CA DOUAI (ch. 2 sect. 2), 19 décembre 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 8284
CA DOUAI (ch. 2 sect. 2), 19 décembre 2019 : RG n° 18/04095
Publication : Jurica
Extrait (rappel de la procédure) : « Par note en délibéré en date du 8 octobre 2019, la cour a invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen soulevé d'office de l'irrecevabilité des demandes présentées par la SARL MJ Restauration et M. C. Jean-François sur le fondement des dispositions de l’article L 442-6-I-2° du code de commerce. »
Extrait (motifs) : « Aux termes des dispositions de l'article L. 442-6-I du code de commerce, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel, ou personne immatriculée au répertoire des métiers... : […] 2° de soumettre ou tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties,
Ces dispositions, d'ordre public, donnent compétence, pour le ressort de la cour d'appel de Douai, au tribunal de commerce de Lille Métropole, et en appel à la cour d'appel de Paris, conformément aux article D. 442-3 et D. 442-4 du code de commerce.
Le non-respect des dispositions précitées est sanctionné par une fin de non-recevoir, d'ordre public.
Sans même qu'il y ait lieu de s'interroger sur la nature de la sanction sollicitée en cas de déséquilibre significatif par M. C. ès-qualités, il ne peut qu'être constaté que le tribunal de Boulogne sur Mer n'est pas une juridiction spécialisée au sens des textes précités et la cour d'appel de Douai ne peut pas plus avoir à connaître desdites dispositions.
En conséquence, la demande présentée de ce chef par M. C. ne peut qu'être déclarée irrecevable et la décision des premiers juges infirmée en ce qu'elle a statué sur ce moyen. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 19 DÉCEMBRE 2019
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° RG 18/04095 - N° Portalis DBVT-V-B7C-RWOC. Jugement (R.G. n° 2017001667) rendu le 12 juin 2018 par le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer.
APPELANTS :
SARL MJ Restauration
société en liquidation judiciaire amiable
M. Jean-François C. agissant en qualité de liquidateur amiable de la société MJ Restauration
demeurant adresse]
représentés par Maître Jean-Philippe V., avocat au barreau d'Arras, substitué à l'audience par Me Océane H., avocat au barreau d'Arras
INTIMÉES :
SAS Brasserie de Saint-Omer
prise en la personne de son représentant légal domicilié en son siège, ayant son siège social [adresse], représentée et assistée par Maître Alain R., avocat au barreau de Douai
SARL BIAS Immobilier et Entreprise
ayant son siège social [...], représentée et assistée par Maître Arthur A., avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, substitué à l'audience par Maître Lucien D., avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, ayant pour conseil Maître Benoît V., avocat au barreau de Rouen
DÉBATS à l'audience publique du 08 octobre 2019 tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Laurent Bedouet, président de chambre, Nadia Cordier, conseiller, Agnès Fallenot, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2019 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Laurent Bedouet, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 10 septembre 2019
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Par acte sous seing privé en date du 3 mai 2012, la SARL MJ Restauration a acquis un fonds de commerce désigné comme Bar Brasserie et sis [adresse].
Elle a alors repris le contrat brasseurs souscrit par les anciens propriétaires du fonds auprès de la Société Brasserie Saint Omer.
Par acte sous seing privé en date du 24 décembre 2015, la société MJ Restauration a cédé son fonds de commerce à Madame X., avec prise d'effet au 1er janvier 2016.
Le contrat avec la société Brasserie St Omer n'a pas été cédé avec le fonds de commerce.
La SARL MJ Restauration a été placée en liquidation amiable, M. C. étant désigné liquidateur.
La société Brasserie Saint Omer a, en date du 26 décembre 2015, formé opposition au prix de cession, au titre d'une indemnité contractuelle de rupture de la convention de fournitures de bières, et ce pour un montant de 23.364,10 euros.
Malgré des demandes amiables, le Cabinet Bias, mandataire de l'acte de cession du fonds de commerce, a refusé tout dessaisissement de cette somme au profit de MJ Restauration au motif que la Brasserie Saint Omer n'a pas procédé à la mainlevée de ladite somme.
La société Brasserie Saint Omer a assigné la SARL MJ Restauration aux fins d'obtenir le paiement de l'indemnité contractuelle de rupture, procédure à laquelle, la SARL MJ Restauration a appelé le séquestre, le Cabinet Bias, afin que la décision lui soit rendue commune et opposable.
