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CA BESANÇON (1re ch. civ. com.), 15 octobre 2019

Nature : Décision
Titre : CA BESANÇON (1re ch. civ. com.), 15 octobre 2019
Pays : France
Juridiction : Besancon (CA) 1re ch. civ. et com.
Demande : 18/01038
Date : 15/10/2019
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 7/06/2018
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8186

CA BESANÇON (1re ch. civ. com.), 15 octobre 2019 : RG n° 18/01038

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Mais attendu que l'action qui tend à faire constater le caractère abusif d'une clause contractuelle en application des dispositions de l'article L.132-1 devenu L.212-1 du code de la consommation et à la voir en conséquence déclarer réputée non écrite, donc rétroactivement inexistante, ne s'analyse pas en une demande en nullité de ladite clause, de sorte que n'étant pas soumise à la prescription quinquennale, elle est imprescriptible ; Que le jugement déféré doit donc être infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable ce moyen ».

2/ « Attendu qu'il apparaît tout d'abord que la simple lecture du contrat ne permet nullement à l'emprunteur profane d'avoir une conscience éclairée du risque inhérent à ce mécanisme de remboursement du prêt en devises, et plus particulièrement des incidences potentielles d'une variation des taux de change euros/franc suisse sur la durée du crédit mais également sur le coût total du crédit ; qu'ensuite les risques de variations de parités monétaires sur un crédit d'une durée initiale de 240 mois sont contractuellement mis à la charge de l'emprunteur profane, qui n'en en a manifestement pas intégré l'ampleur et les éventuelles incidences financières à son détriment ; qu'à cet égard, la banque ne verse aux débats aucune pièce qui justifierait qu'une information suffisante aurait été dispensée à l'intimé à ce titre ;

Mais attendu que sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161 et 1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d'une clause doit s'apprécier en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat ;

Qu'aux termes de la clause de conversion insérée au contrat, incluse dans la clause litigieuse intitulée « conditions spécifiques et clause de conversion », il est stipulé que l'emprunteur aura la possibilité, sans opérer de novation, de convertir en euros le capital restant dû moyennant un préavis d'un mois adressé par lettre recommandée à la banque, la conversion se faisant au cours en vigueur sur le marché des changes, l'emprunteur supportant le risque de parité ainsi que les frais de commissions cambistes inhérents à l'opération ; que dans une telle hypothèse la clause stipule que le taux appliqué au prêt ainsi converti en euros sera fixe et déterminé, soit en taux fixe par le dernier TME connu au jour de la conversion majoré de 1.50 points l'an, avec perception de frais d'avenant de 0,20 % du capital restant dû avec un minimum de 76 euros et un maximum de 228 euros, et que sauf avis contraire de l'emprunteur le prêt s'amortira par mensualités constantes, selon un nouveau tableau d'amortissement à établir ;

Que les modalités de conversion en euros sont ici particulièrement peu contraignantes puisqu'elle permettent à l'emprunteur, sous la seule réserve d'une lettre recommandée et d'un préavis d'un mois, et de conditions financières habituelles en cas de modification contractuelle de bénéficier d'une conversion en euros mettant un terme quasi immédiat aux risques inhérents aux modalités de remboursement initialement prévues au contrat et dont M. X. déplore en la cause les effets quant à un déséquilibre significatif des droits et obligations respectives des parties sans pour autant s'expliquer sur l'absence de demande de conversion de sa part aussitôt qu'il en a ressenti les effets défavorables sur le coût de son prêt ;

Que dans ces conditions, la clause litigieuse, qui doit s'appréhender au regard de l'économie et des stipulations du contrat dans son ensemble, n'apparaît pas abusive et M. X. sera débouté de sa demande tendant à la voir réputée non écrite, étant observé que l'intéressé n'a tiré aucune conséquence financière de cette prétention dans le dispositif de ses derniers écrits ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE BESANÇON

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 15 OCTOBRE 2019

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/01038. N° Portalis DBVG V B7C D64P. Contradictoire. Sur appel d'une décision du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BELFORT en date du 15 mai 2018 : R.G. n° 17/00234]. Code affaire : 53D Autres demandes relatives au prêt.

