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CA PARIS (14e ch. sect. A), 15 novembre 2006

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (14e ch. sect. A), 15 novembre 2006
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), 14e ch. sect. A
Demande : 06/07558
Date : 15/11/2006
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Juris Data
Date de la demande : 24/04/2006
Décision antérieure : TI MELUN (Référés.), 7 mars 2006
Numéro de la décision : 767
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 778

CA PARIS (14e ch. sect. A), 15 novembre 2006 : RG n° 06/07558 ; arrêt n° 767

Publication : Juris-Data n° 332400

 

Extrait : « Que les époux X. confirment que la revente de leur adhésion était prévue à ce contrat ; qu'ils n'ont engagé aucune procédure en contestation de la validité du dit contrat, estimant que la possibilité d'une opposition pouvait y suppléer ; Qu'une telle mesure ne pouvait légitimement se fonder : - sur l'âge des intimés, trop peu avancé pour faire douter de la réalité de leur consentement, - sur les seules circonstances démontrées de l'achat litigieux, - sur l'identité affirmée du contrat litigieux à d'autres contrats, en dépit des indications contraires qu'il comporte, - sur la dénonciation de clauses abusives figurant à ce contrat, sans autre précision, ou - sur une absence de livraison qui n'était constatée qu'avant l'issue du délai de livraison prévu au contrat ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

QUATORZIÈME CHAMBRE SECTION A

ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2006

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 06/07558. Arrêt n° 767. Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 7 mars 2006 - Tribunal d'Instance de MELUN - RG n° 120600005.

 

APPELANTE :

LA SARL Z.

société marocaine, représentée par son gérant, ayant son siège social au [adresse], représentée par la SCP GUIZARD, avoués à la Cour, assistée de Maître Guylaine CLARAMELLA, avocat au barreau D'AIX LES BAINS

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

[adresse], représenté par Maître Michel BLIN, avoué à la Cour, assisté de Maître Estelle SANTONI, avocat au barreau de PARIS, substituant Maître Laure GERMAIN-PHION, avocat au barreau de GRENOBLE

- Madame Y. épouse X.

[adresse], représentée par Maître Michel BLIN, avoué à la Cour, assistée de Maître Estelle SANTONI, avocat au barreau de PARIS, substituant Maître Laure GERMAIN-PHION, avocat au barreau de GRENOBLE

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 17 octobre 2006, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Marcel FOULON, Président, Madame Marie-José PERCHERON, Conseiller, Monsieur Renaud BLANQUART, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Melle Delphine LIEVEN. [minute page 2]

ARRÊT : - Contradictoire - prononcé publiquement par Monsieur Marcel FOULON, Président - signé par Monsieur Marcel FOULON, président et par Melle Delphine LIEVEN, greffier présent lors du prononcé.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Monsieur X. et Madame X., alors âgés de 70 et 66 ans, ont conclu avec la société Z. à MARRAKECH, le 11 mai 2005, un contrat en vertu duquel ils ont acheté, au moyen de deux chèques et pour la somme totale de 7.000 €, un produit dénommé « PLANÈTE VOYAGE » et une demande d'adhésion à ce « concept », comportant deux cartes : « CARTE AVANTAGE » et « CARTE HÔTEL », leur ouvrant un droit à réduction sur diverses destinations et produits touristiques. En vertu des « termes et conditions générales de l'adhésion », outre les réductions considérées, l'adhérent bénéficie également de 4 semaines de location par an en résidence hôtelière pendant 3 ans et ce, jusqu'à 6 personnes, moyennant le paiement de frais d'hébergement de 150 à 600 €.

De retour en FRANCE, Monsieur et Madame X. ont déposé plainte contre la société Z. et fait opposition au paiement des chèques émis par eux en paiement de la prestation litigieuse, cette opposition ayant été enregistrée le 6 juin 2005.

La société Z. a fait assigner ces derniers afin de voir ordonner, pour l'essentiel, la mainlevée des oppositions effectuées sur les chèques tirés par eux le 12 mai 2005.

