prescription biennale n'est pas acquise à leur détriment,
le cas échéant, au visa de l'article 2233 du code civil,
- dire qu'aucune déchéance n'est acquise à leur détriment,
subsidiairement, au visa des articles R. 132-2 et L. 132-1 du code de la consommation,
- dire que l'article 33 des conditions générales du contrat GAN assurances est une clause abusive,
à titre subsidiaire, si par impossible la cour estimait que l'article 33 des conditions générales n'est pas une clause abusive,
- constater qu'ils ont utilisé l'indemnité immédiate pour initier, dans le délai de 2 ans, les travaux de reconstruction de l'immeuble,
à titre infiniment subsidiaire, si par impossible la cour retenait l'application de l'article 33 des conditions générales telle qu'interprété par la société GAN,
- constater qu'ils se sont trouvés dans l'impossibilité absolue d'achever les travaux de reconstruction de l'immeuble dans le délai de 2 ans,
en conséquence et en tout état de cause,
- confirmer le jugement attaqué,
- dire que la société GAN n'est pas fondée à leur opposer la prescription de l'article L. 114-1 du code des assurances en réponse à la libération de l'indemnité différée s'agissant du sinistre incendie ayant affecté l'immeuble des époux X.,
- condamner en conséquence la société GAN à verser l'ASAPN, es qualité de curatrice des époux X., la somme de 39 635 euros correspondant à la partie libérable telle que reprise dans le courrier du 5 juillet 2012 avec intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2015, date de la mise en demeure,
- condamner la société GAN à verser l'ASAPN, es qualité de curatrice des époux X., la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens de l'instance.
A l'appui de leurs prétentions, les époux X. et l'ASAPN font valoir en premier lieu que la société GAN a manqué à son devoir d'information et de conseil. Ils expliquent que la société GAN, dans ses courriers du 5 juillet 2012 et du 18 mai 2015, ne s'est prévalue pas des conditions particulières ou générales du contrat d'assurance et n'a jamais évoqué les dispositions de l'article L. 114-1 du code des assurances qui ont justifié la clôture du dossier. Ils ajoutent qu'à aucun moment, la société GAN ne les a informés que les travaux pris en charge devaient être achevés à une date déterminée, comme le montre la lettre d'accord du 31 mai 2012.
Ils font valoir en deuxième lieu que la société GAN ne peut se prévaloir de la prescription de l'article L. 114-1 du code des assurances. Ils expliquent que lorsque le paiement d'une indemnité par un assureur est subordonné à la reconstruction d'un immeuble et à la production des factures y afférentes, la prescription ne peut courir qu'à compter de la réalisation de ces conditions. Ils soutiennent donc que le délai de 2 ans invoqué par la société GAN doit être qualifié de délai de prescription. Ils soutiennent ensuite que la société GAN ne peut enfermer le paiement de l'indemnité différée que sous une condition dont le point de départ est différent de celui prévu par les règles de la prescription biennale, et dans un délai préfix ne pouvant être interrompu. Ils soutiennent encore qu'en l'absence de toute information sur un délai butoir, la société GAN ne peut valablement se prévaloir de la moindre prescription et précisent que la société GAN a reconnu en son principe, selon courrier du 5 juillet 2012, devoir une indemnité de 39 635 euros. Ils ajoutent que l'agent GAN a expressément fait part à l'ASAPN de l'accord de la société GAN pour proroger le délai d'exécution des travaux jusqu'au 31 mai 2015. Ils soutiennent en conséquence que le point de départ du délai de prescription ne court qu'à compter du 31 mai 2015 et que l'assignation a été délivrée le 13 août 2015.
Ils font ensuite valoir qu'aucune déchéance n'est susceptible d'être garantie aux assurés et précisent qu'elle est une sanction qui supprime un droit acquis lorsque l'obligation n'a pas été respectée. Ils soutiennent qu'à aucun moment la société GAN n'a informé les assurés de l'existence d'une déchéance dans le cadre de la prise en charge du sinistre.
Ils font valoir en troisième lieu que l'article 33 des conditions générales de la police d'assurance invoqué par la société GAN est abusif. Ils expliquent qu'enfermer l'assuré dans l'obligation de réparer son bien dans un délai préfix revient à contraindre l'assuré à auto financer la réparation de son bien, ce qui est impossible et abusif. Ils ajoutent qu'appliquer cette clause créerait une situation de déséquilibre manifeste lorsque les entreprises payées grâce à l'indemnité immédiate ne réalisent pas les travaux.
