CA RENNES (2e ch.), 11 octobre 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 8216
CA RENNES (2e ch.), 11 octobre 2019 : RG n° 16/04000 ; arrêt n° 566
Publication : Jurica
Extrait (rappel des faits) : « Suivant acte authentique en date du 27 octobre 2010, M. Y. et son épouse Mme X. ont fait l'acquisition d'un bien immobilier situé à [ville]. Cette acquisition était financée par un prêt de la Caisse de crédit mutuel Saint Félix d'un montant de 267.150 euros remboursable en 300 mensualités au taux de 3,60 %. Préalablement, le prêt avait donné lieu à une offre acceptée par les emprunteurs le 20 octobre 2010 selon les mêmes conditions.
Par jugement du 4 décembre 2013, le tribunal de commerce de Nantes a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de M. Y. Par courrier daté du 17 janvier 2014, la Caisse régionale de crédit mutuel de Loire-Atlantique et du Centre-Ouest (ci-après le Crédit mutuel), se prévalant de l'exigibilité des sommes dues au titre du prêt suite à la liquidation judiciaire ainsi prononcée, a mis en demeure Mme X.-Y. de lui rembourser la somme de 263.637,06 euros. Faisant valoir que la procédure de liquidation judiciaire était inopérante à son égard, Mme X.-Y. a fait assigner le Crédit mutuel devant le tribunal de grande instance de Nantes, par acte du 26 février 2014, aux fins de voir constater que le prêt doit continuer à produire ses effets et obtenir le retrait de la déclaration d'incident de paiement faite au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers.
Par jugement du 12 mai 2016, le tribunal a débouté Mme X.-Y. de l'intégralité de ses prétentions et l'a condamnée aux dépens, la demande de la banque au titre des frais irrépétibles étant par ailleurs rejetée. »
2/ « Aux termes de l'article L. 643-1 alinéa 1er du code de commerce, le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire rend exigibles les créances non échues. Contrairement à ce que soutient l'intimé, l'exigibilité du prêt à l'égard de Mme X.-Y. n'est pas une conséquence légale de la liquidation judiciaire de M. Y., co-emprunteur solidaire. En effet, la déchéance du terme prononcée en application du texte susvisé et résultant de la liquidation judiciaire de l'un des emprunteurs n'a d'effet qu'à l'égard de celui-ci et ne s'étend pas au co-emprunteur, fût-il obligé solidairement, sauf clause contraire.
Le Crédit mutuel invoque, à titre surabondant, l'existence d'une clause d'exigibilité prévue à l'article 17 des conditions générales du contrat et rédigée comme suit : « Les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles dans l'un quelconque des cas suivants... - en cas de règlement amiable, de redressement judiciaire civil, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire de l'emprunteur... ».
Il résulte des dispositions de l'article L. 212-1 du code de la consommation applicables aux contrats conclus entre professionnels et consommateurs, que sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. En application de l'article R. 632-1 alinéa 2 du même code, le juge écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat. En cours de délibéré, les parties ont été invitées par la cour à faire parvenir leurs observations sur le moyen, soulevé d'office, du caractère éventuellement abusif de la clause dont se prévaut le Crédit mutuel.
Dans sa note en délibéré du 11 juillet 2019, ce dernier reprend l'argumentation précédemment développée dans ses conclusions et, y ajoutant, cite un arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation en date du 9 mai 2019 pour en déduire que, en raison de la solidarité et de l'indivisibilité des obligations acceptées par les époux Y., les événements affectant sa créance à l'encontre de M. Y. produisent les mêmes effets sur celle qu'il détient à l'encontre de Mme X.-Y.
L'intimé soutient, en outre, que dans le cas présent, la clause de déchéance du terme n'a pu créer de déséquilibre significatif au détriment de Mme X.-Y. puisque celle-ci a refusé la remise en amortissement du prêt qui lui avait été proposée par courrier du 30 mai 2016.
Sur le premier point, il convient de constater que l'arrêt du 9 mai 2019 visé par le Crédit mutuel ne concerne pas les effets du prononcé de la liquidation judiciaire sur l'exigibilité des créances non échues mais la portée de la décision d'admission des créances à l'égard du codébiteur solidaire de l'emprunteur contre lequel la procédure collective a été ouverte. Au demeurant, la position de la Cour de cassation, selon laquelle la décision d'admission de la créance est opposable au codébiteur solidaire, se justifie au regard de l'autorité de la chose jugée attachée à la décision d'admission du juge commissaire et de la possibilité pour le codébiteur solidaire, prévue par l'article L. 624-3-1 du code de commerce, de former une réclamation contre cette décision.
