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CA POITIERS (1re ch. civ.), 5 novembre 2019

Nature : Décision
Titre : CA POITIERS (1re ch. civ.), 5 novembre 2019
Pays : France
Juridiction : Poitiers (CA), 1re ch. civ.
Demande : 18/00423
Décision : 19/359
Date : 5/11/2019
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 29/01/2018
Numéro de la décision : 359
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8210

CA POITIERS (1re ch. civ.), 5 novembre 2019 : RG n° 18/00423 ; arrêt n° 359 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Il résulte de ces dernières stipulations que l'emprunteur, en adhérant au contrat collectif d'assurance, a expressément consenti à la communication à l'assureur des causes de son décès. Mademoiselle Z. a en date du 5 mai 2017 attesté que « Mr Y., mon beau-père a toujours fait preuve d'une très grande discrétion sur sa vie personnelle » et que « par soucis de ne pas déranger, il ne nous a jamais parlé de ses soucis personnels et encore moins de ses soucis de santé, car il jugeait que cela ne regardait que lui ». Cette attestation ne caractérise nullement une opposition à l'échange et au partage d'informations du défunt au sens de l'article L. 1110-4 précité.

La demande de la société Suravenir en exécution des stipulations contractuelles poursuit un intérêt légitime, à savoir la vérification du respect des conditions posées à l'adhésion précédemment rappelées. L'opposition de l'appelante rappelée par courrier en date du 5 août 2014 adressé à la société Suravenir, refusant de communiquer tout renseignement médical autre que le certificat médical attestant d'un décès de mort naturelle, n'est pas légitimée par la volonté antérieure de son père et contraire aux engagements contractuels de ce dernier.

La société Suravenir est pour ces motifs fondée à refuser sa garantie. Le jugement sera en conséquence confirmé. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE POITIERS

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 5 NOVEMBRE 2019

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/00423. Arrêt n° 359. N° Portalis DBV5-V-B7C-FMFF. Décision déférée à la Cour : jugement du 05 janvier 2017 rendu par le Tribunal de Grande Instance de LA ROCHELLE.

 

APPELANTE :

Madame X.

née le [date] à [ville], [...], ayant pour avocat Maître Charles-Emmanuel A. de la SELARL OPTIMA AVOCATS, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

 

INTIMÉE :

SA SURAVENIR

[...], [...], ayant pour avocat postulant Maître François M. de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Maître Claudie C., avocat au barreau de BREST

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 30 septembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant : Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller, Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Thierry MONGE, Président de Chambre, Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller, Madame Anne VERRIER, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, - Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

La société Financo a selon offre de prêt en date du 1er juin 2011 acceptée le même jour, consenti à Monsieur Y. un crédit à la consommation d'un montant de 13.100 € remboursable sur 15 ans au taux de 6,48 % l'an. L'emprunteur a adhéré au contrat collectif d'assurance des emprunteurs n° 5013 souscrit par le prêteur auprès de la société Suravenir pour garantir le remboursement du prêt notamment en cas de décès.

Monsieur Y. est décédé le [date] à l'âge de 61 ans. Madame X. sa fille a sollicité de la société Suravenir sa garantie. Sur la demande du médecin-conseil de l'assureur, Madame X. a transmis un certificat médical précisant que l'emprunteur était décédé de mort naturelle. Elle a postérieurement refusé de faire renseigner par le médecin traitant du défunt le formulaire qui lui avait été transmis par le médecin conseil. La société Suravenir a en conséquence refusé sa garantie. Par lettre en date du 3 novembre 2014, le conseil de Madame X. a mis en demeure la société Suravenir de s'exécuter.

Par acte du 27 mars 2015, Madame X. a fait assigner la société Suravenir devant le tribunal de grande instance de La Rochelle. Elle a demandé de la condamner au paiement des échéances du prêt en exécution de la garantie décès et au paiement de la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts.

Par ordonnance du 17 décembre 2015, le juge de la mise en état a rejeté la demande de la société Suravenir de production par la demanderesse de l'attestation précitée. Par jugement du 2 novembre 2016, le tribunal a ordonné une mesure d'expertise médicale. L'expert a fait état de son impossibilité d'accéder au dossier médical du défunt et a déposé son rapport en l'état.

Par jugement contradictoire du 5 décembre 2017, le tribunal de grande instance de La Rochelle a statué en ces termes :

« DÉBOUTE Madame X. de l'ensemble de ses demandes ;

DIT N'Y AVOIR LIEU à application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile;

CONDAMNE Madame X. aux dépens et accorde à Maître T. le droit de recouvrement ».

