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CA VERSAILLES (12e ch.), 11 décembre 2018

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (12e ch.), 11 décembre 2018
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 12e ch.
Demande : 17/02041
Date : 11/12/2018
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 11/03/2017
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7903

CA VERSAILLES (12e ch.), 11 décembre 2018 : RG n° 17/02041 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « La proposition commerciale remise le 21 janvier 2013 par la société Eurosys comporte deux parties distinctes, à savoir d'une part une configuration technique précisant les différents matériels fournis, d'autre part une proposition commerciale détaillant les prestations offertes (pour une location mensuelle d'un montant de 119 euros HT) incluant, outre les postes et l'accès aux lignes, un forfait illimité vers la France fixe local et national, et un forfait 3 heures vers les GSM en France. Il s'agit bien d'une offre de prestations de service « tout inclus ».

S'il est exact que le contrat souscrit 4 jours plus tard ne correspond pas exactement à cette proposition commerciale, la seule différence porte sur la partie configuration technique, à savoir un autocommutateur différent, et une répartition différente des postes fixes et sans fils, ce qui explique un prix légèrement supérieur de 142 euros HT. Aucun élément ne permet cependant de penser que ce contrat n'inclurait plus les forfaits décrits dans l'offre commerciale.

Sur ce point, il est uniquement précisé : « raccordement offert à notre opérateur pour toutes communications France fixe et mobiles ». Cette mention ne laisse nullement supposer une modification par rapport à la proposition commerciale remise 4 jours plus tôt, l'énoncé d'un « raccordement à un opérateur » ne supposant nullement le paiement de prestations en sus du prix convenu, d'autant que ce raccordement est « offert ».

S'il est exact que Mme X. a en outre signé un contrat de service Oditel, cela ne suffit pas à démontrer un engagement clair de cette dernière de régler un abonnement et des communications en plus de la somme de 142 euros, étant observé que, si Mme X. a bien coché un forfait TO, il n'existe en revanche aucune mention apparente du prix de ce forfait (il est renvoyé en petits caractères à une liste de tarifs en annexe qui n'est produite par aucune des parties), ni du fait que cet éventuel prix viendrait s'ajouter à la somme de 142 euros prévue au contrat, de sorte que Mme X. n'avait aucune raison de penser qu'elle devrait acquitter « contrairement à l'offre commerciale » le coût de ses communications et de son abonnement.

Le 1er août 2013, Mme X. a reçu une facture de la société Oditel mentionnant, d'une part la gratuité de son abonnement et de ses forfaits ce qui tendait à confirmer l'existence d'une prestation « tout inclus », mais d'autre part divers frais de dossier et de communications, ce qui était peu compréhensible.

Le 30 août 2013, Mme X. a donc écrit à la société Eurosys manifestant son étonnement à la réception de cette facture, alors que le loyer réglé à GE Capital était « censé couvrir l'intégralité des frais ». La société Eurosys a alors soutenu que le loyer versé à GE Capital comprenait uniquement la location du matériel téléphonique, les communications étant réglées dans le cadre du contrat Oditel. Elle ne faisait alors aucune référence à une quelconque gratuité de services.

Si l'on devait suivre la thèse de la société Eurosys, cela signifierait qu'outre les 142 euros de location du matériel téléphonique, Mme X. devait en outre régler une somme de 127,92 euros au titre de ses abonnements et forfaits, ainsi que cela ressort des factures Oditel, aboutissant ainsi à un quasi doublement de sa facture téléphonique par rapport à l'offre commerciale « tout inclus » qui lui avait été faite. Il est fort probable que Mme X. n'aurait pas signé le bon de commande si elle avait compris qu'elle serait contrainte de régler l'abonnement et les communications en sus de la somme de 142 euros, ce qui aurait annihilé tout l'intérêt de l'opération.

