CA BOURGES (ch. civ.), 18 juillet 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 7763
CA BOURGES (ch. civ.), 18 juillet 2019 : RG n° 18/01013
Publication : Jurica
Extrait : « 1 - Sur l'application des dispositions du code de la consommation :
Invoquant les dispositions des articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de commerce, la société BNP Paribas Personal Finance soutient que la production d'énergie électrique, dès lors qu'elle est destinée en totalité à la revente, en dehors de toute consommation personnelle, constitue un acte de commerce par nature, que le contrat d'acquisition des panneaux photovoltaïques ainsi que le contrat de prêt destiné à en assurer le financement sont des actes de commerce par accessoire et que, par suite, les dispositions du code de la consommation ne sont pas applicables, nonobstant la reproduction dans le contrat des dispositions de ce code, qui ne vaut pas forcément volonté clairement exprimées des parties de s'y soumettre.
Les textes pertinents :
Les articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation, en leur rédaction alors applicable, définissent l'emprunteur, au sens de ce chapitre, comme toute personne qui est en relation avec un prêteur dans le cadre d'opérations de crédit, à l'exclusion de celles qui sont destinées à financer les besoins d'une activité professionnelle.
Cette notion se rapproche de celle de consommateur donnée par l'article préliminaire du code de la consommation et permettant de définir le champ d'application des contrats conclus à distance et hors établissements et à l'exercice du droit de rétractation spécifique à ce type de contrat.
Aux termes de l'article L. 110-1, 1° du code de commerce, est réputé être un acte de commerce tout achat de biens meubles pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en œuvre.
La jurisprudence pertinente :
La BNP Paribas Personal Finance invoque, à titre de décision de principe sur cette question, un arrêt rendu le 25 février 2016 par cette même chambre de la cour de cassation, ainsi libellé :
« Attendu que, pour accueillir cette exception, après avoir relevé que le dossier fourni par la société X indiquait que la production d'électricité revendue à la société ERDF par Mme Y permettrait de couvrir les mensualités du crédit souscrit par cette dernière, l'arrêt retient que la vente d'énergie constitue un acte de commerce et que le tribunal de commerce est compétent pour connaître des actes préparatoires nécessaires, comme l'achat et le financement de l'opération, qui sont des actes commerciaux par accessoire ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si l'installation photovoltaïque litigieuse n'était pas principalement destinée à un usage personnel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».
La BNP Paribas Personal Finance croit pouvoir l'interpréter en ce sens que le juge du fond doit uniquement vérifier si l'énergie produite est entièrement ou partiellement revendue, invoquant à l'appui de cette interprétation de nombreuses décisions de cour d'appel retenant ce critère, alors qu'il doit seulement rechercher la destination principale de l'installation, sans se baser nécessairement sur la proportion d'électricité vendue.
Ainsi, dans une décision rendue le 27 juin 2018, la Cour de cassation a rejeté le moyen du pourvoi formé par une société de crédit qui reprochait au juge d'appel de n'avoir pas recherché, pour se prononcer sur l'exception d'incompétence soulevée, si l'électricité produite par l'installation photovoltaïque litigieuse acquise par les emprunteurs n'était pas destinée à être revendue dans sa totalité, de sorte qu'elle n'était pas principalement destinée à un usage personnel des emprunteurs. Pour considérer que la cour d'appel avait procédé à la recherche prétendument omise et légalement justifié sa décision au regard des dispositions de l'article L. 110-1, 1° du code de commerce, la cour de cassation retient que l'arrêt relève que l'opération projetée par les emprunteurs ne visait pas à effectuer uniquement un simple acte de commerce par nature, mais tendait également, par la livraison et l'installation d'une éolienne domestique ou kit aérogénérateur, à effectuer des économies d'énergie pour leur compte personnel, que l'objet du contrat était l'achat de panneaux photovoltaïques, non pas pour les revendre, mais dans le but de produire de l'électricité, qu'il n'était, par ailleurs, pas établi que les emprunteurs, tous deux retraités, accompliraient des actes de commerce dont ils feraient leur profession habituelle ni que l'éventuelle revente de l'électricité produite entrerait dans le champ de leur activité professionnelle commerciale, que le contrat de crédit ne prévoyait aucunement une destination professionnelle du crédit et que le bon de commande faisait expressément référence au fait que l'opération était assujettie aux dispositions relatives au crédit d'impôt pour les dépenses relatives à l'équipement de l'habitation principale.
