CA AGEN (1re ch. civ.), 25 avril 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7566
CA AGEN (1re ch. civ.), 25 avril 2018 : RG n° 15/01142
Publication : Jurica
Extrait : « Les époux X. critiquent le refus d'application par les premiers juges des dispositions de l'article 132-1 du Code de la Consommation en vigueur au 10 août 2001 aux termes duquel, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
En l'espèce, il n'est pas contestable que les deux prêts souscrits par M. X. avaient un rapport direct avec l'exercice de son activité d'officier ministériel titulaire de la charge du greffe du tribunal de commerce de [ville], objet stipulé expressément aux contrats. Dans ces conditions la qualité de non- professionnel permettant de bénéficier du mécanisme protecteur de l'article susvisé ne peut trouver à s'appliquer et c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande des époux X. Le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef. »
COUR D’APPEL D’AGEN
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 25 AVRIL 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/01142. Prononcé par mise à disposition au greffe conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le vingt-cinq avril deux mille dix-huit, par Claude GATE, présidente de chambre, assistée de Sabrina CARLESSO, greffier,
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,
ENTRE :
Monsieur X.
né le [date] à [ville]
Représenté par Maître David L., Postulant, avocat au barreau d'AGEN, Représenté par Maître Christophe D., Plaidant, avocat au barreau de BORDEAUX
Madame Y. épouse X.
née le [date] à [ville], représentée par Maître Guy N., Postulant, avocat au barreau d'AGEN, Représentée par Maître Christophe D., Plaidant, avocat au barreau de PAU
APPELANTS d'un Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AGEN en date du 20 juillet 2015 n° R.G. n° 13/02012
D'une part,
ET :
SA CRÉDIT DU NORD
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualité audit siège, Représentée par Maître Erwan V., avocat au barreau d'AGEN
INTIMÉE, D'autre part,
a rendu l'arrêt contradictoire suivant. La cause a été débattue et plaidée en audience publique, le 18 octobre 2017 sans opposition des parties, devant Claude GATÉ, Présidente de chambre et Dominique BENON, conseiller assistés de Nathalie CAILHETON, greffier. Le président de chambre et le conseiller, rapporteurs, en ont, dans leur délibéré, rendu compte à la cour composée, outre eux-mêmes, de Aurore BLUM, conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 786 du code de procédure civile, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées par le président, à l'issue des débats, que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe à la date qu'il indique.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Rappel des faits et de la procédure :
Le Crédit d'Equipement des petites et moyennes entreprises (CEPME) et la SA Crédit du Nord (la Banque), agissant chacun pour leur compte et sans solidarité entre eux, ont consenti à hauteur de 50 % chacun, un premier prêt n° 2769 XX en date du 10 août 2001 à M. X. d'un montant total de 503.081,76 euros ayant pour objet l'acquisition de la charge du greffe du Tribunal de commerce de [ville], soit pour le Crédit du Nord un prêt d'un montant de 251.540,88 euros remboursable sur douze ans au taux fixe de 6,30 % l'an.
Pour le premier prêt les parents du débiteur se sont portés caution solidaire le 30 juillet 2001 à hauteur de 228.673,53 euros soit 114.336,76 euros pour chaque organisme prêteur.
Un avenant à l'acte sous seing privé du 10 août 2001 a été signé le 24 avril 2007 entre le Crédit du Nord et M. X., (faisant référence à un acte sous seing privé du 24 mai 2004), et ayant pour objet la prorogation de l'échéance finale du prêt au 31 mars 2017.
Le capital restant dû de 155.955,63 euros devait être remboursé au moyen de 95 mensualités, franchise totale en capital et intérêts d'une durée de 20 mois, et un taux fixe de 6,30 % l'an.
Les parents de M. X. ont réitéré à l'acte leur engagement de caution.
Mme X. est intervenue à l'acte comme caution pour sûreté de la somme globale de 202.742,31 euros.
Le Crédit du Nord a consenti un second prêt à M. X. le 15 mai 2007 n° 2769 WW 06 pour un montant de 375.000 euros pour le financement de besoins professionnels, soit la restructuration de la trésorerie de greffe de commerce, remboursable sur 156 mois (13 ans) avec intérêts de 4,30 %.
