CA PARIS (pôle 4 ch. 1), 25 mai 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7576
CA PARIS (pôle 4 ch. 1), 25 mai 2018 : RG n° 16/15676
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « « En cas de réalisation des travaux modificatifs, le délai de livraison sera automatiquement reporté d'un mois minimum, étant précisé que la convention de travaux modificatifs pourra prévoir un report plus important en fonction de la nature des modifications demandées ». Un premier devis de travaux modificatifs a été signé par M. X. le 12 novembre 2013, suivi d'un second devis validé par l'acquéreur le 12 avril 2014. Ces deux demandes sont postérieures à la signature du contrat du 17 juillet 2013. Par suite, la clause précitée doit recevoir application sans que le juge puisse soumettre son application à l'impact réel des travaux sur le délai d'exécution, ce que le contrat ne prévoit pas ».
2/ « Le contrat de vente prévoit que « S'il survenait un cas de force majeure ou une cause légitime de suspension des délais de livraison, l'époque prévue pour la livraison serait différée d'un temps égal au double de celui pendant lequel l'événement considéré aurait mis obstacle à la poursuite des travaux ». Cette clause qui double les jours de retard légitime n'est pas abusive au regard des exigences de réorganisation d'un chantier à la suite d'un arrêt pour intempéries. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 4 CHAMBRE 1
ARRÊT DU 25 MAI 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 16/15676 (5 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 4 juillet 2016 - Tribunal de Grande Instance de PARIS – R.G. n° 15/09488.
APPELANTE :
SCI PARIS [adresse]
prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège au [adresse], Représentée par Maître Emmanuelle M. de l'AARPI F. ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque : R211, Assistée sur l'audience par Maître Julien L. de l'AARPI F. ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque : R211
INTIMÉ :
Monsieur X.
né le 18 juillet 1968 à [adresse], demeurant [adresse], Représenté par Maître Matthieu B. G. de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, Assisté sur l'audience par Maître Emmanuelle B. de l'AARPI G. P.-V. & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R138
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Avril 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Christine BARBEROT, Conseillère, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Dominique DOS REIS, Présidente, Monsieur Dominique GILLES, Conseiller, Madame Christine BARBEROT, Conseillère, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Christophe DECAIX
ARRÊT : CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Dominique DOS REIS, Présidente, et par Christophe DECAIX, Greffier présent lors du prononcé.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par acte authentique du 17 juillet 2013, la SCI Paris [adresse] a vendu « en l'état futur de restructuration lourde » à M. X. le lot n° 160 de l'état de division d'un ensemble immobilier en copropriété sis [...] à Paris, X. arrondissement, soit un appartement au 2e étage du bâtiment B, au prix de 1.400.000 euros, dont la livraison était fixée au troisième trimestre 2014. La livraison a eu lieu le 21 juillet 2015. Par acte du 29 juin 2015, M. X. a assigné le vendeur en paiement des sommes de 43.000 euros en réparation de son préjudice financier et de 50.000 euros au titre de son préjudice moral.
C'est dans ces conditions que, par jugement du 4 juillet 2016, le Tribunal de grande instance de Paris a :
- réputé non écrite la clause abusive figurant en page 22 du contrat de vente en l'état futur d'achèvement selon laquelle « S'il survenait un cas de force majeure ou une cause légitime de suspension des délais de livraison, l'époque prévue pour la livraison serait différée d'un temps égal au double de celui pendant lequel l'événement considéré aurait mis obstacle à la poursuite des travaux »,
- dit que le vendeur avait manqué à son obligation d'exécuter le contrat de vente en l'état futur d'achèvement conformément à ses termes et, notamment, à l'obligation de délivrance dans les délais et que cette faute était en relation causale avec le préjudice subi par l'acquéreur,
- condamné le vendeur à payer à M. X. la somme de 10.000 euros au titre de son préjudice matériel et celle de 5.000 euros au titre de son préjudice moral,
- condamné le vendeur à payer à M. X. la somme de 2.500 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné le vendeur aux dépens.
