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CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 16 février 2018

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 16 février 2018
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 6
Demande : 16/08968
Date : 16/02/2018
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7535

CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 16 février 2018 : RG n° 16/08968 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Considérant que le SILA ne peut sérieusement prétendre que le solde de résiliation est fixé unilatéralement par J., dès lors que, certes l'article 8 de la convention cadre FBF du 16 janvier 2008 prévoit que « la charge de déterminer les valeurs de remplacement et montants dus est confiée à la partie non défaillante ou à la partie non affectée » mais que l'article 2 stipule que « la valeur de remplacement résulte, pour une transaction donnée, de l'application de la moyenne arithmétique des cotations fournies par au moins deux intervenants de marché de premier rang. Chacune de ces cotations permettra d'exprimer le montant que l'intervenant de marché verserait ou recevrait à la date de la résiliation s'il devait reprendre l'intégralité des droits et obligations financières de l'autre partie à compter de cette date au titre de la transaction concernée » ; qu'il est donc fixé par référence au marché, ce que sait pertinemment le SILA qui a déjà résilié deux contrats de swap ;

Considérant que J. ne commet aucun abus de droit en se prévalant de ces stipulations contractuelles, que le SILA a acceptées en connaissance de cause, qui font la loi des parties et qui, au surplus, sont usuelles ;

Considérant, ainsi que le soutient pertinemment la banque, que la théorie de l'imprévision est inapplicable aux contrats aléatoires et donc au contrat de swap, contrat dans lequel chaque partie assume un risque, accepte de perdre, afin d'obtenir la chance de gagner ;

Considérant, ainsi que le souligne J., d'une part, que l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 n'a pas d'effet rétroactif, d'autre part, que la théorie de l'imprévision qu'elle consacre en matière en contractuelle, ne peut avoir pour conséquence de rendre rétrospectivement fautif le contractant qui refuse de renégocier un contrat conclu antérieurement à sa date d'entrée en vigueur, de troisième part, que le nouvel article 1195 du code civil exclut de champ d'application les contrats aléatoires puisqu'il prévoit que « si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat » (souligné par la cour) ;

Considérant qu'il a été dit plus haut que le SILA, parfaitement informé, avait accepté les risques inhérents au contrat ;

Considérant que le SILA soutient que, « conformément à l'exigence de bonne foi et d'équité inhérentes aux relations contractuelles, J. est tenue de prendre en compte dans le calcul du solde de résiliation l'événement imprévisible qui a rendu le contrat particulièrement déséquilibré » (page 60 des conclusions) et en tire la conclusion que la banque devrait prendre à sa charge le montant du solde de résiliation au-delà de la somme de 3.3933.424,53 euros, montant auquel était estimé la valeur de remplacement à la date du 26 février 2010 « avant la survenue de l'événement imprévisible de mars 2010 » ; Considérant que le fondement juridique d'une telle demande qui est présentée comme indemnitaire, est particulièrement obscur ; qu'en effet le préjudice allégué par le SILA est purement hypothétique puisque le SILA n'a pas demandé la résiliation du contrat de swap et qu'il est vraisemblable qu'il ne le demandera pas avant 2028, date à laquelle, il commencera à verser des intérêts, étant à préciser qu'il a encaissé jusqu'à présent la somme de 357.152,42 euros ; que la date de résiliation étant incertaine et future, la situation du marché, à cette époque, ne peut être déterminée ; que d'autre part, « l'événement de mars 2010 », pour reprendre la terminologie utilisée par le SILA, étant qualifié par lui-même d'imprévisible, il n'est pas concevable qu'au nom des exigences de bonne foi, d'équité et de loyauté, le co-contractant, qui n'a commis aucune faute dans la réalisation du préjudice invoqué, soit financièrement sanctionné et que le juge d'autorité bouleverse l'équilibre contractuel ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 6

ARRÊT DU 16 FÉVRIER 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 16/08968 (19 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 mars 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS : R.G. n° 12/14157.

 

APPELANTE :

SYNDICAT MIXTE DU LAC D'ANNECY (SILA)

Représentée et ayant pour avocat plaidant Maîtres A.-Christophe LUBAC de la SCP SARTORIO, LONQUEUE SAGALOVITSCH & ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0482

 

INTIMÉE :

J. PUBLIC LIMITED COMPANY

Prise en la personne de son représentant légal domicilié. Représentée par Maîtres Laurence TAZE BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241, Ayant pour avocat plaidant Maître Antoine JUARISTI, avocat au barreau de PARIS, toque: J025

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 novembre 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame H. G., Présidente de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame H. G., Présidente de chambre, M. Marc BAILLY, Conseiller, [minute page 2] Madame D. C., Conseillère. Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Mme F. B.

ARRÊT : - Contradictoire, - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame H. G., présidente et par Madame F. B., greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu le jugement rendu le 23 mars 2016 par le tribunal de grande instance de Paris qui a débouté le SYNDICAT INTERCOMMUNAL DU LAC d'ANNECY (SILA) de ses demandes et l'a condamné à payer à la société J. PUBLIC LIMITED COMPANY la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Vu l'appel interjeté par le SYNDICAT MIXTE DU LAC d'ANNECY à l'encontre de ce jugement ;

Vu les conclusions signifiées le 31 mai 2017 par le SYNDICAT MIXTE DU LAC d'ANNECY (ci-après SILA) qui demande à la cour, vu le code civil et notamment les articles 1129, 1134, 1135 et 1147 du code civil, vu le code monétaire et financier et notamment les articles L. 533-11 et L. 533-12,

vu l'article L. 533-4 du code monétaire et financier applicable au 15 octobre 2007,

vu l'article 314-18 règlement général de l'autorité des marchés financiers,

à titre principal,

- de dire et juger qu'il est un opérateur non averti, que J. avait une obligation de mise en garde, que J. a manqué à cette obligation du fait de l'absence de conseil sur le risque du produit tenant à sa volatilité par rapport au contrat sous-jacent, du fait de l'absence d'indication sur le caractère spéculatif du produit sur la période 2028-2046 au détriment de la période 2007-2027 et du fait de l'absence d'analyse par J. de son besoin de recourir à un contrat d'échange de taux pour le sous-jacent souscrit le 1er août 2006, que J. avait, en tout état de cause, une obligation d'information, que J. a manqué à cette obligation du fait de l'absence de communication des forwards et de scénario de stress, du fait de l'absence d'information sur le calcul du solde de résiliation, et du fait d'une information erronée sur l'évolution des parités en indiquant qu'« il est probable à plus long terme que le dollar se renforce contre l'euro » et que « de son côté, l'euro, toujours recherché, devrait continuer de progresser contre le franc suisse », que ces fautes lui ont causé un préjudice tenant à la perte de chance de ne pas souscrire le contrat litigieux et fait désormais obstacle à ce qu'il arrête une décision différente, que cette perte de chance est évaluée à 85 %, dès lors qu'il n'aurait très probablement pas contracté si J. n'avait pas commis ces fautes contractuelles ou aurait contracté dans des conditions différentes en sollicitant un cap,

- d'infirmer en conséquence le jugement déféré, et condamner en conséquence J. PUBLIC LIMITED COMPANY à prendre en charge 85 % du montant du solde de résiliation au titre de dommages et intérêts en cas d'exercice du droit de résiliation-compensation de la transaction n° 335654 qu'il exercerait, de débouter J. PUBLIC LIMITED COMPANY de la totalité de ses demandes,

à titre subsidiaire,

- de dire et juger que l'exécution des articles 8.1.1 et 8.1.2 de la convention cadre FBF sur le calcul du solde de résiliation est devenu excessivement onéreuse du fait d'un changement de circonstances imprévisibles en mars 2010 de la parité EURO/CHF à 1,44 en portant la valeur de remplacement de la transaction n° 335654 PL à hauteur de 4.724.004,01 € soit plus du double du montant de la valeur du notionnel du contrat de la Société Générale de 2.100.000 €,

- de dire et juger qu'il n'avait pas accepté un tel risque dès lors que J. l'avait estimé [minute page 3] comme acceptable en raison de l'opportunité de marché, qui en réalité n'existe pas,

- de dire et juger que les parties doivent prendre en compte cet événement imprévisible, et qu'en conséquence que J. a manqué à son obligation de bonne foi, d'équité et de loyauté en raison de l'absence de prise en compte de cet événement imprévisible dans le calcul du solde de résiliation,