Par jugement contradictoire et en premier ressort en date du 12 juin 2018, le tribunal de commerce de Boulogne sur Mer a :
- vu la jonction des affaires enrôlées sous les numéros 2017001667 et 2017004370,
- condamné la SARL MJ Restauration en la personne de M. Jean-François C., en qualité de liquidateur amiable, à verser à la SAS Brasserie de Saint Omer les sommes de :
- 23.077,66 euros à titre de dédommagement avec intérêts au taux légal à compter de la date de la présente décision,
- 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que le jugement entraîne déblocage des fonds actuellement immobilisés du fait de l'opposition et constaté que la créance de la Brasserie de Saint Omer bénéficie d'un privilège de nantissement,
- condamné la SARL MJ Restauration en la personne de M. Jean-François C. en qualité de liquidateur amiable de la société MJ Restauration à verser à la société Bias immobilier et entreprise la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la SARL MJ Restauration de ses demandes reconventionnelles,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné la SARL MJ Restauration en la personne de M. Jean-François C., ès-qualités de liquidateur amiable de la SARL MJ Restauration aux entiers dépens de l'instance.
Par déclaration en date du 13 juillet 2018, la SARL MJ Restauration, prise en la personne de son liquidateur amiable, M. Jean-François C. a interjeté appel du jugement, l'acte d'appel reprenant l'ensemble des chefs de la décision.
MOYENS ET PRÉTENTIONS :
Par conclusions signifiées par voie électronique en date du 22 octobre 2018, M. C. en qualité de liquidateur amiable de la SARL MJ Restauration demande à la cour de :
- infirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Boulogne Sur Mer du chef des dispositions suivantes :
« Condamne la SARL MJ Restauration en la personne de Monsieur Jean François C., en qualité de liquidateur amiable à verser à la SAS Brasserie de Saint Omer les sommes de :
- 23.077,66 € à titre de dédommagement avec intérêts au taux légal à compter de la date de la présente décision.
- 1.000€ à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.
- 1.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile
Dit que le jugement entraîne le déblocage des fonds actuellement immobilisés du fait de l'opposition et constate que la créance de la Brasserie Saint Omer bénéficie d'un privilège de nantissement.
Condamne la SARL MJ Restauration en la personne de Monsieur Jean François C., en qualité de liquidateur amiable de la société MJ Restauration à verser à la SAS Brasserie de Saint Omer la somme de 1.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Déboute la SARL MJ Restauration de ses demandes reconventionnelles.
Ordonne l'exécution provisoire du jugement.
Condamne la SARL MJ Restauration en la personne de Monsieur Jean François C., en qualité de liquidateur amiable de la société MJ Restauration, aux entiers dépens de l'instance, liquidés concernant les frais de greffe à la somme de 120,12 euros TTC. »
- Statuer de nouveau de ces chefs, au visa de l'article 1315 du Code Civil, des anciens articles 1131 et suivants du code civil, de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, de l'article 1152 et suivants du code civil ;
- à titre principal,
- dire et juger infondée l'opposition formée par la société Brasserie de St Omer
- ordonner la mainlevée de l'opposition formée par la Société Brasserie Saint Omer
- dire et juger que :
- Le contrat de brasseurs caduc,
- A défaut, le contrat de brasseurs nul et de nul effet,
- A défaut, la clause d'indemnité de rupture non acquise,
- en conséquence, débouter la société Brasserie Saint Omer de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- ordonner la restitution de la somme de 23 364,10 euros à Monsieur C., es qualité de liquidateur amiable de la société MJ Restauration ;
- déclarer commune et opposable la décision à venir au Cabinet Bias, séquestre et rédacteur de l'acte de cession ;
- condamner la Société Brasserie Saint Omer à payer à
Monsieur C., es qualité de liquidateur amiable de la société MJ Restauration, la somme de 3.000 euros au titre de l'abus de procédure ;
- condamner la Société Brasserie Saint Omer à payer à
Monsieur C., es qualité de liquidateur amiable de la société MJ Restauration, la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- condamner la Société Brasserie Saint Omer aux entiers frais et dépens de la procédure ;
- à titre subsidiaire,
- dire et juger infondée l'opposition formée par la société Brasserie de St Omer ;
- ordonner la mainlevée de l'opposition formée par la Société Brasserie Saint Omer ;
- dire et juger la clause manifestement excessive ;
- la réévaluer à de bien plus justes proportions ;
- En conséquence, ordonner la restitution de la somme de 23.364,10 euros à Monsieur C., es qualité de liquidateur amiable de la société MJ Restauration
- déclarer commune et opposable la décision à venir au Cabinet Bias, séquestre et rédacteur de l'acte de cession ;
- condamner la Société Brasserie Saint Omer à payer à Monsieur C. la somme de 3.000 euros au titre de l'abus de procédure ;
- condamner la Société Brasserie Saint Omer à payer à Monsieur C., es qualité de liquidateur amiable de la société MJ Restauration, la somme de
4.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- condamner la Société Brasserie Saint Omer aux entiers frais et dépens de la procédure.