Par dernières conclusions du 31 janvier 2017, la SCI Paris [adresse] (le vendeur), appelante, demande à la Cour de :
- à titre principal, sur l'absence de retard de livraison,
- vu les articles 1134 du Code civil et L. 132-1 du Code de la consommation,
- infirmer en tous points le jugement entrepris,
- débouter M. X. de l'intégralité de ses demandes en ce compris celles formulées dans ses conclusions d'appel incident,
- ordonner la restitution des sommes perçues par M. X. en exécution du jugement entrepris,
- à titre subsidiaire, sur les préjudices allégués,
- vu l'ancien article 1147 du Code civil,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu l'existence d'un préjudice matériel et moral subi par M. X.,
- rejeter les demandes indemnitaires de M. X.,
- ordonner la restitution des sommes perçues par M. X. en exécution du jugement entrepris,
- en tout état de cause,
- condamner M. X. à lui verser la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.
Par dernières conclusions du 3 février 2017, M. X. prie la Cour de :
- vu les articles 1103, 1104, 1601-1, 1231-1 du Code civil,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le vendeur de toutes ses demandes à quelque titre qu'elles comportent,
- l'infirmer en ce qu'il a condamné le vendeur à 10.000 euros au titre du préjudice matériel et 5.000 euros au titre du préjudice moral,
- à ce titre, condamner le vendeur au paiement de 100.000 euros de dommages-intérêts en réparation de ses préjudices moral et financier,
- en tout état de cause, condamner le vendeur à lui payer la somme de 10.000 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
LA COUR :
Il résulte des pièces produites que la livraison de l'appartement, qui devait être faite au plus tard au 30 septembre 2014, a eu lieu le 21 juillet 2015, l'acquéreur alléguant un retard de neuf mois imputable au vendeur. Pour s'opposer aux demandes de dommages-intérêts de l'acquéreur, le vendeur invoque les causes légitimes de retard suivantes :
- demandes de travaux modificatifs de l'acquéreur,
- intempéries pendant la durée du chantier,
- injonction de la ville de Paris, en cours de chantier, de conserver la charpente existante,
- retards de paiement de l'acquéreur.
Aux termes du contrat du 17 juillet 2013, la clause relative aux « Travaux modificatifs ou complémentaires » (pp. 23 et 24) prévoit que postérieurement à la signature du contrat, « aucun travaux modificatifs, supplémentaires ou en moins-value, ne pourra être demandé par l'acquéreur, sans que les délais de livraison ne soient automatiquement reportés du temps nécessaire pour l'instruction de la demande, la réalisation de ces travaux et leur conséquence sur le planning général de l'exécution. En cas de réalisation des travaux modificatifs, le délai de livraison sera automatiquement reporté d'un mois minimum, étant précisé que la convention de travaux modificatifs pourra prévoir un report plus important en fonction de la nature des modifications demandées ». Un premier devis de travaux modificatifs a été signé par M. X. le 12 novembre 2013, suivi d'un second devis validé par l'acquéreur le 12 avril 2014. Ces deux demandes sont postérieures à la signature du contrat du 17 juillet 2013. Par suite, la clause précitée doit recevoir application sans que le juge puisse soumettre son application à l'impact réel des travaux sur le délai d'exécution, ce que le contrat ne prévoit pas.
Une cause légitime de retard de 31 jours doit donc être retenue.
S'agissant des intempéries pendant la durée du chantier, les parties ont convenu de s'en remettre à l'attestation de l'architecte pour le décompte des jours d'intempéries. La société Cabinet Racine a attesté le 14 octobre 2015 que 32 jours ouvrés d'intempéries avaient affectés le chantier.
Ces 32 jours constituent une cause légitime de retard.
Parmi les causes légitimes de suspension du délai de livraison énoncées dans le contrat précité figurent « les injonctions administratives ou judiciaire de suspendre ou d'arrêter les travaux (à moins que lesdites injonctions ne soient fondées sur des fautes ou négligences imputables au vendeur) ». Par courriel du 23 juillet 2013, Mme M., architecte-voyer de la ville de Paris, confirmait à l'entrepreneur son souhait de « visiter le chantier afin de constater les travaux de démolition et de reconstruction non autorisés, et l'état des charpentes des bâtiments conservés. (...) Pour les travaux déjà réalisés, il convient de nous transmettre des documents précis sur la toiture d'origine et la toiture reconstruite, afin de nous permettre d'apprécier la possibilité de régularisation en l'état (qui sera soumise à l'avis de l'ABF). Pour les autres bâtiments, je vous rappelle notre demande d'arrêter tous les travaux de démolition non autorisés et vous propose de faire le point dès que possible sur les travaux d'adaptation et de renforcement des charpentes, nécessaires à l'aménagement des logements. Il serait utile pour cela d'avoir un relevé des charpentes existantes et de leur état. Pour mémoire, les toitures étaient prévues conservées dans le PC et il n'est pas possible de les démolir et reconstruire, dans le cadre des règles de gabarit en limite séparative ».