- de dire et juger également que l'exécution des articles 8.1.1 et 8.1.2 de la convention cadre FBF devenue excessivement onéreuse constitue un abus de droit dès lors qu'il n'est plus en mesure de bénéficier du droit de résiliation-compensation de la transaction n° 335654 PL,

- d'infirmer en conséquence le jugement déféré et condamner en conséquence J. PUBLIC LIMITED COMPANY à prendre en charge le montant du solde de résiliation au-delà de la valeur de remplacement du 26 février 2010, soit au-delà de la somme de 3.933.424,53 au titre de dommages et intérêts, en cas d'exercice du droit de résiliation-compensation de la transaction n° 335654 qu'il exercerait,

- de débouter J. PUBLIC LIMITED COMPANY de la totalité de ses demandes, en tout état de cause, et dans tous les cas, de condamner J. PUBLIC LIMITED COMPANY à lui verser la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et de la condamner aux dépens ;

 

Vu les conclusions signifiées le 20 septembre 2017 par la société J. (ci après J.J.J.) qui demande à la cour,

vu les articles 1108 et suivants du Code civil (ancienne version), les articles 1116 et suivants du Code civil (ancienne version), les articles 1129, 1131, 1134, 1135 et 1147 du Code civil (ancienne version), les articles 1152, 1184 et 1382 du Code civil (ancienne version), les articles 1907 et 1985 du Code civil (ancienne version),

vu l'article 1195 du Code civil (version actuelle),

vu la Circulaire de 1992 et l'Avis du Conseil National de la Comptabilité de 1987,

- de déclarer le SYNDICAT MIXTE DU LAC D'ANNECY (SILA) mal fondé en son appel, l'en débouter, de dire et juger que le contrat d'échange n° 335654PL n'est pas une opération spéculative,

- de dire et juger qu'elle n'a manqué à aucune de ses obligations précontractuelles d'information, de conseil et de mise en garde à l'égard du Syndicat Intercommunal du Lac d'Annecy lors de la conclusion du contrat d'échange n° 335654 PL,

- de dire et juger qu'il n'existe aucun préjudice réparable pour le Syndicat Intercommunal du Lac d'Annecy ni d'ailleurs aucun lien de causalité entre le préjudice invoqué par celui-ci et ses agissements, de dire et juger qu'elle n'a commis aucun abus de droit dans les modalités de fixation du solde de résiliation et n'a nullement manqué à ses obligations de bonne foi, d'équité et de loyauté dans l'exécution du contrat d'échange n° 335654 PL,

- en conséquence, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré, de débouter le Syndicat Intercommunal du Lac d'Annecy de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions engagées à son encontre, de condamner le Syndicat Intercommunal du Lac d'Annecy à lui payer la somme de 30.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et de condamner le Syndicat Intercommunal du Lac d'Annecy aux entiers frais et dépens ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Considérant que le SILA, créé en 1957 par plusieurs communes afin de sauver le lac d'Annecy de la pollution, est désormais composé de neuf Etablissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI), représentant 114 communes situées sur les bords du lac d'Annecy, qui lui ont transféré, de manière obligatoire, la compétence du traitement des déchets ménagers, et, de manière optionnelle pour certains EPCI, l'assainissement des eaux usées, l'aménagement et la protection du lac d'Annecy ;

Considérant que par acte sous seing privé en date du 7 août 2006, le SILA a souscrit un contrat d'ouverture de crédit à long terme dit « Evolution » auprès de la Société Générale d'une durée de 40 ans et d'un montant de 2.400.000 euros dans le but de réaliser un projet de cale sèche sur la commune de [ville S.], avec options de tirages à taux fixes et à taux structurés dont la clause d'intérêt prévoyait la possibilité d'une indexation du taux d'intérêt sur l'Eonia (cette formule donnant lieu à une majoration de 0,11 %) ou le TAG 1 à 12 mois (cette formule donnant lieu à une majoration de 0,11 %), ou l'Euribor à 1 ou 12 mois (cette formule donnant lieu à une majoration de 0,08 %), à taux fixe (cette formule donnant lieu à une majoration du taux de swap de 0,09 %) ou encore, à un taux [minute page 4] structuré établi selon plusieurs formules proposées par la banque ; qu'au titre d'un premier tirage le SILA a décidé d'indexer le remboursement de l'intérêt selon la formule suivante : Euribor 12 mois + 0, 08 % ;

Considérant que le 15 octobre 2007, le SILA a signé avec J. un contrat de swap (la transaction n° 335654 PL) portant sur la moitié du crédit, soit 2.100.000, aux termes duquel, le SILA recevait le taux Euribor majoré de 0,08 % et payait du 31 octobre 2007 au 31 octobre 2027, un taux de 0 % et du 31 octobre 2027 au 31 octobre 2046 un taux égal à 0 % + Max (0 ; EUR/USD - EUR/CHF - 18,3 %) ; qu'il était précisé que la transaction était soumise à la convention cadre FBF relative aux opérations sur instruments financiers à terme, laquelle a été signée le 16 janvier 2008 pour J. et le 19 février 2008 pour le SILA ;

Considérant que par acte extrajudiciaire en date du 5 octobre 2012, le SILA a assigné J.J.J. devant le tribunal de grande instance de Paris devant lequel il a sollicité le prononcé de la nullité du contrat, en invoquant son illicéité en raison de son caractère spéculatif, l'incompétence pour le signer de son président, le vice du consentement constitué par le dol tenant au silence sur les éléments essentiels du contrat et à la présentation erronée et partielle des risques, subsidiairement, la condamnation de J. pour avoir manqué à l'obligation de mise en garde, de conseil et d'information, et pour avoir commis un abus de droit en prévoyant un solde de résiliation, la clause étant au surplus abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, à titre infiniment subsidiaire, le prononcé de l'inopposabilité de cette clause et de la résiliation de la transaction sans solde de résiliation ;

Considérant que par le jugement déféré, le tribunal a débouté le SILA de toutes ses demandes ;

Considérant que le SILA prétend devant la cour que les premiers juges ont commis plusieurs erreurs d'appréciation des faits et demande l'infirmation de leur décision ; qu'à titre principal, le SILA soutient que J. a engagé sa responsabilité contractuelle; qu'elle a d'abord manqué à son obligation de mise en garde, qui est renforcée à son égard puisqu'elle n'est pas un opérateur averti des opérations de couverture, en s'abstenant de l'alerter sur l'absence de prévisibilité des charges financières, sur le fonctionnement et la méthode de calcul complexe du solde de résiliation et de le conseiller sur le risque du produit tenant à sa volatilité par rapport au contrat sous-jacent, et à son caractère spéculatif; qu'elle a ensuite failli à son obligation d'information et de conseil, en n'évaluant pas concrètement sa compétence et en ne lui fournissant pas une information en rapport avec cette évaluation, en ne fournissant aucune information ni aucun conseil sur les risques, du fait de l'absence de communication, à l'époque de la conclusion du contrat, des forwards, de scénario de stress, aucune information sur le calcul du solde de résiliation et sur le fait qu'il existe une corrélation étroite entre le risque contenu dans la formule du contrat de swap et l'indemnité de sortie, en étant silencieuse sur le risque (qui en réalité était insignifiant) du contrat de la SOCIETE GÉNÉRALE que le contrat de swap (qui en réalité était inutile) était censé couvrir ; que le SILA allègue qu'il subit un préjudice de perte de chance de ne pas contracter et d'éviter d'avoir à supporter les aspects défavorables dont il n'a pas été informé, étant à préciser que ce contrat vient dégrader sa situation financière auprès des autres établissements bancaires, qu'il est dans l'obligation de provisionner le risque du contrat, qu'il entend solliciter une compensation-résiliation et doit donc verser un solde de résiliation ; qu'il évalue son préjudice à 85 % du montant du solde de résiliation en cas de résiliation du contrat ; qu'à titre subsidiaire, le SILA soutient que J. a commis un abus de droit dans la fixation du solde de résiliation du contrat de swap en s'abstenant de renégocier le contrat lorsque les circonstances de marché, imprévisibles, ont évolué en sa défaveur, ce que l'exigence de bonne foi et d'équité inhérentes aux relations contractuelles imposent, compte tenu du déséquilibre économique que cela a engendré ; qu'il demande que J. prenne à sa charge le montant du solde de résiliation au-delà de la somme de 3.933.424,53 euros, montant auquel était estimée la valeur de remplacement à la date du 26 février 2010 ;

