CASS. CIV. 1re, 5 avril 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7568
CASS. CIV. 1re, 5 avril 2018 : pourvoi n° 17-11827 ; arrêt n° 377
Publication : Legifrance
Extrait : « Attendu que la banque fait grief à l’arrêt de dire n’y avoir lieu à réputer non écrite la clause 3.4 du contrat de prêt souscrit par l’emprunteur auprès de la société CIC et de rejeter sa demande en garantie formée contre celle-ci ; Attendu qu’après avoir énoncé que l’article 1253 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, dispose que, lorsqu’il paye, le débiteur de plusieurs dettes a le droit de déclarer quelle dette il entend acquitter, et relevé que les dispositions protectrices du code de la consommation n’édictent aucune interdiction de déroger à la possibilité pour l’emprunteur d’affecter un remboursement par anticipation à un prêt en particulier et qu’il demeure loisible au prêteur de décider conventionnellement que le prêt au taux le plus faible sera remboursé en priorité sans que cela ne crée un déséquilibre au détriment de l’emprunteur, dès lors qu’aucune pénalité financière n’affecte l’emprunteur qui rembourse par anticipation un prêt sans intérêts, la cour d’appel a exactement retenu que la clause n’était pas abusive ; que le moyen n’est pas fondé ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 5 AVRIL 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 17-11827. Arrêt n° 377.
DEMANDEUR à la cassation : Monsieur X.
DÉFENDEUR à la cassation : Société Crédit industriel et commercial Nord-Ouest (société CIC)
Mme Batut (président), président. Maître Le Prado, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Richard, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Douai, 1er décembre 2016), que, le 16 juin 2008, la société Crédit industriel et commercial Nord-Ouest (la société CIC) a consenti à M. X. (l’emprunteur), un prêt Immo modulable de 106.200 euros remboursable en cent quatre-vingts mensualités de 839,82 euros, ainsi qu’un prêt à taux zéro de 8.800 euros remboursable en quarante-huit mensualités à partir de 2022 et, le 4 novembre 2008, un prêt professionnel de 49.000 euros remboursable en quatre-vingt-quatre mensualités de 705,15 euros ; que, le 23 mars 2010, la société Banque CGI a consenti un prêt à la consommation de 27.150 euros remboursable en cent-vingt mensualités de 341,22 euros ; que la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Nord de France (la banque) a, le 9 juin 2010, consenti à M. X. un nouveau prêt professionnel, d’un montant de 20.000 euros remboursable en quatre-vingt-quatre mensualités de 265,89 euros ; que, par acte notarié du 15 novembre 2010, la banque lui a consenti un prêt de restructuration de 104.108 euros, destiné au rachat du prêt Immo, a racheté le prêt professionnel consenti par la société CIC ainsi que le crédit à la consommation consenti par la société Banque CGI ; qu’à la suite de retards réalisés dans le solde des prêts, M. X. a assigné en indemnisation de son préjudice, la banque pour manquement à son devoir d’information et de mise en garde, la société CIC et le notaire ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal, ci-après annexé :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que l’emprunteur fait grief à l’arrêt de limiter la condamnation de la banque à son profit au paiement de la somme de 918,04 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de ses préjudices matériels ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que l’arrêt retient que si, en s’abstenant de prendre en compte l’existence du prêt à taux zéro et les indemnités de remboursement, et en proposant à l’emprunteur de lui prêter des sommes qui ne lui permettaient pas de financer intégralement les capitaux et pénalités restant dus, sans l’informer de ce qu’une part de ces sommes devrait être réglée par ses propres moyens, la banque a manqué à son obligation de mise en garde, il n’est