CA TOULOUSE (3e ch.), 14 mars 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7493
CA TOULOUSE (3e ch.), 14 mars 2018 : RG n° 17/00263 ; arrêt n° 186/2018
Publication : Jurica
Extrait : « D'une part, le principe de réparation intégrale du préjudice de la victime ne s'applique pas dans les rapports entre assureur et assuré mais dans le domaine régi par l'article 1382 devenu 1240 du code civil comme le précise la jurisprudence avancée par les appelants. D'autre part, l'avis 96-01 de la commission des clauses abusives, relatif aux modalités d'indemnisation dans les contrats d'assurance de véhicule est ainsi rédigé :
Considérant que la clause litigieuse prévoit : « dans le cas de dommages partiels, l'indemnité correspond au coût de la réparation ou du remplacement des pièces détériorées, dans la limite de leur valeur à dire d'expert au jour du sinistre et sous réserve de la justification de la réparation » ;
Considérant que la clause subordonnant le versement de l'indemnité d'assurance à la justification de la réparation du véhicule prive le consommateur de la libre disposition de l'indemnité d'assurance et permet à l'assureur d'échapper à l'exécution de son obligation contractuelle dans le cas où l'assuré renonce à faire réparer son véhicule ; Qu'une telle clause confère à l'assureur un avantage excessif sur l'assuré ;
En l'espèce, la clause litigieuse laisse à l'assuré une option entre une indemnisation fondée sur la perte de valeur vénale et, en cas de mise en réparation, après contrôle d'un expert, une indemnisation des travaux, elle ne confère donc aucun avantage injustifié à l'assureur de sorte qu'elle ne revêt aucun caractère abusif. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
TROISIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 14 MARS 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 17/00263. Arrêt n° 186/2018. Décision déférée du 9 janvier 2017 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE (R.G. n° 15/00995).
APPELANTS :
Madame X.
Représentée par Maître Stéphanie SABATIE, avocat au barreau de TOULOUSE
Monsieur Y.
Représenté par Maître Stéphanie SABATIE, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉ :
SA ALLIANZ IARD
Représentée par Maître Georges DAUMAS de la SCP DAUMAS GEORGES, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 janvier 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant A. BEAUCLAIR, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : A. BEAUCLAIR, président, A. MAZARIN-GEORGIN, conseiller, V. BLANQUE-JEAN, conseiller
Greffier, lors des débats : M. BUTEL
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par A. BEAUCLAIR, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Vu l'appel interjeté le 18 janvier 2017 par les consorts Y. et X. à l'encontre d'un jugement du tribunal de grande instance de TOULOUSE en date du 9 janvier 2017.
Vu les conclusions des consorts Y. et X. en date du 12 juillet 2017,
Vu les conclusions de la SA ALLIANZ IARD en date du 2 juin 2017,
Vu l'ordonnance de clôture du 15 janvier 2018 pour l'audience de plaidoiries fixée au 29 janvier 2018.
[*]
Monsieur Y. a souscrit, en date du 17 mars 2011, avec avenant du 1er décembre 2012, un contrat n° XX 737 garantissant une caravane pour les risques suivants :
- responsabilité civile
- vol incendie
- bris de glace
- défense recours.
Une franchise d'un montant de 1.000,00 euros est applicable. Ce contrat comporte une clause spécifique pour les caravanes à usage autre que loisirs, stipulant :
« Vous déclarez que votre caravane est utilisée comme habitation. Par ailleurs, il est précisé que l'indemnisation suite à sinistre est aménagée comme suit :
- En cas de remise en état de la caravane, le remboursement sera effectué sur la présentation d'une facture acquittée des réparations, avec contrôle à réception des travaux par un expert ALLIANZ,
- En cas de non réparation de la caravane, le préjudice estimé par l'expert auto du réseau ALLIANZ sera limité à la seule perte de valeur vénale de la caravane. »
Le 18 juin 2013, la caravane assurée par Monsieur Y. a été endommagée par un orage de grêle. Suite à la déclaration du sinistre, la Compagnie ALLIANZ a missionné le Cabinet EURO EXPERTISE pour l'examen du véhicule et l'évaluation du préjudice. Puis, par ordonnance de référé du 23 avril 2014, Monsieur M. a été désigné en qualité d'expert judiciaire.