Considérant que J. insiste, tout d'abord, sur le fait que, d'une part, le SILA, qui a [minute page 5] conclu, au cours de l'automne 2007, deux contrats de swap, similaires, auprès d'elle, et l'a assignée devant le tribunal de grande instance de Paris, dans des termes quasi-identiques, pour voir prononcer leur nullité et voir engagée sa responsabilité et a été débouté de l'ensemble de ses demandes, ne critique qu'un seul jugement et donc qu'un seul contrat de swap, que d'autre part, il abandonne certaines demandes de première instance et ne demande plus à la cour que de sanctionner ses prétendus manquements aux obligations d'information, de conseil et de mise en garde ainsi que de bonne foi, d'équité et de loyauté; qu'elle prétend qu'elle n'a souscrit aucune obligation de conseil à l'égard du SILA, qu'elle n'était pas tenue à une obligation de mise en garde et qu'elle a parfaitement rempli son obligation d'information, qu'elle n'a commis aucun abus de droit dans la fixation du montant du solde de résiliation de la transaction litigieuse et qu'elle n'était pas tenue d'une obligation de renégocier le contrat en cause ; qu'elle a parfaitement satisfait aux devoirs qui s'imposaient à elle en sa qualité de prestataire de services d'investissement, de sorte que sa responsabilité ne saurait être à ce titre engagée ; qu'elle rappelle qu'afin de pouvoir engager la responsabilité civile d'un cocontractant, il faut pouvoir démontrer l'existence d'un préjudice réparable, d'un manquement et d'un lien de causalité entre le préjudice et le manquement en cause, ce que ne fait pas le SILA ;

 

Sur la demande principale :

Considérant qu'en l'espèce, il n'est pas contesté, ni contestable, que J. est intervenue en qualité de prestataire de services d'investissement dans la conclusion d'un contrat d'échange de taux, et non de dispensatrice de crédit, puisque le prêt a été consenti par un autre établissement, la SOCIETE GÉNÉRALE ; qu'elle ne peut donc voir sa responsabilité engagée pour s'être abstenue de prévenir le SILA des caractéristiques du prêt et des risques encourus ou de l'absence de risques inhérents au contrat de prêt ;

Considérant qu'avant d'examiner les obligations auxquelles est tenue J. et les éventuels manquements, il y a lieu de préciser le contexte dans lequel le contrat de swap litigieux a été conclu ;

Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats par J. (pièces 1, 2, 3, 4) que la plupart des emprunts figurant dans l'encours de dette du SILA sont des emprunts structurés indexés sur des taux (Libor américain, Euribor, taux d'inflation, indice CMS GBP ou Euro) ou sur des devises étrangères, dont la clause d'intérêt stipule un taux variable, sans aucun plafonnement ; que c'est ainsi qu'en 2006 le SILA avait contracté, depuis l'année 2000, 6 emprunts structurés à taux bonifiés, et un prêt en devises (francs suisses) ; que ce chiffre avait augmenté en 2007, de sorte que l'encours au 1/1/2008 des emprunts à taux bonifié ou structuré s'élevait à 25.253.304,64 ; que par exemple, il avait, notamment, conclu avec la SOCIETE GÉNÉRALE en 2002 un prêt de 4 millions d'euros dont le taux d'intérêt était fixe (3,49 %) pour 2007, puis de 2008 à 2020, de « 3,49 % si CMS10-CMS1>0,20 % sinon taux= 6,50 %-7x(CMS10-CMS1 » ; qu'auprès de DEXIA il avait contracté, (pièce 41) en juin 2005 un prêt de 12.560.000 destiné à refinancer trois prêts précédents, le taux d'intérêt étant égal à l'index de référence (Euribor 12 mois), tel que constaté 8 jours ouvrés TARGET avant chaque date d'échéance d'intérêts minoré d'une marge de 0,35 %, le résultat obtenu étant multiplié par le cours pivot de 103 yens pour un USD et divisé par le cours de change de l'USD en YEN tel que publié sur l'écran Reuters FEDSPOT 10AM MIDPOINTS', puis en août 2006 (pièce 42) un prêt de 12.541717,25 pour refinancer trois prêts, le taux d'intérêts étant jusqu'au 30 juin 2006, de 2,98 %, puis, du 1/7/2007 jusqu'au 30 juin 2025, déterminé successivement pour chaque période d'intérêts de 12 mois précédent chaque date d'échéance d'intérêts selon les modalités décrites ci-après : « si la différence entre le CMS EUR 30 ans et le CMS EUR 2 ans est supérieure ou égale à 0,30 %, le taux d'intérêt appliqué au décompte des intérêts est égal à 3,29 %. dans le cas contraire si la différence entre le CMS EUR 30 ans et le CMS EUR 2 ans est inférieure à 0,30 %, le taux d'intérêt appliqué au décompte d'intérêts est égal à 7,60 % moins 5 fois la différence entre le CMS EUR 30 ans et le CMS EUR 2 ans. Le CMS EUR n ans est le taux de swap taux fixe milieu de fourchette contre EURIBOR 6 mois à n ans tel que constaté sur écran REUTERS. » ; que le 2 août 2006, il avait conclu toujours avec la banque Dexia Crédit Local, pour le financement de son budget « Déchets », un emprunt structuré indexé sur devises dont la stipulation d'intérêt, indexé sur le Dollar [minute page 6]  (USD) et le Yen Japonais (YEN), était formulée en ces termes : « taux fixe de 3,96 % sauf si Dollar US / Yen < 90 ; dans ce cas taux d'intérêt = 5,96 % + 20 % (taux de variation de change USD/Yen) -1) » ; que le 25 août 2006, il avait conclu avec la Caisse d'épargne des Alpes un emprunt dénommé Pentifix 2 d'un montant de 7.284.524,04 portant intérêt aux conditions suivantes : sur les deux premières annuités taux fixe de 5,10 %, sur les annuités suivantes taux fixe de 5,10 % si l'écart était supérieur ou égal à 0,10 % sinon taux égal à 6,50 % diminué de 7 fois l'écart, l'écart étant défini comme égal à CMS 20 ans (taux d'échange dit taux de swap annuel à durée fixe de 20 ans contre le taux interbancaire à 6 mois offert en euros) - CMS 1an (taux d'échange, dit taux de swap, à un an contre le taux interbancaire à 6 mois offert en euros) ;

Considérant que le SILA avait, en 2006, souscrit 4 contrats d'échanges de taux, 2 avec CALYON-INDOSUEZ dont l'un conclu le 6 mai 2002, qui prévoyait que « si le taux du Libor US BBA 1 an est inférieur ou égal à 6,50 %, alors le taux payé par le SILA est de 5 % ; si le taux du Libor US BBA 1 an est supérieur à 6.50 % alors le taux payé par le SILA correspond au montant du taux variable » et 2 avec DEXIA-CREDIT LOCAL, le premier datant du 15 septembre 1998, et prévoyant que le SILA réglerait un taux fixe de 3,89 %, en contrepartie du versement, par la banque, d'un taux révisable indexé sur le PIBOR 3 mois, devenu ultérieurement Euribor 3 mois, le second du 5 septembre 2003, au titre duquel le SILA versait le taux de l'Euribor 6 mois et recevait en contrepartie un intérêt fixe de 3,2 % ;

Considérant que l'examen des pièces démontre que le SILA assurait une gestion dynamique de sa dette et un suivi attentif de l'évolution des conditions de marché ; qu'il souscrivait des produits présentant un profil de risque illimité, emprunts ou contrats de swap, qu'il résiliait ou refinançait ultérieurement, lorsque les conditions de marché étaient plus favorables ; que le SILA explique ainsi lui-même qu'il a, en résiliant deux contrats de swap, perçu deux soultes de résiliation ;

Considérant que depuis 1991, la direction financière du SILA était assumée par Monsieur X., lequel a été contacté à l'été 2007, par J., en la personne de Monsieur Y., qu'il connaissait compte tenu des fonctions précédentes que ce dernier avait exercées chez Natixis, où il œuvrait dans le service qui avait la charge des produits structurés proposés par la Caisse d'épargne, et à la SOCIETE GÉNÉRALE ;

Considérant que le SILA, par l'intermédiaire de monsieur X., a transmis à J., le 19 août 2007, le procès-verbal des délibérations du bureau syndical en date du 12 mars 2017 ainsi rédigé :

« le SILA a engagé une politique de gestion active de sa dette tout en prenant en compte la nécessité de minimiser les risques financiers supportés par la collectivité.

