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CA LIMOGES (ch. civ.), 21 décembre 2016

Nature : Décision
Titre : CA LIMOGES (ch. civ.), 21 décembre 2016
Pays : France
Juridiction : Limoges (CA), ch. civ.
Demande : 15/01308
Date : 21/12/2016
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 13/10/2015
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CERCLAB - DOCUMENT N°

CA LIMOGES (ch. civ.), 21 décembre 2016 : RG n° 15/01308

Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2016-028133

 

Extrait : « Attendu que l'expert judiciaire a chiffré le montant du préjudice matériel à la somme de 62.666 euros ; que doit cependant en être déduite, comme l'a justement fait le premier juge, la somme de 6.771 euros - non prise en considération dans l'annexe 1 du rapport d'expertise judiciaire - qui correspond au montant cumulé des dépassements de la somme de 1.000 euros pour chaque objet concerné ; Qu'en effet, sans que la société fût spécialement tenue de davantage informer ou conseiller ses cocontractants ou d'attirer l'attention de ces consommateurs, les conditions particulières du contrat de garde-meubles stipulaient, de façon suffisamment claire et compréhensible, par une mention figurant de manière très apparente sous le paragraphe « DECLARATION DE VALEUR DU MOBILIER », qui avait été manuscritement complétée, une « valeur maximale par objet ou élément de mobilier non valorisé sur une liste » de 1.000 euros, ainsi qu'une « valeur totale du mobilier » de 100 000 euros ; qu'il n'est, en outre, pas discuté que les époux X. n'ont pas jugé opportun de joindre une liste valorisée des objets dont la valeur individuelle était supérieure à cette valeur ; Qu'au regard de ces conditions contractuelles, habituelles et valables, que les époux X. ont acceptées, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a exactement fixé le montant de l'indemnisation de leur préjudice matériel à la somme de 55.895 euros ;

Attendu, par ailleurs, que l'article 17, précité, relatif à l'indemnisation pour pertes et avaries, énonce que l'indemnisation intervient 'dans la limite du préjudice matériel prouvé ;

Que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, cette disposition, qui a été présentée et rédigée de façon claire et compréhensible par un consommateur, est dénuée d'ambiguïté et n'a donc pas lieu d'être interprétée ; Que cette clause, non abusive, qui limite très explicitement l'indemnisation des pertes et avaries au seul préjudice matériel, doit donc recevoir application, sans qu'il puisse être pertinemment fait grief à la société de ne pas avoir, au titre de son obligation de conseil, spécialement attiré l'attention des époux X. sur l'opportunité de compléter cette garantie par la souscription d'une assurance complémentaire ;

Qu'en l'absence de démonstration et même d'allégation d'une faute lourde de la société, les époux X. ne peuvent donc, par réformation sur ce point du jugement entrepris, qu'être déboutés de leurs demandes en paiement de dommages-intérêts au titre du préjudice affectif et moral, ainsi que du préjudice physiologique invoqué ».

 

COUR D’APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 21 DÉCEMBRE 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/01308. Demande en réparation des dommages causés par un intermédiaire.

Le vingt et un décembre deux mille seize la Chambre civile de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par la mise à disposition au greffe :

 

ENTRE :

APPELANTE :

SARL DÉMÉNAGEMENTS PIERRE C.

Activité : Déménageur, dont le siège social est [adresse], représentée par Maître Virgile R., avocat au barreau de BRIVE, Maître Pierre-Henry F., avocat au Barreau de MARSEILLE, substitué par Maître D. de B., de la SCP F. et Associés, avocat au barreau de MARSEILLE

APPELANTE d'un jugement rendu le 4 SEPTEMBRE 2015 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BRIVE LA GAILLARDE

 

ET :

INTIMÉS :

Monsieur X.

de nationalité française, né le [date] à [ville], profession : Retraité, demeurant [adresse], représenté par Maître Patrick P., avocat au barreau de BRIVE

Madame Y. épouse X.

de nationalité française, née le [date] à [ville], demeurant [adresse], représentée par Maître Patrick P., avocat au barreau de BRIVE

 

Selon calendrier de procédure du Conseiller de la Mise en Etat, l'affaire a été fixée à l'audience du 9 novembre 2016 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 21 décembre 2016. L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 septembre 2016.

Conformément aux dispositions de l'article 786 du Code de Procédure Civile, Monsieur Serge TRASSOUDAINE, Conseiller, magistrat rapporteur, assisté de Madame Marie-Laure LOUPY, Greffier, a tenu seul l'audience au cours de laquelle il a été entendu en son rapport, les avocats ont été entendus en leur plaidoirie et ne se sont pas opposés à l'adoption de cette procédure.

Après quoi, Monsieur Serge TRASSOUDAINE, Conseiller, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 21 décembre 2016 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

Au cours de ce délibéré, Monsieur Serge TRASSOUDAINE, a rendu compte à la Cour, composée de Monsieur Patrick VERNUDACHI, Président de Chambre, de Monsieur Didier BALUZE, et de lui-même, Conseillers. A l'issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR

Exposé :

Selon un contrat de garde-meubles du 3 novembre 2010, M. X. et son épouse, née Y. [N.B. le mariage ne fait pas perdre le nom de naissance...] ont confié leurs meubles à la société à responsabilité limitée DÉMÉNAGEMENTS PIERRE C. (la société), en attendant de pouvoir emménager dans leur maison en cours de construction à [ville B.].