En second lieu, la clause figurant à l'article 17 du prêt litigieux, qui permet au prêteur, en cas de liquidation judiciaire d'un co-emprunteur, de prononcer discrétionnairement la déchéance du terme à l'égard de l'autre co-emprunteur alors même que celui-ci est en mesure de poursuivre le remboursement du prêt selon l'échéancier convenu a pour effet de créer un déséquilibre significatif au détriment de ce dernier. Le Crédit mutuel ne saurait soutenir qu'un tel déséquilibre n'a pas été créé en l'espèce au détriment de Mme X.-Y. qui a refusé sa proposition de remettre le prêt en amortissement, dès lors que le courrier du 30 mai 2016 contenant cette offre est intervenu postérieurement au jugement attaqué et à la déclaration d'appel et, selon les propres termes employés par le Crédit mutuel, « à titre exceptionnel » et « dans un cadre strictement amiable ». Ainsi, cette proposition, que Mme X.-Y. déclare avoir refusée en raison de l'absence d'indication quant à sa demande de radiation de l'inscription au FICP, est sans incidence sur le caractère abusif de la clause dont le prêteur s'était antérieurement et effectivement prévalu.
Il s'ensuit que la clause susmentionnée doit être écartée comme étant abusive, ce qui conduit à considérer que la déchéance du terme n'ayant pas été valablement prononcée à l'égard de Mme X.-Y., co-emprunteur solidaire, le prêt consenti par le Crédit mutuel suivant offre acceptée le 20 octobre 2010 doit continuer à produire ses effets. Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a débouté Madame X.-Y. de sa demande tendant à voir poursuivre l'exécution du prêt qui lui a été consenti par le Crédit mutuel.
En revanche, il n'y a pas lieu de constater une quelconque novation ainsi que le sollicite l'appelante dans le dispositif de ses conclusions, cette prétention n'étant pas explicitée et ne reposant sur aucun élément.
Enfin et conformément à la demande de Mme X.-Y., le Crédit mutuel devra accomplir toutes démarches utiles en vue de la radiation de l'inscription de celle-ci au FICP, sans qu'il soit pour autant nécessaire d'assortir cette décision d'une astreinte. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 11 OCTOBRE 2019
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 16/04000. Arrêt n° 566. N° Portalis DBVL-V-B7A- M72H.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Joël CHRISTIEN,
Assesseur : Madame Pascale DOTTE-CHARVY, Conseillère,
Assesseur : Madame Marie-Odile GELOT-BARBIER, Conseillère, rédactrice,
GREFFIER : Monsieur Régis ZIEGLER, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS : A l'audience publique du 25 juin 2019, Madame Marie-Odile GELOT- BARBIER, Conseillère, entendue en son rapport,
ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 11 octobre 2019 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
APPELANTE :
Madame X épouse Y.
née le [date] à [ville], [...], [...], Représentée par Maître Arnaud F. de la SELARL PFB AVOCATS, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉE :
La CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT MUTUEL DE LOIRE ATLANTIQUE ET DU CENTRE OUEST
dont le siège social est [adresse], [...], [...], Représentée par Maître Pierre S. de la SELARL RACINE, avocat au barreau de NANTES
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant acte authentique en date du 27 octobre 2010, M. Y. et son épouse Mme X. ont fait l'acquisition d'un bien immobilier situé à [ville].
Cette acquisition était financée par un prêt de la Caisse de crédit mutuel Saint Félix d'un montant de 267.150 euros remboursable en 300 mensualités au taux de 3,60 %.
Préalablement, le prêt avait donné lieu à une offre acceptée par les emprunteurs le 20 octobre 2010 selon les mêmes conditions.
Par jugement du 4 décembre 2013, le tribunal de commerce de Nantes a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de M. Y.