A ce jour, l'endettement du SILA comporte une part importante de prêts à taux révisable et à taux structuré. De ce fait il peut être opportun de recourir aux instruments de couverture afin de se protéger contre d'éventuelles hausses pour 2007 et les années suivantes, ou de réaliser des opérations d'échange de taux présentant un intérêt certain pour le SILA.

En conséquence après exposé et dans les limites fixées par la circulaire interministérielle du 15 septembre 1992, le bureau est invité à :

- article 1 : dans le cadre de la politique de gestion de sa dette, décider la possibilité de recourir à des opérations de couverture ou d'échange de taux d'intérêts, y compris les annulations, en fonction des opportunités offertes par les établissements bancaires spécialisés.

- article 2 : Autoriser ces opérations de couverture pour l'exercice 2007, y compris sur les emprunts nouveaux ou de refinancement à contracter sur l'exercice 2007 dans le cadre de budgets [minute page 7] prévisionnels à intervenir. En toute hypothèse, le montant de l'encours de la dette sur lequel porteront les opérations ne pourra excéder l'encours global de la dette de la collectivité.

- article 3 : les index de référence des contrats d'emprunts et des contrats de couverture ou d'échanges de taux seront ceux utilisés sur les marchés financiers concernés.

- article 4 : Les autorisations seront valables jusqu'au 31 décembre 2007 » ;

Considérant que le SILA a, en septembre 2007, sollicité auprès de J., comme auprès d'autres établissements financiers, dont la Caisse d'Epargne, la conclusion d'un contrat de swap destiné à couvrir le risque d'un produit de pente conclu avec la Caisse d'Epargne des Alpes (le contrat de prêt du 25 août 2006 visé ci-dessus) et les possibles conséquences défavorables de l'évolution des indices CMS 20 ans et CMS 1 an utilisés pour calculer l'intérêt de l'emprunt ;

Considérant que le 25 septembre 2007, a été signé le contrat de swap n° 333888 PL aux termes duquel le Syndicat mixte du lac d'Annecy recevait :

- du 25 août 2007 au 25 août 2008, un taux de 5,10 %,

- du 25 août 2008 an 25 août 2020, un taux de 5,10 % si l'écart était supérieur ou égal à 0,10 %, sinon un taux égal à 6,50 % diminué de sept fois l'écart, l'écart étant défini comme égal à CMS 20 ans - CMS 1 an,

et en contrepartie, le Syndicat mixte du lac d'Annecy payait :

- du 25 août 2007 an 25 août 2012, un taux de 4,30 %,

- du 25 août 2012 au 25 août 2020, un taux égal à 4,30 % + Max (0 ; EUR USD - EURCHF -12,4 %) ou EURUSD est le cours de l'euro en dollar américain et EURCHF le cours de l'euro en franc suisse ;

Considérant que par courriel daté du 27 septembre 2007, auquel étaient joints les caractéristiques de l'emprunt, son échéancier et la formule de la clause d'intérêt que le Syndicat voulait échanger, Monsieur X. a, une nouvelle fois, sollicité de J. une cotation d'échange de taux et précisé que « le but de l'opération (était) de garantir un taux fixe certain le plus bas possible pendant un nombre d'années significatif, à des conditions de risque hors de cette période restant cohérents » ; que par courriels ultérieurs, les parties ont précisé quelles étaient les échéances de l'emprunt à couvrir;

Considérant que le 3 octobre 2007, J. a adressé une première offre de contrat d'échange, dont la clause d'intérêt était stipulée en ces termes :

« SILA reçoit :

Euribor 12 Mois + 0,08 %

SILA paie :

Du 31/10/2007 au 31/10/2027 : 0 %

Du 31/10/2027 au 31/10/2046 : 0 % + Max (0 ; EURUSD - EURCHF - 22 %) (paiement en euros sans risque de change) [minute page 8] EURUSD est le cours de l'euro en dollars des Etats Unis. Il est actuellement de 1, 4182 EUR. CHF est le cours de l'euro en francs suisses. Il est actuellement de 1,6640 » ;

qu'y était joint « un disclaimer » dans lequel il était notamment indiqué « le présent document est transmis dans un but commercial et ne saurait tenir lieu de recommandation de la part de DEPFA. Les informations qu'il contient devront être vérifiées auprès de vos conseillers juridiques, fiscaux et financiers, en particulier lorsqu'il s'agit de produits structurés » ;

Considérant qu'à la suite d'une modification réalisée sur le tableau d'amortissement de l'emprunt, et à la demande du SILA, J. a adressé à ce dernier une nouvelle proposition, le 5 octobre 2007, dans laquelle elle a confirmé ne financer que le secteur public et ses infrastructures essentielles, être « un des leaders mondiaux du financement du secteur public (numéro 2 européen) et que le marché français est un axe prioritaire » ; que la clause d'intérêt était :

« SILA reçoit :

Euribor 12 Mois + 0,08 %

SILA paie :

Du 31/10/2007 au 31/10/2027 : 0 %

Du 31/10/2027 au 31/10/2046 : 0 % + Max (0; EURUSD - EURCHF - 20,2 %) » ;

qu'il était indiqué : « paiement en euros donc sans risque de change. EURUSD est le cours de l'euro en dollars des Etats Unis. Il est actuellement de 1,4145. EUR. CHF est le cours de l'euro en francs suisses. Il est actuellement de 1,6651 » ;

qu'il était précisé : « la période initiale de 20 ans à taux fixe est à concevoir comme une période d'observation des marchés afin de détecter une opportunité favorable de transformation de ce produit en un produit plus simple aux conditions attractives (par exemple taux fixe attractif ou Euribor moins marge). Bien que cette opportunité favorable ne puisse par définition être garantie, de nombreux éléments plaident à ce jour pour sa réalisation dans les années à venir.

* si une poursuite de la dépréciation du dollar est possible à court terme du fait que la Fed vient de rentrer dans un cycle baissier des taux courts et que la BCE ne semble pas déterminée à changer son orientation haussière, il est probable à plus long terme que le dollar se renforce contre l'euro, suite à sa dépréciation récente et significative et en raison des multiples enjeux pour les détenteurs actuels de dollars (notamment les banques centrales des pays asiatiques, de l'OPEP et du Brésil) =>impact positif sur la valorisation de la structure

* de son côté, l'euro toujours recherché devrait continuer de progresser contre le franc suisse =>impact positif

* si les Etats Unis baissent significativement leurs taux courts et que les taux longs suivent et que la zone euro ne connait pas la même ampleur de mouvement à la baisse sur toute la courbe=>impact positif

* la valeur temps est favorable sur ce produit c'est à dire que le simple passage du temps, tous paramètres de marché par ailleurs inchangés, valorisent positivement votre structure, ceci en raison de la méthode des calculs des forwards sur les parités de change un point à 30 ans en année n'est valorisé par un forward 30 ans en année n par un forward 28 ans en année n+2

Si aucune opportunité favorable ne se présente dans les années à venir, vous disposez des deux sécurités supplémentaires suivantes [minute page 9]

* compte tenu de l'effet amortissement et du taux à 0 % payé sur les nominaux les plus importants, le point mort sur la structure est très élevé à compter de 2027

* La décote obtenue de l'ordre de - 20 % offre une protection que l'on peut juger correcte même si là encore, par définition, elle n'est pas totale ; en effet l'écart entre les deux parités est actuellement de -25 %. L'amplitude maximale de variation du différentiel ces vingt dernières années est de 40 %.

Cela signifie qu'à partir du niveau actuel qui est proche du plus haut (-17,9 %), si le marché décale dans un seul sens (celui qui vous est défavorable) dans les années à venir de l'amplitude maximale constatée sur ce différentiel ces 20 dernières années, alors l'équation est toujours négative : -25 %+40 %-20,2 %=-5,2 %(ceci ne veut pas dire qu'une variation supérieure dans le sens qui vous est défavorable ne peut pas se produire » ;

qu'était joint le même « disclaimer » que précédemment ;

Considérant que la confirmation du contrat d'échange relative à cette opération a été conclue le 8 octobre 2007 par le Président du SILA ; qu'en préambule il était prévu que l'opération serait régie par la convention-cadre que les parties s'engageaient à régulariser dans les meilleurs délais sur le modèle de la convention-cadre rédigée par la Fédération Bancaire Française ;

Considérant qu'aux termes de cet acte il est stipulé :

« Chaque partie déclare et atteste à l'autre partie

(a) propre jugement. Elle agit pour son propre compte et a pris sa décision pour conclure cette transaction de manière indépendante ; elle s'est déterminée sur l'opportunité de conclure la présente transaction et sur son adéquation à ses besoins sur le fondement de son propre jugement et des avis reçus des conseils qu'elle a estimé nécessaire de recueillir. Elle ne se fonde aucunement sur le contenu des communications (écrites ou orales) échangées avec l'autre partie et ne les traite aucunement comme des conseils en investissement ou des recommandations de conclure la présente transaction étant entendu que les informations et les explications relatives aux modalités de la présente transaction ne doivent pas être considérées comme constituant des conseils d'investissement ou des recommandations en vue de la conclusion de la présente transaction. Aucune communication (écrite ou orale) provenant de l'autre partie ne doit être considérée comme constituant une assurance ou une garantie des résultats attendus au titre de la présente transaction.

