CA MONTPELLIER (1re ch. B), 20 février 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 7923
CA MONTPELLIER (1re ch. B), 20 février 2019 : RG n° 16/06638
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Dans ces conditions, il y a tout lieu de penser que seule cette copie a été fournie au premier juge, qui a pu légitimement considérer, après avoir consciencieusement mesuré les caractères et les interlignes, que ce document était imprimé dans des caractères inférieurs au corps 8, à peine lisible. La banque aurait dû s'en rendre compte et fournir d'emblée au premier juge l'offre de prêt en original, laquelle, à l'analyse, respecte parfaitement le corps 8 d'imprimerie exigé par les dispositions des articles L. 311-13 et R. 311-6 du code de la consommation. La banque ne peut donc s'en prendre qu'à elle-même, si elle se trouve contrainte de faire appel du jugement pour s'être abstenue de fournir l'offre en original, alors même qu'il était flagrant que la copie produite devant le premier juge sur un support dont l'impression est réduite, ne respectait pas la taille exigée des caractères d'imprimerie. »
2/ « Par ailleurs, si le premier juge a relevé qu'une partie de la clause de résiliation à l'article VI-7 des conditions générales pouvait être considérée comme une clause abusive, il n'en a tiré aucune conséquence de droit en l'espèce, dès lors que les emprunteurs ne se trouvaient confrontés ni au cas de décès ni à celui d'une incapacité, et que, par conséquent, la clause abusive ne trouvait pas à s'appliquer dans le présent litige. Et quand bien même le juge viendrait à annuler une clause abusive des conditions générales d'un contrat, cette annulation est sans incidence sur la validité du contrat par ailleurs, en ce qu'une clause abusive n'entache pas le contrat de nullité s'agissant des autres clauses.
Le premier juge a d'ailleurs fait application de la partie valable clause de résiliation applicable à la cause pour le prononcé de la déchéance du terme, laquelle est intervenue en l'espèce à la suite de la défaillance de l'emprunteur, puisqu'il a indiqué en page 5 : « le remboursement du capital est en l'espèce exigible en totalité, en raison de la défaillance de l'emprunteur dans le paiement, ayant entraîné la déchéance du terme, en application des conditions contractuelles ». Or, il importe peu au cas d'espèce de relever le caractère abusif d'une partie de la clause qui ne concerne pas les débiteurs. Dès lors ce second moyen soulevé par la banque est sans objet.
En conséquence de ce qui précède, il n'y a pas lieu à prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts. Le jugement sera donc infirmé sur ce point. »
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
PREMIÈRE CHAMBRE B
ARRÊT DU 20 FÉVRIER 2019
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 16/06638. N° Portalis DBVK-V-B7A-MZSN. Décision déférée à la Cour : Jugement du 8 JUILLET 2016, TRIBUNAL D'INSTANCE DE PERPIGNAN : RG n° 16-000067.
APPELANTE :
CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MEDITERRANEE
Représentée par Maître Philippe C.-H. de la SCP S. - C.-H. ET ASSOCIES, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
INTIMÉS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], de nationalité Française, assigné par Procès-verbal de recherches du 11/10/2016
Madame X
née [date] à [ville], de nationalité Française, assignée par Procès-verbal de recherches du 11/10/2016
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 24 décembre 2018
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 JANVIER 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Chantal RODIER, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Monsieur Georges TORREGROSA, Président de chambre, Madame Chantal RODIER, Conseiller, M. Christian COMBES, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Lys MAUNIER
ARRÊT : - de défaut - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; - signé par Monsieur Georges TORREGROSA, Président de chambre, et par Madame Marie-Lys MAUNIER, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Selon offre préalable émise le 14 mai 2009 et acceptée le jour même, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée a consenti à Monsieur X., en qualité d'emprunteur, et à Madame X., en qualité de co-emprunteur, une ouverture de crédit renouvelable sur un compte Supplétis spécialement ouvert à cet effet et assorti de moyens d'utilisation du compte. Le contrat précise que ce crédit renouvelable, utilisable par fractions annule et remplace la précédente ouverture de crédit renouvelable et en reprend le solde.