pas démontré que, même informé et mis en garde, l’emprunteur n’aurait pas contracté avec la banque pour parvenir à des restructurations de crédit, de sorte qu’aucune perte de chance n’est établie à ce titre ; qu’il relève que l’emprunteur est fondé à soutenir qu’il aurait pu anticiper et provisionner ces charges par d’autres moyens, que cette éventualité est sérieuse et qu’il convient de fixer la perte de chance à 75% du préjudice ; qu’il relève encore que les indemnités de résiliation anticipée et les frais de notaire étaient dus contractuellement et ne constituent pas un préjudice réparable au titre de la perte de chance, qu’il appartenait à l’emprunteur de s’assurer que son compte était suffisamment approvisionné pour permettre le règlement de ses charges courantes, et que la circonstance qu’il ait dû assurer les échéances de remboursement dues à la fois à la société CIC et à la banque n’est pas due à la faute de celle-ci, de sorte que le préjudice réparable s’élève à la seule perte de chance d’économiser le montant des frais bancaires en lien de causalité avec la faute de la banque ; que, par ces appréciations souveraines de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d’appel a, hors toute dénaturation et sans inverser la charge de la preuve, légalement justifié sa décision ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident, ci-après annexé ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que la banque fait grief à l’arrêt de la condamner à payer à l’emprunteur la somme de 918,04 euros à titre de dommages-intérêts ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que la cour d’appel n’a pas condamné la banque au paiement de cette somme en retenant un manquement de sa part à son obligation de mise en garde au motif qu’elle n’aurait pas alerté l’emprunteur sur le fait que les prêts mis en place seraient insuffisants, mais a relevé, d’une part, que des frais bancaires, qui auraient pu être évités, avaient été occasionnés par des découverts en compte comptabilisés par la société CIC et par la banque en raison d’échéances prélevées en « doublon » sur des comptes débiteurs, et que le préjudice en résultant s’élevait à la somme de 418,04 euros représentant 75 % du montant de ces frais, compte tenu de l’évaluation de la perte de chance retenue, d’autre part, que l’emprunteur avait subi un préjudice moral indemnisable à hauteur de 500 euros ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen du pourvoi incident, ci-après annexé :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que la banque fait grief à l’arrêt de dire n’y avoir lieu à réputer non écrite la clause 3.4 du contrat de prêt souscrit par l’emprunteur auprès de la société CIC et de rejeter sa demande en garantie formée contre celle-ci ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu qu’après avoir énoncé que l’article 1253 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, dispose que, lorsqu’il paye, le débiteur de plusieurs dettes a le droit de déclarer quelle dette il entend acquitter, et relevé que les dispositions protectrices du code de la consommation n’édictent aucune interdiction de déroger à la possibilité pour l’emprunteur d’affecter un remboursement par anticipation à un prêt en particulier et qu’il demeure loisible au prêteur de décider conventionnellement que le prêt au taux le plus faible sera remboursé en priorité sans que cela ne crée un déséquilibre au détriment de l’emprunteur, dès lors qu’aucune pénalité financière n’affecte l’emprunteur qui rembourse par anticipation un prêt sans intérêts, la cour d’appel a exactement retenu que la clause n’était pas abusive ; que le moyen n’est pas fondé ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : REJETTE les pourvois principal et incident ;
Condamne M. X. aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille dix-huit.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour M. X.