En raison d'un désaccord sur les conditions de l'indemnisation, les consorts Y. et X. ont assigné la SA ALLIANZ IARD en paiement des sommes de :
- 12.631,42 euros correspondant au montant de l'indemnisation chiffrée par l'expert, outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2013, date de la mise en demeure ;
- 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts compensant la diminution de la valeur de leur caravane ;
- 2.500,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Devant le premier juge la SA ALLIANZ IARD demande la fixation de l'indemnisation contractuelle due aux consorts Y. à la somme de 6.326,85 euros ; et conclu au débouté du surplus de la demande et leur condamnation au paiement de la somme de 2.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 9 janvier 2017, le tribunal de grande instance de TOULOUSE a :
- donné acte à la SA ALLIANZ IARD de son offre d'indemniser Monsieur Y. à hauteur de la somme de 6.326,85 euros ;
- débouté les consorts Y. X. de l'ensemble de leurs demandes ;
- condamné les consorts Y. X. à verser à la SA ALLIANZ IARD la somme globale de 2.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné les consorts Y. X. aux entiers dépens de l'instance.
Les consorts Y. et X. demandent à la cour de :
- infirmer la décision entreprise et statuant à nouveau :
- dire que la clause contractuelle insérée dans le contrat d'assurance subordonnant le versement de l'indemnité d'assurance à la justification de la réparation du véhicule confère à l'assureur un avantage excessif sur l'assuré et dire que ladite clause est abusive au sens des dispositions de L'article L. 132-1 ancien du code de la consommation (article L. 212-1 nouveau du code de la consommation),
- en conséquence, condamner la SA ALLIANZ IARD à leur payer la somme de 12.631,42 euros correspondant au montant de l'indemnisation chiffré par l'expert, avec intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2013 (date à laquelle l'assuré a mis en demeure la compagnie d'assurance par l'intermédiaire de son conseil),
- condamner la SA ALLIANZ IARD à leur payer la somme de 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi lié a la dépréciation de leur bien, destiné à compenser la diminution de la valeur vénale de leur caravane,
- condamner la SA ALLIANZ IARD à leur payer la somme de 2.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SA ALLIANZ IARD aux entiers dépens d'appel et de première instance y compris les frais d'expertise, dont distraction au profit de Maître S.
Ils font valoir que
- le principe de réparation intégrale n'implique pas de contrôle sur l'utilisation des fonds par la victime qui conserve leur libre utilisation,
- les clauses litigieuses sont considérées comme abusives, dans la mesure où elles privent l'assuré de la libre disposition de son indemnité, et permettent à l'assureur d'échapper à l'exécution de son obligation contractuelle, dans le cas où l'assuré renonce à faire réparer son véhicule,
- en vertu d'un contrat similaire, le père de Monsieur Y. qui a subi le même sinistre a été indemnisé intégralement au montant chiffré par l'expert, cette différence de traitement n'est pas justifiée,
- leur véhicule a subi du fait de la résistance de la compagnie une dépréciation dont ils demandent réparation.
La SA ALLIANZ demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- y ajoutant, condamner les consorts Y. à payer à la Compagnie ALLIANZ une indemnité d'un montant de 2.000,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner aux entiers dépens.
Elle fait valoir que :
- seul Monsieur Y. a la qualité d'assuré et lui seul peut prétendre à une indemnisation,
- le principe de réparation intégrale ne s'applique que dans le champ de l'article 1382/1240 du code civil et non dans le cadre d'un contrat d'assurance,
- l'avis de la commission des clauses abusives ne trouve pas à s'appliquer à l'espèce alors que cet avis ne vise que les clauses excluant le principe de toute indemnisation à défaut de justification alors que la clause litigieuse laisse une option entre indemnisation des travaux et perte de valeur vénale et ne confère aucun avantage injustifié à l'assureur
- faute de justification de la réalisation des travaux seule la perte de valeur vénale peut être indemnisée,
- le contrat ne prévoit pas l'indemnisation d'un préjudice d'immobilisation quelle que soit sa dénomination,
- aucune faute de gestion du dossier ne peut être opposée à la compagnie qui n'a jamais refusé sa garantie, étant relevé que l'assuré a refusé les indemnisations proposées et qu'il utilise la caravane litigieuse à titre d'habitation sédentaire et qu'il déclare qu'elle n'est affectée que de légers bosselages ne portant atteinte ni au clos ni au couvert.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Seul Monsieur Y. a la qualité d'assuré, la demande présentée par Madame X. ne peut prospérer.
Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public.
Les parties ont expressément adopté la clause spécifique pour les caravanes à usage autre que loisirs, stipulant :
« Vous déclarez que votre caravane est utilisée comme habitation. Par ailleurs, il est précisé que l'indemnisation suite à sinistre est aménagée comme suit :
- En cas de remise en état de la caravane, le remboursement sera effectué sur la présentation d'une facture acquittée des réparations, avec contrôle à réception des travaux par un expert ALLIANZ,
- En cas de non réparation de la caravane, le préjudice estimé par l'expert auto du réseau ALLIANZ sera limité à la seule perte de valeur vénale de la caravane. »
D'une part, le principe de réparation intégrale du préjudice de la victime ne s'applique pas dans les rapports entre assureur et assuré mais dans le domaine régi par l'article 1382 devenu 1240 du code civil comme le précise la jurisprudence avancée par les appelants.
D'autre part, l'avis 96-01 de la commission des clauses abusives, relatif aux modalités d'indemnisation dans les contrats d'assurance de véhicule est ainsi rédigé :
Considérant que la clause litigieuse prévoit : « dans le cas de dommages partiels, l'indemnité correspond au coût de la réparation ou du remplacement des pièces détériorées, dans la limite de leur valeur à dire d'expert au jour du sinistre et sous réserve de la justification de la réparation » ;
Considérant que la clause subordonnant le versement de l'indemnité d'assurance à la justification de la réparation du véhicule prive le consommateur de la libre disposition de l'indemnité d'assurance et permet à l'assureur d'échapper à l'exécution de son obligation contractuelle dans le cas où l'assuré renonce à faire réparer son véhicule ;
Qu'une telle clause confère à l'assureur un avantage excessif sur l'assuré ;
En l'espèce, la clause litigieuse laisse à l'assuré une option entre une indemnisation fondée sur la perte de valeur vénale et, en cas de mise en réparation, après contrôle d'un expert, une indemnisation des travaux, elle ne confère donc aucun avantage injustifié à l'assureur de sorte qu'elle ne revêt aucun caractère abusif.
Les pièces produites relatives au sinistre subi par Monsieur Y. ne démontrent pas qu'il a sollicité la prise en charge des réparations de son véhicule et non une indemnisation au titre de la perte de valeur vénale dudit véhicule. Il ressort de la pièce 8 que le montant des réparations TTC était chiffré par l'expert à 4.116,88 euros, or il a été alloué par la compagnie une somme de 6.489,35 euros qui ne correspond pas au montant desdites réparations.
Ainsi que l'a justement relevé le premier juge, l'offre de l'assureur qui s'appuie sur les constatations non contestées de l'expert amiable, qui ne sont pas contredites pas les conclusions de l'expert judiciaire, proposant le versement de la somme de 6.326,85 euros, correspond à la somme contractuellement due en indemnisation du préjudice assuré en cas de non-réparation de la caravane.
Monsieur Y. ne peut réclamer le coût de la remise en état du véhicule alors qu'il ne présente aucune facture acquittée des réparations, avec contrôle à réception des travaux par un expert de l'assureur conformément aux stipulations contractuelles.
Il ne peut réclamer en outre l'indemnisation d'un préjudice n'entrant pas dans le champ contractuel, quelle que soit sa dénomination, en l'espèce une diminution de valeur vénale qui serait distincte de la précédente et recouvrirait l'indemnisation d'un préjudice d'immobilisation. C'est donc à bon droit que le premier juge a rejeté cette demande.
Le jugement entrepris est confirmé en toutes ses dispositions.
Les consorts Y. X. succombent, ils supporteront la charge des dépens augmentée d'une somme de 1.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et y ajoutant,
Condamne les consorts Y. et X. à payer à la SA ALLIANZ IARD la somme de 1.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne les consorts Y. et X. aux entiers dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
M. BUTEL A. BEAUCLAIR