Dans un courriel du 29 novembre 2013 adressé à Mme X., la société Oditel a finalement indiqué avoir été informée par Eurosys de la gratuité des abonnements et forfaits jusqu'en juin 2016. Il n'en reste pas moins que cette gratuité pour une durée de 3 années n'a jamais été évoquée « ni par la société Eurosys ni par la société Oditel » au moment de la souscription des contrats et qu'elle n'est apparue pour la première fois, et sans aucune explication, qu'à réception de la facture du 1° août 2013, avant d'être confirmée par la société Oditel avec indication de sa durée sur trois années.

Le fait, pour la société Eurosys, de remettre à Mme X. une proposition commerciale « tout inclus », puis de lui faire souscrire 4 jours plus tard un contrat tout à fait similaire ( à l'exception de différences minimes quant au matériel fourni, prises en compte dans une légère augmentation de prix) avec une mention imprécise et particulièrement ambiguë quant à l'inclusion de l'abonnement et des communications (« raccordement offert pour toute communication France Fixe et mobiles »), et enfin d'imaginer soudainement et sans aucune concertation un geste commercial résultant d'une gratuité de l'abonnement et des communications durant les 3/5° de la durée du contrat, suffit à démontrer la volonté de la société Eurosys de dissimuler les réelles conditions financières de l'opération, la preuve du dol étant ainsi suffisamment rapportée.

Il convient dès lors de prononcer la nullité du contrat de fourniture souscrit par Mme X. auprès de la société Eurosys le 25 janvier 2013, le jugement dont appel étant infirmé de ce chef. »

2/ « L'opération souscrite par les parties porte sur quatre contrats conclus de manière concomitante ou successive, et notamment le contrat de prestations de services conclu avec la société Eurosys, et le contrat de location financière conclu le même jour avec la société CM CIC.

Les différents contrats conclus de manière concomitante correspondent à une seule et même opération économique, à savoir la fourniture et l'installation de matériel téléphonique, la location financière de ce même matériel, outre les prestations d'abonnement et les consommations, de sorte que les contrats sont liés entre eux et que c'est à bon droit que le premier juge a constaté leur interdépendance. Le jugement sera confirmé de ce chef.

La nullité du contrat de fourniture du matériel, du fait des agissements de la société Eurosys, entraîne la caducité du contrat de location financière de sorte que la demande de « résiliation » du contrat de location aux torts de Mme X. sera rejetée, seules les demandes à l'encontre de la société Eurosys (caducité du contrat de vente) pouvant être examinées comme il sera vu plus avant. Il n'y a pas lieu dès lors de statuer sur la demande de Mme X. tendant à voir déclarer non écrites ou inopposables certaines dispositions des conditions générales du contrat de location financière, ni à surseoir à statuer en attendant la décision de la cour d'appel de Paris sur ce point.

Mme X. sollicite pour sa part la condamnation de la société CM CIC à « annuler toute facturation entreprise depuis l'entrée en vigueur des contrats ». Compte tenu de la caducité du contrat de location financière, et de la remise des parties en l'état antérieur, il convient de condamner la société CM CIC à annuler les factures de location qu'elle a adressées à Mme X. depuis l'origine du contrat. »

3/ « 2-3 Sur les conséquences de la nullité dans les relations entre la société Eurosys et la société CM CIC (contrat de vente) : La société CM CIC sollicite, à titre subsidiaire, la résolution du contrat de vente et la condamnation de la société Eurosys à lui restituer le prix de cession du matériel, soit la somme de 8.089,50 euros, outre intérêts à compter du 28 mai 2013. Elle sollicite en outre paiement de dommages et intérêts à hauteur de 3.119,46 euros en réparation du préjudice financier subi du fait de l'anéantissement du contrat de location.

La société Eurosys s'oppose à ces demandes, arguant du respect de son obligation de fourniture d'un matériel en état de fonctionner, ajoutant que le matériel a subi une dépréciation, de sorte qu'elle ne peut restituer le prix de vente.

Du fait de l'interdépendance des contrats, le contrat de vente conclu entre la société Eurosys et la société CM CIC est caduc, et il convient de condamner la société Eurosys à rembourser à la société CM CIC la somme de 8.089,50 euros correspondant au prix de vente, cette dernière n'étant nullement responsable de l'éventuelle dépréciation du matériel. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

DOUZIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 11 DÉCEMBRE 2018