Par ordonnance du 7 mars 2006, le juge des référés du tribunal d'instance de MELUN a :

- débouté la société Z. de sa demande,

- débouté les parties de toutes leurs autres prétentions,

- condamné la société Z. aux dépens.

Le 24 avril 2006, la société Z. a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions en date du 17 octobre 2006 auxquelles il convient de se référer, la société Z. fait valoir que les époux X. ont fait opposition au paiement de leurs chèques au motif que la juriste d'une association avait relevé des clauses abusives dans le contrat signé par eux et l'absence du nom du président directeur général, gérant ou directeur de la société ; qu'ils se sont déclarés victimes d'une escroquerie, alors que le contrat litigieux n'avait reçu aucun commencement d' exécution ; qu'aucune opposition ne peut être fondée sur une présomption d'utilisation frauduleuse ; que la plainte pénale des époux X. a été classée sans suite ; que le contrat litigieux ne prévoit de livraison qu'après le règlement, ce qui explique l'absence de livraison, en l'espèce ; que l'âge des époux X. n'est pas un motif suffisant pour établir une présomption d'utilisation frauduleuse de leurs chèques ou une manœuvre dolosive ; que leur courrier du 12 juin 2005 ne fait état d'aucun pression psychologique ; que, derrière les intimés se cache une association qui qualifie, à tort, nombre de contrats de « timeshare » ; qu'aucun élément de preuve ne vient corroborer les dires de Monsieur et Madame X., s'agissant des circonstances dans lesquelles ils ont contracté ; que les intimés ne contestent pas avoir reçu le cadeau qui leur était promis ; que le fait que ce cadeau leur ait été remis pour qu'ils assistent à une présentation de ses produits n'est pas illicite, alors qu'ils n'ont été soumis à aucune obligation d'achat ; qu'elle produit, pour sa part, des questionnaires de satisfaction de clients, faisant état d'entretiens agréables et [minute page 3] sympathiques ; qu'elle n'a jamais fait l'objet d'une condamnation civile ou pénale, s'agissant de ses contrats ou de son activité commerciale ; qu'elle justifie de la réalité et de la qualité de ses prestations ; que le reproche qui lui est fait de pratiquer des prix excessifs ne caractérise pas des manœuvres dolosives ; que l'opposition litigieuse n'a été motivée que par la volonté des intimés de se soustraire à l'exécution d'un contrat ; que les écritures signifiées le 16 octobre 2006 doivent être rejetées des débats, puisque signifiées sans respect du contradictoire ; qu'elle n'a jamais consenti à une réduction du prix de la prestation litigieuse ; que les époux X. ne se sont pas rendus dans ses locaux pour solliciter l'annulation de leur contrat ; que ce contrat n'a pas pour objet un achat de « temps partagé » ou « timeshare », mais une location saisonnière ; que le dol suppose des mensonges, non démontrés en l'espèce.

Elle demande à la Cour :

- de réformer l'ordonnance entreprise,

- d'ordonner la mainlevée des oppositions faites sur les chèques litigieux, avec effet immédiat, sous astreinte de 150 € par jour de retard, à compter de la présente décision,

- de condamner, en tant que de besoin, les époux X. au paiement de la somme de 7.000 €, avec intérêts, au taux légal, à compter du 11 mai 2005,

- de se déclarer incompétente en raison de la contestation sérieuse, sur la demande de nullité du contrat formée par les époux X.,

- de se déclarer incompétente pour allouer des dommages et intérêts,

- de condamner les époux X. au paiement de la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du NCPC,

- de les condamner aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP GUIZARD, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.

