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CA BASTIA (ch. civ.), 11 septembre 2019

Nature : Décision
Titre : CA BASTIA (ch. civ.), 11 septembre 2019
Pays : France
Juridiction : Bastia (CA), ch. civ.
Demande : 18/00806
Date : 11/09/2019
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 26/10/2018
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8235

CA BASTIA (ch. civ.), 11 septembre 2019 : RG n° 18/00806 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Il résulte du courrier du 16 avril 2018, que le locataire ne conteste pas l'existence de loyers impayés à hauteur de 9.148,44 euros ni même l'indemnité de retard de 10 %, qu'un échéancier a été mis en place et que le paiement de l'option d'achat était initialement prévu. Le caractère éventuellement abusif des clauses contractuelles imposant simultanément le paiement des loyers à échoir et la restitution du matériel loué, relève du juge du fond et non du juge des référés saisi, de même que la question du déséquilibre significatif entre les partenaires commerciaux, de la renonciation à recours et de la nullité des clauses critiquées. De plus, en l'espèce, le contrat n'est pas résilié, il est venu à échéance le 20 février 2018, le locataire dispose de l'option d'achat ; il ne s'agit pas d'une résiliation, de sorte que les développements sur ce point sont sans pertinence. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2019

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG n° 18/00806. N° Portalis DBVE V B7C BZ77. Décision déférée à la Cour : Ordonnance Référé, origine Tribunal de Commerce d'AJACCIO, décision attaquée en date du 17 octobre 2018, enregistrée sous le R.G. n° 2018005342.

 

APPELANTE :

SASU MB TERRASSEMENTS BATIMENTS

prise en la personne de son représentant légal demeurant et domicilié ès qualités en son siège [adresse], ayant pour avocat Maître Gilles ANTOMARCHI, avocat au barreau de BASTIA

 

INTIMÉE :

Société CICOBAIL

prise en la personne de son représentant légal, domicilié es qualité audit siège [adresse], ayant pour avocat Maître François José MARTINI, avocat au barreau de BASTIA

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 juin 2019, devant Mme Judith DELTOUR, Conseiller, chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Judith DELTOUR, Conseiller, magistrat du siège présent le plus ancien dans l'ordre des nominations à la Cour, remplaçant le président de chambre empêché, M. Gérard EGRON REVERSEAU, Conseiller, Mme Marie Ange BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme Z.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 septembre 2019.

ARRÊT : Contradictoire, Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. Signé par Mme Judith DELTOUR, Conseiller, et par Mme Jessica VINOLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PROCÉDURE :

Alléguant un contrat de crédit-bail du 19 février 2013 entre la société MB Terrassements et la société CIT Group France SAS portant sur la location d'un camion benne et la défaillance du débiteur, par acte du 24 août 2018, la société Cicobail, venant aux droits de la SAS CIT Group France a assigné la société MB Terrassements Bâtiments devant le juge des référés du tribunal de commerce d'Ajaccio pour obtenir sa condamnation à restituer le matériel et au paiement, outre des dépens, des loyers impayés, des indemnités de mise à disposition, des intérêts avec capitalisation, de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance réputée contradictoire du 17 octobre 2018, le juge des référés a :

- condamné par provision la société MB Terrassements Bâtiments SASU à payer à la société Cicobail la somme de 18.755,35 euros TTC,

- condamné par provision la société MB Terrassements Bâtiments SASU à payer à la société Cicobail la somme de 3.920,76 euros TTC,

- ordonné la capitalisation des intérêts de retard conformément aux dispositions de 1'article 1154 du code civil,

- ordonné dans le délai de huit jours à compter de la signification de l'ordonnance la restitution du camion benne Mercedes numéro de série : WD80961531n526992, stpinter 516 EEV, année 2013,

- dit n'y avoir lieu à astreinte,

- condamné la société MB Terrassements Bâtiments SASU à payer ta somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens,

- rejeté toutes autres demandes fins et conclusions contraires à la décision,

- liquidé les dépens en frais de greffe.

Par déclaration reçue le 26 octobre 2018, la SASU MB Terrassements Bâtiments a interjeté appel de la décision. L'avis d'orientation a été délivré le 6 novembre 2018, la déclaration d'appel a été signifiée le 14 novembre 2018.

[*]

Par conclusions communiquées le 5 décembre 2018 et signifiées le 11 décembre 2018, la SASU MB Terrassements Bâtiments a sollicité

- de la recevoir en son appel régulier en la forme,

- d'infirmer l'ordonnance de référé,

- de déclarer la société Cicobail irrecevable en sa demande pour défaut de qualité à agir et la débouter de ses demandes,

Subsidiairement et s'il devait en être autrement, de

- dire et juger que la clause du contrat de location mettant à la charge du locataire une indemnité correspondant aux loyers restant à échoir au jour de la résiliation comporte des obligations créent un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au sens de l'article L. 442-6 du code de commerce,

- dire et juger qu'il en est de même concernent la clause de renonciation à recours.

- constater l'existence d'une contestation sérieuse relative au caractère abusif de la clause de résiliation sur laquelle se fonde la société Cicobail pour obtenir la condamnation de la concluante au paiement des sommes réclamées à titre provisionnel,

- la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- la condamner à payer la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.