Par acte séparé du 11 mai 2007 de cautionnement personnel et solidaire, Madame Y. épouse X. s'est engagée à garantir à hauteur de 487.500,00 euros, le remboursement du prêt de 375.000 euros consenti à M. X., pour une durée de 15 ans avec intérêts au taux fixe de 4,30 %.
Monsieur et Madame X. sont mariés sous le régime de la séparation de biens.
Par assignation signifiée le 22 août 2013, la SA Crédit du Nord a saisi le tribunal de grande instance d'Agen aux fins de les voir condamnés au paiement de diverses sommes au titre des contrats de prêt.
Par jugement rendu le 20 juillet 2015, le tribunal a :
- Rejeté la demande de Monsieur et Madame X. d'enjoindre la SA Crédit du Nord à produire des pièces,
- Rejeté la demande des époux X. aux fins de voir déclarer abusive la clause d'exigibilité immédiate
- Condamné solidairement Monsieur X. et Madame X. au paiement à la SA Crédit du Nord :
- de la somme de 382.531,24 euros au titre du prêt n° 02769 WW 06, outre les intérêts au taux de 7,3% à compter du 2 juillet 2014 jusqu'au parfait paiement et ce dans la limite de la somme de 487.500,00 euros pour Madame X.
- et de la somme de 94.355,08 euros au titre du prêt n° 2769 XX, outre les intérêts au taux de 6,3 % à compter du 2 juillet 2014 jusqu'au parfait paiement, et ce dans la limite de la somme de 202.742,31 euros pour Madame X. ;
- Débouté Monsieur et Madame X. de leurs demandes contraires et de leur demande de dommages et intérêts ;
- Condamné solidairement M. X. et Mme X. à payer à la SA Crédit du Nord la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Rejeté la demande de M. X. et Mme X. sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamné solidairement M. X. et Mme X. aux entiers dépens
- Ordonné l'exécution provisoire de la décision.
Mme Y. épouse X. et M. X. ont régulièrement relevé appel de cette décision le 25 août 2015.
Par exploit du 12 octobre 2016, Mme Y. épouse X. a fait assigner en référé devant le Premier président de cette Cour, M. X. et la société SA Crédit du Nord pour obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire, demande dont elle a été déboutée le 11 janvier 2017.
Les époux X. sont en instance de divorce.
M. X. a pris des écritures communes avec Mme Y. épouse X. le 24 novembre 2015 sans réitération postérieure, aux termes desquelles il demande la réformation du jugement du 20 juillet 2015 en toutes ses dispositions et en conséquence de :
- Enjoindre la SA CRÉDIT DU NORD, en application des dispositions de l'article 11 alinéa 2 du code de procédure civile, de verser aux débats l'ensemble des correspondances et justificatifs échangés avec les époux X., ainsi qu'un décompte actualisé de sa créance mois par mois depuis le mois de mars 2012
- Débouter la SA CRÉDIT DU NORD de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
- Dire n'y avoir lieu à procéder notamment à la déchéance du terme des deux prêts
- Constater que l'avenant à l'acte sous seing privé du 10 août 2001 et le contrat de prêt du 15 mars 2007 n'ont pas été paraphés par Madame Y. épouse X. et l'absence de validité des engagements de caution de Madame Y. épouse X.
- Condamner la SA CRÉDIT DU NORD au paiement d'une somme de 10.000 euros, à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et en réparation du préjudice causé à chacun des concluants,
- Condamner la SA CRÉDIT DU NORD au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC, pour chacun des époux et aux dépens
M. X. fait valoir :
- que la Banque se prévaut illégalement de la déchéance du terme des deux prêts, les époux X. ayant respecté leurs obligations
- elle doit justifier des mises en demeure par la production des pièces y relatives
- la Banque a saisi le juge de l'exécution de Villeneuve-sur-Lot pour obtenir saisie conservatoire des comptes bancaires des époux X. en prétendant faussement que M. X. avait cessé son activité en mai 2011
- des règlements ont été faits dont la Banque n'a pas tenu compte
- la Banque a envoyé des courriers à une ancienne adresse des époux X. alors qu'elle connaissait la nouvelle
- la clause d'exigibilité immédiate est abusive
- les avenants comportent des irrégularités
Par dernières conclusions du 8 septembre 2017 Mme Y.-X. demande à la Cour de :
- Constater la disproportion de son engagement de caution pour les deux prêts, objets du litige.