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord de France à payer à Monsieur X. la seule somme de 418,04 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation des préjudices matériels ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QU’aucune des parties ne conclut sur la perte de chance pourtant retenue par le Tribunal comme étant le seul préjudice à indemniser ; que M. X. sollicite la réparation de la totalité de son préjudice et non d’une fraction de celui-ci ; que cependant, le manquement de la banque à son devoir d’information et de mise en garde qui n’a pas permis à l’emprunteur de contracter en connaissance de cause ne pourrait être à l’origine que d’une perte de chance de ne pas contracter et donc de ne pas supporter des charges et des frais d’un montant inadapté à sa situation financière, ou encore de provisionner ces charges par d’autres moyens comme il l’indique ; qu’en considération de son nouveau besoin de financement professionnel, et de son souhait de réduire sa charge mensuelle de remboursement, il n’est pas démontré que même informé et mis en garde, M. X. n’aurait pas contracté avec la CRCA pour parvenir à ces restructurations de crédit ; qu’aucune perte de chance n’est donc établie à ce titre ; qu’en revanche, il est fondé à soutenir qu’il aurait pu anticiper et provisionner ces charges par d’autres moyens ; que cette éventualité est sérieuse et il convient de fixer la perte de chance à 75 % du préjudice ; que M. X. justifie qu’il n’a pu provisionner les sommes réclamées par la CGI au titre du prêt à la consommation soit un débit non prévu de 1.612,64 euros sur son compte en septembre 2010 correspondant à l’indemnité de résiliation ; que le prêt a été soldé le 23 septembre 2010 ; que concernant les prêts immobiliers, il est établi que M. X. aurait dû, pour solder les deux prêts, verser la somme d’environ 110.000 euros ; que le capital prêté étant resté bloqué entre les mains du notaire jusqu’à ce que les fonds suffisants soient réunis pour solder les prêts, M. X. a donc dû fournir un effort financier imprévu, entre novembre 2010 et le 27 juin 2011, date à laquelle les prêts immobiliers souscrits auprès du CIC ont pu effectivement être soldés, en remboursant non seulement la mensualité due à la CRCA soit 724,47 euros mais également celle due au CIC soit 724,47 euros ; que toutefois les indemnités de résiliation anticipée étaient dues contractuellement et elles ne constituent pas un préjudice réparable au titre de la perte de chance ; que le même raisonnement peut être retenu s’agissant des frais de notaire ; que s’agissant du prêt professionnel, l’indemnité de résiliation s’est élevée à 1.057,45 euros (840 + 217,45) alors qu’elle aurait dû être de 1.215,49 euros si le prêt avait été soldé en juillet 2010 ; que le prêt a été soldé partiellement le 3 novembre 2010 par un versement de 28.000 euros puis intégralement en mars 2011 par un versement de 7.248,60 euros ; que toutefois, la circonstance que le montant du capital de 40.516 euros versé sur son compte professionnel de M. X. ait en partie été absorbé par ses charges professionnelles n’est pas un préjudice en lien avec la faute de la CRCA ; qu’il appartenait à M. X. de s’assurer de ce que son compte était par ailleurs suffisamment approvisionné pour permettre le règlement de ses charges courantes, seul le remboursement du prêt devant être financé par le nouvel emprunt ; que M. X. ne s’explique pas pour quelle raison ce ne sont finalement que 28.000 euros sur 40.516 euros qui ont pu être affectés dans un premier temps au remboursement anticipé partiel du prêt professionnel ; que la circonstance qu’il ait dû assumer les échéances de remboursement dues à la fois au CIC pour 705,15 euros, et à la CRCA pour 394,98 euros pendant quelques mois, n’est donc pas due à la faute de cette dernière, mais seulement aux décisions personnelles de l’emprunteur ; que des frais bancaires en raison des découverts en compte ont par ailleurs été comptabilisés, par le CIC et la CRCA en raison des échéances prélevées en « doublon » sur des comptes débiteurs alors que cette situation aurait pu être évitée ; que toutefois pour les raisons énoncées au paragraphe précédent, les frais concernant le compte professionnel ne sauraient être pris en considération ; que les frais bancaires en lien de causalité avec la faute s’élèvent à 557,39 euros ; qu’en définitive, le préjudice réparable s’élève à 75 % des frais bancaires soit 