Le 9 août 2012, à la reprise de possession de leurs meubles livrés à leur domicile par la société, ils ont observé et fait constater par un huissier de justice la dégradation affectant l'ensemble de leurs meubles et effets personnels, causée par des infiltrations d'eau dans les conteneurs de la société et par l'apparition subséquente de moisissures.

Par une ordonnance de référé du 11 avril 2013, le président du tribunal de grande instance de Brive a condamné la société à verser une somme de 25.000 euros aux époux X. à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de leurs préjudices et a désigné M. B. en qualité d'expert judiciaire, lequel a déposé son rapport d'expertise le 5 octobre 2013.

Le 12 décembre 2013, les époux X. ont assigné la société en responsabilité et indemnisation de leurs préjudices.

Par une ordonnance du 2 avril 2014, le juge de la mise en état a condamné la société à payer aux époux X. la somme complémentaire de 37.666 euros, avec intérêts, à valoir sur la totalité des préjudices.

Par un jugement du 4 septembre 2015, le tribunal de grande instance de Brive a déclaré la société responsable des dommages subis par les époux X. à l'occasion de l'exécution du contrat de garde-meubles et l'a condamnée à leur payer, avec capitalisation annuelle des intérêts, les sommes de 55.895 euros au titre de leur préjudice matériel, de 16.000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance, et de 5.000 euros en réparation de leur préjudice moral, d'affection et physiologique, les époux X. étant par ailleurs déboutés de leur demande de dommages-intérêts pour résistance abusive.

Vu l'appel principal interjeté le 13 octobre 2015, contre cette décision, par la société ;

Vu les dernières conclusions d'appel (n° 2) de la société, reçues au greffe le 7 avril 2016, tendant, par l'infirmation du jugement déféré, à voir juger, par application du contrat de garde-meubles, qu'il n'y a pas lieu à indemnisation des préjudices immatériels (moral et de jouissance) et à voir limiter l'indemnisation du préjudice matériel à la somme de 55.895 euros, au regard de laquelle, compte tenu des provisions versées, les époux X. seraient redevables de la somme de 6 771 euros ;

Vu les dernières conclusions d'appel (n° 2) des époux X., reçues au greffe le 22 juillet 2015, demandant, par leur appel incident, la condamnation de la société à leur payer, avec intérêts au taux légal et anatocisme, la somme de 62.666 euros évaluée par l'expert judiciaire en indemnisation de leur préjudice matériel, ainsi que les sommes de 25.000 euros au titre du préjudice de jouissance, de 8.000 euros au titre du préjudice affectif et moral et de 2.000 euros au titre du préjudice physiologique ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Motifs :

Attendu que la société ne conteste pas sa responsabilité contractuelle, mais seulement l'étendue de l'indemnisation ;

Attendu que l'article 17 des conditions générales du contrat de garde-meubles signé par les époux X., qui est relatif à l’« indemnisation pour pertes et avaries’, stipule :

« Suivant la nature des dommages, les pertes et avaries donnent lieu à réparation, remplacement ou indemnité compensatrice.

L'indemnisation intervient dans la limite du préjudice matériel prouvé et des conditions particulières négociées entre l'entreprise et le client quant à la valeur du mobilier.

Ces conditions particulières fixent sous peine de nullité de plein droit du contrat :

- le montant de l'indemnisation maximum pour la totalité du mobilier

- le montant de l'indemnisation maximum par objet non valorisé sur une liste.

Elles peuvent également fixer l'indemnisation maximum des objets figurant sur une liste valorisée ».

Attendu que l'expert judiciaire a chiffré le montant du préjudice matériel à la somme de 62.666 euros ; que doit cependant en être déduite, comme l'a justement fait le premier juge, la somme de 6.771 euros - non prise en considération dans l'annexe 1 du rapport d'expertise judiciaire - qui correspond au montant cumulé des dépassements de la somme de 1.000 euros pour chaque objet concerné ;

Qu'en effet, sans que la société fût spécialement tenue de davantage informer ou conseiller ses cocontractants ou d'attirer l'attention de ces consommateurs, les conditions particulières du contrat de garde-meubles stipulaient, de façon suffisamment claire et compréhensible, par une mention figurant de manière très apparente sous le paragraphe « DECLARATION DE VALEUR DU MOBILIER », qui avait été manuscritement complétée, une « valeur maximale par objet ou élément de mobilier non valorisé sur une liste » de 1.000 euros, ainsi qu'une « valeur totale du mobilier » de 100 000 euros ; qu'il n'est, en outre, pas discuté que les époux X. n'ont pas jugé opportun de joindre une liste valorisée des objets dont la valeur individuelle était supérieure à cette valeur ;