- Par voie de conséquence,
- Dire que la Banque ne saurait se prévaloir de l'engagement de caution et la débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions à son encontre
- Constater que la Banque a engagé sa responsabilité.
- Condamner la Banque à titre de dommages et intérêts à hauteur des sommes qui pourraient être mises à sa charge et ordonner la compensation entre les deux condamnations.
En tout état de cause,
- Déclarer irrecevable la Banque à poursuivre la caution faute de mise en demeure préalable.
- A titre subsidiaire et si condamnation devait être prononcée à l'encontre de la caution,
- Déclarer la Banque déchue de tout droit aux intérêts, comme aux frais et pénalités facturés et dire que les sommes qui auront été réglées s'imputeront directement sur le principal.
- Enjoindre à la Banque de produire un nouveau décompte de sa créance avec imputation prioritaire des échéances réglées par l'emprunteur sur le capital et surseoir à statuer sur toute condamnation de la caution jusqu'à la production de ce décompte.
- Ordonner, par voie de conséquence, la réouverture des débats pour que les parties puissent s'expliquer contradictoirement sur le solde des condamnations dont les cautions pourraient faire l'objet.
- Débouter la Banque de toutes demandes, fins ou conclusions contraires.
- Condamner la Banque ou tout autre succombant à lui payer une somme de 10.000 euros sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner la Banque ou tout autre succombant aux entiers dépens de première instance comme d'appel et octroyer à Maître N. le bénéfice des dispositions de l'article 699 du CPC.
A l'appui de son appel Mme Y.-X. expose l'argumentation suivante :
- en lui faisant souscrire des actes de cautionnement pour un montant cumulé de 690.242,31 euros la Banque lui a fait prendre un engagement manifestement disproportionné compte tenu de ses biens et revenus :
- au moment de la souscription, la Banque n'a pris directement auprès d'elle, aucun renseignement sur sa situation de fortune, qui était inexistante
- les fiches d'information ont été remplies par M. X. et elle les a signées sans savoir la portée de son engagement
- le deuxième prêt a été souscrit pour fournir de la trésorerie au greffe du tribunal de commerce propriété du débiteur principal, signe qu'il y avait déjà des difficultés financières pour M. X. et la Banque aurait dû faire preuve de plus de prudence à l'égard de la caution dans le cadre de son devoir de mise en garde
- les fautes de la Banque justifient l'allocation de dommages-intérêts à hauteur des sommes réclamées à la caution et il y aura lieu d'ordonner la compensation entre les deux :
- cette demande n'est pas nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile puisqu’il s'agit d'une demande reconventionnelle aux demandes adverses ou accessoire aux demandes principales
- elle n'est pas non plus prescrite puisque faite par voie d'exception et non d'action
-les actes de cautionnement accessoires du contrat de prêt sont irréguliers :
- la Banque n'a pas indiqué le taux effectif global, le faisant figurer au conditionnel pour le premier prêt, et sans détail pour le second.
- la clause d'exigibilité immédiate est abusive s'agissant de contrats entre un professionnel et un non professionnel
- faute de mise en demeure préalable la Banque est irrecevable à poursuivre la caution
- la Banque sera déchue de tout droit aux intérêts pour défaut d'information annuelle de la caution
- les sommes déjà réglées doivent être d'abord imputées sur le principal
- faute de production d'un décompte actualisé, les débats doivent être réouverts pour l'obtenir de la Banque
-son état de santé est extrêmement précaire
Le Crédit du Nord par conclusions du 26 juin 2017 demande de :
- Déclarer irrecevable comme nouvelle et prescrite l’action en responsabilité de Mme X. à son encontre
- Débouter M. X. et Mme X. de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions
- confirmer le jugement entrepris
- condamner solidairement M. X. et Mme X. à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en application de l'article 696 du Code de Procédure Civile.