 

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT :

Monsieur X.

demeurant [adresse], Représenté par Maître Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON et par Maître Anne Sophie RAMOND, avocat au barreau de PARIS

 

ET :

INTIMÉE :

BANQUE POPULAIRE DE BOURGOGNE FRANCHE-COMTÉ

dont le siège est sis [adresse], Représentée par Maître Y. de la SCP BOUVERESSE - VERNEREY, avocat au barreau de MONTBELIARD

 

COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur Edouard MAZARIN, Président de chambre.

ASSESSEURS : Mesdames B. UGUEN LAITHIER (magistrat rapporteur) et A. CHIARADIA, Conseillers.

GREFFIER : Madame V. LABREUCHE, Greffier.

lors du délibéré :

PRÉSIDENT : Monsieur Edouard MAZARIN, Président de chambre

ASSESSEURS : Mesdames B. UGUEN LAITHIER, et A. CHIARADIA, Conseillers.

L'affaire, plaidée à l'audience du 10 septembre 2019 a été mise en délibéré au 15 octobre 2019. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits et prétentions des parties :

Suivant offre acceptée le 7 avril 2006, la SA Banque populaire de Bourgogne Franche Comté (la banque) a consenti à M. X. un prêt immobilier destiné à financer l'achat et les travaux d'un bien destiné à la location d'un montant de 278.500 francs suisses (CHF) remboursables en 240 mensualités de 1.509,23 CHF moyennant un taux d'intérêt variable de 2,021 %. Par avenants non novatoires du 26 avril 2010, la durée du remboursement a été augmentée de six mois et le 30 juillet 2015 une franchise de quatre mois a été consentie sans allongement de la durée du prêt.

Par exploit d'huissier délivré le 1er mars 2017, M. X. a fait assigner la banque en justice aux fins d'obtenir au principal la nullité du contrat de prêt et la restitution des sommes respectivement versées.

Par jugement rendu 15 mai 2018, le tribunal de grande instance de Belfort a :

- dit n'y avoir lieu d'écarter des débats la pièce n° 6 produite par le demandeur,

- déclaré les demandes de M. X. irrecevables comme prescrites,

- condamné M. X. à verser à la banque une indemnité de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en sus des dépens avec droit pour Mme Y., avocat, de se prévaloir de l'article 699 du même code.

[*]

Suivant déclaration reçue au greffe le 7 juin 2018, M. X. a relevé appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures transmises le 7 septembre 2018 il conclut à son infirmation et, demande à la cour de :

- déclarer nul, au visa des articles 1178 et suivants du code civil, le contrat de prêt litigieux comme libellé en devise étrangère et ordonner la restitution des sommes perçues par chaque partie avec compensation à due concurrence,

- déclarer la clause d'indexation du contrat de prêt nulle comme abusive au sens de l'article L. 212-1 du code de la consommation,

- dire que la banque a manqué à son obligation d'information et de conseil et la condamner à lui payer la somme de 115.204,62 euros à titre de dommages intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil,

- dire au visa de l'article 1147 du code civil que la banque a manqué à son devoir de mise en garde s'agissant d'un prêt en devise, la condamner à lui payer la somme de 80.000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de la perte de chance de contracter dans des conditions moins risquées et dire que cette somme se compensera avec le montant du capital restant dû au titre du prêt,

- dire en application de l'article 1907 du code civil et les articles L. 131-1, L. 313-2 et R. 313-1 du code de la consommation que, le TEG figurant au contrat de prêt étant erroné, lui sera substitué le taux d'intérêt légal, condamner la banque à lui rembourser l'intégralité des intérêts versés et dire que cette somme se compensera avec le montant du capital restant dû au titre du prêt et, au besoin, ordonner une expertise pour vérifier le TEG avec dispense d'avance des frais compte tenu de l'aide juridictionnelle totale,

- en tout état de cause débouter la banque de ses entières demandes et la condamner à lui verser une indemnité de 600 euros au titre des frais irrépétibles en sus des dépens.