Par courrier daté du 17 janvier 2014, la Caisse régionale de crédit mutuel de Loire-Atlantique et du Centre-Ouest (ci-après le Crédit mutuel), se prévalant de l'exigibilité des sommes dues au titre du prêt suite à la liquidation judiciaire ainsi prononcée, a mis en demeure Mme X.-Y. de lui rembourser la somme de 263.637,06 euros.
Faisant valoir que la procédure de liquidation judiciaire était inopérante à son égard, Mme X.-Y. a fait assigner le Crédit mutuel devant le tribunal de grande instance de Nantes, par acte du 26 février 2014, aux fins de voir constater que le prêt doit continuer à produire ses effets et obtenir le retrait de la déclaration d'incident de paiement faite au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers.
Par jugement du 12 mai 2016, le tribunal a débouté Mme X.-Y. de l'intégralité de ses prétentions et l'a condamnée aux dépens, la demande de la banque au titre des frais irrépétibles étant par ailleurs rejetée.
Mme X.-Y. a relevé appel de cette décision le 24 mai 2016 et demande à la cour de :
- réformer en tous points le jugement entrepris,
- constater la novation du contrat conclu suivant acte authentique du 21 octobre 2010 de son prêt immobilier,
Vu les articles 1201 et 1218 du code civil,
Vu les articles 1146 et suivants du code civil,
Vu l'article 333-4 du code de la consommation,
Vu l'article1382 du code civil,
- dire que le prêt qui lui a été consenti par le Crédit mutuel le 21 octobre 2010 pour un montant de 267 150,00 euros remboursable sur 300 mois à un taux fixe de 3,60 % 1'an, doit continuer à produire ses effets,
- dire que la procédure de liquidation judiciaire touchant M. Y. est inopérante sur son épouse et ne peut produire aucun effet à son égard,
- dire que le Crédit mutuel devra retirer à ses frais la déclaration d'incident de paiement faite par elle au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP),
- dire que cette obligation sera faite par le Crédit mutuel dans le mois de l'arrêt à intervenir,
- dire que passé ce délai l'obligation faite à la banque portera une astreinte définitive non comminatoire acquise par jour de retard d'un montant de 150 euros,
- faire application de l'article 1382 du code civil pour voir condamner le Crédit mutuel à lui verser la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral et tracasseries inutiles,
- faire application de l'article 700 du code de procédure civile pour voir condamner le Crédit mutuel à lui verser la somme de 3 500 euros,
- faire application de l'article 699 du code de procédure civile pour voir condamner le Crédit mutuel en tous les dépens dont distraction au profit de Maître Jean-Michel P., avocat aux offres de droit.
Selon ses dernières conclusions, le Crédit mutuel demande à la cour de :
Vu les articles L. 647-1 et suivants du code de commerce,
Vu les articles 1134 et suivants du code de commerce,
- le dire et juger recevable et bien fondé en ses demandes, fins et conclusions,
- dire et juger mal fondée Mme X.-Y. en son appel formé à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nantes en date du 12 mai 2016 et l'en débouter,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- condamner Mme X.-Y. à lui payer la somme de 4.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code procédure civile,
- condamner Mme X.-Y. aux entiers dépens qui seront recouvrés par la Selarl Racine, conformément à l'article 699 du code procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour Madame X.-Y. le 12 décembre 2016 et pour le Crédit mutuel le 3 mai 2019, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 9 mai 2019.
Postérieurement à l'audience et par note en délibéré, la cour a invité les parties à s'expliquer sur le caractère éventuellement abusif de la clause figurant à l'article 17 de l'offre de prêt immobilier acceptée le 20 octobre 2010, au regard des dispositions de l'article R. 632-1 alinéa 2 du code de la consommation, en ce qu'elle prévoit que :
« Les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles dans l'un quelconque des cas suivants...
- en cas de règlement amiable, de redressement judiciaire civil, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire de l'emprunteur... ».
Mme X.-Y. et le Crédit mutuel ont fait connaître leurs observations par notes en délibéré datées respectivement des 12 juillet 2019 et 11 juillet 2019.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES MOTIFS :
Sur la déchéance du terme :
Il est constant que par courrier du 30 décembre 2013, non versé aux débats mais visé par les deux parties dans leurs écritures, le Crédit mutuel a notifié à Mme X.-Y. la déchéance du terme du prêt immobilier consenti le 20 octobre 2010.