Dans leurs dernières conclusions en date du 16 octobre 2006 auxquelles il convient de se référer, Monsieur et Madame X. font valoir que le tireur a la possibilité de faire opposition au paiement d'un chèque qui aurait été soutiré frauduleusement ; que la remise par eux de deux chèques à la société Z. doit s'analyser en une « soustraction frauduleuse » ; qu'ils ont été conduits à contracter par des manœuvres frauduleuses ; qu'on leur a fait gratter, dans les rues de MARRAKECH, un ticket de jeu qui a permis à Monsieur X. de gagner un voyage ; que, pour recevoir leur prix, ils ont été entraînés dans les locaux de la société de Z. où on les a contraints à demeurer plus de quatre heures en compagnie de trois commerciaux qui leur ont présenté le produit « Z. VOYAGE » ; qu'âgés de 70 et 66 ans, ils n'ont pas résisté à la pression de méthodes de vente particulièrement agressives, leur but n'étant pas de conclure un contrat mais « d'échapper à un traquenard » ; qu'il y a eu mensonge sur la valeur marchande du produit qu'ils ont acheté, qui vaut, en réalité 500 € ; qu'ils ont fait l'objet de fausses promesses, puisqu'il leur a été affirmé qu'ils pouffaient revendre leur adhésion, ce qui n'est pas possible, mais a été prévu au contrat considéré ; que la société Z. vend du « timeschare » et le fait sans contrainte, en l'absence de réglementation marocaine de la vente de ce type de produit ; qu'il n'est pas de leur intérêt de s'engager dans une procédure d'annulation, alors qu'ils bénéficient d'une opposition ; que le classement sans suite de leur plainte ne préjuge pas de la réalité des faits ; que le refus de banques d'accueillir des oppositions dans des circonstances de ce type n'est pas général et pas irréversible ; que les questionnaires, coursiers et cartes postales versés aux débats par l'appelante ne s'accompagnent pas, le plus souvent, de copies de documents d'identité et ont trait à des prestations qui ne sont pas celles de la société Z. ; que ces prestations ont été proposées par une personne condamnée, pour cette raison, par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE, alors qu'elles sont de nature identiques à celles que propose l'appelante ; que le produit de la société Z. est constitué de cartes qui ne donnent « droit à rien », hormis la carte hôtel express, qui coûte 200 € ; que le produit qu'ils ont acheté ne leur a pas été remis dans le délai de 6 semaines, preuve qu'il n'existe pas ; que l'appel interjeté par la société Z. est abusif.

[minute page 4] Ils demandent à la Cour :

- de constater qu'ils ont été victimes d'un dol,

- de dire que la société Z. a frauduleusement soutiré les chèques litigieux,

- de dire que leur opposition est parfaitement justifiée,

- de débouter la société Z. de ses demandes,

- de condamner cette société à leur verser la somme de 4.000 € « à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice moral subi par eux du fait du caractère abusif de cette procédure »,

- de condamner la société Z. à leur verser la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du NCPC,

- de condamner cette société aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître BLIN, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR QUOI, LA COUR :

Considérant qu'il n'y a lieu de rejeter les conclusions du 16 octobre 2006 des époux X., qui ne comprennent ni moyen ni prétention nouveaux, la société Z. y ayant, de surcroît, répondu le 17 octobre 2006, jour de l'audience, démontrant, ainsi, qu'il n'a pas été porté atteinte à ses droits ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 131-35 du Code monétaire et financier, il n'est admis d'opposition au paiement par chèque qu'en cas de perte, de vol ou d'utilisation frauduleuse du chèque, de redressement ou de liquidation du porteur ; qu'en vertu des mêmes dispositions, si, malgré cette défense, le tireur fait une opposition pour autre cause, le juge des référés... doit, sur la demande du porteur, ordonner la mainlevée de l'opposition ;

Qu'en l'espèce, il est avéré que les époux X., âgés de 70 et 66 ans, ont remis au MAROC, le 12 mai 2005, deux chèques de 700 € et 6.300 € à la société Z., société domiciliée au MAROC, en paiement d'un produit commercial qu'elle leur avait proposé ; qu'il n'est pas contesté que cette proposition a été facilitée par le don aux intimés d'un ticket de jeu qui leur a permis de gagner un voyage ; qu'il n'est pas contesté par les intimés que ce voyage a effectivement été organisé ; que les autres circonstances de l'achat litigieux, invoquées par les intimés, ne sont ni justifiées, ni confirmées ;