Il revient sur :
- la reprise du contrat, le remboursement anticipé du contrat,
- la demande pour revoir à la baisse les termes du contrat,
- la cession du fonds et la liquidation amiable.
Il conteste la motivation des premiers juges qui ont considéré que la SARL MJ Restauration, qui avait succédé aux époux G. dans la mise en exploitation du fonds de commerce, avait repris les engagements de ces derniers dans l'acte de cession de fonds de commerce au titre du respect du contrat de brasseurs, sans tenir compte des arguments relatifs au non-respect par la société Brasserie Saint Omer de ses propres engagements.
Il soutient que le contrat de brasseur était caduc aux motifs que :
- le distributeur s'engage à une exclusivité d'approvisionnement auprès de son fournisseur ou de tout revendeur désigné par lui, à respecter des quotas d'achats annuels et à transmettre le contrat en cas de cession du fonds de commerce, en contrepartie d'une assistance, notamment financière ou matérielle,
- en l'absence d'offre de ce chef, il n'existe aucune cause, ce qui conduit à la caducité du contrat,
- la contrepartie de la société Brasserie Saint Omer consistait en un cautionnement du prêt consenti par la banque Scalbert Dupont, qui n'avait plus court, puisque le vendeur s'était engagé à rembourser par anticipation ledit prêt,
- la caducité provoque la disparition immédiate de l'acte juridique pour l'avenir,
- la société Brasserie de Saint Omer ne peut donc se prévaloir de la clause d'indemnité de rupture.
Il estime que le contrat de brasseur est grevé d'un déséquilibre significatif puisque :
- aucune preuve n'est apportée par la brasserie d'un manquement au terme du contrat,
- la SARL MJ Restauration est une société familiale alors que la société Brasserie de Saint Omer a une force commerciale importante,
- le contrat est empreint d'un déséquilibre, la cour devant apprécier les conditions contractuelles de résiliation unilatérale,
- la clause prévoyant une indemnité de rupture correspondant à 25 % HT du prix de la bière la plus consommée dans l'établissement restant à fournir dénote un déséquilibre significatif,
- le contrat est nul, ne permettant pas à la Brasserie de se prévaloir de la clause d'indemnité de rupture.
À titre subsidiaire, il plaide que :
- la mise en œuvre de la clause de rupture est impossible, puisque les conditions de la clause d'indemnité ne sont pas acquises,
- aucun constat d'huissier n'a été réalisé, comme l'exige la clause, la brasserie succombant manifestement dans la preuve qui lui incombe,
- aucune mise en demeure n'a été réalisée pour avertir la SARL MJ Restauration des sommes dues au titre de cette clause.
L'indemnité calculée sur cette clause ne peut qu'être réévaluée, puisqu'il s'agit d'une clause pénale, qui doit être modérée, au vu du contexte, tenant à la tentative avortée de renégociation du contrat.
Elle sollicite des dommages et intérêts pour procédure abusive, la position de la brasserie entraînant le blocage des fonds issus de la cession, créant ainsi un préjudice certain à M. C.
Par conclusions signifiées par voie électronique en date du 6 novembre 2018, la SAS Brasserie de Saint Omer demande à la cour de :
- dire bien jugé mal appelé.
- débouter de toutes fins et conclusions MJ Restauration et Monsieur C. Liquidateur amiable et mettre son argumentation à néant.
