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CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-3), 17 octobre 2019

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-3), 17 octobre 2019
Pays : France
Juridiction : Aix-en-Provence (CA), ch. 3 - 3
Demande : 18/11935
Décision : 2019/420
Date : 17/10/2019
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Numéro de la décision : 420
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8173

CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-3), 17 octobre 2019 : RG n° 18/11935 ; arrêt n° 2019/420

Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2019-018459

 

Extrait : « Ces dispositions sont étendues, par l'article L. 221-3 du code de la consommation, aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels, dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. Mme X. justifie par la production du journal comptable des salaires qu'elle n'employait que deux salariés lors de la souscription du contrat.

Elle soutient que, faute d'avoir reçu des informations sur le droit de rétractation, elle était fondée à exercer ce droit en se prévalant de la prolongation de son délai.Le débat porte, pour l'essentiel, sur le lien entre l'objet du contrat et l'activité principale de Mme X., le bénéfice du droit de rétractation étant limité aux contrats qui n'entrent pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité. Mme X. prétend que ce critère doit s'apprécier au regard de la compétence dont dispose le professionnel, du fait de son activité principale, sur le produit ou la prestation fournie. Elle souligne qu'il existe un déséquilibre entre un avocat et un professionnel de l'informatique dans le rapport contractuel portant sur la fourniture d'un équipement informatique.

Mais, ainsi que le font valoir la société Ecostaff et la BNP Paribas Lease Group, la loi a fixé un critère objectif tenant au champ de l'activité principale. L'activité principale d'un avocat comporte, à titre habituel, la rédaction de courriers et de conclusions. Dès lors, l'objet du contrat litigieux, portant sur des systèmes informatiques de dictée vocale adaptés aux professions juridiques et sur des prestations de service associées, entre dans le champ de l'activité principale de Mme X., laquelle ne peut ainsi se prévaloir d'un droit de rétractation. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 3 - 3

ARRÊT DU 17 OCTOBRE 2019

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/11935. Arrêt n° 2019/420. N° Portalis DBVB V B7C BCZG4. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de CANNES en date du 28 Juin 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2018F00101.

 

APPELANTE :

Madame X.

née le [date] à [ville], demeurant [adresse], représentée par Maître Charles TOLLINCHI de la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE et assistée de Maître Mathilde JENVRAIN, avocat au barreau de GRASSE

 

INTIMÉES :

SAS ECOSTAFF

dont le siège social est [adresse], représentée par Maître Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE et assistée de Maître Yvan MONELLI, avocat au barreau de MONTPELLIER

SA BNP PARIBAS LEASE GROUP

dont le siège social est [adresse], représentée par Maître D C E de la SELARL MIMRAN VALENSI SION, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 785,786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 4 septembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne DUBOIS, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Valérie GERARD, Président de chambre, Madame Françoise PETEL, Conseiller, Madame Anne DUBOIS, Conseiller.

Greffier lors des débats : Madame Lydie BERENGUIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2019.

ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2019, Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Lydie BERENGUIER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR,

En septembre 2017, lors d'une manifestation professionnelle, Mme X, qui exerce la profession d'avocat à [ville M.], est entrée en relation avec la société Ecostaff, spécialisée dans les systèmes de dictée numérique et de secrétariat pour les professions juridiques.

Le 15 novembre 2017, Mme X. a souscrit, dans ses locaux professionnels, auprès de la société Ecostaff une « proposition commerciale » portant sur un équipement de dictée vocale, un équipement de « secrétaire vocal » et des prestations d'assistance et de maintenance. Le financement a été assuré par un contrat de location financière souscrit auprès de la société BNP Paribas Lease Group.

Invoquant d'importantes difficultés de fonctionnement, Mme X. s'est prévalue, par lettres adressées le 2 février 2018 à la société Ecostaff et à la BNP Paribas Lease Group, de l'exercice du droit de rétractation reconnu aux consommateurs, dans le cas de contrats conclus à distance ou hors établissement, par des dispositions du code de la consommation étendues, pour les contrats conclus hors établissement, à certains professionnels.

Sa demande ayant été rejetée, Mme X. a fait assigner, le 4 avril 2018, la société Ecostaff et la BNP Paribas Lease Group aux fins de constater la résiliation des conventions souscrites, en conséquence de l'exercice du droit de rétractation.

Par jugement contradictoire du 28 juin 2018, le tribunal de commerce de Cannes a :

- constaté que Mme X. ne justifie pas employer au maximum 5 salariés ;

- débouté Mme X. de sa demande tendant à l'exercice du droit à rétractation de la proposition commerciale faite par la société Ecostaff et à la caducité du contrat de crédit-bail ;

- débouté Mme X. de ses autres demandes ;

- débouté la société Ecostaff de sa demande en paiement de dommages intérêts pour procédure abusive ;

- condamné Mme X. aux dépens et, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à payer à la société Ecostaff et à la BNP Paribas Lease Group la somme de 1.000 € chacune.

Mme X. est appelante de ce jugement.

