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CA RENNES (4e ch.), 14 novembre 2019

Nature : Décision
Titre : CA RENNES (4e ch.), 14 novembre 2019
Pays : France
Juridiction : Rennes (CA), 4e ch.
Demande : 17/00976
Décision : 19/382
Date : 14/11/2019
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 10/02/2017
Numéro de la décision : 382
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8218

CA RENNES (4e ch.), 14 novembre 2019 : RG n° 17/00976 ; arrêt n° 382 

Publication : Jurica

 

Extrait : « L'article 6 du contrat des conditions particulières du contrat stipule que l'architecte n'assumera les responsabilités professionnelles définies par les lois et règlements en vigueur et particulièrement celles édictées par les articles 1792 et 2270 du code civil, que dans la mesure de ses fautes personnelles et qu'il ne pourra être tenue responsable, ni solidairement ni in solidum, des fautes commises par d'autres intervenants à l'opération objet du contrat. Contrairement à ce que soutiennent les maîtres de l'ouvrage, cette clause a pour conséquence de limiter la condamnation à la seule part de responsabilité de la société Arts'Cad.

La société Arts'Cad l'invoque et demande à la cour de limiter à 20 % au plus les conséquences de ses fautes personnelles soit 20.843 euros TTC sur la somme de 94.746,52 euros HT sollicitée.

Si cette clause déroge au principe de l'indemnisation intégrale de la victime, comme le font valoir les intimés, elle est licite au titre de la responsabilité contractuelle pour défaut de respect par l'architecte de son obligation de moyens (Cass. civ. 3e, 8 février 2018, n° 17-13596). En revanche, elle ne peut trouver à s'appliquer à la garantie légale, comme le soutiennent à juste titre les maîtres de l'ouvrage, qui rappellent l'article 1792-5 du code civil qui prohibe toute clause d'un contrat qui a pour objet d'exclure ou de limiter la responsabilité prévue aux articles 1792 à 1792-4 et 1792-6.

Enfin, la clause d'exclusion de solidarité ne peut, contrairement à ce que soutiennent les époux X., être qualifiée d'abusive au sens de l'article L212-1 du code de la consommation, ne créant aucun déséquilibre significatif entre le professionnel et le non professionnel puisqu'elle ne vide pas la responsabilité de l'architecte de son contenu puisqu'il doit assumer les conséquences de ses fautes et sa part de responsabilité dans les dommages sans pouvoir être condamné pour la totalité d'entre eux.

Cette clause peut cependant être écartée en cas de dol ou de faute lourde.

Les époux X. invoquent l'existence d'une faute lourde de la société Arts'Cad aux motifs qu'elle n'a pas vérifié les attestations d'assurance des intervenants au chantier et a privé les maîtres de l'ouvrage de la possibilité d'appeler leurs assureurs en garantie. Ils lui reprochent également de ne pas les avoir informés de l'obligation de souscrire une assurance dommage ouvrage. Ils estiment encore qu'elle n'a pas exécuté ses obligations essentielles et a failli à tous les stades de sa mission.

La société Arts'Cad reconnaît des manquements dans le suivi du chantier mais souligne l'obligation de résultat des entreprises qui ont opéré des choix et commis des erreurs dont elle ne s'estime pas responsable. Elle ajoute qu'elle n'avait aucun pouvoir de contrainte pour obliger les sociétés à achever les travaux.

La société Arts'Cad a été chargée d'effectuer l'avant-projet sommaire, l'avant-projet définitif, le dossier de permis de construire, le projet de conception générale et la direction et comptabilité des travaux et assistance aux opérations de réception, soit une maîtrise complète.

Il résulte du rapport d'expertise que l'architecte n'a pas fait réaliser d'études d'exécution ni d'étude thermique et n'a pas rédigé de CCTP, qu'il n'a pas fait d'appels d'offres ni rédigé de comptes-rendus de chantier, qu'il n'a pas fait signer de marchés de travaux par le maître de l'ouvrage (seul le devis du lot Art Placo l'a été), qu'il n'a pas demandé d'attestations d'assurance aux entrepreneurs, qu'il n'a pas organisé la réception de l'ouvrage.

Il apparaît que le bâtiment est affecté de vices de construction et de non-finitions, la société Arts'Cad étant mise en cause pour 26 désordres des 33 nécessitant une reprise.

Enfin, le maître d'œuvre n'a pas anticipé le budget suffisant qui était nécessaire pour mener à terme la construction. Il a imposé de nouveaux choix dictés par son imprévision économique sans prendre l'avis des maîtres de l'ouvrage.

La société Arts'Cad ne peut s'exonérer de ses fautes en arguant des manquements des entrepreneurs.

Le nombre et la gravité des fautes commises par société Arts'Cad caractérisent une carence généralisée dans l'exécution de ses obligations contractuelles qui justifie la qualification de faute lourde invoquée par les intimés.

Il convient ainsi non de déclarer la clause non écrite pour faute lourde comme le sollicite les intimés, mais de l'écarter. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE RENNES

QUATRIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 14 NOVEMBRE 2019