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CA PARIS (pôle 4 ch. 1), 16 mars 2018

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 4 ch. 1), 16 mars 2018
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 4 ch. 1
Demande : 16/14957
Date : 16/03/2018
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7530

CA PARIS (pôle 4 ch. 1), 16 mars 2018 : RG n° 16/14957 

Publication : Jurica ; Legifrance

 

Extrait : « Or, il est indéniable que la clause du mandat exclusif prorogeant après l’expiration du mandat la durée d’interdiction de traiter concernant les mandants doit être réputée non écrite, en application de l’article L. 132-1 du code de la consommation invoqué par les appelants ; en effet, cette clause n’est pas limitée dans le temps, contrairement à l’avertissement résultant des énonciations même du mandat, qui visent une recommandation de la commission des clauses abusives et alors qu’une telle absence de délimitation dans le temps est, manifestement, de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment des non-professionnels que sont les époux X. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 4 CHAMBRE 1

ARRÊT DU 16 MARS 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 16/14957 (5 pages), Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Juin 2016 - Tribunal de Grande Instance de PARIS 01 – R.G. n° 15/03087.

 

APPELANTS :

Madame X. épouse Y.

née le [date] à [ville], demeurant [adresse], Représentée par Maître Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, Assistée sur l’audience par Maître Emmanuel FLEURY de l’AARPI LMT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R169, substitué sur l’audience par Maître Mathilde FIERS, avocat au barreau de PARIS

Monsieur X.

né le [date] à [ville], demeurant [adresse], Représenté par Maître Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, Assisté sur l’audience par Maître Emmanuel FLEURY de l’AARPI LMT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R169, substitué sur l’audience par Maître Mathilde FIERS, avocat au barreau de PARIS

 

INTIMÉE :

SARL SLOOGHY

prise en la personne de ses représentants légaux, N° Siret : [adresse], ayant son siège au [adresse], Représentée et assistée sur l’audience par Maître Louis GABIZON de l’AARPI AARPI LGJF GABIZON-FOIRIEN, avocat au barreau de PARIS, toque : U0008

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 février 2018, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant M. Dominique GILLES, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Dominique DOS REIS, Présidente : Monsieur Dominique GILLES, Conseiller, Madame Christine BARBEROT, Conseillère, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Christophe DECAIX

ARRÊT : CONTRADICTOIRE - rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Dominique DOS REIS, Présidente, et par M. Christophe DECAIX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

M. X. et Mme X. épouse Y. (les consorts X. ), qui étaient propriétaires d’une villa avec caves et d’emplacements de stationnement situés [...] et qui avaient donné mandat à la SARL Slooghy, exerçant l’activité d’agent immobilier sous l’enseigne KA&A, de rechercher un acquéreur, aux termes d’un premier mandat exclusif du 14 mai 2013 suivi d’un second mandat, non exclusif, du 30 avril 2014, l’ont vendu à M. W., moyennant le prix de 1.940.000 €, aux termes d’un acte notarié du 3 octobre 2014.

Se plaignant de n’avoir perçu aucune rémunération, tout en faisant valoir que cette opération avait été conclue avec un acheteur auquel elle avait présenté le bien et qui avait fait une offre d’acquisition par son intermédiaire, le 27 septembre 2013, pour le prix de 1.900.000 €, la SARL Slooghy a saisi le tribunal de grande instance par acte extrajudiciaire du 9 février 2015 délivré aux consorts X., pour les voir condamner à lui payer une somme de 76.000 € HT (91.200 € TTC) correspondant au montant de la commission stipulée au dernier mandat, égal à 4 % HT du prix de vente obtenu.

C’est dans ces conditions que le tribunal de grande instance de Paris, par jugement du 20 juin 2016 a :

- condamné in solidum les époux X. à payer à la société Slooghy une somme de 40.000 € hors taxes à titre d’indemnité compensatrice forfaitaire prévue au mandat,

- condamné in solidum les époux X. à payer à la société Slooghy une somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l’exécution provisoire,

- condamné in solidum les époux X. aux dépens.

 

Par dernières conclusions du 3 février 2017, les consorts X., appelants demandent à la Cour de :

- vu l’article 1134 du code civil ;

- vu les articles 1142 et 1152 du code civil ;

- vu la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 ;

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- statuant à nouveau :

- dire que la clause pénale doit être déclarée non écrite ;

- dire qu’ils n’ont commis aucune faute dans l’exécution des mandats ;

- débouter la société Slooghy de ses demandes ;

- à titre subsidiaire :

- dire qu’elle n’a subi aucun préjudice, que la clause pénale du mandat du 30 avril 2014 est manifestement excessive et qu’il y a lieu de la réduire à la somme de « zéro euro » ;

- en tout état de cause :

- débouter la société Slooghy de ses prétentions ;

- la condamner à leur verser une somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Slooghy aux dépens.