418,04 euros que la CRCA sera condamnée à lui payer ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1°) ALORS QUE Monsieur X. faisait valoir dans ses conclusions d’appel que les manquements de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Nord de France à son obligation d’information et à son devoir de conseil lui avaient fait perdre une chance de ne pas souscrire un prêt professionnel avec cette dernière ; qu’en affirmant néanmoins que Monsieur X. n’avait pas conclu sur la perte de chance, la Cour d’appel a dénaturé ses conclusion d’appel, en violation de l’article 4 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le préjudice résultant de la défaillance d’une banque à son obligation d’information et à son devoir de conseil consiste en une perte de chance de ne pas conclure l’opération ou de la conclure à des conditions plus avantageuses ; qu’il incombe seulement à la victime de préciser à quel montant elle évalue ses différents préjudices, l’office du juge consistant alors à en apprécier le bien-fondé et à déterminer la fraction de ces préjudices correspondant à la perte de chance de les éviter ; qu’en décidant que Monsieur X. n’était pas fondé à soutenir qu’il n’aurait pas contracté avec la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord de France si cette dernière avait satisfait à son obligation d’information et à son devoir de mise en garde, motif pris qu’il n’avait pas conclu sur la perte d’une chance et sollicitait la réparation de la totalité de son préjudice, bien que Monsieur X. ait évalué ses préjudices matériels à la somme globale de 12.638,05 euros consécutivement aux fautes commises par la banque lors de la restructuration de ses prêts immobilier, professionnel et à la consommation, de sorte qu’il lui appartenait, pour chacun des prêts, de déterminer la fraction de ces préjudices qui correspondait à la perte d’une chance, la Cour d’appel a méconnu son office, en violation des articles 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 5 du Code de procédure civile ;
3°) ALORS QU’en décidant que Monsieur X. ne pouvait se prévaloir d’une perte de chance de ne pas contracter s’il avait été pleinement informé par la banque, motif pris qu’il n’était pas démontré que même informé et mis en garde, il n’aurait pas contracté avec la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord de France, bien qu’il ait appartenu à la banque de démontrer que Monsieur X. n’aurait pas renoncé à la restructuration de ces prêts si elle l’avait dument informé et mis en garde, la Cour d’appel a inversé la charge de la preuve, en violation des articles 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1315 du même code ;
4°) ALORS QU’en s’abstenant de comptabiliser dans le calcul du préjudice de Monsieur X. les sommes qui lui étaient réclamées par la Banque CGI au titre du prêt à la consommation, soit un débit non prévu de 1.612,64 euros, après avoir pourtant décidé que ce dernier, en raison des manquements imputables à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord de France lors de la restructuration des prêts, n’avait pas pu provisionner cette somme, la Cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
5°) ALORS QU’en s’abstenant de comptabiliser dans le calcul du préjudice de Monsieur X. les mensualités qu’il avait dues rembourser cumulativement au CIC Nord-Ouest et à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord de France entre le mois de novembre 2010 et le 27 juin 2011, après avoir pourtant décidé qu’en raison des manquements imputables à cette dernière lors de la restructuration des prêts, Monsieur X. n’avait pas pu anticiper cette charge financière par d’autres moyens, la Cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
6°) ALORS QU’en se bornant à énoncer, pour décider que la circonstance que Monsieur X. avait été contraint d’assumer les échéances de remboursement de son prêt professionnel dues à la fois au CIC Nord-Ouest et à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord de France, dès lors que le montant en capital de ce prêt versé sur son compte professionnel avait été en partie absorbé par le remboursement de ses charges, n’était pas due à une faute de cette dernière, mais seulement aux décisions personnelles de l’emprunteur, sans avoir constaté que la banque avait versé les fonds sur ce compte sur les instructions de Monsieur X., la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