Il a au visa de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique relevé que le défunt n'avait en souscrivant le contrat d'assurance pas manifesté d'opposition à la divulgation post mortem d'information sur son état de santé. Il a considéré que la demande de la société Suravenir avait pour finalité de vérifier le respect des conditions de souscription de l'assurance et que le refus de la demanderesse d'autoriser la communication du dossier médical de son père et de faire renseigner l'attestation ne poursuivait pas un intérêt légitime.

[*]

Par déclaration reçue au greffe le 29 janvier 2018, Madame X. a interjeté appel de ce jugement « en qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et condamnée aux dépens de la procédure ».

Par conclusions notifiées par voie électronique le 13 avril 2018, elle a demandé de :

« Vu les articles 1147 et 1315 du Code civil,

Vu l'article 226-13 du Code pénal,

Vu l'article 4 du Code de la déontologie médicale,

Vu l'article R. 132-1 du Code de la consommation,

Vu les pièces,

Dire et juger Madame X. parfaitement recevable en son appel formé contre le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de LA ROCHELLE le 5 décembre 2017,

Réformer purement et simplement le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de LA ROCHELLE le 5 décembre 2017,

En conséquence, statuant à nouveau :

- Condamner la SA SURAVENIR au paiement des échéances du prêt souscrit le 1er juin 2011 auprès de FINANCO par Monsieur Y., décédé le [date] et ce, en application de la garantie décès prévoyant la prise en charge de ces échéances ;

- Condamner la SA SURAVENIR à payer à Madame X. la somme de 2.000,00 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi ;

- Condamner la SA SURAVENIR à payer à Madame X. la somme de 3.000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner la SA SURAVENIR aux entiers dépens de la procédure ».

Elle a soutenu que le certificat médical produit ayant fait mention d'une mort naturelle suffisait à écarter les causes d'exclusion de garantie stipulées, que la société Suravenir ne produisait aucun élément pouvant laisser penser que les déclarations du défunt lors de son adhésion au contrat d'assurance étaient inexactes, qu'elle respectait les volontés de son père de rester discret sur son état de santé et que le secret médical s'opposait à une telle divulgation.

[*]

Par conclusions notifiées par voie électronique le 4 juillet 2018, la société Suravenir a demandé de :

« Vu l'article 1134 ancien du Code civil,

Vu les conditions générales du contrat d'assurance,

Confirmer le jugement frappé d'appel dans toutes ses dispositions.

Débouter Madame X. de toutes ses demandes.

Condamner Madame X. à payer à SURAVENIR la somme de 3.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner Madame X. aux entiers dépens.

À titre extrêmement subsidiaire, dire et juger que Monsieur Y. ne remplissait pas les conditions de mise en œuvre de la garantie et débouter Madame X. de toutes ses demandes.

À titre encore plus subsidiaire, dire et juger que la garantie porte sur le capital restant dû à la date du décès conformément au plan d'amortissement en vigueur au jour du sinistre, soit la somme de 12.507,80 €, par application des conditions générales du contrat.

Débouter en conséquence Madame X. de sa demande de paiement des échéances du prêt et de toute demande excédant cette somme ».

Elle a rappelé que l'article 8 du contrat d'assurance stipulait que la mise en œuvre de la garantie décès était subordonnée à la production de pièces, notamment d'un questionnaire remis par l'assureur. Selon elle, l'appelante se refusait à exécuter les engagements contractuels souscrits alors même que l'article L. 1110-4 du code de la santé publique n'y faisait pas obstacle et que le défunt ne s'était pas opposé à la communication d'informations sur son état de santé. Ce refus, qui avait fait obstacle à l'exécution de la mesure d'expertise, lui interdisait de vérifier que l'assuré remplissait ces conditions lors de sa demande d'adhésion et fondait son refus de garantie.

Subsidiairement, elle a conclu à la réduction du montant de la demande de garantie formée à son encontre.

[*]

L'ordonnance de clôture est du 2 septembre 2019.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DECISION :

SUR LA GARANTIE DE L'ASSUREUR :

L'article L. 1110-4 du code de la santé publique dispose notamment que :

« I. -Toute personne prise en charge par un professionnel de santé, un établissement ou service, un professionnel ou organisme concourant à la prévention ou aux soins dont les conditions d'exercice ou les activités sont régies par le présent code, le service de santé des armées, un professionnel du secteur médico-social ou social ou un établissement ou service social et médico-social mentionné au I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant.

Excepté dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi, ce secret couvre l'ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel, de tout membre du personnel de ces établissements, services ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes. Il s'impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. [...]

IV. - La personne est dûment informée de son droit d'exercer une opposition à l'échange et au partage d'informations la concernant. Elle peut exercer ce droit à tout moment. [...]