Ainsi d'autres cours d'appel (cf. notamment Orléans dont la jurisprudence est constante depuis 2016) prennent notamment en compte, sans s'arrêter à la proportion d'électricité vendue, le défaut de stipulation relative à une destination professionnelle du prêt, l'absence d'intention de faire un usage professionnel de l'installation financée mais au contraire celle d'équiper l'immeuble d'une installation écologique lui apportant une plus-value tout en finançant tout ou partie de cet achat par la revente de l'énergie produite par les panneaux photovoltaïques.
L'application du droit aux faits de la cause :
La convention signée entre EDF et M. X., à l'instar des conventions signées avec la plupart des producteurs d'énergie photovoltaïque, exclut que ce dernier puisse conserver tout ou partie de l'électricité produite pour ses besoins personnels, laquelle sera donc envoyée en sa totalité sur le réseau, tandis que ce même producteur sera tenu d'acheter à EDF l'électricité nécessaire à sa consommation personnelle. Il ne saurait donc être déduit aucune conséquence de l'éventuelle revente intégrale par M. X. de l'électricité produite à EDF puisque cette circonstance lui est imposée, sauf à priver tous les particuliers devenus producteurs d'électricité à l'occasion d'une opération réalisée dans le cadre d'un démarchage à domicile et financée au moyen d'un prêt de la protection accordée habituellement par le code de la consommation.
Conformément à la jurisprudence précitée, la cour relève tout d'abord que l'article 7 du contrat de crédit souscrit par M. X. auprès de Sygma Banque, intitulé « Dispositions générales », mentionne expressément que les fonds mis à la disposition de l'emprunteur sont exclusivement destinés à un usage privé, non professionnel et que, de fait, le contrat respecte en tous points les exigences du code de la consommation relatives au crédit à la consommation.
En second lieu, il convient de souligner que l'installation photovoltaïque acquise par M. X., est d'une puissance de 2 KWc seulement et qu'elle a une production modeste lui procurant un revenu annuel de l'ordre de 500 à 600 euros. Cette production modeste, si elle n'était pas obligatoirement vendue, ne serait même pas suffisante pour couvrir l'intégralité des besoins en électricité de la maison occupée par M. X. et sur la toiture de laquelle les panneaux solaires ont été installés. La vente de cette électricité ne permettrait même pas d'amortir le coût du crédit qui est de 242,43 euros par mois.
Enfin, il sera observé que M. X. est agent de cuisine, que les seuls actes susceptibles de revêtir un caractère commercial par nature ou par accessoire sont le contrat de vente d'électricité, dont l'exécution et la facturation ne requièrent aucune intervention de sa part, le contrat d'acquisition et de pose de l'installation photovoltaïque et le contrat de prêt destiné à son financement, tous deux signés à l'occasion d'un démarchage à domicile, et que de tels actes ne sauraient caractériser une activité commerciale ou même professionnelle, mais s'inscrivent dans le projet de réduire les dépenses énergétiques par l'installation de quelques panneaux photovoltaïques sur le propre toit de son habitation.
L'installation photovoltaïque financée au moyen du prêt souscrit par M. X. auprès de Sygma Banque est donc principalement destinée à un usage personnel de l'emprunteur, comme mentionné dans le contrat de crédit, et constitue un crédit à la consommation. »
2/ « La nullité prévue par l'article L. 121-23 du code de la consommation est une nullité relative, de protection du consommateur, à laquelle celui-ci peut renoncer, ce qui suppose qu'il doit avoir connaissance du vice affectant le contrat, et d'autre part qu'il doit avoir l'intention de le réparer.
BNP Paribas Personal Finance soutient, à cet égard, que l'exécution du contrat par M. X., qui a notamment signé l'attestation de livraison, procédé au règlement des échéances du crédit et vendu l'électricité produite, vaut confirmation du jugement entaché de nullité et lui interdirait de se prévaloir des causes de nullité qu'il invoque.
Cependant, s'il ressort de l'exemplaire du bon de commande que les articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation ont bien été reproduits, en revanche les dispositions des articles R. 121-3 et suivants du code de la consommation, dont la reproduction au contrat n'est pas obligatoire, n'y figurent effectivement pas, en sorte qu'il n'est pas possible d'affirmer que M. X. a eu connaissance de l'irrégularité du formulaire détachable de rétractation et a eu l'intention de réparer cette irrégularité en signant le certificat de livraison de l'installation, au demeurant avant même d'avoir signé le bon de commande, ou encore en remboursant le crédit ou en vendant l'électricité produite par l'installation.
M. X. est en conséquence fondé à se prévaloir de la nullité du contrat principal pour violation des dispositions des articles L. 121-23 et R. 121-3 et suivants du code de la consommation. »
COUR D’APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 18 JUILLET 2019