- condamner par confirmation la SARL MJ Restauration au paiement de la somme de 23.077,06 € avec intérêts au taux légal à compter de l'exploit introductif d'instance et constater que la créance de la brasserie de Saint-Omer bénéficie d'un privilège de nantissement.
- condamner la même au paiement de la somme de 1500 € pour résistance abusive par confirmation.
- condamner la même au paiement de la somme de 5.000 € TTC par application des dispositions de l'art. 700 du code de procédure civile.
- condamner la même aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel.
Elle s'oppose :
- à la caducité du contrat, puisqu'il s'agit du droit de suite des contrats et leur effet intangible,
- au déséquilibre significatif, puisque la brasserie n'est pas intervenue dans la négociation afférente à la vente G./ MJ Restauration, agréant uniquement tacitement la reprise. Les prix ont en outre été nécessairement acceptés par la cession du fonds de commerce et la reprise du contrat de brasseurs.
Elle souligne que :
- les arguments relatifs à l'impossible mise en œuvre de la clause d'indemnité ne sont pas opérants en l'espèce, puisqu'il n'est pas fait état d'un manquement à l'exclusivité mais d'un volume non respecté,
- la faute est constituée en ce que la société MJ Restauration a vendu son fonds de commerce libre de brasseur, rendant la pénalité contractuelle automatique,
- un préjudice existe bien, lié à la perte de tout point de vente.
Par conclusions signifiées par voie électronique en date du 7 janvier 2019, la Société Bias Immobilier entreprise demande à la cour de :
- constater qu'aucune demande particulière n'est formulée, devant la Cour, à l'encontre de la société Bias immobilier et entreprise,
- constater que la mise en cause, dans la présente instance, de la société Bias Immobilier et entreprise était parfaitement illégitime, comme ne reposant sur aucun texte de loi,
- condamner Monsieur Jean-François C., en qualité de Liquidateur amiable de la société MJ Restauration, ou tout succombant, à régler à la société Bias immobilier et entreprise, au titre des frais irrépétibles, par application de l'article 700 du Code de procédure civile :
- la somme de 1.500 €, concernant la procédure de première instance,
- la somme de 2.000 €, concernant la procédure d'appel,
- condamner Monsieur Jean-François C., en qualité de Liquidateur amiable de la société MJ Restauration, ou tout succombant, aux entiers dépens de la procédure, par application des articles 695 et suivants du Code de procédure civile.
Il fait valoir que :
- l'agent immobilier entre les mains duquel a été formée l'opposition n'a, en aucun cas, à se faire juge de cette dernière, au risque d'engager sa responsabilité s'il n'en tient pas compte,
- il n'a pas davantage à s'immiscer dans le débat entre Monsieur C. et la société Brasserie Saint-Omer, quant à l'indemnité de rupture réclamée par cette dernière,
- la mise en cause ici n'a aucun intérêt, puisqu'en cas de décision rendue, la société Bias aurait dû l'exécuter.
* * *
L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 septembre 2019.
Par note en délibéré en date du 8 octobre 2019, la cour a invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen soulevé d'office de l'irrecevabilité des demandes présentées par la SARL MJ Restauration et M. C. Jean-François sur le fondement des dispositions de l’article L 442-6-I-2° du code de commerce.
Par note en date du 31 octobre 2019, M.C., ès-qualités et la SARL MJ Restauration indiquent :
- préciser que les moyens de droit invoqués à l'appui de leurs prétentions sont fondés à titre principal sur les dispositions du droit commun contractuel,
- la cour ne peut se déclarer incompétente, seule la demande qui serait fondée sur l'article L [442-6-I-2°] pourrait être déclarée irrecevable,
- la cour d'appel se trouve tenue de statuer sur les prétentions des appelants.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIVATION :
Sur la caducité du contrat de brasseur :
En vertu des dispositions de l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, l'obligation sans cause ou sur fausse cause, ou sur une cause illicite ne peut avoir aucun effet.
Sans méconnaître que la cause, élément nécessaire à la constitution du contrat, doit exister au jour de la formation de celui-ci, il n'en demeure pas moins qu'un contrat perd sa force obligatoire pour cela même que la cause de l'obligation de l'une des parties a disparu lors de l'exécution de celui-ci.
