CA BESANÇON (1re ch. civ. com.), 5 mars 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 7836
CA BESANÇON (1re ch. civ. com.), 5 mars 2019 : RG n° 17/01523
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu qu'en vertu de la police d'assurance n° 4208 souscrite par Mme Y. le 12 février 2003, celle-ci bénéficie d'une garantie couvrant les risques décès, perte totale et irréversible d'autonomie et incapacité de travail, à hauteur de 30 % du capital emprunté, soit 45.900 euros ; Que Mme Y. a reconnu dans ladite police avoir reçu et pris connaissance de ses conditions figurant sur la notice d'information qu'elle verse d'ailleurs elle-même aux débats, de sorte que ce document annexe lui est opposable ;
Qu'il en ressort à l'article II-5 intitulé « cessation des garanties » que la garantie « incapacité de travail » cesse : - à la date du départ à la retraite ou à la date de mise en position de pré-retraite en application de textes ou d'accords mettant en place ces régimes, ou tout autre régime assimilable, - à la fin du mois où survient la cessation de toute activité professionnelle, pour toute autre cause que celle ouvrant droit au bénéfice des prestations, - en tout état de cause à la fin de l'année au cours de laquelle l'assuré atteint son 65ème anniversaire ou 70ème anniversaire si celui-ci poursuit une activité salariée au-delà de 65 ans ;
Qu'en l'espèce, Mme Y. a été admise à la retraite suivant arrêté préfectoral n° 2010-2005-01817 du 20 mai 2010 pour cause d'invalidité ; que les clauses du contrat étant claires et s'appliquant à l'évidence en leur article II-5 1° à la situation de Mme Y., il n'y a pas lieu de se livrer, comme elle le demande, à une quelconque interprétation de celles-ci, en faveur de l'assurée qui a contracté avec un professionnel au sens de l'article L. 133-2 al 2 ancien devenu L. 211-1 du code de la consommation, au risque d'en dénaturer le sens ;
Qu'à cet égard, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que la mise à la retraite de l'assurée à la date du 20 mai 2010 justifiait, en exécution des termes de la garantie souscrite, la cessation de la prise en charge, quand bien même la position de retraite résulterait d'une décision préfectorale prise à raison d'une situation d'invalidité ;
Que la renonciation à un droit ne se présumant pas, la poursuite de la prise en charge par la SA Cardif au-delà de la date du 20 mai 2010 et jusqu'au 1er décembre 2013 ne saurait justifier à elle seule le bien fondé des prétentions de l'appelante ;
Attendu enfin que les conditions générales figurant à la notice d'information stipulant que la garantie « incapacité de travail » cesse à la date de mise en retraite ou pré-retraite ne saurait être considérée comme abusive comme caractérisant une atteinte substantielle à cette garantie alors que, contrairement aux affirmations de l'appelante, le contrat ne dément nullement le principe selon lequel l'incapacité de travail est l'impossibilité pour l'assuré de se livrer à son activité professionnelle lui procurant gain ou profit, dès lors qu'étant admise à la retraite Mme Y. n'exerce plus d'activité professionnelle et perçoit une pension aux lieu et place d'un salaire ».
COUR D’APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 5 MARS 2019
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 17/01523. N° Portalis DBVG-V-B7B-D2UO. Contradictoire. Audience publique du 22 janvier 2019. Sur appel d'une décision du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTBELIARD, en date du 8 mars 2017 : R.G. n° 14/01227. Code affaire : 58G Demande en paiement de l'indemnité d'assurance dans une assurance de personnes.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE :
Madame Y. épouse X.
née le [date] à [ville], de nationalité française, Profession : Retraitée, demeurant [adresse], Représentée par Maître Isabelle B. de la SCP B. - B. - E., avocat au barreau de MONTBELIARD
ET :
INTIMÉE :
SA CARDIF
dont le siège est sis [adresse], Représentée par Maître Bruno G., avocat au barreau de BESANCON et Maître Véronique F., avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats :
PRÉSIDENT : Monsieur Edouard MAZARIN, Président de chambre.
ASSESSEURS : Mesdames B. UGUEN LAITHIER (magistrat rapporteur) et A. CHIARADIA, Conseillers.