La Banque fait valoir les arguments suivants :
- les différentes mises en demeure adressées à l'emprunteur en 2010, 2011, 2012 respectent les dispositions contractuelles
- la caution a été informée de la défaillance du débiteur principal le 16 novembre 2011 et le 6 mars 2012 suivi de mises en demeure transmises à l'adresse des époux X. de façon régulière
- c'est à M. X. de prouver qu'il s'est acquitté des sommes dues et les paiements postérieurs à l'avis d'exigibilité ne font pas obstacle à l'exigibilité anticipée desdits prêts
- le code de la consommation ne s'applique pas s'agissant de contrats en rapport direct avec l'activité professionnelle de M. X.
- Mme Y. épouse X. a bien signé et rédigé les mentions manuscrites prévues à l'article 1326 du code civil et L. 341-2 du code de la consommation
- le TEG n'a pas à figurer sur l'avenant
- Mme Y. épouse X. soutient pour la première fois en appel la faute de la Banque pour engagement disproportionné, demande irrecevable, prescrite et infondée
- Mme Y. épouse X. dispose d'un patrimoine important et de revenus annuels de 100.000 euros
- l'ampleur des engagements doit être appréciée en considération du nombre de cautions
- l'information annuelle de la caution a été faite et Mme X. le conteste pour la première fois en appel
- l'action en paiement est dépourvue de tout caractère abusif
La Cour pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties fait expressément référence à la décision entreprise et aux dernières conclusions déposées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 septembre 2017 et l'affaire plaidée le 18 octobre 2017
* * *
Le 8 février 2018, il a été demandé à la SA CRÉDIT DU NORD de transmettre au contradictoire des autres parties le décompte actualisé des sommes dues par Monsieur X. d'une part et par la caution Mme X. d'autre part en distinguant le principal, les intérêts contractuels mois par mois depuis mars 2012.
Le conseil de la Banque par message RPVA du 15 mars 2018 a adressé les décomptes respectifs de Monsieur et Madame X., en précisant qu'une erreur s'était glissée dans le décompte de Madame puisqu'il a été dressé au nom de Monsieur (1ère page). Précision a également été donnée que le logiciel de la banque ne lui permettait pas d'établir un décompte détaillé des intérêts mois par mois, ces derniers étant calculés de manière continue jusqu'au prochain encaissement. En effet, à chaque encaissement une situation intermédiaire détaille l'imputation du versement sur les intérêts et principal de la créance.
Les autres parties n'ont pas transmis d'observations à la suite de cette communication dans le délai fixé au 21 mars 2018.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
1/ Sur les engagements de caution [de Mme X.] :
Mme X. conteste la régularité des actes de caution qu'elle a signés d'abord sur le plan formel, puis en soulevant le caractère disproportionné des engagements qu'elle a souscrit, et par suite invoque une faute de la banque.
1/1 Irrégularités formelles :
Devant le tribunal Mme X. a soulevé l'irrégularité de l'avenant du 24 avril 2007 ayant pour objet la prorogation de l'échéance finale du prêt au 31 mars 2017, et portant engagement par elle de caution pour sûreté de la somme globale de 202.742,31 euros, au motif qu'elle n'avait pas paraphé ce document.
Elle ne reprend plus ce moyen dans ses dernières écritures devant la Cour, seules les conclusions communes avec M. X. le soulevaient.
Le tribunal a jugé à juste titre qu'aucune disposition légale n'imposait l'apposition d'un paraphe sur un avenant à un contrat de prêt par la caution dès lors que la mention manuscrite de son engagement a bien été rédigée et l'acte signé conformément aux dispositions de l'article 1326 du code civil devenu 1376.
Mme X. invoque également l'absence du taux effectif global
S'agissant de l'acte de caution du 11 mai 2007, il n'est pas davantage entaché d'irrégularités dans la mesure où en page 1 sont rappelées les caractéristiques du prêt, le taux des intérêts (4,30 %) et l'indemnité due en cas d'exigibilité anticipée égale à 3 % du capital restant dû à la date d'envoi de la lettre recommandée d'exigibilité anticipée, mais surtout dans la mesure où Mme X. a rédigé la mention manuscrite exigée par l'article L. 341-2 (L. 331-1) du code de la consommation en reprenant les éléments essentiels pour lui permettre de mesurer la portée exacte de son engagement et a signé l'acte.