En quatrième lieu, ils font valoir à titre subsidiaire que l'ASAPN a fait diligence, dans le délai de 2 ans invoqué par la société GAN, pour initier les travaux de remise en état en acquittant auprès de professionnels de l'art, grâce à l'indemnité immédiate, le montant des travaux de remise en état. Ils soutiennent que cependant la remise en état n'a pas eu lieu pour un fait imprévisible et irrésistible et extérieur à l'ASAPN, à savoir l'absence de réalisation des travaux en contrepartie des versements opérés entre les différents intervenants. Ils précisent qu'il a été convenu avec l'entreprise D. d'une réception en l'état des travaux déjà réalisés et correspondant à ce qui a été payé entre ses mains par l'ASAPN. Ils ajoutent qu'un nouvel maître d'oeuvre a été mandaté.
En dernier lieu, ils font valoir à titre infiniment subsidiaire que l'ASAPN était dans l'impossibilité absolue de justifier d'une reconstruction dans le délai de 2 ans. Ils expliquent que la remise en état n'a pas eu lieu pour un fait imprévisible et irrésistible et extérieur à l'ASAPN, à savoir l'absence de réalisation des travaux en contrepartie des versements opérés entre les différents intervenants.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2018.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Motifs :
Il résulte des conditions générales du contrat « GAN HABITAT FORMULE CONFORT » et notamment de l'article 33 relatif à l'estimation des dommages « immobiliers » relevant de la garantie souscrite que « (...) L'indemnité de base est estimée selon la valeur de reconstruction au jour du sinistre, déduction faite de la vétusté. Le versement de l'indemnité complémentaire correspondant à l'indemnité valeur à neuf est subordonné, sauf impossibilité absolue, à une reconstruction ou une réparation : - dans un délai de deux ans à compter de l'accord réciproque sur le montant de l'indemnité (...). Cette indemnisation complémentaire vous est versée lors de l'achèvement des travaux sur présentation des justificatifs des dépenses effectuées pour la reconstruction ou la réparation (...) ».
En l'espèce, le montant de l'indemnité immédiate a été fixée à la somme de 91.538 euros et cette indemnité a été réglée aux assurés le 5 juillet 2012.
Si les époux X. et l'ASAPN soutiennent dans leurs écritures qu'à « aucun moment, ni dans le courrier du 5 juillet 2012, ni dans son courrier du 18 mai 2015, la société ne s'est prévalue des conditions particulières ou générales du contrat d'assurance et n'a jamais évoqué les dispositions de l'article L. 114-1 du code des assurances qui ont motivé la clôture du dossier » et qu'à « aucun moment, la compagnie GAN n'a dûment informé de ce que les travaux pris en charge par l'assureur devaient être achevés dans à une date déterminée », force est pour autant de constater que l'ASAPN a demandé à la société GAN, par courrier du 22 octobre 2013, « une demande de prolongation du délai de 2 ans dont l'échéance prenait fin au 31 mai 2014’en raison des difficultés rencontrées avec le maître d'œuvre et des rejets de plusieurs demandes de permis de construire.
Force est encore de constater que l'ASAPN, par courrier du 3 avril 2015, a demandé à nouveau à la société GAN une prolongation du délai de 1 an dont l'échéance prenait fin au 31 mai 2015 en raison des difficultés rencontrées avec le courtier en travaux, chargé de redistribuer l'argent aux entreprises concernées par la reconstruction de la maison, ce qui entraîne un ralentissement dans la procédure de reconstruction.
Au surplus, la cour constate que suivant « la lettre d'accord quittance » du 31 mai 2012, signée par les époux X. et l'ASAPN, les premiers ont déclaré « accepter sans exception ni réserve du GAN Incendie Accidents la somme » de 91.538 euros « en indemnité avant travaux » et 39.635 euros « payables sur factures de réalisation des travaux ».
Ces éléments démontrent à l'évidence que les époux X. et l'ASAPN étaient nécessairement informés des conditions subordonnant le versement de l'indemnité différée, de sorte qu'ils ne peuvent utilement faire grief à la société GAN d'avoir manqué à son obligation de conseil et d'information.
Si les époux X. et l'ASAPN soutiennent ensuite qu'aucune prescription n'est susceptible d'être opposée aux assurés, la cour observe que la clause litigieuse n'emporte pas modification de la durée de la prescription édictée par l'article L. 114-1 du code des assurances, pas plus qu'elle n'ajoute aux causes d'interruption ou de suspension de celle-ci visées par les articles L. 114-2 et L. 114-3 du même code, le délai de 2 ans, que l'article 33 des conditions générales prévoit, n'étant pas un délai entraînant l'extinction de l'action en justice résultant du non-exercice de celle-ci avant l'expiration du délai fixé par la loi.