Dans un second courrier, daté du 17 janvier 2014, la banque a rappelé à Mme X.-Y. que l'intégralité des sommes dues au titre du prêt était devenue exigible par l'effet de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de M. Y., co-emprunteur solidaire.
Pour débouter Mme X.-Y. de sa demande tendant à voir poursuivre l'exécution du contrat la concernant, le premier juge a relevé que l'obligation à la dette étant indivisible et solidaire, la liquidation judiciaire de M. Y. rendait également exigible l'intégralité de la créance à l'égard de son épouse par application de l'article 17 des conditions générales du prêt et de l'article L. 643-1 du code de commerce.
Devant la cour, Mme X.-Y. reprend les moyens qu'elle avait exposés en première instance et soutient que la liquidation judiciaire de l'un des co-emprunteurs n'emporte pas exigibilité de la créance à l'égard des autres ; que si elle est solidaire de son époux pour le prêt, dont elle poursuit d'ailleurs le remboursement, elle n'est pas solidaire de ses dettes et de sa liquidation judiciaire dès lors qu'ils sont mariés sous le régime de la séparation de biens; que l'article 17 du contrat dont se prévaut la banque ne vise que l'emprunteur et non le co-emprunteur ; qu'au surplus, les conditions générales du prêt n'ont pas été paraphées.
Le Crédit mutuel sollicite la confirmation du jugement entrepris en faisant valoir que, conformément aux dispositions de l'article L. 643-1 du code de commerce, la liquidation judiciaire de M. Y. entraîne l'exigibilité anticipée du prêt tant à son égard qu'à l'égard de Mme X.-Y., qui a contracté solidairement et indivisiblement avec son époux ; que, de plus, il résulte de l'article 17 des conditions générales du prêt que la mise en liquidation judiciaire de l'un des co-emprunteurs solidaires constitue une cause de déchéance du prêt, étant précisé que le terme 'emprunteur' employé dans la clause renvoie à l'ensemble des co-emprunteurs solidaires.
[*]
Aux termes de l'article L. 643-1 alinéa 1er du code de commerce, le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire rend exigibles les créances non échues.
Contrairement à ce que soutient l'intimé, l'exigibilité du prêt à l'égard de Mme X.-Y. n'est pas une conséquence légale de la liquidation judiciaire de M. Y., co-emprunteur solidaire.
En effet, la déchéance du terme prononcée en application du texte susvisé et résultant de la liquidation judiciaire de l'un des emprunteurs n'a d'effet qu'à l'égard de celui-ci et ne s'étend pas au co-emprunteur, fût-il obligé solidairement, sauf clause contraire.
Le Crédit mutuel invoque, à titre surabondant, l'existence d'une clause d'exigibilité prévue à l'article 17 des conditions générales du contrat et rédigée comme suit :
« Les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles dans l'un quelconque des cas suivants...
- en cas de règlement amiable, de redressement judiciaire civil, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire de l'emprunteur... ».
Il résulte des dispositions de l'article L. 212-1 du code de la consommation applicables aux contrats conclus entre professionnels et consommateurs, que sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
En application de l'article R. 632-1 alinéa 2 du même code, le juge écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.
En cours de délibéré, les parties ont été invitées par la cour à faire parvenir leurs observations sur le moyen, soulevé d'office, du caractère éventuellement abusif de la clause dont se prévaut le Crédit mutuel.
Dans sa note en délibéré du 11 juillet 2019, ce dernier reprend l'argumentation précédemment développée dans ses conclusions et, y ajoutant, cite un arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation en date du 9 mai 2019 pour en déduire que, en raison de la solidarité et de l'indivisibilité des obligations acceptées par les époux Y., les événements affectant sa créance à l'encontre de M. Y. produisent les mêmes effets sur celle qu'il détient à l'encontre de Mme X.-Y.
L'intimé soutient, en outre, que dans le cas présent, la clause de déchéance du terme n'a pu créer de déséquilibre significatif au détriment de Mme X.-Y. puisque celle-ci a refusé la remise en amortissement du prêt qui lui avait été proposée par courrier du 30 mai 2016.
Sur le premier point, il convient de constater que l'arrêt du 9 mai 2019 visé par le Crédit mutuel ne concerne pas les effets du prononcé de la liquidation judiciaire sur l'exigibilité des créances non échues mais la portée de la décision d'admission des créances à l'égard du codébiteur solidaire de l'emprunteur contre lequel la procédure collective a été ouverte.