1/2 Le caractère disproportionné des engagements et la faute de la banque
*** Sur la recevabilité et la prescription de la demande :
Mme X. soulève le caractère disproportionné des engagements souscrits au regard de sa situation financière au moment de la passation des actes, engageant la responsabilité de la Banque et l'octroi de dommages-intérêts devant se compenser avec les condamnations prononcées.
Elle présente cette demande dans ces termes pour la première fois en cause d'appel et la Banque soulève l'irrecevabilité de cette demande sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile, subsidiairement la prescription de 5 ans prévue à l'article 2224 du code civil, les actes ayant été signés en avril et mai 2007 et la demande présentée pour la première fois le 6 juin 2017.
En première instance, les époux X. dans leurs dernières écritures n'ont formulé aucune demande de dommages et intérêts hormis pour procédure abusive et n'ont pas mis en cause la responsabilité du Crédit du Nord sur quelque fondement juridique que ce soit.
Par application des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile les demandes nouvelles sont recevables si elles tendent à obtenir compensation, ou si selon l'article 566 du même code elles sont l'accessoire, la conséquence ou le complément des demandes initiales.
En l'espèce, Mme X. forme une demande de dommages-intérêts pour manquement au devoir de mise en garde de la Banque, et de compensation avec les condamnations mises à sa charge.
Or, si le caractère disproportionné des engagements est établi, la faute commise par le créancier ne peut donner lieu qu'à des dommages-intérêts, qui se compensent avec une partie de la dette de cautionnement, de sorte que la demande doit être déclarée recevable.
Elle n'est pas davantage prescrite dès lors que ce n'est qu'à compter de l'action en paiement que la caution se trouve recherchée en exécution du contrat souscrit et qu'elle peut invoquer le caractère disproportionné de son engagement.
L'assignation de la Banque a été délivrée en 2013.
*** Sur le caractère fondé de la demande :
Il n'est pas discuté que les prêts consentis à M. X. par la Banque l'ont été pour les besoins de son activité professionnelle de greffier du tribunal de commerce de Douai, le premier pour l'acquisition de cette charge, le second pour de la trésorerie.
Il n’en va pas de même pour Mme X.
Il résulte des pièces du dossier que celle-ci est désignée à l'acte du 24 avril 2007 page 3 comme épouse séparée de biens de M. X. et mère au foyer, et sans indication particulière sur l'exercice ou non d'une profession à celui du 11 mai 2007.
En application des dispositions de l'article L. 341-4, devenu L. 332-1, et L. 343-3 du code de la consommation un créancier professionnel, tel un établissement bancaire, ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
L'exigence de proportionnalité s'impose au créancier professionnel, quelque soit la nature de l'obligation principale.
C’est à la caution qui invoque que sa situation financière au moment de passer l'acte n'était manifestement pas en rapport avec les engagements qu'elle prenait, de le prouver.
C'est au créancier d'apporter la preuve de l'amélioration de la situation financière de la caution au moment où elle est appelée.
Mme X. justifie par la production de ses bulletins de salaires de 2007 et avis d'imposition 2006 qu'elle exerçait la profession de secrétaire au tribunal de commerce de [ville] pour un salaire de 7.512,54 annuel ou 626,04 euros par mois.
La qualité médiocre de la pièce 24 produite par la SA Crédit du Nord qui n'est qu'une copie et non un original et l'absence d'identification formelle des signatures apposées ne permet pas de la retenir comme probante sur l'importance du patrimoine personnel de Mme X. en 2007.
En revanche la Banque produit également aux débats :
- l'extrait KBIS du CABINET G. et les statuts de cette agence immobilière créée en 1966 au capital de 28.800 euros en 2002 et dont Mme X. a pris la gérance en 2009.