Le capital maximum attribué était de 5.000 euros, remboursable au taux nominal annuel de 13,95 % et au taux effectif global annuel de 14,877 %.
Par actes d'huissier en dates des 6 et 7 janvier 2016, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée a fait délivrer assignation à Monsieur X. et Madame X. épouse B., devant le tribunal d'instance de Perpignan, aux fins d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, leur condamnation solidaire au paiement de la somme de 5.413,34 euro, avec intérêts au taux de 13,95 % l'an à compter du 5 novembre 2015, outre une indemnité de 800 eurox au titre des frais irrépétibles.
Par jugement avant-dire droit du 25 mars 2016, le tribunal d'instance de Perpignan a invité les parties, en application de l'article 16 du code de procédure civile, à présenter leurs observations sur l'application de l'article L. 311-33 ancien du code de la consommation, relevée d'office. Les défendeurs étaient invités à produire leur exemplaire de l'offre de crédit afin de permettre au tribunal de contrôler également la régularité formelle des documents.
À l'audience du 13 mai 2016, les défendeurs n'ont pas comparu.
Par jugement réputé contradictoire en date du 8 juillet 2016, le tribunal d'instance de Perpignan a :
Condamné solidairement les époux X. et X. à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée la somme de 913,18 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2015, en remboursement du solde du crédit permanent du 14 mai 2009 dénommé Supplétis,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné solidairement les défendeurs aux dépens de l'instance,
Ordonné l'exécution provisoire.
APPEL
La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée a relevé appel de ce jugement par déclaration en date du 29 août 2016.
La dénonce de déclaration d'appel et les conclusions de l'appelante ont été signifiées aux intimés par actes du 11 octobre 2016, mais selon procès-verbal de recherches infructueuses, dans les conditions de l'article 659 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 décembre 2018.
* * *
Vu les dernières conclusions de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée en date du 18 octobre 2016, auxquelles il est expressément référé pour complet exposé des motifs et du dispositif ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
La dénonce de déclaration d'appel n'ayant pu être signifiée à la personne des intimés, il sera statué par arrêt de défaut.
En l'état de la non comparution des défendeurs devant le premier juge à l'audience de renvoi du 13 mai 2016, le premier juge a vérifié la conformité de l'offre de prêt aux dispositions impératives des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation, pour observer :
- d'une part, que l'offre de prêt telle que produite par la banque dans son dossier de pièces ne répondait pas aux prescriptions de forme des articles L. 311-13 et R. 311-6 du code de la consommation, en ce qu'elle est imprimée au moyen de caractères d'imprimerie dont la hauteur est manifestement inférieure à celle du corps 8, soit inférieure à 3 millimètres ;
- d'autre part qu'elle contient une clause de résiliation à l'article VI-7 des conditions générales, prévoyant des motifs de résiliation de plein droit qui ne peuvent être assimilables à la défaillance de l'emprunteur ou à la fraude, à savoir les cas du décès et de l'incapacité de l'emprunteur.
La cour observe qu'en pièce n° 1 la banque produit deux exemplaires de l'offre litigieuse de crédit renouvelable :
- l'une, numérotée en rouge, est l'original dont les marges sont d'un centimètre en haut et à gauche et inexistantes aussi bien en bas que sur la droite.
- l'autre, numérotée en noir, est une copie imprimée sur du papier de même format A4, mais dont les marges tant en haut et en bas qu'à gauche et à droite sont très importantes, d'environ 3 centimètres, de sorte qu'il s'agit manifestement d'une copie scannée pour réduire le format et permettre une reproduction complète du contenu, afin d'éviter que la copie ne soit tronquée du fait d'un défaut de marge de l'original.
Dans ces conditions, il y a tout lieu de penser que seule cette copie a été fournie au premier juge, qui a pu légitimement considérer, après avoir consciencieusement mesuré les caractères et les interlignes, que ce document était imprimé dans des caractères inférieurs au corps 8, à peine lisible.