GREFFIER : Madame D. BOROWSKI, Greffier.
lors du délibéré :
PRÉSIDENT : Monsieur Edouard MAZARIN, Président de chambre
ASSESSEURS : Mesdames B. UGUEN LAITHIER, et A. CHIARADIA, Conseillers.
L'affaire, plaidée à l'audience du 22 janvier 2019 a été mise en délibéré au 5 mars 2019. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits et prétentions des parties :
Mme X. épouse Y. (Mme Y.), qui était agent de la fonction publique au sein de la Direction départementale et de l'équipement du Doubs, a souscrit le 12 février 2003 un contrat d'assurance groupe auprès de la SA Cardif Assurance Vie (la SA Cardif), afin d'assurer deux prêts souscrits le même jour auprès de la SA BNP Paribas, et ce, à hauteur de 30 % du capital emprunté, soit 45.900 euros, au titre des risques décès, PTIA et incapacité de travail.
Après un arrêt de travail et un congé longue durée, Mme Y. a été admise à la retraite pour invalidité par arrêté préfectoral du 20 mai 2010.
La SA Cardif ayant interrompu la prise en charge des mensualités de remboursement des prêts de l'intéressée à la date du 1er décembre 2013, au motif que la prise en charge de la garantie « incapacité de travail » cessait contractuellement à la liquidation de la pension de retraite ou de la mise en retraite ou pré-retraite, Mme Y., après lui avoir adressé le 23 avril 2014 une mise en demeure restée infructueuse a, par exploit d'huissier délivré le 17 octobre 2014, fait assigner la SA Cardif devant le tribunal de grande instance de Montbéliard afin de la voir condamner à poursuivre sa prise en charge en exécution du contrat.
Par jugement rendu le 8 mars 2017 ce tribunal l'a déboutée de ses prétentions et condamnée à verser à la SA Cardif 1.000 euros au titre des frais irrépétibles en sus des dépens.
Par déclaration parvenue au greffe le 12 juillet 2017, Mme Y. a relevé appel de cette décision et aux termes de ses derniers écrits transmis le 11 octobre 2017 elle conclut à son infirmation et demandent à la cour de :
- condamner la SA Cardif à lui payer la somme de 45.900 euros, outre intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, à raison de l'illicéité des clauses contractuelles définissant l'incapacité de travail et la cessation de garantie au regard des articles L. 211-1 et L. 212-1 du code de la consommation,
- la condamner à lui verser 2.500 euros au titre des frais irrépétibles en sus des dépens.
Par ses dernières conclusions déposées le 8 décembre 2017, la SA Cardif demande à la Cour de :
- à titre principal, confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- à titre subsidiaire, dire qu'elle ne pourrait être tenue qu'à prendre en charge le capital restant dû à la date du 1er décembre 2013 et non l'intégralité des 30 % de capital assuré lors de la souscription (45.900 euros),
- à ce titre, se faire communiquer l'échéancier de prêt afin de connaître la part exacte de capital restant dû à la date du 1er décembre 2013,
- en tout état de cause, condamner Mme Y. à lui verser de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée par ordonnance du 2 janvier 2019.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Discussion :
* Sur l'application de la garantie,
Attendu qu'il n'est pas contesté qu'en exécution du contrat d'assurance souscrit entre les parties le 12 février 2003, la SA Cardif a indemnisé Mme Y. au titre de l'incapacité totale de travail de 2006 au 1er décembre 2013 ;
Attendu que Mme Y. considère cependant que rien dans le contrat ne justifiait la cessation de la garantie à cette date, dans la mesure où son assureur ayant pris en charge le remboursement de son prêt, dans les limites contractuelles, au titre de l'incapacité de travail de 2010 à 2013 alors qu'elle se trouvait déjà à la retraite, il a ainsi implicitement considéré que la garantie était due à la suite d'une mise à la retraite pour invalidité ; qu'elle ajoute que le revirement de son cocontractant démontre, s'il en était besoin, l'ambiguïté des clauses du contrat, estimant que les premiers juges auraient dû considérer que ces clauses n'étaient pas claires et les appliquer dans un sens favorable au consommateur conformément à l'article L. 211-1 du code de la consommation ; qu'elle prétend enfin que la clause de cessation des garanties est abusive au regard de la définition de l'incapacité de travail comme consistant en une restriction substantielle de la garantie créant un déséquilibre significatif entre les parties à son détriment au regard de l'article L. 212-1 du même code ;