MOYEN DU POURVOI INCIDENT (critiques juridiques formulées par le défendeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la société caisse régionale de Crédit agricole mutuel Nord de France
PREMIER MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la CRCAM Nord de France à payer à M. X. la somme de 918,04 euros à titre de dommages-intérêts ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Aux motifs que la CRCA ne conteste pas que l’objectif poursuivi par son client, à travers le rachat et la restructuration de ses différents prêts, était à la fois de permettre le financement par un nouveau crédit de l’achat de parts supplémentaires dans sa SCM professionnelle, et un allègement de sa charge mensuelle de remboursement ; que par la proposition formulée, le besoin en financement était assuré par un nouveau prêt professionnel de 20.000 euros du 9 juin 2010, et la charge totale des mensualités évoluait de 1.886,19 euros à 1.803,40 euros ; que le montant des nouveaux emprunts consentis par la CRCA devait donc prendre en considération les sommes dues au CIC et à la CGI au titre du remboursement anticipé de ces prêts ; qu’or, manifestement l’établissement bancaire s’est abstenu de comptabiliser certains frais et en particulier les indemnités de remboursement anticipé prévues contractuellement ; qu’ainsi, pour le prêt à la consommation, les fonds prêtés par la CRCA s’élèvent à 27.000 euros alors que la somme restant due est de 27.232 euros et que l’indemnité de résiliation est de 1.612,64 euros ; que pour le prêt professionnel, les fonds prêtés par la CRCA s’élèvent à 40.516 euros, montant du capital restant dû en juillet 2010, mais l’indemnité de résiliation était de 1.215,49 euros ; que pour les prêts immobiliers, les fonds prêtés par la CRCA s’élèvent à 104.108 euros ce qui inclut le capital du prêt principal, l’indemnité de résiliation, les frais de dossier et d’hypothèque, mais non les frais d’acte authentique (1.960 euros) et le remboursement du capital de 8.000 euros correspondant au prêt à taux zéro ; qu’or, que cette clause soit ou non illicite, le contrat initialement consenti par le CIC prévoyait le remboursement prioritaire de ce dernier prêt et Maître Z. en avait d’ailleurs été informé par le décompte adressé par le CIC le 15 novembre 2010 ; qu’en revanche, le fait pour la CRCA d’avoir versé le capital prêté sur le compte professionnel alors que précisément il était destiné à rembourser un prêt professionnel n’est pas fautif ; que la CRCA qui connaissait les objectifs poursuivis par M. X. devait prendre en considération ces spécificités contractuelles édictées par le CIC et la CGI ; qu’elle ne pouvait ignorer l’existence de ces indemnités de remboursement anticipé, habituelles en la matière et mentionnées au contrat, et à tout le moins avait le devoir de s’en informer auprès de M. X. ou du prêteur, par la transmission des contrats initiaux ; qu’elle était également informée de la situation financière, en particulier de ses revenus mensuels moyens de 4.334 euros et de sa charge d’impôt sur le revenu de 850 euros par mois ; qu’en s’abstenant de prendre en compte l’existence du prêt à taux zéro et les indemnités de remboursement, et en proposant à M. X. de lui prêter des sommes qui ne lui permettaient pas de financer intégralement les capitaux et pénalités restant dus, sans l’informer de ce qu’une parte de ces sommes devrait être réglée par ses propres moyens, la banque a manqué à son obligation de mise en garde ; qu’il lui appartenait en effet d’alerter l’emprunteur non averti contre cet aspect du rachat des crédits, qui risquait de provoquer une situation financière délicate, risque qui s’est réalisé (arrêt attaqué, p. 7, § 2 à 8) ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Alors que l’obligation de mise en garde à laquelle peut être tenu un établissement de crédit à l’égard de l’emprunteur non averti avant de lui consentir un prêt ne porte que sur l’inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l’emprunteur et sur le risque de l’endettement qui résulte de son octroi, et non pas sur l’opportunité ou les risques de l’opération financée ; qu’en retenant à l’encontre de la CRCAM Nord de France un manquement à l’obligation de mise en garde, pour la seule raison qu’elle n’avait pas alerté l’emprunteur sur le fait que les prêts de restructuration mis en place ne permettraient pas de financer intégralement le paiement des sommes dues au titre des crédits antérieurs et qu’il serait dès