CA DOUAI (8e ch. 1re sect.), 26 septembre 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 8193
CA DOUAI (8e ch. 1re sect.), 26 septembre 2019 : RG n° 17/01061 ; arrêt n° 19/955
Publication : Jurica
2/ « La SA Cofidis ne produit pas la fiche d'informations précontractuelles mais elle soutient que les dispositions légales sont respectées en se référant à la mention figurant dans la rubrique « Acceptation de l'offre de contrat » par laquelle les emprunteurs reconnaissent « avoir reçu et conservé la fiche d'information précontractuelle ». Cette mention figurant au recto du contrat de prêt est contresignée par chacun des emprunteurs.
Si cette mention est suffisante à établir la preuve de la remise de cette fiche aux emprunteurs, elle ne permet pas de démontrer que son contenu répondait aux exigences posées par l'article R. 311-3 (devenu R 312-2) susvisé. De ce fait, le prêteur auquel il incombe de justifier de la bonne exécution de son obligation d'informations précontractuelles, encourt la déchéance du droit aux intérêts, sans qu'il soit utile d'examiner le caractère abusif de cette mention et sans aborder les autres moyens de déchéance soulevés par le premier juge.
Le jugement déféré doit donc être confirmé de ce chef. Il sera également confirmé dans ses dispositions relatives aux modalités de calcul des sommes dues, qui ne sont pas critiquées par les parties. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
HUITIÈME CHAMBRE SECTION 1
ARRÊT DU 26 SEPTEMBRE 2019
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 17/01061. Arrêt n° 19/955. N° Portalis DBVT-V-B7B-QOY7. Jugement (R.G. n° 11-16-1553) rendu le 17 janvier 2017 par le tribunal d'instance de Lens.
APPELANTE :
SA COFIDIS
prise en la personne de ses représentants légaux, [adresse], Représentée par Maître Jean-Baptiste R., avocat au barreau de Béthune
INTIMÉS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], de nationalité française, [adresse]
Madame Y.
née le [date] à [ville], de nationalité française, [adresse]
Auxquels la déclaration d'appel a été signifiée le 5 avril 2017 par actes remis à étude, n'ont pas constitué avocat
DÉBATS à l'audience publique du 29 Mai 2019 tenue par Maria Bimba Amaral magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Charlotte Dulion
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Sylvie Collière, président de chambre, Hélène Billieres, conseiller, Maria Bimba Amaral, conseiller
ARRÊT PAR DÉFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 26 Septembre 2019 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Sylvie Collière, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 9 mai 2019
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE - PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Selon offre préalable émise le 19 mars 2013 et acceptée le 11 avril 2013, la SA Cofidis a consenti à M. X. et à Mme Y. tenus solidairement un prêt aux fins de regroupement de crédits d'un montant de 46.000 euros remboursable en 144 échéances mensuelles de 650,79 euros, assurance comprise, au taux nominal de 10,68 %.
Par courrier du 9 juin 2016, la SA Cofidis a mis en demeure M. X. et Mme Y. de payer la somme de 9.476,17 euros dans un délai de onze jours, sous peine de prononcé de la déchéance du terme.
Par courriers du 22 juin 2016 et par courriers recommandés du 9 août 2016 avec avis de réception signés le 13 août 2016, la SA Cofidis a prononcé la déchéance du terme et a mis en demeure M. X. et Mme Y. de payer la somme de 52.644,61 euros.
Par acte d'huissier du 3 octobre 2016, la SA Cofidis a fait citer M. X. et Mme Y. devant le tribunal d'instance de Lens afin d'obtenir leur condamnation solidaire à lui payer, outre les dépens et sous le bénéfice de l'exécution provisoire, les sommes suivantes :
- 50.215,75 euros, outre les intérêts au taux de 10,68 % à compter du 13 septembre 2016,
- 3.506,02 euros au titre de la clause pénale avec intérêts au taux légal à compter du 9 août 2016,
- 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'audience, le tribunal a soulevé d'office l'inobservation des dispositions des articles L. 312-12, L. 312-14, L. 312-16 et L. 312-17 du code de la consommation relatives à l'information précontractuelle et à la vérification de la solvabilité de l'emprunteur, et a, en application de l'article 16 du code de procédure civile, invité la SA Cofidis à présenter ses observations.