(b)Evaluation et compréhension. Elle dispose de l'expérience et de la connaissance nécessaires pour évaluer les avantages et les risques encourus au titre de cette transaction, après avoir fait sa propre analyse des aspects juridiques, fiscaux, comptables et réglementaires jugés nécessaires et ne s'en est pas remis pour cela à l'autre partie. Elle est en mesure d'assumer les risques de la présente transaction et déclare les assumer.

(c) statut des parties. Aucune des parties n'est mandatée par l'autre comme conseil au titre de la présente transaction ni au titre d'une quelconque obligation fiduciaire » ;

que le SILA a déclaré et garanti que « la conclusion et l'exécution de la présente transaction n'ont pas été réalisées dans un but spéculatif, mais dans un but de couverture » ;

Considérant que le 18 février 2018, le SILA et J. ont signé une convention- cadre FBF relative aux opérations sur instruments financiers à terme dont l'objet est de régir les opérations sur instruments financiers à terme présentes ou futures à intervenir entre les parties ; qu'elle reprend les stipulations contenues dans le modèle établi par la Fédération Bancaire Française ;

Considérant que les articles 2 et 8 prévoient respectivement :

[minute page 10] « ARTICLE 2 VALEUR DE REMPLACEMENT

La valeur de remplacement est établie par la Partie Non Défaillante ou la Partie Non Affectée (ou s'il y a deux Parties Affectées, chaque Partie Affectée). Elle résulte, pour une transaction donnée, de l'application de la moyenne arithmétique des cotations fournies par au moins deux intervenants de marché de premier rang. Chacune de ces cotations permettra d'exprimer le montant que l'intervenant de marché verserait ou recevrait à la date de résiliation s'il devait reprendre l'intégralité des droits et obligations financières de l'autre partie à compter de cette date au titre de la transaction concernée. Le montant correspondant sera affecté d'un signe positif s'il devait être versé à l'intervenant de marché. Il sera affecté d'un signe négatif dans le cas contraire.

S'il ne peut être obtenu qu'une seule cotation, la valeur de remplacement résultera de cette cotation.

Si aucune cotation ne peut être raisonnablement obtenue, la valeur de remplacement sera égale, selon le cas, au profit de la partie en charge des calculs (et affectée d'un signe négatif) ou à la perte de la partie en charge des calculs (et affectée d'un signe positif) résultant pour cette partie de la résiliation de la transaction.

La partie établissant la valeur de remplacement choisit les intervenants de marché auxquels sont demandées les cotations précitées.

ARTICLE 8 - CALCUL ET PAIEMENT DU SOLDE DE RÉSILIATION

8-1 Calcul du solde de résiliation

8.1.1. En application du principe général relatif à la détermination du Solde de Résiliation, chaque Transaction résiliée donne lieu à la détermination de sa valeur de remplacement ainsi que, le cas échéant, à celle du montant dû par chaque partie pour cette Transaction. La charge de déterminer les valeurs de remplacement et montants dus est confiée à la Partie Non Défaillante ou à la Partie Non Affectée (ou s'il y a deux parties affectées à chaque partie, chaque partie affectée). Cette détermination doit intervenir dès que possible.

8.1.2. Afin de déterminer le Solde de Résiliation pour l'ensemble des Transactions résiliées, la Partie en charge des calculs déduira alors du total des Valeurs de Remplacements affectées d'un signe positif et des Montants Dus par l'autre Partie le total des Valeurs de Remplacement affectées d'un signe négatif et des Montants Dus par elle. Cette différence (positive ou négative) sera le solde de résiliation

8.1.3. Toute valeur de Remplacement ou Montant Du, exprimé dans une Devise autre que la Devise de Résiliation, sera converti dans cette Devise à la Date de Résiliation sur la base des cours de change au comptant disponibles pour la Partie en charge des calculs à 12h00 à cette date

8.2. Notification et versement du solde de résiliation

8.2.1. La Partie en charge du calcul du Solde de Résiliation (ou, s'il y a deux Parties Affectées, chaque Partie) notifiera à l'autre son montant dans les meilleurs délais ainsi que le détail des calculs ayant permis de le déterminer.... » ;

Considérant que l'annexe à la convention stipule :

« 8. DECLARATIONS ET ENGAGEMENTS

- Les stipulations suivantes sont-ajoutées à la fin de l'article 6.3 de la Convention :

- et en ce qui concerne PARTIE B (le SILA) que la conclusion, la signature, et l'exécution de la [minute page 11] présente convention et de chaque transaction

(i) relèvent et relèveront des missions qui lui ont été assignées ;

(ii) ne contreviennent et ne contreviendront pas aux dispositions légales et réglementaires qui lui sont applicables, notamment celles du code général des collectivités territoriales, ni aux termes de la circulaire interministérielle du 15 septembre 1992 relative aux contrats de risque de taux d'intérêt offerts aux collectivités locales et aux établissements publics locaux, telle que modifiée ultérieurement ;

(iii) la conclusion et l'exécution de chaque transaction ont été et seront autorisées non pas dans un but spéculatif mais aux fins d'établir un instrument de couverture, contracté pour des motifs d'intérêt public présentant un caractère local contre des fluctuations de taux d'intérêt susceptibles d'affecter des engagements antérieurs ou simultanés légalement contracté par PARTIE B et

(iv) sont conformes à ses statuts, règlements internes ou autres documents équivalents et à toute résolution en vertu de laquelle elle agit au titre des présentes et en particulier il veillera au fait que

(a) le montant total cumulé des Montants Notionnels des Transactions en cours n'excède jamais le montant total du stock de Dette de Partie B ; (b) la Date de Maturité de toute Transaction ne soit pas postérieure à la date de maturité du sous-jacent et que (c) les dates de paiements des montants fixes et les dates de paiement des montants variables d'une même transaction soit identique.

8.5 L'article 6.7 de la Convention est abrogé et remplacé par ce qui suit :

6-7 sous réserve d'un accord écrit contraire entre les Parties imposant des obligations expresses à l'une d'entre elle à cet égard relativement à une transaction donnée

(i) elle agit pour son propre compte et a pris par elle-même la décision de conclure cette transaction et d'estimer que cette transaction est appropriée à ses besoins et conforme aux règles qui lui sont applicables sur la base de son propre jugement et des conseils de ceux de ces conseillers qu'elle a jugé utile de consulter ;

(ii) aucune communication écrite ou orale de l'autre partie n'a été considérée par elle comme un conseil en investissement ou une recommandation de conclure cette transaction sur lesquels elle se serait reposée (étant entendu que des informations ou des explications concernant les termes de la transaction ne seront pas considérées comme la fourniture d'un conseil en investissement ou une recommandation de conclure celle-ci) ;

(iii) aucune communication écrite ou orale de l'autre partie ne saurait être assimilée à une assurance ou garantie sur les résultats escomptés de cette transaction ;

(iv) elle est capable de mesurer les avantages de cette transaction, de comprendre ces termes et d'analyser les risques qui lui sont liés, soit par elle-même, soit par des conseils qu'elle a recueillis ;

(v) elle est en mesure d'assumer les risques inhérents à cette transaction ;

(vi) elle reconnaît que l'autre partie n'agit dans le cadre de cette transaction comme fiduciaire ou conseil vis à vis d'elle » ;

Considérant qu'il y a lieu de rappeler, s'agissant des obligations auxquelles J. est soumise, que les dispositions issues de la transposition de la Directive MIF ne sont pas applicables en l'espèce, étant postérieures au contrat litigieux ;