- un document dactylographié intitulé PATRIMOINE (pièce 25 dossier SA Crédit du Nord) établi le 24 mars 2010 par M. X. faisant état pour Mr et Mme C. :
« - cabinet G. : valorisation 1.500 KE EUROS capital détenu à 50 % avec Mme X. avec un prêt en cours de 500 KE sur 7 ans
- trois immeubles : [...] valorisations 500 KE 150 KE 180 KE [...] prêts en cours [...] »
le reste du document faisant la liste des propriétés et valeurs détenues par M. X.
- les avis d'imposition de Mme X. pour 2015 : salaires de 77.950 euros, (ou 6.495,83 mensuels) revenus fonciers 13.885 euros et 2016 : salaires 77.851 euros (6.487,58 euros) revenus fonciers 22.653 euros.
Il résulte de ces éléments non contestés que la Banque établit que la situation [de Mme X.] s'est améliorée depuis 2007 et lui permet de faire face désormais à ses obligations.
Le caractère disproportionné de ses engagements ne peut donc être retenu et ses demandes sur ce point seront rejetées.
Par suite la faute de l'organisme prêteur n'est pas établie et la demande de dommages-intérêts présentée par Mme X. et de compensation ne pourront qu’être rejetées.
Le tribunal a donc à juste titre déclaré Mme X. caution solidaire de M. X. dans la proportion des engagements fixés aux deux actes de caution de 2007.
2/ Sur le caractère abusif de la clause d'exigibilité immédiate :
Les époux X. critiquent le refus d'application par les premiers juges des dispositions de l'article 132-1 du Code de la Consommation en vigueur au 10 août 2001 aux termes duquel, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
En l'espèce, il n'est pas contestable que les deux prêts souscrits par M. X. avaient un rapport direct avec l'exercice de son activité d'officier ministériel titulaire de la charge du greffe du tribunal de commerce de [ville], objet stipulé expressément aux contrats.
Dans ces conditions la qualité de non- professionnel permettant de bénéficier du mécanisme protecteur de l'article susvisé ne peut trouver à s'appliquer et c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande des époux X.
Le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef.
3/ Sur la déchéance du terme :
M. X. débiteur principal maintient devant la Cour ne pas avoir été destinataire des lettres recommandées adressées par la SA Crédit du Nord valant mise en demeure de payer les échéances non réglées, de sorte que selon lui la Banque ne peut se prévaloir de la déchéance du terme des contrats de prêts.
Le contrat de prêt signé en 2001 portait comme adresse de M. X. [...]. L'avenant signé le 24 avril 2007 portait celle du [...], également adresse de Mme X. audit acte, et encore aux contrats de prêt et acte de caution signés le 11 mai 2007 par les époux.
La SA Crédit du Nord verse aux débats les deux courriers du 2 décembre 2010 adressés à Mme X. au [...] et à M. X. à la même adresse, plis recommandés retournés à la banque avec un avis de LA POSTE « non réclamé » signifiant comme l'a retenu le premier juge la localisation des époux à cette adresse.
Le 16 novembre 2011, un courrier recommandé a été envoyé par la Banque à M. X. à la même adresse, revenu également « non réclamé ».
Les envois effectués en 2012 toujours à la même adresse sont tous revenus « non réclamés ».
M. X. se contente de prétendre ne pas avoir reçu ces plis recommandés, mais n'a pas mis en cause la responsabilité de LA POSTE si elle avait durant trois ans persisté à délivrer des courriers à une mauvaise adresse.
Mme X. soutient également qu'elle n'a pas reçu la mise en demeure préalable de la caution pour n'avoir jamais résidé au [...] qui était le domicile de son époux, et que depuis 2008 elle résidait à Villeneuve-sur-Lot.
Cette affirmation est démentie par le bulletin de salaire qu'elle produit pour le mois de décembre 2008 sur lequel figure toujours l'adresse du [...].
En tout état de cause, il lui appartenait d'informer la Banque de tout changement d'adresse conformément aux actes signés par elle en 2007 qui comportaient élection de domicile, pour la caution « en son domicile sus indiqué » et ce « pour l'exécution des présentes et de leurs suites ».
Indiquant qu'elle a quitté le domicile figurant aux dits actes, il lui appartenait de justifier de la notification d'un changement d'adresse à la SA Crédit du Nord.