Que le produit commercial acheté par les époux X. consiste en une série de réductions sur des prestations touristiques et en une adhésion à un système de « location » en résidence hôtelière pour un nombre de semaines déterminé avec obligation de paiement de « frais d'hébergement », ce produit se présentant expressément comme distinct d'un contrat de « temps partagé » ou « timeshare » ;

Que les intimés ne contestent pas la teneur d'un courrier en date du 15 mai 2005, en vertu duquel la société Z. leur a confirmé que la remise de leur chèque de 700 € interviendrait « le 1er juillet » et celle de leur chèque de 6.300 €, « le 1er octobre » ;

Qu'il est justifié du fait que les époux X. ont informé la société Z. de leur opposition à paiement en précisant que le juriste d'une association avait relevé « plusieurs clauses abusives » dans le contrat litigieux, que le nom du PDG, gérant ou directeur de cette société ne figurait pas à ce contrat et que le nom de l'appelante figurait sur un site de l'internet dénonçant des sociétés de vente de « packs vacances » ;

Que le contrat liant les parties ayant été conclu le 11 mai 2005, l'opposition litigieuse a été enregistrée le 6 juin 2005, alors que la livraison du produit acheté par les [minute page 5] intimés devait intervenir dans un délai maximum de 6 semaines à compter, non du règlement, mais de l'enregistrement de leur adhésion, soit au plus tard le 22 juin 2005 ;

Que l'évaluation faite par les intimés de la valeur marchande de la prestation qu'ils ont acquise se réfère à un type de contrat distinct de celui qui leur a été présenté ;

Que les époux X. confirment que la revente de leur adhésion était prévue à ce contrat ; qu'ils n'ont engagé aucune procédure en contestation de la validité du dit contrat, estimant que la possibilité d'une opposition pouvait y suppléer ;

Qu'une telle mesure ne pouvait légitimement se fonder :

- sur l'âge des intimés, trop peu avancé pour faire douter de la réalité de leur consentement,

- sur les seules circonstances démontrées de l'achat litigieux,

- sur l'identité affirmée du contrat litigieux à d'autres contrats, en dépit des indications contraires qu'il comporte,

- sur la dénonciation de clauses abusives figurant à ce contrat, sans autre précision, ou

- sur une absence de livraison qui n'était constatée qu'avant l'issue du délai de livraison prévu au contrat ;

Que cette mesure ne pouvait, en dépit des informations recueillies par les appelants et de leurs craintes fondées sur ces informations, avoir un caractère purement préventif ;

Que la preuve, par les époux X., d'une utilisation frauduleuse des chèques litigieux par la société Z. est insuffisante pour que soit confirmée l'ordonnance entreprise ;

Qu'il y a lieu, en conséquence, d'infirmer cette décision, de rejeter les demandes des époux X., d'ordonner la mainlevée de l'opposition litigieuse dans les conditions prévues au dispositif du présent arrêt et de condamner les époux X. au paiement de la somme provisionnelle de 7.000 € à la société Z., les chèques litigieux étant périmés ;

Que la dite somme produira intérêts, à compter du 17 octobre 2006, date de première réclamation de ce paiement ;

Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la société Z. les frais irrépétibles qu'elle a exposés pour la présente instance ;

Que les époux X., qui succombent, devront supporter la charge des dépens de l'instance qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du NCPC ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Infirme l'ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau,

Ordonne la mainlevée des oppositions pratiquées sur les chèques tirés sur la banque CRÉDIT AGRICOLE DE A., portant les numéros XX d'un montant de 700 € en date du 12 mai 2005 et YY d'un montant de 6.300 € en date du 12 mai 2005 pour un montant de 6.300 €,

Condamne Monsieur et Madame X. à payer à la société Z. la somme provisionnelle de 7.000 €,

[minute page 6] Dit que cette somme produira intérêts, au taux légal, à compter du 17 octobre 2006,

Rejette les demandes de Monsieur et Madame X.,

Rejette la demande de la société Z. fondée sur l'article 700 du NCPC,

Condamne les époux X. aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP GUIZARD, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.

LE GREFFIER                        LE PRÉSIDENT