Au demeurant, la position de la Cour de cassation, selon laquelle la décision d'admission de la créance est opposable au codébiteur solidaire, se justifie au regard de l'autorité de la chose jugée attachée à la décision d'admission du juge commissaire et de la possibilité pour le codébiteur solidaire, prévue par l'article L. 624-3-1 du code de commerce, de former une réclamation contre cette décision.
En second lieu, la clause figurant à l'article 17 du prêt litigieux, qui permet au prêteur, en cas de liquidation judiciaire d'un co-emprunteur, de prononcer discrétionnairement la déchéance du terme à l'égard de l'autre co-emprunteur alors même que celui-ci est en mesure de poursuivre le remboursement du prêt selon l'échéancier convenu a pour effet de créer un déséquilibre significatif au détriment de ce dernier.
Le Crédit mutuel ne saurait soutenir qu'un tel déséquilibre n'a pas été créé en l'espèce au détriment de Mme X.-Y. qui a refusé sa proposition de remettre le prêt en amortissement, dès lors que le courrier du 30 mai 2016 contenant cette offre est intervenu postérieurement au jugement attaqué et à la déclaration d'appel et, selon les propres termes employés par le Crédit mutuel, « à titre exceptionnel » et « dans un cadre strictement amiable ».
Ainsi, cette proposition, que Mme X.-Y. déclare avoir refusée en raison de l'absence d'indication quant à sa demande de radiation de l'inscription au FICP, est sans incidence sur le caractère abusif de la clause dont le prêteur s'était antérieurement et effectivement prévalu.
Il s'ensuit que la clause susmentionnée doit être écartée comme étant abusive, ce qui conduit à considérer que la déchéance du terme n'ayant pas été valablement prononcée à l'égard de Mme X.-Y., co-emprunteur solidaire, le prêt consenti par le Crédit mutuel suivant offre acceptée le 20 octobre 2010 doit continuer à produire ses effets.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a débouté Madame X.-Y. de sa demande tendant à voir poursuivre l'exécution du prêt qui lui a été consenti par le Crédit mutuel.
En revanche, il n'y a pas lieu de constater une quelconque novation ainsi que le sollicite l'appelante dans le dispositif de ses conclusions, cette prétention n'étant pas explicitée et ne reposant sur aucun élément.
Enfin et conformément à la demande de Mme X.-Y., le Crédit mutuel devra accomplir toutes démarches utiles en vue de la radiation de l'inscription de celle-ci au FICP, sans qu'il soit pour autant nécessaire d'assortir cette décision d'une astreinte.
Sur la demande de dommages et intérêts :
Mme X.-Y. sollicite une indemnité de 5 000 euros en application de l'article 1382 du code civil (ancien) pour préjudice moral et tracasseries inutiles.
Cette demande, dont il convient de relever qu'elle est fondée sur la responsabilité délictuelle alors que les parties sont liées par un contrat, ne pourra qu'être rejetée dès lors qu'il n'est pas justifié d'un préjudice en relation avec le manquement reproché à la banque.
Sur les demandes accessoires :
Au regard de la solution du litige, le Crédit mutuel supportera les dépens de première instance et d'appel et devra verser à Mme X.-Y. la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Infirme le jugement rendu le 12 mai 2016 par le tribunal de grande instance de Nantes,
Statuant à nouveau sur l'entier litige,
Dit que le prêt consenti par la Caisse de crédit mutuel Saint Félix à Madame X. épouse Y. suivant offre acceptée le 20 octobre 2010 doit continuer à produire ses effets,
Dit que la Caisse régionale de crédit mutuel de Loire-Atlantique et du Centre-Ouest devra accomplir les démarches nécessaires à la radiation de l'inscription de Mme X. épouse Y. au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, ce, dans le délai d'un mois à compter de la date du présent arrêt,
Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,
Déboute Mme X. épouse Y. de sa demande de dommages et intérêts,
Condamne la Caisse régionale de crédit mutuel de Loire-Atlantique et du Centre-Ouest à payer à Mme X. épouse Y. la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la Caisse régionale de crédit mutuel de Loire-Atlantique et du Centre-Ouest aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
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