CA LYON (1re ch. civ. B), 28 mai 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 7987
CA LYON (1re ch. civ. B), 28 mai 2019 : RG n° 18/05503
Publication : Jurica
Extrait (rappel des faits) : « M. Z. a régularisé avec les consorts X.-Y. un contrat préliminaire de vente le 16 octobre 2014. Aux termes dudit contrat de réservation, il était expressément prévu : - L'édification à venir d'une maison d'habitation d'environ 80 m² avec terrain attenant sans servitude particulière autre que celle liée à la canalisation publique d'eau pluviale existante ; le tout sur une parcelle d'environ 169 m². - Un délai d'exécution fixé au plus tard au 30 avril 2015. Maître A., notaire, a établi l'acte de vente. Cet acte devait être régularisé en son étude le lundi 11 mai 2015.
Pour satisfaire aux prescriptions du Code de la Construction et de l'Habitation, il a notifié par par lettre recommandée avec accusé de réception le projet d'acte authentique à M. Z. le 30 avril 2015. La réception de cette correspondance a fait courir un délai de sept jours pour renoncer à la vente.
L'acte comprenait une constitution de servitude de passage sur tout le terrain non bâti. Selon par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 9 mai 2015, M. Z. a notifié à Maître A. son intention de ne pas donner suite visant son droit de rétractation tel que prévu par l'article L. 271-1 du Code de la Construction. Il fait également état de modifications substantielles « puisque le jardin attenant à la maison devient servitude de passage au bénéfice de la seconde maison ». »
Extrait (arguments de M. Z.) : « - La clause invoquée par les consorts X.-Y., les autorisant : « D'apporter toute modification nécessaire à la réalisation de l'ensemble immobilier en mettant en œuvre tous les moyens possibles afin de conserver au maximum les caractéristiques du projet prévisionnel'» est présumée abusive par l'article R. 132-1 du Code de la consommation lorsque le réservant est un promoteur, ne peut s'interpréter comme autorisant les consorts X.-Y. à modifier unilatéralement la nature et les caractéristiques de l'immeuble vendu, alors que celles-ci ont été détaillées précisément au contrat de réservation sur la base d'un permis de construire définitif et acceptées par M. Z. »
Extrait (motifs) : « Attendu que le contrat de réservation mentionne que les réservants pourront apporter toutes modifications nécessaires à la réalisation de l'ensemble immobilier en mettant en œuvre tous les moyens possibles pour conserver au maximum les caractéristiques du projet prévisionnel ;
Attendu que le contrat de réservation litigieux ne prévoit qu'une seule servitude relative au passage de la canalisation publique d'eau pluviale, que le projet d'acte de vente comprend plusieurs servitudes dont une servitude de passage à tous usages sur la totalité non bâtie de la parcelle, et une servitude d'accès aux boites aux lettres, au profit de la parcelle AO 356 ;
Attendu qu'il est justifié par les appelants que la mise en place de la servitude de passage était imposée par le PLU comme indiqué par le maire dans son courrier du 13 février 2015, qui leur rappelle que la demande de permis de construire qu'ils avaient déposé comprenait 3 places de stationnement ; que les consorts X.-Y. ne peuvent dès lors soutenir que cette exigence n'était pas connue lors de la signature du contrat de réservation, alors que le permis de construire était à cette date définitif ;
Attendu que plusieurs plans de masse signés par les parties ont été annexés au contrat de réservation, que sur l'un d'eux, des voitures sont dessinées à l'emplacement du jardin devant la maison et sur l'autre elles sont barrées ; que quoique la présence de ces deux plans contradictoires soit surprenante, la représentation de ces véhicules n'équivaut pas nécessairement dans l'esprit d'un profane à l'existence d'une servitude de passage au profit de la parcelle voisine sur tout le terrain, les véhicules dessinés pouvant tout aussi bien être ceux du futur acquéreur ;
Attendu qu'il n'est donc pas rapporté la preuve que M. Z. a été régulièrement informé lors de la signature dudit contrat de réservation que son fonds serait soumis à une servitude de passage au profit du fonds voisin ;
Attendu qu'il ne peut être considéré que ces servitudes sont des « modifications nécessaires à la réalisation de l'ensemble immobilier » alors que les exigences du PLU étaient connues par les consorts X.-Y. antérieurement à la signature ;
Attendu que les consorts X.-Y. exposent avoir proposé à l'intimé de signer un contrat aux termes duquel ils renonçaient à la servitude, qu'un tel contrat, en contradiction avec l'acte de vente, n'aurait eu qu'un effet relatif entre les parties dénommées et ne garantissait pas à l'intimé le non usage définitif de la servitude pour l'avenir en cas de vente de la parcelle AO 356 ;
Attendu que la clause pénale ne peut recevoir application, aux termes du contrat, que si l'une des parties ne veut ou peut réitérer l'acte bien que les conditions suspensives soient réalisées, que n'étant pas dans cette hypothèse, la décision déférée est infirmée en ce qu'elle a condamné les consorts X.-Y. au paiement de la clause pénale prévue au contrat de réservation ;
Attendu qu'il y a lieu au vu des éléments ci-dessus de considérer que les consorts X.-Y. ont commis une faute en n'informant pas M. Z. que son terrain non bâti serait grevé d'une servitude de passage à tous usages au profit de la parcelle AO 356 et qu'ils doivent l'indemniser de son préjudice ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION B
ARRÊT DU 28 MAI 2019