Le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès. Toutefois, en cas de décès d'une personne mineure, les titulaires de l'autorité parentale conservent leur droit d'accès à la totalité des informations médicales la concernant, à l'exception des éléments relatifs aux décisions médicales pour lesquelles la personne mineure, le cas échéant, s'est opposée à l'obtention de leur consentement dans les conditions définies aux articles L. 1111-5 et L. 1111-5-1 ».

Il a été stipulé à l'article 2 de la notice du contrat d'assurance que :

« Vous pouvez adhérer si vous êtes l'emprunteur désigné comme tel sur l'offre de contrat de crédit ET pouvez répondre à la date de votre adhésion a l'assurance, aux conditions suivantes :

Pour la garantie AID (DC+ PTIA + ITT) : vous avez de 18 ans à moins de 65 ans à la date de votre adhésion. Vous devez déclarer : ne pas suivre un traitement médical régulier, ne pas être sous surveillance médicale, ne pas être en arrêt de travail et ne pas l'avoir été plus de 30 jours consécutifs ou non au cours des 12 derniers mois, ne pas être titulaire d'une pension d'invalidité. [...]

Vos déclarations doivent être sincères et exactes.

L'article L 113-8 du Code des Assurances précise que l'adhésion est nulle en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, même si le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre. Votre sécurité et celle de vos proches dépendent donc largement de vos déclarations. C'est pourquoi vous devez faire preuve de la plus grande sincérité et exactitude dans vos réponses à la déclaration de bonne santé. »,

et à l'article « 3.1 GARANTIE décès (DC)' que : 'Le contrat n° 5013 couvre le décès quelle qu'en soit la cause, à l'exclusion toutefois du décès résultant d'un événement prévu au paragraphe 4-1 ci-après ».

L'article « 8 - FORMALITES EN CAS DE SINISTRE » stipule que :

« Tout événement susceptible de mettre en jeu l'assurance doit être déclaré à l'assureur au plus tard dans les quatre mois de sa survenance.

Les pièces à produire pour constituer le dossier de demande de prise en charge sont les suivantes :

Dans tous les cas, le ou les tableaux d'amortissement du ou des contrats de prêt en vigueur à la date du sinistre ainsi qu'une copie du ou de ces contrats et,

En cas de décès :

- un acte de décès ou un extrait d'acte de naissance,

- un certificat médical constatant la date du décès et indiquant, si possible, la nature de la pathologie ayant entraîné le décès,

- toutes pièces relatant les circonstances en cas d'accident,

- un questionnaire remis par l'assureur ».

Il résulte de ces dernières stipulations que l'emprunteur, en adhérant au contrat collectif d'assurance, a expressément consenti à la communication à l'assureur des causes de son décès. Mademoiselle Z. a en date du 5 mai 2017 attesté que « Mr Y., mon beau-père a toujours fait preuve d'une très grande discrétion sur sa vie personnelle » et que « par soucis de ne pas déranger, il ne nous a jamais parlé de ses soucis personnels et encore moins de ses soucis de santé, car il jugeait que cela ne regardait que lui ». Cette attestation ne caractérise nullement une opposition à l'échange et au partage d'informations du défunt au sens de l'article L. 1110-4 précité.

La demande de la société Suravenir en exécution des stipulations contractuelles poursuit un intérêt légitime, à savoir la vérification du respect des conditions posées à l'adhésion précédemment rappelées. L'opposition de l'appelante rappelée par courrier en date du 5 août 2014 adressé à la société Suravenir, refusant de communiquer tout renseignement médical autre que le certificat médical attestant d'un décès de mort naturelle, n'est pas légitimée par la volonté antérieure de son père et contraire aux engagements contractuels de ce dernier.

La société Suravenir est pour ces motifs fondée à refuser sa garantie. Le jugement sera en conséquence confirmé.

 

SUR LES DEMANDES PRÉSENTÉES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE :

Le premier juge a équitablement apprécié n'y avoir lieu de faire application de ces dispositions.

Il serait toutefois inéquitable et préjudiciable aux droits de l'intimée de laisser à sa charge les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens d'appel. Il sera pour ce motif fait droit à la demande formée de ce chef pour le montant ci-après précisé.

 

SUR LES DÉPENS :

La charge des dépens d'appel incombe à l'appelante.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement du 5 décembre 2017 du tribunal de grande instance de La Rochelle ;

CONDAMNE Madame X. à payer à la société Suravenir la somme de 1.200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame X. aux dépens d'appel.

LE GREFFIER,                   LE PRÉSIDENT,