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CASS. CIV. 1re, 7 mars 2018

Nature : Décision
Titre : CASS. CIV. 1re, 7 mars 2018
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. civile 1
Demande : 17-10489
Décision : 18-271
Date : 7/03/2018
Numéro ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:C100271
Nature de la décision : Cassation avec renvoi
Mode de publication : Legifrance
Numéro de la décision : 271
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7860

CASS. CIV. 1re, 31 janvier 2018 : pourvoi n° 17-10489 ; arrêt n° 271

Publication : Legifrance

 

Extraits : 1/ « Vu l’article 1315, devenu l’article 1353 du code civil ; Attendu que, pour statuer comme il le fait, le jugement retient que le rapport du 30 décembre 2015, produit par la société, ne peut être retenu comme la preuve de l’absence de défaut de la machine, dès lors que nul ne peut se constituer de preuve à lui-même ; Qu’en statuant ainsi, alors que le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n’est pas applicable à la preuve d’un fait juridique, la juridiction de proximité a violé le texte susvisé ».

2/ « La présomption édictée par l’article L. 211-7, devenu L. 217-7, du code de la consommation, porte uniquement sur la date de survenance du défaut de conformité et non sur l’existence du défaut lui-même ».

3/ « Vu l’article 1315, devenu 1353 du code civil, ensemble l’article 1604 du même code ; Attendu que, pour statuer comme il le fait, le jugement retient qu’il incombait au vendeur de rapporter la preuve de l’absence de défaut affectant la machine à café ; Qu’en statuant ainsi, la juridiction de proximité a inversé la charge de la preuve, violant ainsi les textes susvisés ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 7 MARS 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : 17-10489. Arrêt n° 271.

DEMANDEUR à la cassation : Société Nespresso France

DÉFENDEUR à la cassation : Monsieur Y.

Mme Batut (président), président. SCP Marlange et de La Burgade, avocat(s).

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu, selon le jugement attaqué, que, le 2 juin 2015, M. Y. (l’acquéreur) a acheté une machine à café de type Nespresso ; que, l’acquéreur se plaignant de la fourniture d’un café tiède, la machine a été envoyée, le 26 novembre 2015, au service assistance de la société Nespresso France (la société) qui, constatant un dysfonctionnement électrique selon un rapport d’intervention du 2 décembre 2015, a procédé au remplacement d’une pièce ; que, le 24 décembre 2015, l’acquéreur faisant état de la persistance du défaut, la machine a été envoyée une seconde fois en réparation avant de lui être restituée ; que, le 18 mars 2016, l’acquéreur a saisi la juridiction de proximité afin d’obtenir son remboursement ;

 

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l’article 455 du code de procédure civile ;

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que, pour condamner la société à payer à l’acquéreur une certaine somme en remboursement de la machine, le jugement se borne à constater que l’acquéreur l’a rapportée à deux reprises, puis à affirmer que le défaut de température du café, invoqué par celui-ci, est établi ;

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Qu’en statuant ainsi, par voie de simple affirmation, la juridiction de proximité n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

 

Sur la deuxième branche du moyen :

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ;

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que, pour statuer comme il est dit, le jugement retient qu’il résulte des rapports techniques et comptes rendus d’intervention, émis par la société, que la température du café produit par la machine n’était pas conforme à celle attendue ;

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Qu’en statuant ainsi, alors qu’il ressort de ces documents que, le 24 décembre 2015, la température du café était conforme à celle attendue, la juridiction de proximité a méconnu le principe susvisé ;

 

Sur la troisième branche du moyen :

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l’article 1315, devenu l’article 1353 du code civil ;

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que, pour statuer comme il le fait, le jugement retient que le rapport du 30 décembre 2015, produit par la société, ne peut être retenu comme la preuve de l’absence de défaut de la machine, dès lors que nul ne peut se constituer de preuve à lui-même ;

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Qu’en statuant ainsi, alors que le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n’est pas applicable à la preuve d’un fait juridique, la juridiction de proximité a violé le texte susvisé ;

 

Sur la quatrième branche du moyen :

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l’article L. 211-7, devenu L. 217-7 du code de la consommation ;

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que, pour statuer comme il le fait, le jugement retient, en application du texte précité, que, le défaut de conformité du bien étant apparu dans le délai de vingt-quatre mois de sa délivrance, il y a lieu, faute pour le vendeur de rapporter la preuve contraire, de considérer que la machine livrée n’était pas conforme au contrat ;

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Qu’en statuant ainsi, alors que la présomption édictée par l’article L. 211-7, devenu L. 217-7, du code de la consommation, porte uniquement sur la date de survenance du défaut de conformité et non sur l’existence du défaut lui-même, la juridiction de proximité a violé le texte susvisé ;

 

Et sur la cinquième branche du moyen :

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l’article 1315, devenu 1353 du code civil, ensemble l’article 1604 du même code ;

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que, pour statuer comme il le fait, le jugement retient qu’il incombait au vendeur de rapporter la preuve de l’absence de défaut affectant la machine à café ;

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Qu’en statuant ainsi, la juridiction de proximité a inversé la charge de la preuve, violant ainsi les textes susvisés ;

 

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 12 octobre 2016, entre les parties, par la juridiction de proximité de Paris 13 ème ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d’instance de Paris 14e ;

Condamne M. Y. aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Nespresso France ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille dix-huit.

 

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyen produit par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour la société Nespresso France.