La banque aurait dû s'en rendre compte et fournir d'emblée au premier juge l'offre de prêt en original, laquelle, à l'analyse, respecte parfaitement le corps 8 d'imprimerie exigé par les dispositions des articles L. 311-13 et R. 311-6 du code de la consommation.
La banque ne peut donc s'en prendre qu'à elle-même, si elle se trouve contrainte de faire appel du jugement pour s'être abstenue de fournir l'offre en original, alors même qu'il était flagrant que la copie produite devant le premier juge sur un support dont l'impression est réduite, ne respectait pas la taille exigée des caractères d'imprimerie.
Par ailleurs, si le premier juge a relevé qu'une partie de la clause de résiliation à l'article VI-7 des conditions générales pouvait être considérée comme une clause abusive, il n'en a tiré aucune conséquence de droit en l'espèce, dès lors que les emprunteurs ne se trouvaient confrontés ni au cas de décès ni à celui d'une incapacité, et que, par conséquent, la clause abusive ne trouvait pas à s'appliquer dans le présent litige.
Et quand bien même le juge viendrait à annuler une clause abusive des conditions générales d'un contrat, cette annulation est sans incidence sur la validité du contrat par ailleurs, en ce qu'une clause abusive n'entache pas le contrat de nullité s'agissant des autres clauses.
Le premier juge a d'ailleurs fait application de la partie valable clause de résiliation applicable à la cause pour le prononcé de la déchéance du terme, laquelle est intervenue en l'espèce à la suite de la défaillance de l'emprunteur, puisqu'il a indiqué en page 5 : « le remboursement du capital est en l'espèce exigible en totalité, en raison de la défaillance de l'emprunteur dans le paiement, ayant entraîné la déchéance du terme, en application des conditions contractuelles ».
Or, il importe peu au cas d'espèce de relever le caractère abusif d'une partie de la clause qui ne concerne pas les débiteurs.
Dès lors ce second moyen soulevé par la banque est sans objet.
En conséquence de ce qui précède, il n'y a pas lieu à prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts. Le jugement sera donc infirmé sur ce point.
Statuant à nouveau de ce chef, il sera donc fait droit à la demande de la banque de condamner les débiteurs au paiement de la somme de 5 413,34 euros, avec intérêts au taux de 13,95 % l'an à compter du 5 novembre 2015.
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La banque ne doit la nécessité de son appel qu'à sa propre négligence dans la présentation de ses pièces devant le premier juge, alors même qu'un jugement avant-dire droit invitait les parties à faire part de leurs observations sur la régularité formelle de l'offre de crédit et de ses annexes.
Dans ces conditions, les dépens de l'appel seront mis à la charge de l'appelante, les intimés non comparants n'ayant pas à supporter les conséquences financières de la légèreté de la banque.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Vu les dispositions de l'article 472 ancien du code de procédure civile, des articles L. 311-13 et R. 311-6 du code de la consommation, de l'article 1315 du code civil,
Vu les pièces produites,
LA COUR, statuant par arrêt rendu par défaut et mis à disposition au greffe,
INFIRME le jugement en en ce qu'il a prononcé la déchéance totale du droit aux intérêts, et par conséquent sur le montant de la condamnation prononcée,
Et statuant à nouveau de ces chefs infirmés,
Constate qu'est sans objet le moyen de l'appelante portant sur la question du caractère abusif ou non d'une clause non applicable au cas d'espèce,
Constate la conformité de l'exemplaire de l'offre produit en original devant la cour, relativement aux dispositions des articles L. 311-13 et R. 311-6 du code de la consommation,
Dit n'y avoir lieu au prononcé de la déchéance totale du droit de la banque aux intérêts,
En conséquence,
Condamne solidairement Madame Y. épouse X. et Monsieur X. à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée la somme de 5.413,34 euros, avec intérêts au taux de 13,95 % l'an à compter du
5 novembre 2015,
CONFIRME le jugement pour le surplus,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel,
Laisse les entiers dépens de l'appel à la charge de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
MM/CR
- 6094 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Lisibilité - Taille des caractères
- 6623 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Régime général - Obligations de l’emprunteur - Déchéance et résiliation - Nature des manquements