 

Par dernières conclusions du 6 décembre 2016, la société Slooghy prie la Cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déclarée bien fondée à se prévaloir de l’application des clauses pénales prévues aux termes des mandats des 14 mai 2013 et 30 avril 2014 ;

- infirmer le jugement en ce qu’il a réduit lesdites clauses pénales et, statuant à nouveau, lui allouer la somme de 76.000 € HT soit 91.200 € TTC à la charge solidaire des consorts X., outre une somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les consorts X. aux dépens.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LA COUR :

Le premier mandat, en date du 14 mai 2013 qui est assorti d’une clause d’exclusivité ou d’une clause pénale au sens de l’article 6 de la loi du 2 janvier 1970, avait prévu un prix de vente du bien de 2.300.000 € et une rémunération de l’agent immobilier de 50.000 € à charge de l’acquéreur ; il avait été conclu avec exclusivité pour une période irrévocable de trois mois, suivie, en l’absence de dénonciation, d’une prorogation avec exclusivité de 12 mois au terme de laquelle les parties ont prévu qu’il prendrait automatiquement fin, sans préjudice de la possibilité de chacune d’elles de le dénoncer avant cette date, en période initiale ou pendant la prorogation, par lettre recommandée avec accusé de réception, moyennant un préavis de quinze jours.

Ce mandat précise que le mandant « s’interdit, pendant la durée du mandat, de négocier directement ou indirectement, s’engageant à diriger sur le mandataire toutes les demandes qui lui seront personnellement adressées pendant la durée du mandat » et « s’interdit, pendant la durée du mandat et pendant la période suivant son expiration indiquée au recto », de traiter directement avec un acquéreur ayant été présenté par le mandataire ou ayant visité les locaux avec lui. Les parties ont toutefois omis de renseigner, au recto de l’acte, le nombre de mois suivant la date d’expiration du mandat déterminant la durée de cette dernière interdiction.

Il est établi que par lettre recommandée du 4 septembre 2013, M. X. a dénoncé l’exclusivité, choisissant de donner effet à cette décision au 30 septembre 2013. M. X. précisait dans sa lettre à la société Slooghy : « je vous conserve l’exclusivité jusqu’au 30 septembre. Ensuite ce mandat redeviendra normal sans exclusivité. Toutes les autres clauses de ce mandat resteront valides. »

Néanmoins, aucun nouveau mandat n’a été régularisé avant celui établi sous seing privé le 30 avril 2014, par lequel les consorts X. ont consenti à la société Slooghy, qui l’a accepté, un autre mandat, sans exclusivité, prévoyant de vendre le bien au prix de 2.250.000 € moyennant une rémunération de l’agent immobilier de 4 % HT à charge de l’acquéreur ; les parties ont de nouveau décidé que ce mandat était valable pour une période irrévocable de trois mois suivie, en l’absence de dénonciation, d’une prorogation de 12 mois au terme de laquelle elles ont prévu qu’il prendrait automatiquement fin, sans préjudice de la possibilité de chacune d’elles de le dénoncer avant cette date par lettre recommandée avec accusé de réception, moyennant un préavis de quinze jours. Ce mandat fait interdiction aux époux X. « pendant la durée du mandat... de traiter directement avec un acquéreur ayant été présenté par le mandataire ou ayant visité les locaux avec lui ».

La vente litigieuse, conclue le trois octobre 2014, correspond à l’exercice par M. W. de l’option d’achat au prix de 1.940.000 € qui lui avait été consentie par les consorts X., aux termes d’une promesse unilatérale de vente établie par acte authentique du 25 juillet 2014. Ce dernier acte prouve que les termes, prix et conditions de la vente ont été négociés par un autre agent immobilier, dénommé London Immobilier à Versailles, titulaire d’un mandat donné par le promettant avec prise en charge de la commission de 40.000 € par ce promettant. Les époux X. produisent le mandat sans exclusivité donné à la SARL London Immobilier le 3 octobre 2013, qui est postérieur à l’expiration du mandat exclusif de la société Slooghy.