En réalité, cette clause définit les conditions de versement de l'indemnité complémentaire et fixe donc les conditions de la garantie de l'assureur, de sorte que lorsque le paiement d'une indemnité par un assureur est notamment subordonné à la reconstruction de l'immeuble dans un certain délai, la prescription ne court qu'à compter de la réalisation de cette condition conformément à l'article L. 114-1 du code des assurances, ensemble l'article 2233 du code civil.
Il s'ensuit aussi que, contrairement à ce qu'affirment les époux X. et l'ASAPN, cet article 33 des conditions générales ne s'analyse pas comme une clause de déchéance de garantie, qui emporte perte du droit à garantie et qui suppose un droit déjà né puisque le droit au paiement de l'indemnité complémentaire ne naît qu'à la condition que les travaux de reconstruction de l'immeuble soient effectués dans le délai de 2 ans à compter de l'accord réciproque sur le montant de l'indemnité.
L'exécution de la condition de la réalisation des travaux dans le délai contractuel de 2 ans ne dépend ensuite pas de la seule volonté de l'assureur et le contenu de la clause litigieuse, rédigé en des termes clairs, précis et non équivoques, ne caractérise aucun déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au contrat, au bénéfice du seul assureur, et de nature à la rendre abusive.
La circonstance que les entreprises mandatées par le courtier en travaux, bien que payés, n'ont pas initié lesdits travaux n'est donc pas de nature, contrairement à ce que prétendent les époux X. et l'ASAPN, à créer une situation de déséquilibre manifeste.
Il résulte ensuite des stipulations du contrat d'assurance, lequel tient lieu de loi aux parties, que le versement de l'indemnité complémentaire est subordonné à une reconstruction et à une réparation, laquelle est versée lors de l'achèvement des travaux sur présentation des justificatifs des dépenses effectuées pour la reconstruction ou la réparation.
Or, il ressort à l'évidence du procès-verbal de constat d'huissier du 4 septembre 2015 qu'à cette date les travaux de reconstruction n'ont toujours pas débuté, l'huissier relevant que le terrain est en friche et qu'au fond de celui-ci a été creusée la préparation pour la mise en place des fondations du futur bâtiment, de forme rectangulaire.
De surcroît, il appert du procès-verbal de constat d'huissier établi le 14 avril 2016 à la demande des époux X. que la reconstruction de leur immeuble est en cours ; au surplus, les époux X. et l'ASAPN produisent au débat un procès-verbal de constat d'huissier établi le 4 mars 2016 à la demande de M. D. dont il résulte également que la reconstruction de leur immeuble est en cours ; il s'évince encore du procès-verbal de réception des travaux en date du 19 septembre 2016, versé par les époux X. et l'ASAPN, que la reconstruction de l'habitation des époux X. n'est pas achevée.
Il s'ensuit qu'au 31 mai 2015, soit 3 ans après l'accord sur l'indemnisation du 31 mai 2012, les époux X. et l'ASAPN ne justifient pas de l'achèvement de la reconstruction de l'immeuble sinistré, étant précisé que cette période de 3 ans correspond au délai contractuel de reconstruction de 2 ans à compter de l'accord sur l'indemnisation du 31 mai 2012, prorogé d'une année par l'assureur suivant courrier du 8 mars 2014.
En conséquence, les époux X. et l'ASAPN ne sont pas non plus fondés à soutenir, pour obtenir la condamnation de la société GAN à leur payer le montant de l'indemnité différée, que « les assurés ont initiés (sic) la reconstruction dans le délai de deux ans », cette circonstance étant indifférente aux termes des dispositions contractuelles, lesquelles ont force obligatoire entre les parties contractantes en application de l'article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016.
Enfin, les époux X. et l'ASAPN ne saurait affirmer qu'ils étaient dans l'impossibilité absolue de justifier d'une reconstruction dans le délai de contractuel de 2 ans, étant rappelé que ce délai a été prolongé d'un an par courrier du 8 mars 2014.
Lorsque les époux X., assistés de leur curateur, l'ASAPN, ont accepté, le 31 mai 2012, l'indemnisation immédiate proposée par la société GAN, ils leur appartenaient de mesurer le temps nécessaire à la réalisation effective du projet de reconstruction et de vérifier si les conditions de l'indemnisation étaient adaptées à la situation.