[*]

Par ultimes écrits déposés le 4 décembre 2018, la banque conclut à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de M. X. à lui verser une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec droit pour Mme Y., avocat, de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du même code.

[*]

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions susvisées de celles-ci, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée par ordonnance du 20 août 2019.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Motifs de la décision :

* Sur les fins de non-recevoir tirées de la prescription des actions en nullité du contrat, en responsabilité de la banque et en déchéance du droit aux intérêts :

Attendu qu'à l'appui de son appel, M. X. fait grief au jugement querellé d'avoir déclaré ses diverses actions irrecevables, dans la mesure où le délai de prescription quinquennal de l'action en nullité et de l'action en responsabilité de la banque court à compter du jour où il a eu connaissance des faits lui permettant d'agir, et qu'étant consommateur profane ce délai n'a pu courir à compter de la signature du prêt puisqu'il n'a eu connaissance du manquement à l'obligation d'information et de conseil et de la cause de nullité du contrat que le 11 février 2014, date du premier incident de paiement, qui a fait suite à son licenciement de son poste en Suisse ;

Qu'il prétend en outre que son action relative au caractère erroné du TEG est pareillement recevable puisqu'il n'a eu connaissance de l'erreur affectant ce taux qu'à la faveur du rapport de l'association de protection des consommateurs du 1er mars 2015 à la suite d'une démonstration mathématique ;

Mais attendu que c'est par des motifs pertinents que la cour fait siens que le premier juge a valablement retenu :

- que le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité de la banque pour manquement à ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde courant à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il a été révélé à la victime, soit en l'occurrence, s'agissant d'un prétendu défaut d'information pré contractuelle, à la date de conclusion du contrat par l'acceptation de l'offre, l'action engagée par assignation du 1er mars 2017 l'a été postérieurement au délai imparti par l'article L. 110-4 du code de commerce et des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008, expirant le 19 juin 2013 ;

- que délai de prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels a couru à compter de l'acceptation de l'offre, à la simple lecture de laquelle l'emprunteur a connu ou aurait dû déceler l'erreur affectant le calcul du TEG dans la mesure où il résultait de la seule lecture de l'offre de crédit et de l'acte de prêt notarié que le TEG s'élevant à 2,039810 % ne comprenait ni les frais de notaire, ni les frais d'assurance facultative, ni les frais de garantie (hypothèque) ;

Que s'agissant de l'action en nullité du contrat de prêt en ce qu'il serait contraire à l'ordre public économique comme portant atteinte selon M. X. au cours de la monnaie à raison de son libellé en devise étrangère, c'est à bon droit que le premier juge a fait application des dispositions combinées des articles 1304 ancien du code civil et des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008 ; que dans la mesure où le grief articulé à l'encontre de l'offre était parfaitement décelable à sa seule lecture par l'emprunteur c'est à tort que M. X. tente de soutenir qu'il n'aurait eu conscience de cette cause de nullité qu'à compter de la date du premier incident de paiement et que son action serait recevable ;

Qu'il résulte de ce qui précède que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevables les actions en nullité du contrat, en responsabilité de la banque et en déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels ;

 

* Sur le caractère abusif de la clause d'indexation :

Attendu que M. X. réitère devant la cour le moyen, déclaré irrecevable par le premier juge, tiré du caractère abusif de la clause relative au taux de change insérée au contrat en ce qu'elle fait porter sur le seul emprunteur les risques liés aux variations dudit taux, créant ainsi un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 132-1 devenu L. 212-1 du code de la consommation, arguant par ailleurs de son imprescriptibilité ;

Que la banque rétorque sur ce point que l'action de l'emprunteur en reconnaissance du caractère abusif de la clause d'indexation, dont le caractère prétendument illégal était décelable à la seule lecture de l'offre, serait prescrite dès lors que le délai de prescription quinquennal qui s'applique à elle est expiré depuis le 7 avril 2011 pour avoir couru à compter de la souscription du crédit immobilier litigieux ;