* * *

Vu les conclusions remises le 22 août 2019, auxquelles la cour se réfère en application de l'article 455 du code de procédure civile, et aux termes desquelles Mme X. demande à la cour de :

- infirmer le jugement attaqué ;

- juger qu'elle est bien fondée à faire valoir son droit de rétractation ;

- prononcer la résiliation du contrat d'abonnement et de prestations conclu avec la société Ecostaff ;

- juger que l'exercice du droit de rétractation du contrat principal a mis fin automatiquement au contrat accessoire de financement conclu avec la BNP Paribas Lease Group ;

- constater qu'elle a fait offre de restitution rejetée par le fournisseur ;

- juger qu'elle remettra le matériel à première demande ;

- condamner la BNP Paribas Lease Group à rembourser les loyers perçus ;

- juger qu'aucun loyer n'est plus dû ;

- condamner la société Ecostaff aux dépens et au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

* * *

Vu les conclusions remises le 28 août 2019, auxquelles la cour se réfère en application de l'article 455 du code de procédure civile, et aux termes desquelles la société Ecostaff demande à la cour de :

- confirmer, au besoin par substitution de motifs, le jugement attaqué ;

- condamner Mme X. au paiement de la somme de 5.000 €, à titre de dommages intérêts pour procédure abusive ;

- la condamner aux dépens et au paiement de la somme 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

* * *

Vu les conclusions remises le 11 juillet 2019, auxquelles la cour se réfère en application de l'article 455 du code de procédure civile, et aux termes desquelles la société BNP Paribas Lease Group demande à la cour de :

- rejeter l'intégralité des prétentions de la société VGB et confirmer le jugement attaqué ;

Subsidiairement, en cas de prononcé de l'anéantissement du contrat de location,

- condamner la société Ecostaff à restituer le prix de vente, soit la somme de 6.572,77 € ;

- condamner conjointement et solidairement Mme X. et la société Ecostaff à réparer le préjudice de la société BNP Paribas Lease Group, d'un montant de 3.891,23 € ;

Plus subsidiairement,

- condamner la société Ecostaff à la relever et garantir de toute condamnation qui sera prononcée à son encontre ;

- condamner tous succombants aux dépens et au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

* * *

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 4 septembre 2019.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Mme X. demande à la cour de juger qu'elle était fondée à exercer un droit de rétractation lui permettant d'anéantir la convention principale portant fourniture de systèmes informatiques et de prestations de service et, par voie de conséquence, la convention accessoire de financement.

Le droit de rétractation est un droit de repentir de 14 jours conférant à un consommateur la faculté discrétionnaire d'anéantir une convention conclue avec un professionnel, à distance ou hors l'établissement de ce professionnel.

Il est régi par les articles L. 221-18 à L. 221-28 du code de la consommation qui fixent, notamment, la computation du délai, lequel est prolongé de 12 mois lorsque les informations relatives au droit de rétractation n'ont pas été fournies au consommateur.

Ces dispositions sont étendues, par l'article L. 221-3 du code de la consommation, aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels, dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

Mme X. justifie par la production du journal comptable des salaires qu'elle n'employait que deux salariés lors de la souscription du contrat.

Elle soutient que, faute d'avoir reçu des informations sur le droit de rétractation, elle était fondée à exercer ce droit en se prévalant de la prolongation de son délai.

Le débat porte, pour l'essentiel, sur le lien entre l'objet du contrat et l'activité principale de Mme X., le bénéfice du droit de rétractation étant limité aux contrats qui n'entrent pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité.

Mme X. prétend que ce critère doit s'apprécier au regard de la compétence dont dispose le professionnel, du fait de son activité principale, sur le produit ou la prestation fournie. Elle souligne qu'il existe un déséquilibre entre un avocat et un professionnel de l'informatique dans le rapport contractuel portant sur la fourniture d'un équipement informatique.

Mais, ainsi que le font valoir la société Ecostaff et la BNP Paribas Lease Group, la loi a fixé un critère objectif tenant au champ de l'activité principale.

L'activité principale d'un avocat comporte, à titre habituel, la rédaction de courriers et de conclusions. Dès lors, l'objet du contrat litigieux, portant sur des systèmes informatiques de dictée vocale adaptés aux professions juridiques et sur des prestations de service associées, entre dans le champ de l'activité principale de Mme X., laquelle ne peut ainsi se prévaloir d'un droit de rétractation.

Il s'ensuit, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, que le jugement attaqué doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande tendant à l'anéantissement des conventions conclues avec les sociétés Ecostaff et BNP Paribas Lease Group.

Mme X., qui se prévaut de décisions de justice favorables à sa thèse, n'a pas fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice. Par suite, le jugement attaqué est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de dommages intérêts formée par la société Ecostaff.

Succombant sur son recours, Mme X est condamnée aux dépens. L'équité commande de la condamner, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à payer aux sociétés Ecostaff et BNP Paribas Lease Group la somme de 1.000 € chacune, en plus de l'indemnité allouée en première instance.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement attaqué, sauf en ce qu'il a constaté que Mme X. ne justifie pas employer au maximum 5 salariés,

Condamne Mme X. aux dépens d'appel, distraits au profit de la société d'avocats Cohen Guedj - Montero - A Y et de M. D C - Valensi,

Condamne Mme X. à payer à la société Ecostaff et à la société BNP Paribas Lease Group la somme 1.000 € chacune, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                    LE PRÉSIDENT