Qu'au regard de ces conditions contractuelles, habituelles et valables, que les époux X. ont acceptées, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a exactement fixé le montant de l'indemnisation de leur préjudice matériel à la somme de 55.895 euros ;

Attendu, par ailleurs, que l'article 17, précité, relatif à l'indemnisation pour pertes et avaries, énonce que l'indemnisation intervient 'dans la limite du préjudice matériel prouvé ;

Que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, cette disposition, qui a été présentée et rédigée de façon claire et compréhensible par un consommateur, est dénuée d'ambiguïté et n'a donc pas lieu d'être interprétée ;

Que cette clause, non abusive, qui limite très explicitement l'indemnisation des pertes et avaries au seul préjudice matériel, doit donc recevoir application, sans qu'il puisse être pertinemment fait grief à la société de ne pas avoir, au titre de son obligation de conseil, spécialement attiré l'attention des époux X. sur l'opportunité de compléter cette garantie par la souscription d'une assurance complémentaire ;

Qu'en l'absence de démonstration et même d'allégation d'une faute lourde de la société, les époux X. ne peuvent donc, par réformation sur ce point du jugement entrepris, qu'être déboutés de leurs demandes en paiement de dommages-intérêts au titre du préjudice affectif et moral, ainsi que du préjudice physiologique invoqué ;

Attendu que les époux X. apparaissent, en revanche, bien fondés à solliciter l'indemnisation de leur préjudice de jouissance, dès lors que - quelle que puisse être l'argumentation développée, de manière inopérante, au regard d'assureurs qui n'ont pas été attraits en la cause -, il s'avère que la société, qui n'a jamais dénié sa responsabilité de dépositaire, n'a cependant pas loyalement exécuté son obligation contractuelle d'indemniser, sans délai, ses cocontractants dans les limites auxquelles elle était tenue - ni même seulement offert de le faire -et ce, jusqu'à ce qu'elle y ait été judiciairement contrainte par les ordonnances du juge des référé du 11 avril 2013, puis du conseiller de la mise en état du 2 avril 2014 (cf. pièce des intimés n° 51) ;

Que cette attitude désinvolte, dont les époux X. se prévalent à bon escient dans leurs conclusions d'appel (v. p. 8), leur a occasionné, alors qu'ils étaient âgés de 61 et 62 ans au moment de la livraison des meubles dans la maison qu'ils venaient de faire édifier et dans laquelle ils escomptaient paisiblement s'installer, un grave préjudice de jouissance du fait de l'impossibilité, au-delà même des multiples opérations d'expertises, d'occuper de manière normale, sur une très longue période, leur domicile durablement encombré de meubles et de cartons d'effets personnels couverts de moisissures nauséabondes, et de jouir de l'ensemble des meubles qui ont dû faire l'objet de restaurations et remises en état très conséquentes ;

Qu'en conséquence, au regard des éléments contradictoirement produits en cause d'appel (v. notamment, rapport d'expertise, spéc. p. 8, et estimation par la société FD Immobilier de la valeur locative de la maison à 1.800 euros par mois, pièce n° 53 des intimés), il convient, par réformation sur ce point du jugement déféré, d'allouer la somme de 25.000 euros aux époux X. en indemnisation de ce chef de préjudice ;

Attendu qu'en définitive, déduction faite des indemnités provisionnelles de 25.000 et 37.666 euros qui ont été versées (cf. conclusions des intimés, p. 3 ; adde leur pièce n° 51), la société sera condamnée à payer aux époux X. la somme de : 55.895 + 25.000 – 25.000 – 37.666 = 18.229 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt et capitalisation annuelle conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Confirme partiellement le jugement rendu le 4 septembre 2015 par le tribunal de grande instance de Brive, mais seulement en ses dispositions relatives à la responsabilité de la société à responsabilité limitée DÉMÉNAGEMENTS PIERRE C. et à la fixation du préjudice matériel de M. X. et de son épouse, née Lydie B., à la somme de 55.895 euros ;

Le réformant pour le surplus et statuant à nouveau,

Fixe à la somme de 25.000 euros le montant des dommages-intérêts dus par la société à responsabilité limitée DÉMÉNAGEMENTS PIERRE C. à M. X. et à son épouse, née Y.., au titre de leur préjudice de jouissance ;

Condamne, en conséquence, la société à responsabilité limitée Déménagements Pierre C. à payer, en complément des indemnités provisionnelles déjà versées, la somme de 18.229 euros à M. X. et à son épouse, née Lydie B., outre intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt et capitalisation annuelle ;

Déboute M. X. et son épouse, née Y., de leurs demandes d'indemnisation de leur préjudice affectif et moral et de leur préjudice physiologique ;

Condamne la société à responsabilité limitée DÉMÉNAGEMENTS PIERRE C. aux dépens des instances de référé, de première instance et d'appel, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de ce chef de la société à responsabilité limitée DÉMÉNAGEMENTS PIERRE C. et la condamne à payer la somme globale de 5 000 euros à M. X. et à son épouse, née Lydie B., au titre de l'ensemble des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.

LE GREFFIER,                   LE PRÉSIDENT,

Marie-Laure LOUPY.         Patrick VERNUDACHI.