Attendu qu'en vertu de la police d'assurance n° 4208 souscrite par Mme Y. le 12 février 2003, celle-ci bénéficie d'une garantie couvrant les risques décès, perte totale et irréversible d'autonomie et incapacité de travail, à hauteur de 30 % du capital emprunté, soit 45.900 euros ;
Que Mme Y. a reconnu dans ladite police avoir reçu et pris connaissance de ses conditions figurant sur la notice d'information qu'elle verse d'ailleurs elle-même aux débats, de sorte que ce document annexe lui est opposable ;
Qu'il en ressort à l'article II-5 intitulé « cessation des garanties » que la garantie « incapacité de travail » cesse :
- à la date du départ à la retraite ou à la date de mise en position de pré-retraite en application de textes ou d'accords mettant en place ces régimes, ou tout autre régime assimilable,
- à la fin du mois où survient la cessation de toute activité professionnelle, pour toute autre cause que celle ouvrant droit au bénéfice des prestations,
- en tout état de cause à la fin de l'année au cours de laquelle l'assuré atteint son 65ème anniversaire ou 70ème anniversaire si celui-ci poursuit une activité salariée au-delà de 65 ans ;
Qu'en l'espèce, Mme Y. a été admise à la retraite suivant arrêté préfectoral n° 2010-2005-01817 du 20 mai 2010 pour cause d'invalidité ; que les clauses du contrat étant claires et s'appliquant à l'évidence en leur article II-5 1° à la situation de Mme Y., il n'y a pas lieu de se livrer, comme elle le demande, à une quelconque interprétation de celles-ci, en faveur de l'assurée qui a contracté avec un professionnel au sens de l'article L. 133-2 al 2 ancien devenu L. 211-1 du code de la consommation, au risque d'en dénaturer le sens ;
Qu'à cet égard, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que la mise à la retraite de l'assurée à la date du 20 mai 2010 justifiait, en exécution des termes de la garantie souscrite, la cessation de la prise en charge, quand bien même la position de retraite résulterait d'une décision préfectorale prise à raison d'une situation d'invalidité ;
Que la renonciation à un droit ne se présumant pas, la poursuite de la prise en charge par la SA Cardif au-delà de la date du 20 mai 2010 et jusqu'au 1er décembre 2013 ne saurait justifier à elle seule le bien fondé des prétentions de l'appelante ;
Attendu enfin que les conditions générales figurant à la notice d'information stipulant que la garantie « incapacité de travail » cesse à la date de mise en retraite ou pré-retraite ne saurait être considérée comme abusive comme caractérisant une atteinte substantielle à cette garantie alors que, contrairement aux affirmations de l'appelante, le contrat ne dément nullement le principe selon lequel l'incapacité de travail est l'impossibilité pour l'assuré de se livrer à son activité professionnelle lui procurant gain ou profit, dès lors qu'étant admise à la retraite Mme Y. n'exerce plus d'activité professionnelle et perçoit une pension aux lieu et place d'un salaire ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que c'est à raison que les premiers juges ont débouté Mme Y. de sa demande tendant à voir poursuivre sa garantie contractuelle au titre du risque « incapacité de travail » ; que de ce chef le jugement querellé sera confirmé ;
* Sur les demandes accessoires,
Attendu que Mme Y. qui succombe supportera la charge des dépens d'appel et s'acquittera d'une indemnité de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles que son contradicteur a été contraint d'exposer à hauteur de cour ; que les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance seront confirmées ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par ces motifs :
La Cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement rendu le 8 mars 2017 par le tribunal de grande instance de Montbéliard en toutes ses dispositions.
Condamne Mme X. épouse Y. à payer à la SA Cardif Assurance Vie une indemnité de mille euros (1.000 euros) au titre des frais irrépétibles d'appel.
Condamne Mme X. épouse Y. aux dépens d'appel.
Ledit arrêt a été signé par M. Edouard Mazarin, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Dominique Borowski, greffier.
Le Greffier, le Président de chambre
- 6017 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Clauses sur l’objet principal ou le prix - Loi du 1er février 1995 - Notion d’objet principal
- 6089 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Opposabilité des conditions générales - Conditions ne figurant pas sur l’écrit signé par le consommateur
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