Considérant, en outre, que le SILA parle indifféremment, et sans faire de distinction, des devoirs de [minute page 12] mise en garde, de conseil et d'information ; qu'il traite en même temps de l'obligation de conseil et d'information et qu'il affirme l'existence d'une obligation de mise en garde à la charge de J. en faisant référence à l'article L. 533-4 du code monétaire et financier qui renvoie à l'obligation d'information et en évoquant l'activité de conseil de J. ;

Considérant que ces obligations sont spécifiques et doivent être analysées séparément ;

Considérant que le banquier prestataire de services d'investissement n'est pas, en cette seule qualité, tenu d'un devoir de conseil à l'égard de son client, fût-il non averti ; que sa responsabilité est cependant engagée si le banquier a pris un engagement contractuel en ce sens ou si hors de tout engagement contractuel, la banque prend l'initiative de conseiller le client ou le conseille à sa demande ; qu'elle doit alors le faire avec pertinence, prudence et loyauté et fournir à son client un conseil adapté à sa situation personnelle ;

Considérant qu'il résulte tant des propositions préalables au contrat que des termes des « disclaimers », du contrat de swap et de la convention-cadre, que l'obligation de conseil a été expressément exclue ;

Considérant qu'il ne résulte nullement des échanges intervenues entre les parties que J., qui a agi en qualité de contrepartie, et réalisé une opération pour compte propre en concluant un contrat de swap, ait prodigué un quelconque conseil au SILA ;

Considérant dès lors que J. ne peut avoir engagé sa responsabilité au titre d'un manquement à son obligation de conseil ; que le jugement déféré sera sur ce point confirmé ;

Considérant que l'obligation de mise en garde, qui a pour but d'attirer l'attention du contractant sur les dangers de l'opération proposée et les risques encourus, n'est due qu'au client non averti ayant agi dans le cadre d'une opération spéculative ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le SILA disposait d'une solide et ancienne expérience en matière de financements structurés et de contrats d'échange de taux, ayant à la date de conclusion du contrat contracté de nombreux engagements similaires, et qu'il ne peut sérieusement prétendre qu'il ne disposait pas des compétences techniques pour comprendre le mécanisme du contrat de swap et la méthode de calcul de la clause de résiliation, qui est précisément et clairement définie dans la convention cadre ; qu'il doit être rappelé que le SILA avait auparavant conclu des conventions-cadres similaires et dénoué des contrats de swap qui avaient donné lieu à paiement d'une soulte de résiliation ; que la circonstance que le paiement des soultes de résiliation précédentes ait eu lieu en faveur du SILA n'est pas de nature, ni à modifier sa qualité de client averti, ni à rendre l'opération spéculative ;

Considérant, tout d'abord, qu'il y a lieu de rappeler la caractéristique fondamentale du contrat de swap qui est que tout contrat de swap est un pari financier autorisé par la loi et un contrat aléatoire, dès lors que l'avantage que les parties en retireront n'est pas appréciable lors de la formation du contrat puisqu'il dépend d'un événement incertain ; que chaque partie fait le pari que l'exécution du contrat lui procurera une diminution de sa charge d'intérêt égale à la différence, qu'elle espère positive, entre les intérêts qu'elle doit supporter et ceux que l'autre doit lui payer ; qu'à la date de conclusion du contrat les parties ignorent qui sera débiteur ou créancier au moment du règlement des échéances ;

Considérant ensuite que la cour, pour apprécier le caractère averti ou non averti du SILA et classer le contrat de swap en opération spéculative ne peut, comme le lui demande le SILA, se référer ni à la charte Gissler, qui classe les collectivités territoriales en client non professionnel financier, ni aux [minute page 13] dispositions de la loi du 26 juillet 2013 qui interdit la conclusion de certains contrats aux collectivités territoriales en raison de certaines indexations de leur taux d'intérêt ; qui sont toutes deux postérieures au contrat litigieux; qu'elle doit se livrer à un analyse « in concreto » pour qualifier le client ;

Considérant qu'il doit être relevé que le SILA, a, dans tous les documents contractuels qu'il a signés, affirmé qu'il réalisait une opération de couverture conforme aux textes et notamment à la circulaire du 15 septembre 1992 et qu'il disposait des compétences lui permettant d'appréhender les caractéristiques du contrat, et les risques encourus et d'assumer ces derniers ;

Considérant qu'il ne peut être sérieusement contesté que la circulaire précitée permettait de conclure un tel contrat, ce qu'au demeurant admet implicitement mais nécessairement le SILA puisqu'il ne conteste pas devant la cour la disposition du jugement qui a rejeté sa demande d'annulation du contrat fondée sur l'incompétence de son président à signer un contrat à caractère spéculatif non autorisé par la circulaire précitée ;

Considérant, en toutes hypothèses, que le contrat de swap litigieux ne peut constituer une opération spéculative en ce qu'il n' implique pas la recherche d'un profit à court terme, au prix de l'acceptation d'un risque particulier, compte tenu de la durée du contrat et du seul risque identifié, qui est celui, connu, de la volatilité des marché ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que J. n'est débitrice d'aucune obligation de mise en garde sur les risques spécifiques de l'opération envisagée, puisque la double condition exigée n'est pas pas remplie, le SILA étant averti et l'opération envisagée n'étant pas une opération spéculative ;

Considérant que le jugement déféré sera sur ce point confirmé ;

Considérant que J. était indiscutablement tenue d'une obligation d'information envers le SILA qui consiste à porter à la connaissance du client, averti ou non averti, des faits objectifs afin que celui-ci puisse se faire une idée suffisamment précise du produit qu'on lui propose de souscrire et qu'il s'engage ainsi en toute connaissance de cause;

Considérant que dans le cas présent, d'une part, il doit être rappelé que sont applicables les « règles dites de bonne conduite », d'autre part, il ne peut être fait abstraction de l'information délivrée dans le cadre du précédent contrat de swap conclu quelques jours plus tôt ;

Considérant que l'article L. 533-4 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable en l'espèce dispose que :

« Les prestataires de services d'investissement et les personnes mentionnées à l'article L. 421-8 ainsi que les personnes mentionnées à l'article L. 214-83-1, sont tenus de respecter des règles de bonne conduite destinées à garantir la protection des investisseurs et la régularité des opérations.

Ces règles sont établies par l'Autorité des marchés financiers.

Elles portent, le cas échéant, sur les services connexes que ces prestataires sont susceptibles de fournir.

Elles obligent notamment à :

1. Se comporter avec loyauté et agir avec équité au mieux des intérêts de leurs clients et de l'intégrité du marché ;

[minute page 14]  2. Exercer leur activité avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent, au mieux des intérêts de leurs clients et de l'intégrité du marché ;

3. Etre doté des ressources et des procédures nécessaires pour mener à bien leurs activités et mettre en œuvre ces ressources et procédures avec un souci d'efficacité ;

4. S'enquérir de la situation financière de leurs clients, de leur expérience en matière d'investissement et de leurs objectifs en ce qui concerne les services demandés ;

5. Communiquer, d'une manière appropriée, les informations utiles dans le cadre des négociations avec leurs clients ;

6. S'efforcer d'éviter les conflits d'intérêts et, lorsque ces derniers ne peuvent être évités, veiller à ce que leurs clients soient traités équitablement ;

7. Se conformer à toutes les réglementations applicables à l'exercice de leurs activités de manière à promouvoir au mieux les intérêts de leurs clients et l'intégrité du marché.

8. Pour les sociétés de gestion de portefeuille, exercer les droits attachés aux titres détenus par les organismes de placement collectif en valeurs mobilières qu'elles gèrent, dans l'intérêt exclusif des actionnaires ou des porteurs de parts de ces organismes de placement collectif en valeurs mobilières et rendre compte de leurs pratiques en matière d'exercice des droits de vote dans des conditions fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers. En particulier, lorsqu'elles n'exercent pas ces droits de vote, elles expliquent leurs motifs aux porteurs de parts ou actionnaires des organismes de placement collectif en valeurs mobilières.