Par jugement réputé contradictoire du 17 janvier 2017, le tribunal d'instance de Lens a :
- condamné solidairement M. X. et Mme Y. à payer à la SA Cofidis la somme de 32.984,20 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 juin 2016, sous réserve de versements postérieurs au 1er septembre 2016 ;
- ordonné l'exécution provisoire du jugement ;
- débouté la SA Cofidis du surplus de ses demandes ;
- rappelé qu'en cas de mise en place d'une procédure de surendettement, la créance sera remboursée selon les termes et conditions fixés dans la dite procédure ;
- condamné solidairement M. X. et Mme Y. aux dépens.
Le 13 février 2017, la SA Cofidis a interjeté appel de la décision.
[*]
Selon dernières conclusions transmises au greffe le 15 février 2017, la SA Cofidis demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts et en conséquence, au visa des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation, de condamner solidairement M. X. et de Mme Y. à lui payer les sommes de :
- 50.215,75 euros, outre les intérêts au taux de 10,68 % à compter du 13 septembre 2016,
- 3.506,02 euros au titre de la clause pénale avec intérêts au taux légal à compter du 9 août 2016,
- 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
outre les dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Jean-Baptiste R., avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que le caractère abusif de la clause aux termes de laquelle l'emprunteur reconnaissait rester en possession de la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées n'a pas été soumis à la contradiction des parties et le moyen a été soulevé en l'absence de comparution et d'allégation des défendeurs dans ce sens ; n'étant créatrice d'aucune obligation, la reconnaissance ne saurait s'analyser en une « clause » susceptible de recevoir le caractère de « clause abusive » ; une telle reconnaissance est validée pour les bordereaux de rétractation et doit l'être par analogie pour la fiche européenne.
[*]
M. X. et Mme Y. n'ont pas constitué avocat, la déclaration d'appel et les conclusions leur ayant été signifiées le 5 avril 2017 en l'étude.
[*]
Le 9 mai 2019, l'ordonnance de clôture a été rendue et l'affaire a été renvoyée à l'audience du 29 mai 2019 et mise en délibéré, à cette date, jusqu'au 25 septembre 2019.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la déchéance du droit aux intérêts
En application de l'article L. 141-4 du code de la consommation devenu R. 632-1, « Le juge peut soulever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application ». ;
L'article L. 311-48 du code de la consommation, devenu L.341-1, prévoit la déchéance du droit aux intérêts dans la situation suivante :
« Le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l'emprunteur les informations précontractuelles dans les conditions fixées par les articles L. 311-6 (...) est déchu du droit aux intérêts. (...)
L'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n'a pas été déchu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû. »
L'article L. 311-6, devenu L. 312-12 du même code précise :
« I.- Préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit donne à l'emprunteur, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur, compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l'étendue de son engagement.
Un décret en Conseil d'Etat fixe la liste et le contenu des informations devant figurer dans la fiche d'informations à fournir pour chaque offre de crédit ainsi que les conditions de sa présentation. Cette fiche d'informations comporte, en caractères lisibles, la mention visée au dernier alinéa de l'article L. 311-5. »
L'article R. 311-3, devenu R. 312-2, du même code prescrit que la fiche contienne :
« 1° L'identité et l'adresse du prêteur ainsi que, le cas échéant, l'identité et l'adresse de l'intermédiaire de crédit concerné ;
2° Le type de crédit ;
3° Le montant total du crédit et les conditions de mise à disposition des fonds ;
4° La durée du contrat de crédit ;
5° Le montant, le nombre et la périodicité des échéances que l'emprunteur doit verser et, le cas échéant, l'ordre dans lequel les échéances seront affectées aux différents soldes dus fixés à des taux débiteurs différents aux fins du remboursement ;
6° Le montant total dû par l'emprunteur ;
7° En cas de crédit servant à financer l'acquisition de bien ou service déterminé ce bien ou service et son prix au comptant ;
8° En cas de location avec option d'achat, la description du bien loué et le prix à acquitter en cas d'achat ;
9° Le cas échéant, les sûretés exigées ;
10° Sauf en cas de location avec option d'achat, le taux débiteur, les conditions applicables à ce taux et, le cas échéant, tout indice ou taux de référence qui se rapporte au taux initial débiteur, ainsi que les périodes, conditions et procédures d'adaptation du taux. Si différents taux débiteurs s'appliquent en fonction des circonstances, ces informations portent sur tous les taux applicables ;