C'est donc à juste titre que le tribunal a tiré les conséquences de ces constatations et dit que la SA Crédit du Nord ayant respecté l'ensemble des formalités nécessaires, il y avait lieu de considérer que la déchéance du terme de chacun des prêts souscrits par M. X. avec la caution de Mme X., était acquise.
4/ Sur les sommes dues :
La SA Crédit du Nord a assigné le 22 août 2013 les époux X. en paiement des sommes de 382.531,24 euros outre les intérêts au taux de 7,3 % à compter du 2 juillet 2014 jusqu'au parfait paiement et de 94.355,08 outre les intérêts au taux de 6,3 % à compter du 2 juillet 2014 jusqu'au parfait paiement.
Elle produisait l'historique des encaissements au 1er juillet 2014. (pièces 17/18)
Il résulte des pièces versées par les parties que d'autres règlements sont intervenus en 2016 par suite de la vente des parts sociales du CABINET G. et d'immeubles sis à Villeneuve sur lot.
4/1 les sommes dues par M. X. :
Selon les derniers décomptes de créance versés aux débats par la SA Crédit du Nord et arrêtés au 9 février 2018 (pièce 39) il résulte :
1 /au titre du prêt n° 2769 XX, pour un capital emprunté de 251.540,88 euros avec intérêts à taux fixe de 6,3 % l'an à compter du 31/8/2001 pendant 69 mois, sans pendant 19 mois, puis à nouveau pendant 75 mois :
- échéances impayées au 18/7/2012 : 12.527,43 euros (pour un montant mensuel de 2.493,89 euros selon le tableau d'amortissement)
- intérêts de retard sur impayés au taux de 6,3 % du 18/7/2012 au 9/2/2018 : 3.671,37 euros
- capital restant dû au 18/7/2012 : 75.383,02 euros
- intérêts de retard sur capital restant dû du 18/7/2012 au 9/2/2018 : 45.230,71 euros
- indemnité EA (pour exigibilité anticipée) : 2.261,49 euros
- encaissements : - 14.953,43 euros
- principal : 396,26 euros
soit un total de 124.516,85 euros
2/ au titre du prêt n° 02769 WW 06 pour un capital emprunté de 375.000 euros avec intérêts de 4,3 % taux fixe pendant 156 mois à compter du 12/5/2007
- échéances impayées au 30/03/2012 : 38.760,87 euros (pour un montant mensuel de 3.850,39 euros selon le tableau d'amortissement)
- intérêts de retard sur impayés au taux de 7,3 % du 30/3/2012 au 9/2/2018 : 12.271,43 euros
- capital restant dû au 30/3/2012 : 317.728,65 euros
- intérêts de retard sur capital restant dû du 30/3/2012 au 9/2/2018 : 134.806,32 euros
- indemnité d'exigibilité anticipée : 9.531,85 euros
- encaissements : - 284.129,94 euros
soit un total de 229.419,18 euros
M. X. emprunteur qui n'a pas fait d'observations sur ces décomptes sera en conséquence condamné à payer la somme totale de 124.516,85 + 229.419,18 = 353.936,03 euros, avec intérêts de retard à compter du 10 février 2018
4/2 les sommes dues par Mme X. :
Mme X. fait valoir qu'en cas de condamnation prononcée à l'égard de la caution la Banque devra être déchue de tout droit aux intérêts pour ne pas avoir délivré l'information annuelle prévue aux articles L. 313-22 du code monétaire et financier, L. 331 et suivants du code de la consommation.
Les listings informatiques produits par la SA Crédit du Nord ne peuvent justifier de l'accomplissement de cette obligation. La communication des relevés de compte mentionnant le prélèvement de frais relatifs à l'information des cautions n'est pas davantage probante.
La SA Crédit du Nord soutient qu'il s'agit d'une demande nouvelle.
Pour autant, cette demande qui tend à faire écarter la prétention de la banque relativement aux intérêts est recevable.
L'article 313-22 du code monétaire et financier dispose que les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise sous la condition du cautionnement par une personne, physique [....] sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts commissions frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution ainsi que du terme de cet engagement.
Le défaut d'accomplissement de cette formalité emporte dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information.
Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés dans les rapports entre la caution et l'établissement affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.
Il appartient à la banque d'établir la preuve du contenu et de la date des informations données à la caution.
En l'espèce, la SA Crédit du Nord ne justifie pas de l'information annuelle de la caution conforme aux exigences légales puisqu'elle ne produit que des listings informatiques de 2008 à 2011 sur lesquels figurent : le montant du prêt géré, le taux d'intérêt en vigueur au 31 décembre de l'année, le montant des intérêts après l'année échue, et le terme de l'engagement.
La preuve de la date à laquelle les informations ont été données à la caution n'est pas établie, s'agissant au surplus de tirages intitulés « archivage ».
Les prélèvements sur le compte du débiteur principal du montant des frais afférents à cette formalité n'est pas non plus un élément probant et il ne suffit pas comme la SA Crédit du Nord le fait valoir pour qu'il le soit que ces prélèvements n'aient pas été contestés.
Par suite du non-respect des formalités de l'article L. 313-22 précité, la déchéance des intérêts conventionnels échus pour les deux prêts sera prononcée.
En conséquence Mme X. ne pourra être tenue au paiement que des sommes suivantes :
1/ au titre du premier prêt : 124.516,85 - (3.671,37 + 45.230,71) = 75.614,77 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 août 2013 date de l'assignation
2/ au titre du second prêt : 229.419,18 - (12.271,43 + 134.806,32) = 82.341,43 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 août 2013 date de l'assignation
La solidarité des condamnations prononcées sera en outre cantonnée pour Mme X. à ses engagements de caution soit la somme de 487.500 euros d'une part et celle de 202.742,31 euros d'autre part.
5/ Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive :
Mme X. ne reprend pas cette demande dans ses dernières écritures qui figurait dans celles prises avec M. X. en 2015.
Le tribunal a, par des motifs pertinents que la Cour adopte, débouté M. X. de cette demande.
6/ Sur les dépens :
M. X. et Mme Y. épouse X. qui succombent au principal seront condamnés solidairement aux dépens.
7/ Sur les frais irrépétibles :
L'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Les demandes de ce chef seront rejetées
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par sa mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
Confirme le jugement sauf en ses dispositions sur les condamnations financières prononcées à l'encontre de M. X. et Mme Y. épouse X.
Vu les demandes formulées pour la première fois en cause d'appel Mme Y. épouse X.
STATUANT A NOUVEAU :
Déclare Mme Y. épouse X. recevable en ses demandes sur le caractère disproportionné de ses engagements de caution, de dommages-intérêts pour faute de la SA Crédit du Nord et de compensation
au fond l'en déboute
Prononce au bénéfice de la caution Mme Y. épouse X. la déchéance des intérêts conventionnels échus au titre du prêt n° 02769 WW 06, et au titre du prêt n° 2769 XX en application de l'article 313-22 du code monétaire et financier
Condamne solidairement M. X. et Mme Y. épouse X. à payer à la SA Crédit du Nord :
- la somme de 124.516, 85 euros au titre du prêt n° 2769 XX, outre les intérêts au taux de 6,3 % à compter du 10 février 2018 jusqu'au parfait paiement, et dans la limite de la somme de 75.614,77 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 août 2013 et de son engagement de caution pour Madame X. née Y. ;
- la somme de 229.419,18 euros au titre du prêt n° 02769 WW 06, outre les intérêts au taux de 7,3 % à compter du 10 février 2018 jusqu'au parfait paiement et ce dans la limite de la somme de 82.341,43 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 août 2013 et de son engagement de caution pour Madame X. née Y. ;
Rejette les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne solidairement M. X. et Mme Y. épouse X. aux entiers dépens ;
Le présent arrêt a été signé par Claude GATE, présidente de chambre, et par Sabrina CARLESSO, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,
Sabrina CARLESSO Claude GATÉ
- 5829 - Code de la consommation - Clauses abusives - Nature de la protection - Législation d’ordre public - Conséquences : reconnaissance du caractère professionnel du contrat
- 5853 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de consommateur - Particulier personne physique - Consommateur tiers au contrat
- 5937 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Financement de l’activité - Prêts