En présence du mandat sans exclusivité signé le 30 avril 2014, qui est le dernier état de l’accord des parties, la société Slooghy ne peut soutenir qu’à la date de la signature de la promesse de vente, soit le 25 juillet 2014 elle bénéficiait encore de l’interdiction contenue au mandat du 14 mai 2013, faite « au mandataire (sic) de traiter avec un acquéreur présenté » par ces soins, au motif que l’échéance de cette interdiction aurait couru, en vertu de ce premier mandat, jusqu’au 14 août 2014.

Le mandat exclusif du 14 mai 2013, dont tout effet d’exclusivité - en particulier l’interdiction de traiter directement ou indirectement en dehors de la société Slooghy - a pris fin le 30 septembre 2013, ne peut plus s’appliquer, en dehors de la clause interdisant au mandant de traiter, après l’expiration du mandat, directement avec un acquéreur ayant été présenté par le mandataire ou ayant visité les locaux avec lui. En particulier, il ne peut être soutenu que nonobstant le sens clair et précis du mandat non exclusif, le mot « directement » figurant dans la clause d’interdiction de traiter faite au mandant dans le mandat du 30 avril 2014 devrait être purement et simplement supprimé, par égard à la commune intention des parties ; cela reviendrait en effet à dénaturer la portée même du mandat non exclusif ainsi souscrit.

Or, s’il est établi que M. W. a formé, le 27 septembre 2013, une offre d’acquisition au prix de 1 900 000 € frais d’agence inclus et ce, grâce à l’entremise de la société Slooghy immobilier pendant la durée du mandat exclusif, rien ne démontre que la vente litigieuse, consentie à M. W., le 3 octobre 2014, à des conditions différentes - plus favorables pour les vendeurs - et par l’intermédiaire d’un autre agent immobilier muni d’un mandat, soit le résultat du fait que les vendeurs auraient traité directement avec M. W. pendant la période d’interdiction afférente au mandat du 14 mai 2013. La négociation avec M. W. sur l’offre de celui-ci du 27 septembre 2013 s’est achevée par un courriel du 23 octobre 2013 de M. X. qui confirmait ne pas accepter le prix offert. Les époux X. ont traité à nouveau avec M. W., après l’expiration du mandat exclusif de la société Slooghy, au cours de mandat non exclusif de cette dernière et par l’intermédiaire d’un autre agent immobilier également muni d’un mandat non exclusif.

Or, il est indéniable que la clause du mandat exclusif prorogeant après l’expiration du mandat la durée d’interdiction de traiter concernant les mandants doit être réputée non écrite, en application de l’article L. 132-1 du code de la consommation invoqué par les appelants ; en effet, cette clause n’est pas limitée dans le temps, contrairement à l’avertissement résultant des énonciations même du mandat, qui visent une recommandation de la commission des clauses abusives et alors qu’une telle absence de délimitation dans le temps est, manifestement, de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment des non-professionnels que sont les époux X. .

La société Slooghy ne peut davantage reprocher aux époux X. d’avoir violé les obligations du second mandat pour n’avoir pas signalé la reprise de négociations avec M. W. ni la signature d’une promesse de vente, dès lors que le mandat faisait seulement obligation aux époux X. de signaler toute vente réalisée par eux-mêmes ou par un autre mandataire et qu’il est établi, d’une part, que la société Slooghy a appris avant toute vente la signature de la promesse de vente avec M. W., et toutes informations utiles sur le notaire chargé de cet acte et, d’autre part, que la société Slooghy par l’intermédiaire de son conseil avait déjà réclamé avant la vente une rémunération à M. X., comme en atteste une lettre du 10 septembre 2014.

Ainsi, alors que la société Slooghy ne rapporte la preuve d’aucune faute ni d’aucun abus des époux X. dans l’exécution des mandats du 14 mai 2013 et du 30 avril 2014, le jugement entrepris doit être infirmé, la société Slooghy devant être déboutée de toutes ses demandes au titre de la clause pénale contenue dans l’un ou l’autre de ces actes.

La société Slooghy, qui succombe, versera 3.500 € d’indemnité de procédure aux époux X., en application de l’article 700 du code de procédure civile, en plus de supporter la charge de tous les dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déboute la société Slooghy de ses demandes au titre des clauses pénales des mandats des 14 mai 2013 et 30 avril 2014,

Condamne la société Slooghy à payer aux époux X. une somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en plus de supporter la charge des entiers dépens de première instance et d’appel, qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Rejette toute autre demande.

Le Greffier,                          La Présidente,