Il ressort de ce courriel que des travaux de démolition non autorisés par la ville de Paris avaient été entrepris et que ce sont ces travaux que l'architecte voyer a demandé d'arrêter. Par suite, le vendeur ne démontre pas que ce qu'il estime être une injonction administrative d'arrêter les travaux repose sur un changement d'attitude de la ville de Paris et non sur une faute de sa part.
Par suite les 140 jours invoqués ne constituent pas un retard légitime.
Au nombre des causes contractuelles légitimes de suspension du délai de livraison figurent les retards de paiement de l'acquéreur. La date de réception par l'acquéreur de l'appel de fonds daté du 8 janvier 2015 n'étant pas établie, le retard de paiement n'est pas prouvé et ce d'autant qu'aucune réclamation n'est versée aux débats. Ce retard de paiement n'est donc pas établi. La livraison prévue le 15 juillet 2015 n'a pas eu lieu, faute de présentation par M. X. d'un chèque de banque, et a été reportée au 21 juillet 2015, postérieurement au paiement par virement du 20 juillet 2015. Le retard de quatre jours ouvrés est donc un retard légitime.
Le contrat de vente prévoit que « S'il survenait un cas de force majeure ou une cause légitime de suspension des délais de livraison, l'époque prévue pour la livraison serait différée d'un temps égal au double de celui pendant lequel l'événement considéré aurait mis obstacle à la poursuite des travaux ». Cette clause qui double les jours de retard légitime n'est pas abusive au regard des exigences de réorganisation d'un chantier à la suite d'un arrêt pour intempéries.
En conséquence, le retard est justifié pour une durée de 31 jours + 64 jours (32 jours x 2) + 4 jours = 99 jours, soit un peu plus de trois mois sur les 9 mois invoqués par l'acquéreur.
Ce retard de plus de six mois a nécessairement causé un préjudice à M. X.
Toutefois, dès le 31 janvier 2014, le vendeur a informé l'acquéreur du retard de livraison causé par les intempéries et qui le conduisait à décaler le planning prévisionnel de livraison au début de l'année 2015. Le lien entre les déboires professionnels invoqués par l'acquéreur et le retard de livraison n'est pas prouvé, M. X., responsable commercial de A. Singapour, filiale de A. et Cie, depuis novembre 2012, n'établissant, notamment, pas que le contrat de travail d'une durée de deux années à compter du 1er août 2014 avec A. Vietnam ait été conclu en raison du retard de livraison ni que la rupture du contrat de travail avec A. Cie, qui avait été suspendu, trouve sa cause dans le retard de livraison.
Au vu de tous ses éléments, le préjudice subi par M. X. à la suite des six mois de retard de livraison imputables au vendeur doit être évalué, toutes causes confondues à la somme de 12.000 euros.
Le présent arrêt, infirmatif, constituant le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement entrepris, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la SCI Paris [adresse] en restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire attachée au jugement entrepris.
La solution donnée au litige emporte le rejet de la demande, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, de la SCI Paris [adresse].
L'équité commande qu'il soit fait droit à la demande de M. X., sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, comme il est dit dans le dispositif du présent arrêt.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement entrepris, mais seulement en ce qu'il a condamné la SCI Paris [adresse] à payer à M. X. la somme de 2.500 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de première instance ;
L'infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau :
Condamne la SCI Paris [adresse] à payer à M. Donation M. la somme de 12.000 euros de dommages-intérêts toutes causes de préjudice confondues ;
Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement entrepris ;
Rejette les autres demandes ;
Condamne la SCI Paris [adresse] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Condamne la SCI Paris [adresse] à payer à M. Donation M. la somme de 7.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.
Le Greffier, La Présidente,