Mais attendu que l'action qui tend à faire constater le caractère abusif d'une clause contractuelle en application des dispositions de l'article L.132-1 devenu L.212-1 du code de la consommation et à la voir en conséquence déclarer réputée non écrite, donc rétroactivement inexistante, ne s'analyse pas en une demande en nullité de ladite clause, de sorte que n'étant pas soumise à la prescription quinquennale, elle est imprescriptible ;

Que le jugement déféré doit donc être infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable ce moyen ;

Attendu qu'aux termes de l'article L. 132-1 précité dans sa version alors en vigueur, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;

Attendu qu'il est avéré que M. X. est un emprunteur non professionnel ; qu'il fait valoir que la clause de l'offre de crédit intitulée « conditions spécifiques et clause de conversion » qui mentionne notamment : « Les opérations prévues dans le présent contrat sont régies par les règles cambistes en vigueur. Les variations de parité monétaires restent à la charge exclusive de l'emprunteur... » est abusive comme générant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties dès lors qu'elle met à la charge de l'emprunteur les risques de pertes dramatiques en cas de variations défavorables du taux de change sans qu'aucune information sur le caractère spéculatif du prêt et les risques liés aux variations du change ne lui ait été dispensée préalablement à la souscription ;

Attendu en premier lieu que c'est en vain que la banque argue de ce que la clause d'indexation du prêt sur le franc suisse est conforme à l'art L. 112-2 code monétaire et financier, en ce qu'il existe un lien entre cette indexation et l'activité de l'emprunteur, alors éducateur en Suisse, qui disposait d'un compte en devises et qu'elle ne serait donc pas abusive, alors que le grief invoqué par son contradicteur n'est en aucune façon fondé sur l'article L. 112-2 précité ;

Qu'en cas de litige concernant une telle clause abusive, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse ; que la CJUE dans un arrêt du 20 septembre 2017 (n° C-186/16) a rappelé à cet égard que « l'article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 (concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs) doit être interprété en ce sens que l'exigence selon laquelle une clause contractuelle doit être rédigée de manière claire et compréhensible suppose que, dans le cas des contrats de crédit, les établissements financiers doivent fournir aux emprunteurs des informations suffisantes pour permettre à ceux-ci de prendre leurs décisions avec prudence et en toute connaissance de cause. À cet égard, cette exigence implique qu'une clause selon laquelle le prêt doit être remboursé dans la même devise étrangère que celle dans laquelle il a été contracté soit comprise par le consommateur à la fois sur le plan formel et grammatical, mais également quant à sa portée concrète, en ce sens qu'un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, puisse non seulement connaître la possibilité de hausse ou de dépréciation de la devise étrangère dans laquelle le prêt a été contracté, mais aussi évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières » ;

Attendu qu'en l'espèce la banque a consenti à M. X. le 7 avril 2006 un prêt immobilier d'un montant de 278.500 CHF remboursables en 240 mensualités de 1.509,23 CHF moyennant un taux d'intérêt variable de 2,021 %, alors qu'il exerçait sa profession d'éducateur en Suisse et percevait un salaire en francs suisses ; que la clause de paiement de l'échéance stipule que les mensualités (capital et intérêts) seront réglées en devises, soit par virement bancaire à l'ordre de Y en précisant qu'il s'agit d'un remboursement de prêt en devises soit par prélèvement sur un compte en devises ouvert à la Y soit, dans le cas de non réception ou non approvisionnement 4 jours ouvrés avant l'échéance, par achat de devises au comptant, au cours du jour, sur le marché, par débit du compte principal en euros, les diverses commissions étant à la charge du client ;

Que la clause intitulée « modalité de gestion » vient préciser que les variations de parités monétaires restent à la charge exclusive de l'emprunteur sauf mise en place séparée d'un contrat de garantie de change immobilier ;