lors conduit à régler une partie de ces sommes par ses propres moyens, cependant que de tels éléments ne relevaient pas du champ de l’obligation de mise en garde, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit n’y avoir lieu à réputer non écrite la clause 3.4 du contrat de prêt souscrit par M. X. auprès du CIC Nord-Ouest et d’avoir, par conséquent, débouté la CRCAM Nord de France de sa demande en garantie formée contre le CIC Nord-Ouest ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Aux motifs que M. X. reproche au CIC d’avoir inséré une clause abusive 3.4 dans le contrat de prêt immobilier, aux termes de laquelle « au cas où le contrat comporte plusieurs prêts, le prêteur se réserve le droit d’affecter en priorité le montant du remboursement anticipé partiel ou total au prêt immobilier bénéficiant du taux le plus faible » ; que selon l’article L. 312-21 du code de la consommation dans sa version antérieure au 1er juillet 2016, l’emprunteur peut toujours, à son initiative, rembourser par anticipation, en partie ou en totalité, les prêts régis par les sections 1 à 3 du présent chapitre ; que le contrat de prêt peut interdire les remboursements égaux ou inférieurs à 10 % du montant initial du prêt, sauf s’il s’agit de son solde ; que si le contrat de prêt comporte une clause aux termes de laquelle, en cas de remboursement par anticipation, le prêteur est en droit d’exiger une indemnité au titre des intérêts non encore échus, celle-ci ne peut, sans préjudice de l’application de l’article 1152 du code civil, excéder un montant qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat, est fixé suivant un barème déterminé par décret ; que l’article 1253 du code civil dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016 dispose que le débiteur de plusieurs dettes a le droit de déclarer, lorsqu’il paye, quelle dette il entend acquitter ; que cependant, les dispositions protectrices du code de la consommation n’édictent aucune interdiction de déroger à la possibilité pour l’emprunteur d’affecter un remboursement par anticipation à tel prêt en particulier ; qu’il demeure loisible au prêteur de décider conventionnellement que le prêt au taux le plus faible sera remboursé en priorité sans que cela crée nécessairement un déséquilibre au détriment de l’emprunteur ; qu’en effet, aucune pénalité financière n’affecte l’emprunteur qui rembourse par anticipation un prêt sans intérêts ; que M. X. ne développe d’ailleurs aucun argument qui révélerait le caractère abusif de cette clause ; que sa demande tendant à voir déclarer la clause réputée non écrite sera rejetée (arrêt attaqué, p. 9, § 6 à 10) ;
Et aux motifs que M. X. a […] expressément indiqué que le principe du remboursement prioritaire du prêt à taux zéro ne lui était pas en soi préjudiciable mais qu’il lui manquait seulement les fonds suffisants pour procéder à son remboursement par la faute de la CRCA ; qu’en l’absence de faute du CIC, la CRCA sera déboutée de son appel en garantie (arrêt attaqué, p. 10, § 5 et 6) ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Alors qu’aux termes de l’article L. 312-21 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, l’emprunteur peut toujours, à son initiative, rembourser par anticipation, en partie ou en totalité, un crédit immobilier consenti de manière habituelle par toute personne physique ou morale en vue de financer l’acquisition d’un immeuble à usage d’habitation ; que cette faculté de remboursement anticipé est d’ordre public, conformément à l’article L. 313-17 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ; qu’il en résulte qu’est illicite la clause prévoyant, en présence de plusieurs contrats de prêt conclus entre les mêmes parties, dont l’un au moins est un crédit immobilier relevant du code de la consommation, que le crédit immobilier ne pourra être remboursé par anticipation qu’après le remboursement prioritaire de l’autre prêt ; qu’en jugeant licite la clause de cette nature dont s’était prévalu le CIC Nord-Ouest à l’égard de M. X., et en excluant par conséquent toute faute du CIC Nord-Ouest, la cour d’appel a violé les articles L. 312-21 et L. 313-17 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable à la cause.
- 6102 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Détermination des obligations - Obligations monétaires - Modes de paiement du prix
- 6638 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit immobilier - Présentation générale