Les règles énoncées au présent article doivent être appliquées en tenant compte de la compétence professionnelle, en matière de services d'investissement, de la personne à laquelle le service d'investissement est rendu » ;

Considérant que le SILA incrimine plus spécialement le manquement aux obligations prévues aux paragraphes 4 et 5 ;

Considérant, sur le premier point, qu'il y a lieu de rappeler que le représentant de J. avait, lorsqu'il travaillait au sein d'autres établissements de crédit, été déjà en contact avec le directeur financier du SILA qui avait conclu par son intermédiaire des emprunts structurés, que J. connaissait, par la communication du procès-verbal des délibérations du bureau syndical, la politique de gestion active de la dette qui avait été arrêtée pour l'année 2007 par le SILA, qu'elle a été saisie de demandes précises de la part du SILA, qui avait précisé ses objectifs, ainsi que cela a été indiqué ci-dessus, qui consistaient à réduire au maximum la charge d'intérêt de l'emprunt conclu avec la SOCIETE GÉNÉRALE, pour la neutraliser ;

Considérant, ainsi que cela a été dit ci-dessus que dès la première offre, J. a proposé un montage qui permettait au SILA de bénéficier d'un taux d'intérêt à 0 % pendant 20 ans puis 19 ans, en faisant supporter par la banque le taux d'intérêt prévu au contrat de prêt, ce qui répondait à la demande du SILA ; qu'elle a indiqué que la première période était une période d'observation, destinée à détecter une opportunité favorable qui ne pouvait être garantie, qu'elle a souligné les risques de la structuration proposée en précisant que la décote ne constituait pas une protection totale ; qu'elle a, à partir des informations du marché, effectué des simulations, tout en indiquant qu'une évolution défavorable pouvait se produire ; qu'elle a incité le SILA à vérifier les informations qu'elle lui transmettait auprès de ses conseils ;

Considérant que pour que la formule du contrat de swap soit comprise J. a précisé ce qu'était EURUSD et EURCHF ;

[minute page 15] Considérant que pour caractériser l'information dont le SILA a bénéficié les jours précédents à l'occasion de la conclusion du premier contrat de swap, dont la formule est proche de celle du contrat litigieux, il suffit de reproduire le jugement rendu le 23 mars 2016 par le tribunal de grande instance de Paris, dont le SILA n'a pas interjeté appel :

« Attendu que la société J. Public Limited Company a adressé une première proposition par courriel et télécopie du 12 septembre 2007 offrant, conformément aux demandes exprimées par le syndicat, d'échanger le taux d'intérêt payé par celui-ci avec un autre taux d'intérêt indexé sur la différence entre le cours de l'euro en dollar et le cours de l'euro en franc suisse :

SILA. Reçoit :

du 25/08/2007 au 25/08/2008 : 5,10 %

du 25/08/2008 au 25/08/2020 : 5,10 % (si CMS 20 ans - CMS 1 an)>= 0,10 %

6,50 % ' 7*(CMS 20 ans - CMS 1 an) sinon

SILA paie :

Du 25/08/2007 au 25/08/2012 : 4,50 %

Du 25/08/2012 au 25/08/2020 : 4,50 % + Max (0 ; EURUSD -EURCHF - 9,6 %) ;

Attendu que la société J. Public Limited Company rappelait les cours de l'euro ; que des précisons étaient également apportées sur le fonctionnement de la formule, la banque indiquant expressément que le Syndicat intercommunal du lac d'Annecy pouvait être amené à verser un taux d'intérêt supérieur à 4,50 % ; que, sur le fondement d'informations historiques, la société Depfa Bank Public Limited Company constatait que la formule proposée devait raisonnablement permettre au syndicat de bénéficier du taux de 4,50 %, même lorsque les cours de chaque parité atteignaient des niveaux extrêmes (1,4557 pour l'euro en dollar en 1992 et 1,4453 pour l'euro en franc suisse en 2001), ou lorsque la différence entre les deux parités avait atteint son niveau record (-0,179 au 3 décembre 2004) ; que dans le courriel de transmission, la société J. Public Limited Company indiquait enfin que la décote de 9,6 % était destinée à renforcer la sécurité de la formule proposée ;

Attendu que la société J. Public Limited Company relevait le caractère nécessairement relatif des simulations réalisées, en rappelant « qu'aucun véritable scénario catastrophe n'est définissable sur les devises » et que si la différence entre le cours de l'euro en dollar et le cours de l'euro en franc suisse n'était jamais montée au-dessus de -0,179, cela ne voulait pas dire qu'elle ne monterait jamais ; qu'elle faisait expressément état des risques inhérents à l'absence de plafonnement de la clause de taux d'intérêt, en soulignant que le « profil de risque est illimité car le taux payé par le SILA n'est pas plafonné » ; qu'enfin, la societé J. Public Limited Company invitait le syndicat à se rapprocher de ses conseillers juridiques, fiscaux et financiers afin de vérifier les informations contenues dans la proposition qui lui était adressée ;

Attendu que le 17 septembre 2007, la banque a adressé au Syndicat intercommunal du lac d'Annecy une nouvelle proposition de structuration du contrat d'échange, laquelle ne comportait cette fois pas de décote, conformément aux indications données par le syndicat, lequel souhaitait réduire davantage le taux d'intérêt payé ;

Attendu que la clause d'intérêt de cette offre était libellée dans les termes suivants :

SILA reçoit:

[minute page 16] Du 25/08/2007 an 25/08/2008 : 5,10 %

Du 25/08/2008 an 25/08/2020 : 5,10 % (si CMS 20 ans - CMS 1 an >=0,10 %),

6,50 % - 7*(CMS 20 ans - CMS 1 an) sinon

SILA paie :

Du 25/082007 au 25/08/2012 : 3,62 %

Du 25/08/2012 au 25/08/2020 : 3,62 % + Max (0 ; EURUSD -EURCHF) ;

Attendu que la société J. Public Limited Company rappelait de nouveau la définition des parités en cause et leurs cours respectifs ; qu'elle attirait expressément l'attention du syndicat sur les risques courus en rappelant que cette structuration comprenait une exposition indirecte au risque de change sur une durée assez longue ; qu'elle conseillait en conséquence au Syndicat intercommunal du lac d'Annecy d'opter pour une variante avec décote qui offrait d'avantage de sécurité » afin de se protéger du risque de fluctuation sur les devises ; que la société J. Public Limited Company invitait une nouvelle fois le syndicat à se rapprocher de ses conseillers afin de vérifier les informations données ;

Attendu qu'une troisième proposition de contrat d'échange a été adressée au Syndicat intercommunal du lac d'Annecy le 21 septembre 2007, afin de répondre à ses demandes; que deux possibilités de structuration de la stipulation d'intérêt étaient formulées en ces termes :

Alternative n° 1

SILA reçoit :

Du 25/08/2007 au 25/08/2008 : 5,10 %

Du 25/08/2008 au 25/08/2020 15,10 % (si CMS 20 ans - CMS 1 an >=0,10 %),

6,50 % - 7*(CMS 20 ans - CMS 1 an) sinon

SILA paie:

Du 25/08/2007 au 25/08/2012 : 2,30 %

Du 25/08/2012 au 25/08/2020 : 2,30 % + Max (0 ; EURUSD -EURCHF)

Alternative n° 2

SILA reçoit :

Du 25/08/2007 au 25/08/2008 : 5,10 %

Du 25/08/2008 au 25/08/2020 : 5,10 % (si CMS 20 ans - CMS 1 an >=0,10 %),

6,50 % - 7*(CMS 20 ans ' CMS 1 an) sinon

[minute page 17]

SILA. paie :

Du 25/08/2007 au 25/08/2012 : 4,30 %

Du 25/08/2012 au 25/08/2020 : 4,30 % + Max (0 ; EURUSD -EURCHF - 13,50 %) ;

Attendu que la société J. Public Limited Company a attiré une nouvelle fois l'attention du Syndicat intercommunal du lac d'Annecy sur les risques de la structuration proposée et lui conseillait de recourir à une décote afin de limiter son exposition au risque ;

Attendu qu'afin de permettre au syndicat de simuler les différents niveaux de taux payés au titre de cette proposition, la société J. Public Limited Company lui a adressé, le même jour, un simulateur ; que ce fichier de calcul permettait de mesurer l'intérêt de la décote proposée et d'évaluer les risques auxquels s'exposait le syndicat en cas de variation défavorable des cours de l'euro ;

Attendu que le Syndicat intercommunal du lac d'Annecy a été ainsi en mesure de réaliser le 24 septembre 2007 un document synthétisant les différentes offres formulées par la société Depfa Bank Public Limited Company, mais aussi par la Caisse d'épargne, afin de les comparer » ;

Considérant, ainsi, que le SILA a été spécialement informé de la spécificité de l'indexation sur les devises, de la grande volatilité du marché et de son imprévisibilité, du risque inhérent à l'absence de plafonnement, de la nécessité de restreindre le risque en ayant recours à une décote ; qu'il a reçu des informations sur le fonctionnement du produit, le contexte financier, ainsi qu'un simulateur lui permettant de prendre la mesure, par lui-même, du risque financier encouru ;