 

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est fait grief au jugement attaqué D’AVOIR condamné la société Nespresso France à payer à M. Y. la somme de 199 euros avec intérêts au taux légal, et rappelé que la machine à café litigieuse devrait être restituée à la société Nespresso France,

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS QUE l’article L. 211-4 du code de la consommation précise que « le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance. (…) » ; que l’article L. 211-5 du code de la consommation dispose : « Pour être conforme au contrat, le bien doit 1° être propre à l’usage habituellement attendu d’un bien semblable et, le cas échéant : - correspondre à la description donnée par le vendeur et posséder les qualités que celui-ci a présentées à l’acheteur sous forme d’échantillon ou de modèle ; - présenter les qualités qu’un acheteur peut légitimement attendre eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur, par le producteur ou par son représentant, notamment dans la publicité ou l’étiquetage ; 2° ou présenter les caractéristiques définies d’un commun accord par les parties ou être propre à tout usage spécial recherché par l’acheteur, porté à la connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté. » ; qu’il résulte des deux rapports d’intervention technique et des comptes rendus d’intervention émis par la SAS Nespresso France que M. Y. a rapporté cette machine à café les 26 novembre 2015 et 24 décembre 2015 aux fins de résoudre un problème persistant relatif à la température du café ; qu’ainsi, il apparait que la machine à café livré à M. Y. ne présentait pas les qualités qu’il pouvait légitimement attendre quant à la température du café ; que l’article L. 211-7 du même code précise : « Les défaut de conformité qui apparaissent dans un délai de vingt-quatre mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire. Pour les biens vendus d’occasion, la durée mentionnée au premier alinéa du présent article est ramenée à six mois. Le vendeur peut combattre cette présomption si celle-ci n’est pas compatible avec la nature du bien ou le défaut de conformité invoqué. » ; qu’en l’espèce, M. Y. a acheté sa machine à café le 2 juin 2015 et il a contesté la conformité du produit en le confiant aux services techniques de la SAS Nespresso France le 26 novembre 2015 et le 24 décembre 2015, soit dans le délai de 24 mois de la délivrance du bien, peu importe que M. Y. ne se soit manifesté que 5 mois après son achat ; qu’enfin pour soutenir que cette machine à café est parfaitement conforme aux standards Nespresso, la défenderesse s’appuie sur un rapport établi par ses services techniques en date du 30 décembre 2015 ; que cependant, d’une part ce document ne serait être retenu comme la preuve contraire puisqu’il émane de la société défenderesse alors que nul ne peut se constituer de preuve à lui-même et que d’autre part ce document ne permet pas de combattre la présomption légale, présomption totalement compatible avec le défaut de conformité invoqué à savoir, la température du café que la SAS Nespresso France a elle-même constaté lors de son premier rapport d’intervention dressé le 2 décembre 2015 en précisant : « I- Le constat de notre technicien : Défaut électrique de TB (résistance interne) et a procédé au remplacement du « Thermobloc CTZ » ; que dans ces conditions, faute pour le vendeur de rapporter la preuve contraire, il y a lieu de considérer que la machine à café livré n’était pas conforme au contrat et que la SAS Nespresso France doit répondre du défaut de conformité ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

ALORS QUE 1°), le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu’en se bornant, pour faire droit aux demandes de M. Y., à relever qu’il avait rapporté la machine à deux reprises, puis à affirmer que le défaut de température du café, invoqué par celui-ci, était établi, la juridiction de proximité a statué par voie de simple affirmation et violé l’article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE 2°), le juge ne doit pas dénaturer les documents qui lui sont soumis ; que le compte-rendu de l’intervention du technicien de la société Nespresso France du 30 décembre 2015 énonçait : « pas de défaut observé » ; que le rapport d’intervention technique en date du même jour précisait : « Le problème que vous nous avez annoncé n’a pu être reproduit par notre technicien » ; qu’en retenant cependant qu’il résultait de ces rapports et compte-rendu d’intervention que la température du café produit par la machine n’était pas conforme à celle attendue, cependant qu’il ressort clairement de ces documents qu’au contraire, le 24 décembre 2015, la température du café produit par la machine litigieuse était conforme à celle attendue, la juridiction de proximité a dénaturé ces documents et violé le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents qui lui sont soumis ;

ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE 3°), le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n’est pas applicable à la preuve d’un fait juridique ; qu’en retenant que le rapport produit par la société Nespresso France en date du 30 décembre 2015 ne pouvait être retenu comme la preuve de l’absence de défaut de la machine s’agissant de la température du café produit « puisqu’il émane de la société défenderesse alors que nul ne peut se constituer de preuve à lui-même » (jugement, p. 2), cependant que s’agissant d’un fait juridique, le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n’était pas applicable, la juridiction de proximité a violé l’article 1315 du code civil, devenu l’article 1353 dudit code ;

ALORS QUE 4°), selon l’article L. 211-7, devenu L217-7, du code de la consommation, les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de vingt-quatre mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance ; qu’en retenant, sur le fondement de cette disposition, que « faute pour le vendeur de rapporter la preuve contraire, il y a lieu de considérer que la machine à café livrée n’était pas conforme au contrat » (jugement p.2), dispensant ainsi l’acheteur de rapporter la preuve de l’existence du défaut invoqué, cependant que la présomption édictée par ce texte porte uniquement sur la date de survenance du défaut de conformité et non sur l’existence du défaut lui-même, la juridiction de proximité a violé l’article L. 211-7, devenu L217-7, du code de la consommation ;

ALORS QUE 5°), la preuve de la non-conformité du bien remis par le vendeur incombe à l’acquéreur ; qu’en retenant qu’il incombait à la société Nespresso France de rapporter la preuve de l’absence de défaut affectant la machine à café, cependant qu’il appartenait à M. Y., acheteur, de rapporter la preuve de l’existence du défaut de température du café qu’il invoquait et non à la société Nespresso France, vendeur, d’établir que ce défaut n’existait pas, la juridiction de proximité a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1315, devenu 1353, et 1604 du code civil.