Au surplus, la cour note que :
- un paiement a été effectué à la société DK-MO le 8 août 2012 aux fins de réalisation du permis de construire,
- suivant un bordereau d'envoi par télécopieur du 19 septembre 2013, l'ASAPN a demandé à la société DK-MO de « bien vouloir déposer, avant la date limite du 22 septembre 2013, les pièces manquantes afin de compléter le permis de construire » et précisé que si la société DK-MO adressait au moins un document, elle pourra « bénéficier d'un délai supplémentaire pour les autres pièces ce qui évitera de refaire complètement le dossier »,
- suivant un bordereau d'envoi par télécopieur du 10 octobre 2013, l'ASAPN a sollicité la société DK-MO « afin de savoir si les documents pour compléter le dossier du permis de construire ont bien été remis à la Mairie de [ville B.] avant la date limite du 22 septembre 2013 »,
- dans un mail du 14 octobre 2013, adressé par l'ASAPN à la société DK-MO, le curateur des époux X. sollicite la confirmation que le dossier pour le permis de construire a été déposé dans les temps à la mairie de [ville B.] et rappelle que le sinistre a eu lieu en janvier 2012,
- suivant courrier du 18 octobre 2013 du maire de [ville B.], le permis de construire des époux X., enregistré sous le numéro n° PC.XX3 et reçu le 7 juin 2013, a fait l'objet d'un rejet tacite compte tenu qu'aucune pièce complémentaire n'a été fournie,
- une demande de permis de construire n° PC.YY9, a été déposé le 18 octobre 2013 par M. X.,
- par mail du 26 octobre 2013, la société DK-MO a indiqué à l'ASAPN que le dossier du permis de construire a été déposé le 18 octobre 2013,
- par courrier du 18 novembre 2013, le maire de [ville B.] a demandé à M. X. des pièces manquantes dans le dossier de demande de permis n° PC.YY9,
- par courrier du 3 février 2014, le maire de [ville B.] a renouvelé sa demande de communications des pièces manquantes à M. X. dans le dossier de demande de permis n° PC.YY9, aux motifs que les pièces manquantes déposées en mairie le 20 janvier 2014 ne répondent pas à la demande qui a été formulée,
- le permis de construire présenté le 18 octobre 2013 (dossier n° PC.YY9) a été accordé par arrêté du maire de [ville B.] le 24 mars 2014, étant précisé que des pièces ont été fournies le 12 février 2014.
La cour rappelle également qu'il s'évince du procès-verbal de constat d'huissier du 4 septembre 2015 qu'à cette date les travaux de reconstruction n'ont toujours pas débuté, l'huissier relevant que le terrain est en friche et qu'au fond de celui-ci a été creusée la préparation pour la mise en place des fondations du futur bâtiment, de forme rectangulaire
Dans un courrier du 19 février 2016, le conseil de M. D. a indiqué que les travaux continuaient et qu'ils en étaient au stade de la mise hors d'eau.
Il s'évince encore d'un courrier du conseil des époux X. et de l'ASAPN du 4 juillet 2016 que l'ASAPN a mandaté la société ABC en lui confiant une maîtrise d'œuvre suite à la reprise du chantier, en lieu et place de M. M.
La cour observe aussi que par actes des 12 et 19 novembre 2015 et 4 décembre 2015, les époux X. et l'ASAPN ont fait assigner M. M., la société DK-MO et la société D. en raison de leurs manquements dans la réalisation de la reconstruction de l'habitation des époux X.
L'ensemble de ces éléments démontrent que si les époux X., assistés de leur curateur, étaient confrontés à des difficultés, celles-ci n'étaient toutefois ni imprévisibles, ni irrésistibles et ne constituent donc pas un cas de force majeure, comme le soutiennent les époux X. et l'ASAPN, seule à même de justifier le non-respect par les époux X. de leur obligation contractuelle de reconstruire le bien sinistré dans le délai de 2 ans, lequel a par ailleurs été prolongé d'une année selon le courrier du 8 mars 2014.
Il s'ensuit que les époux X. et l'ASAPN ne rapportent pas la preuve de l'impossibilité absolue dans laquelle ils se seraient trouvés de reconstruire l'immeuble dans le délai de 3 ans, correspondant au délai contractuel de 2 ans prorogé d'une année.
Le jugement attaqué sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la société GAN à payer à l'ASAPN, es qualité de curatrice des époux X., la somme de 39.635 euros avec intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2015.
Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile, et à condamner les époux X. aux dépens de première instance et d'appel.
L'équité commande toutefois de débouter les parties de leurs demandes de condamnations fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par ces motifs :
La cour, statuant publiquement,
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Dunkerque du 25 octobre 2016,
ET STATUANT A NOUVEAU,
Déboute M. X. et Mme Y., épouse X., et l'ASAPN, es qualité de curatrice, de l'ensemble de leurs demandes,
Condamne M. X. et Mme Y., épouse X., aux dépens de première instance et d'appel,
Déboute les parties de leurs demandes de condamnation fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président
F. Dufossé B. Mornet