Considérant qu'à la date de conclusion du contrat, ainsi que le souligne J., le consensus économique réalisé par des analystes financiers travaillant pour le compte des principales banques et sociétés de courtages européennes, disponible sur Bloomberg, ne laissait entrevoir aucune évolution défavorable des parités EURUSD et EURCHF ; que ces parités sont demeurées stables et n'ont pas connu de variations significatives, que leur différentiel est demeuré négatif jusqu'à la fin 2008 ; que dès lors l'information donnée par la banque n'était pas erronée et que les estimations étaient fondées sur des données historiques irréfutables ;

Considérant qu'il doit être relevé que le SILA indique lui-même (page 16 et 61) des conclusions) que « à compter du 23 mars 2010, la parité EUR/CHF est passée sous la parité 1,44, ce qui était totalement imprévisible. A compter de mars 2011, sous la cotation de 1,20 (ce qui était totalement improbable) et dans la nuit du 14 au 15 janvier 2015, la Banque Centrale Suisse a décidé de ne plus soutenir sa monnaie,(ce qu'aucune banque centrale au monde n'avait anticipé) ce qui a eu pour effet d’entraîner la chute de la parité EUR / CHF en dessous de 1,20 et à osciller autour de 0,99..(qu')aucune des parties n'était en mesure de prévoir une telle évolution négative et structurelle du différentiel EURUSD-EURCHF(à son) détriment » ; qu'il fonde sa demande subsidiaire sur l'événement de marché imprévisible que constitue l'évolution négative du différentiel ; qu'il admet donc que J. n'a pas fourni d'informations et d'anticipations erronées et qu'à la date de conclusion du contrat, son bouleversement futur était imprévisible ;

Considérant que J. note à juste titre que la critique qui lui est faite de ne pas avoir communiqué de forwards est dépourvue de tout sérieux, dès lors qu'il est manifeste que ces données, qui sont hypothétiques, aléatoires et invérifiables au moment où elles sont fournies, à supposer qu'elles aient été transmises, n'auraient selon toute vraisemblance, pas permis d'anticiper la situation dont se plaint aujourd'hui le SILA, qui, au surplus ne les a pas réclamés ni non plus les stress tests, et disposait, en outre, d'un simulateur lui permettant de mesurer les conséquences d'une évolution défavorable du différentiel EURUSD-EURCHF ;

[minute page 18] Considérant que le SILA n'est pas fondé non plus à soutenir qu'il n'a pas été informé que les conditions de sortie du contrat rendaient impossible toute résiliation anticipée du contrat ; qu'ainsi que cela a été dit plus haut, de par son expérience, le SILA, qui avait déjà conclu des contrats similaires, dont l'un comportait une clause strictement identique à la clause litigieuse, connaissait le mécanisme de résiliation mis en place par la convention- cadre élaborée par la Fédération Bancaire Française et les modalités de calcul du solde de résiliation qui était dépendant de la formule du contrat de swap ; qu'il avait déjà réalisé deux sorties de contrat de swap ;

Considérant ainsi que J. a fourni au SILA des informations portant sur des faits pertinents, utiles au cocontractant et de nature, à lui permettre de comprendre la nature et la portée de ses engagements et de l'éclairer dans ses décisions et, le cas échéant, de modifier son comportement ; qu'elle a respecté les règles dite de bonne conduite ; qu'elle a exécuté son obligation d'information avec neutralité, exactitude et loyauté, n'a pas éludé les caractéristiques les moins favorables du produit et les risques inhérents au contrat et s'est assurée de leur adéquation avec la situation du client et les attentes de celui-ci ; que J., qui avait déjà informé le SILA dans les semaines, sinon les jours qui précédaient la conclusion du second contrat de swap, n'était pas tenue de fournir une information au SILA sur des faits déjà connus de lui ;

Considérant en conséquence qu'aucune faute n'est caractérisée ; que le jugement déféré sera confirmé sur ce point ; que le SILA sera débouté de ses demandes ;

 

Sur la demande subsidiaire :

Considérant que le SILA ne peut sérieusement prétendre que le solde de résiliation est fixé unilatéralement par J., dès lors que, certes l'article 8 de la convention cadre FBF du 16 janvier 2008 prévoit que « la charge de déterminer les valeurs de remplacement et montants dus est confiée à la partie non défaillante ou à la partie non affectée » mais que l'article 2 stipule que « la valeur de remplacement résulte, pour une transaction donnée, de l'application de la moyenne arithmétique des cotations fournies par au moins deux intervenants de marché de premier rang. Chacune de ces cotations permettra d'exprimer le montant que l'intervenant de marché verserait ou recevrait à la date de la résiliation s'il devait reprendre l'intégralité des droits et obligations financières de l'autre partie à compter de cette date au titre de la transaction concernée » ; qu'il est donc fixé par référence au marché, ce que sait pertinemment le SILA qui a déjà résilié deux contrats de swap ;

Considérant que J. ne commet aucun abus de droit en se prévalant de ces stipulations contractuelles, que le SILA a acceptées en connaissance de cause, qui font la loi des parties et qui, au surplus, sont usuelles ;

Considérant, ainsi que le soutient pertinemment la banque, que la théorie de l'imprévision est inapplicable aux contrats aléatoires et donc au contrat de swap, contrat dans lequel chaque partie assume un risque, accepte de perdre, afin d'obtenir la chance de gagner ;

Considérant, ainsi que le souligne J., d'une part, que l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 n'a pas d'effet rétroactif, d'autre part, que la théorie de l'imprévision qu'elle consacre en matière en contractuelle, ne peut avoir pour conséquence de rendre rétrospectivement fautif le contractant qui refuse de renégocier un contrat conclu antérieurement à sa date d'entrée en vigueur, de troisième part, que le nouvel article 1195 du code civil exclut de champ d'application les contrats aléatoires puisqu'il prévoit que ' si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat'(souligné par la cour) ;

Considérant qu'il a été dit plus haut que le SILA, parfaitement informé, avait accepté les risques [minute page 19] inhérents au contrat ;

Considérant que le SILA soutient que, « conformément à l'exigence de bonne foi et d'équité inhérentes aux relations contractuelles, J. est tenue de prendre en compte dans le calcul du solde de résiliation l'événement imprévisible qui a rendu le contrat particulièrement déséquilibré » (page 60 des conclusions) et en tire la conclusion que la banque devrait prendre à sa charge le montant du solde de résiliation au-delà de la somme de 3.3933.424,53 euros, montant auquel était estimé la valeur de remplacement à la date du 26 février 2010 « avant la survenue de l'événement imprévisible de mars 2010 » ;

Considérant que le fondement juridique d'une telle demande qui est présentée comme indemnitaire, est particulièrement obscur ; qu'en effet le préjudice allégué par le SILA est purement hypothétique puisque le SILA n'a pas demandé la résiliation du contrat de swap et qu'il est vraisemblable qu'il ne le demandera pas avant 2028, date à laquelle, il commencera à verser des intérêts, étant à préciser qu'il a encaissé jusqu'à présent la somme de 357.152,42 euros ; que la date de résiliation étant incertaine et future, la situation du marché, à cette époque, ne peut être déterminée ; que d'autre part, « l'événement de mars 2010 », pour reprendre la terminologie utilisée par le SILA, étant qualifié par lui-même d'imprévisible, il n'est pas concevable qu'au nom des exigences de bonne foi, d'équité et de loyauté, le co-contractant, qui n'a commis aucune faute dans la réalisation du préjudice invoqué, soit financièrement sanctionné et que le juge d'autorité bouleverse l'équilibre contractuel ;

Considérant que le jugement déféré sera confirmé sur ce point ; que le SILA sera débouté de ses demandes ;

 

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Considérant que le SILA, qui succombe et sera condamné aux dépens, ne peut prétendre à l'octroi de sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile; que l'équité commande au contraire de le condamner, à ce titre, à verser la somme de 10.000 à J. ;

Considérant que les dispositions du jugement seront confirmées sur ces points ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne LE SYNDICAT MIXTE DU LAC D'ANNECY à payer à la société J. la somme de 10.000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes des parties,

Condamne LE SYNDICAT MIXTE DU LAC D'ANNECY aux dépens d'appel et admet l'avocat concerné au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                   LE PRÉSIDENT