Elle a fait valoir l'absence de preuve de la qualité à agir. Subsidiairement, elle a soutenu le caractère abusif de la clause imposant le paiement de l'intégralité des loyers en cas de résiliation, qui peut être écartée en application des dispositions de l'article L. 141-4 du code de la consommation, en raison de l'avantage excessif qu'elle cause et de son caractère abusif, sur le fondement des articles L. 442-6 du code de commerce et L. 132-1 du code de la consommation et réclamé en conséquence la nullité de la clause. Elle a ajouté que la majoration des charges financières pesant sur le débiteur, résultant de l'anticipation de l'exigibilité des loyers dès la date de la résiliation, stipulée comme contrainte à l'exécution et comme évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice futur subi par le crédit bailleur du fait de l'accroissement de ses frais et risques à cause de l'interruption des paiements prévus, constitue une clause pénale susceptible de modération en cas d'excès et que le juge des référés ne pouvait se prononcer sur la validité de cette clause.

[*]

Par conclusions communiquées le 11 janvier 2019, la société Cicobail a demandé de

- constater que les demandes de l'intimée ne se heurtent à aucune contestation sérieuse,

- confirmer l'ordonnance dont appel dans toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a rejeté la demande de restitution du camion sous astreinte,

Statuant à nouveau sur cette question :

- ordonner, dans le délai de huit jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, la restitution sous astreinte de 300 euros par jours de retard dans le délai de 8 jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, en quelles que mains qu'ils se trouvent, des biens objets des contrats, à savoir un camion benne Mercedes Numéro de série WD 89061531n 526992 stpinter 516 EEV, année 2013,

- débouter l'appelante de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner l'appelante au paiement de la somme supplémentaire en cause d'appel de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Martini.

Elle a soutenu sa qualité à agir résultant des prévisions du contrat et de la notification de la cession et de son acceptation résultant du paiement entre ses mains de loyers. Elle a fait valoir que le contrat était arrivé à son terme, qu'il n'était pas résilié de façon anticipée que les sommes réclamées étaient incontestablement dues s'agissant des loyers impayés, de l'indemnité de retard, de la somme complémentaire prévue par le contrat, outre l'indemnité relative à l'utilisation du camion. Elle a réclamé le paiement d'une astreinte pour assortir la restitution.

[*]

L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 mars 2019.

L'affaire a été fixée à plaider à l'audience du 13 juin 2019. L'affaire a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 11 septembre 2019.

 

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'appel interjeté dans les formes et délais légaux, est recevable.

 

Sur la qualité à agir :

D'une part, le contrat prévoit expressément la possibilité pour le bailleur de céder à qui bon lui semble l'ensemble des droits et obligations résultant du contrat et la poursuite de la convention, sans notification préalable. Il prévoit également la possibilité d'une cession par le locataire et d'une titrisation des créances. D'autre part, le locataire a été avisé de la « modification importante de l'ensemble de [ses] contrats de crédit-bail » et de leur transmission à Cicobail le 18 novembre 2014 (sa pièce 4), de sorte que la fin de non-recevoir soulevée doit être rejetée.

 

Sur la demande de provision :

Il résulte du courrier du 16 avril 2018, que le locataire ne conteste pas l'existence de loyers impayés à hauteur de 9.148,44 euros ni même l'indemnité de retard de 10 %, qu'un échéancier a été mis en place et que le paiement de l'option d'achat était initialement prévu. Le caractère éventuellement abusif des clauses contractuelles imposant simultanément le paiement des loyers à échoir et la restitution du matériel loué, relève du juge du fond et non du juge des référés saisi, de même que la question du déséquilibre significatif entre les partenaires commerciaux, de la renonciation à recours et de la nullité des clauses critiquées. De plus, en l'espèce, le contrat n'est pas résilié, il est venu à échéance le 20 février 2018, le locataire dispose de l'option d'achat ; il ne s'agit pas d'une résiliation, de sorte que les développements sur ce point sont sans pertinence.

Le montant des loyers échus impayés ne fait l'objet d'aucune contestation et se trouve corroboré par les pièces, pas plus que le défaut de restitution de matériel loué à l'issue du contrat, de sorte que l'indemnité d'immobilisation à défaut de restitution est due, calculée au prorata temporis, tandis que le calcul des intérêts de retard est conforme aux prévisions contractuelles.

L'ordonnance de référé déférée doit être confirmée sans qu'il y ait le lieu de procéder aux constats sollicités, sauf à préciser que le véhicule loué est de type « sprinter ». La société appelante doit être déboutée de ses demandes contraires.

 

Sur l'appel incident :

La société Cicobail venant aux droits de la SAS CIT Group France a sollicité de confirmer l'ordonnance dont appel dans toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a rejeté la demande d'astreinte. D'une part, pour les mêmes motifs que ceux retenus par le premier juge, elle doit être déboutée de sa demande d'astreinte à défaut de justifier d'une demande de restitution et, en l'état du litige, de la signification de la décision. D'autre part et surabondamment, elle n'a pas interjeté appel incident ni par un acte d'appel ni dans ses conclusions d'appel et le dispositif de ses conclusions ne comporte aucune demande d'infirmation ou de réformation de la décision.

Chacune des parties succombe pour une part en cause d'appel, chacune doit être condamnée à supporter la moitié des dépens d'appel, sans qu'il y ait lieu à distraction ou, considérant l'équilibre de la décision, à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

- Confirme l'ordonnance de référé déférée en toutes ses dispositions, sauf à préciser que la demande porte sur un camion benne Mercedes Numéro de série WD 89061531n 526992 sprinter 516 EEV, année 2013,

Y ajoutant,

- Déboute la société MB Terrassements Bâtiments SASU de ses fins de non-recevoir et de ses demandes y compris celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Déboute la société Cicobail venant aux droits de la SAS CIT Group France de ses demandes au titre de son appel incident et de l'article 700 du code de procédure civile,

- Fait masse des dépens d'appel et condamne la société MB Terrassements Bâtiments SASU d'une part et la société Cicobail d'autre part, chacune au paiement de la moitié de ces dépens.

LA GREFFIERE,                LE PRESIDENT,