Attendu qu'il apparaît tout d'abord que la simple lecture du contrat ne permet nullement à l'emprunteur profane d'avoir une conscience éclairée du risque inhérent à ce mécanisme de remboursement du prêt en devises, et plus particulièrement des incidences potentielles d'une variation des taux de change euros/franc suisse sur la durée du crédit mais également sur le coût total du crédit ; qu'ensuite les risques de variations de parités monétaires sur un crédit d'une durée initiale de 240 mois sont contractuellement mis à la charge de l'emprunteur profane, qui n'en en a manifestement pas intégré l'ampleur et les éventuelles incidences financières à son détriment ; qu'à cet égard, la banque ne verse aux débats aucune pièce qui justifierait qu'une information suffisante aurait été dispensée à l'intimé à ce titre ;

Mais attendu que sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161 et 1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d'une clause doit s'apprécier en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat ;

Qu'aux termes de la clause de conversion insérée au contrat, incluse dans la clause litigieuse intitulée « conditions spécifiques et clause de conversion », il est stipulé que l'emprunteur aura la possibilité, sans opérer de novation, de convertir en euros le capital restant dû moyennant un préavis d'un mois adressé par lettre recommandée à la banque, la conversion se faisant au cours en vigueur sur le marché des changes, l'emprunteur supportant le risque de parité ainsi que les frais de commissions cambistes inhérents à l'opération ; que dans une telle hypothèse la clause stipule que le taux appliqué au prêt ainsi converti en euros sera fixe et déterminé, soit en taux fixe par le dernier TME connu au jour de la conversion majoré de 1.50 points l'an, avec perception de frais d'avenant de 0,20 % du capital restant dû avec un minimum de 76 euros et un maximum de 228 euros, et que sauf avis contraire de l'emprunteur le prêt s'amortira par mensualités constantes, selon un nouveau tableau d'amortissement à établir ;

Que les modalités de conversion en euros sont ici particulièrement peu contraignantes puisqu'elle permettent à l'emprunteur, sous la seule réserve d'une lettre recommandée et d'un préavis d'un mois, et de conditions financières habituelles en cas de modification contractuelle de bénéficier d'une conversion en euros mettant un terme quasi immédiat aux risques inhérents aux modalités de remboursement initialement prévues au contrat et dont M. X. déplore en la cause les effets quant à un déséquilibre significatif des droits et obligations respectives des parties sans pour autant s'expliquer sur l'absence de demande de conversion de sa part aussitôt qu'il en a ressenti les effets défavorables sur le coût de son prêt ;

Que dans ces conditions, la clause litigieuse, qui doit s'appréhender au regard de l'économie et des stipulations du contrat dans son ensemble, n'apparaît pas abusive et M. X. sera débouté de sa demande tendant à la voir réputée non écrite, étant observé que l'intéressé n'a tiré aucune conséquence financière de cette prétention dans le dispositif de ses derniers écrits ;

 

* Sur les demandes accessoires :

Attendu que M. X. sera condamné à verser à la banque une indemnité de procédure de 1 000 euros et supportera les dépens d'appel, les dispositions du jugement querellé relatives aux frais irrépétibles et dépens étant confirmées ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs :

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement rendu le 15 mai 2018 par le tribunal de grande instance de Belfort sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action en reconnaissance du caractère abusif de la clause intitulée « conditions spécifiques et clause de conversion ».

Statuant à nouveau de ce seul chef et y ajoutant,

Déclare recevable M. X. en son action en reconnaissance du caractère abusif de la clause intitulée « conditions spécifiques et clause de conversion » mais l'en déboute.

Condamne M. X. à payer à la SA Banque Populaire de Bourgogne Franche Comté la somme de mille (1.000) euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

Condamne M. X. aux dépens d'appel et autorise Mme Y., avocat, à recouvrer directement ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été signé par M. Edouard Mazarin, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Dominique Borowski, greffier.

Le greffier,                            le président de chambre