11° Sauf en cas de location avec option d'achat, le taux annuel effectif global, à l'aide d'un exemple représentatif mentionnant toutes les hypothèses utilisées pour le calcul de ce taux ;
12° Le cas échéant, l'obligation, pour l'obtention même du crédit ou en application des clauses et conditions commerciales, de contracter un service accessoire lié au contrat de crédit, notamment une assurance ;
13° Tous les frais liés à l'exécution du contrat de crédit, et les conditions dans lesquelles ces frais peuvent être modifiés ;
14° Le cas échéant, l'existence de frais de notaire dus par l'emprunteur à la conclusion du contrat de crédit ;
15° Les indemnités en cas de retard de paiement et, le cas échéant, les frais d'inexécution que le prêteur peut demander à l'emprunteur en cas de défaillance, ainsi que les modalités d'adaptation et de calcul de ces indemnités et de cesfrais ;
16° Un avertissement relatif aux conséquences d'une défaillance de l'emprunteur ;
17° L'existence du droit de rétractation ;
18° Le droit au remboursement anticipé et, le cas échéant, le droit du prêteur à une indemnité ainsi que le mode de calcul de cette indemnité en application de l'article L. 311-22 ;
19° Le droit de l'emprunteur à se voir remettre, sur demande et sans frais, un exemplaire de l'offre de contrat de crédit si, au moment de la demande, le prêteur est disposé à conclure le contrat de crédit ;
20° La mention que le prêteur doit, dans le cadre de la procédure d'octroi du crédit, consulter le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers ;
21° Le délai pendant lequel le prêteur est engagé par les informations précontractuelles.
II. - Pour l'application du 11° du I, le prêteur tient compte du ou des éléments du crédit que l'emprunteur lui a indiqué privilégier le cas échéant, tels que la durée du contrat de crédit et le montant total du crédit.
Pour le calcul du taux effectif global, si le contrat prévoit la possibilité pour l'emprunteur de disposer des sommes disponibles en vertu du contrat de crédit selon des modalités différentes assorties de frais ou de taux débiteurs différents, le prêteur précise la modalité qu'il a prise comme référence conformément à l'hypothèse figurant au 4° de l'annexe à l'article R. 313-1 et indique que les autres modalités peuvent avoir pour conséquence l'application de taux annuels effectifs globaux plus élevés.
III. - Dans le cas d'un contrat de crédit en vertu duquel les échéances n'entraînent pas immédiatement un amortissement correspondant du montant total du crédit, mais servent à reconstituer le capital aux périodes et dans les conditions prévues par le contrat de crédit ou par un contrat accessoire, l'information précontractuelle indique que cette modalité d'exécution ne garantit pas le remboursement du montant total du crédit consenti, sauf si une telle garantie est donnée.
IV. - L'ensemble des informations prévues au présent article est présenté conformément à la fiche d'information mentionnée à l'article L. 311-6 annexée au présent code.
V. - Toute information complémentaire apportée à l'emprunteur par le prêteur ou l'intermédiaire de crédit, notamment en cas d'application des règles relatives au démarchage, figure sur un document distinct, qui peut être annexé à la fiche mentionnée au IV. »
La SA Cofidis ne produit pas la fiche d'informations précontractuelles mais elle soutient que les dispositions légales sont respectées en se référant à la mention figurant dans la rubrique « Acceptation de l'offre de contrat » par laquelle les emprunteurs reconnaissent « avoir reçu et conservé la fiche d'information précontractuelle ». Cette mention figurant au recto du contrat de prêt est contresignée par chacun des emprunteurs.
Si cette mention est suffisante à établir la preuve de la remise de cette fiche aux emprunteurs, elle ne permet pas de démontrer que son contenu répondait aux exigences posées par l'article R. 311-3 (devenu R 312-2) susvisé. De ce fait, le prêteur auquel il incombe de justifier de la bonne exécution de son obligation d'informations précontractuelles, encourt la déchéance du droit aux intérêts, sans qu'il soit utile d'examiner le caractère abusif de cette mention et sans aborder les autres moyens de déchéance soulevés par le premier juge.
Le jugement déféré doit donc être confirmé de ce chef. Il sera également confirmé dans ses dispositions relatives aux modalités de calcul des sommes dues, qui ne sont pas critiquées par les parties.
Sur les demandes accessoires :
Succombant la SA Cofidis sera condamnée aux dépens d'appel. Dès lors, la demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Déboute la SA Cofidis de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la SA Cofidis aux dépens d'appel.
Le greffier, Le président,
I. Capiez S. Collière