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CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 3 avril 2019

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 3 avril 2019
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 6
Demande : 17/04436
Date : 3/04/2019
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 28/02/2017
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8122

CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 3 avril 2019 : RG n° 17/04436 

Publication : Jurica

 

Extrait : « A titre liminaire, il convient de préciser qu'il n'y a pas lieu de répondre, en application de l'article 954 du code de procédure civile, à la demande de révocation de l'ordonnance de clôture et de renvoi à la mise en état formée par M. X. et Mme Y. épouse X. dans leurs écritures notifiées le 8 février 2019, laquelle n'est pas reprise dans le dispositif de leurs conclusions et que les parties ont justement été invitées, par bulletin du 28 novembre 2018, à s'expliquer sur le moyen tiré du caractère éventuellement abusif de la clause litigieuse du contrat, que la cour était tenue de soulever d'office, de sorte que le principe de la contradiction est respecté.

Sur l'application de l'article 11 et son caractère abusif

Contrairement à ce que soutiennent les appelants et comme relevé par les premiers juges, la Société générale produit aux débats un exemplaire des conditions générales de son prêt immobilier à taux fixe lesquelles supportent deux paraphes à chaque page et deux signatures sous la mention « emprunteur » sur la dernière page, lesquels sont identiques aux paraphes et signatures attribuées à M. X. et Mme Y. épouse X. sur les deux offres de prêt, les emprunteurs ayant en outre attesté lors de leur acceptation de ces offres, le 3 janvier 2012, avoir reçu deux exemplaires de celles-ci incluant les conditions particulières et les conditions générales formant une convention unique et indivisible.

Ces conditions générales paraphées et signées par les époux X., contiennent bien un article 11 intitulé « Exigibilité anticipée - Défaillance de l'emprunteur » qui stipule dans son paragraphe A :

- à l'alinéa 9, que la Société générale pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts, primes et surprimes d'assurance, échus et non payés « - en cas d'inexactitude substantielle des renseignements fournis par l'Emprunteur sur sa situation, dès lors que ces renseignements étaient nécessaires à la prise de décision du prêteur ; »,

- au dernier alinéa, que la Société générale notifiera à l'emprunteur par lettre recommandée avec avis de réception qu'elle se prévaut de la présente clause et prononce l'exigibilité anticipée du prêt et que « Société générale n'aurait pas à faire prononcer en justice la déchéance du terme qui lui demeurerait acquise nonobstant tous paiements ou régularisations postérieurs à l'exigibilité prononcée. »

Dès lors, l'article 11 des conditions générales fait bien partie du champ contractuel et à vocation à s'appliquer aux bulletins de paie argués de faux par la banque, le terme de « renseignements fournis par l'emprunteur sur sa situation » pouvant recouvrir tant les déclarations faites par celui-ci à l'établissement prêteur que les pièces justificatives transmises.

Par ailleurs, en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa version en vigueur jusqu'au 1er juillet 2016 applicable au litige, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

En l'espèce, la clause litigieuse qui autorise l'établissement prêteur à exiger immédiatement la totalité des sommes dues en cas d'inexactitude substantielle des renseignements fournis par l'emprunteur sur sa situation, n'est pas de nature à laisser croire à l'emprunteur que la banque dispose d'un pouvoir discrétionnaire de mettre fin au contrat de manière anticipée comme le soutiennent les appelants et ce, sans possibilité de recours au juge.

En effet, la banque ne peut s'en prévaloir qu'à la double condition que l'inexactitude soit substantielle et qu'elle porte sur un renseignement nécessaire à la banque pour décider de l'octroi du prêt de sorte que la clause litigieuse ne peut, comme l'estiment les M. X. et Mme Y. épouse X., permettre au prêteur de prendre le prétexte d'une erreur minime ou non déterminante de son consentement pour mettre fin au contrat de manière unilatérale.

En outre, si le dernier alinéa de article 11 A précise que la banque n'a pas à recourir au juge pour voir prononcer l'exigibilité anticipé du prêt, dans ce cas comme d'ailleurs dans tous les cas constituant une défaillance de l'emprunteur au sens du contrat tel que le défaut de paiement d'une échéance, et que la poursuite des paiements ou la régularisation de la situation n'emporte pas rétablissement du prêt, ladite clause ne saurait pour autant être lue comme faisant obstacle à la saisine d'un juge par les emprunteurs aux fins de contester le bien-fondé du prononcé par la banque de la déchéance du terme.

Dans ces conditions, la clause 11 A des conditions générales des deux contrats de prêts conclus le 3 janvier 2012 par M. X. et Mme Y. épouse X. auprès de la Société générale, laquelle vise à prévenir un défaut d'exécution de leurs engagements par les emprunteurs ayant manqué à l'obligation de loyauté lors de la formation du contrat, n'a pas pour objet ni pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment des emprunteurs, de sorte que son caractère abusif n'est pas établi.

La demande de ce chef des époux M. X. et Mme Y. épouse X. est donc rejetée. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 6

ARRÊT DU 3 AVRIL 2019