La disparition de la cause d'un contrat à exécution successive au cours de son exécution entraîne sa caducité.
M. C., ès-qualités, soutient que par le remboursement du prêt par son vendeur, la contrepartie de la société Brasserie Saint Omer, consistant en un cautionnement du prêt consenti par la banque au vendeur initial, n'a plus court, justifiant la caducité de la convention de brasseur.
Toutefois les engagements de la société Brasserie de Saint Omer ne sauraient se cantonner au seul cautionnement du prêt destiné à acquérir le fonds de commerce, puisqu'il résulte de la convention même qu'outre l'engagement financier au titre du cautionnement, la brasserie s'engage, en contrepartie d'une obligation d'approvisionnement exclusif, à mettre à la disposition des bières déterminées en quantité et qualité avec désignation d'un entrepositaire pour la durée de la convention.
En outre, dans l'acte de cession du fond de commerce conclu entre M. G. et la société MJ Restauration, il est expressément prévu la transmission et la reprise de la convention de brasseur existant, le simple fait que le brasseur n'ait pas été partie à ladite convention étant inopérant pour permettre à la société MJ Restauration de se considérer déliée par ledit engagement.
En conséquence, la demande de caducité est rejetée.
Sur la nullité du contrat pour déséquilibre significatif :
Aux termes des dispositions de l'article L. 442-6-I du code de commerce, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel, ou personne immatriculée au répertoire des métiers... : […] 2° de soumettre ou tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties,
Ces dispositions, d'ordre public, donnent compétence, pour le ressort de la cour d'appel de Douai, au tribunal de commerce de Lille Métropole, et en appel à la cour d'appel de Paris, conformément aux article D. 442-3 et D. 442-4 du code de commerce.
Le non-respect des dispositions précitées est sanctionné par une fin de non-recevoir, d'ordre public.
Sans même qu'il y ait lieu de s'interroger sur la nature de la sanction sollicitée en cas de déséquilibre significatif par M. C. ès-qualités, il ne peut qu'être constaté que le tribunal de Boulogne sur Mer n'est pas une juridiction spécialisée au sens des textes précités et la cour d'appel de Douai ne peut pas plus avoir à connaître desdites dispositions.
En conséquence, la demande présentée de ce chef par M. C. ne peut qu'être déclarée irrecevable et la décision des premiers juges infirmée en ce qu'elle a statué sur ce moyen.
Sur la clause d'indemnité de rupture :
La stipulation du contrat d'approvisionnement précise, en son article 3 :
- la teneur de l'engagement d'approvisionnement exclusif,
- qu'« en cas de cession ou de mise en location- gérance du fonds de commerce, l'emprunteur garantit le respect par ses successeurs des conditions du présent contrat »,
- que « l'emprunteur sera redevable à l'égard de la Brasserie d'une indemnité contractuelle de rupture correspondant à 25 % hors taxe du prix de la bière la plus consommée dans l'établissement restant à fournir, pendant la période à courir du jour de l'infraction jusqu'à la date de l'expiration de convention d'exclusivité. Toutefois, en aucun cas, du fait de ce mode de calcul, l'indemnité ne saurait être inférieure à la valeur de 30 hectolitres de bière, à la date de l'infraction ou de la rupture. Cette indemnité, destinée à la réparation du préjudice subi, sera payable le jour même de l'infraction. Lesdites infractions ou ruptures de contrat étant reconnues par simple constat d'huissier ».
Conformément aux dispositions de l'article 1156 du code civil, il convient de rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes.
De manière impropre le texte précité relatif à la clause pénale invoque la « reconnaissance » des infractions ou ruptures des contrats par simple constat d'huissier alors qu'il ne peut s'agir que de l'établissement de la preuve desdites infractions ou ruptures.
Un constat d'huissier est nécessaire et indispensable pour établir un fait positif, notamment le manquement du débitant à son obligation d'exclusivité. Toutefois l'huissier ne saurait constater un fait négatif à savoir la non continuation de l'engagement d'approvisionnement.
Dès lors, le jeu de la clause d'indemnité de rupture ne saurait être subordonné à la formalité du constat d'huissier, pour le cas de la cessation de l'approvisionnement, à raison de la cession libre de toute convention de brasseur, alors même que ledit engagement n'était pas expiré.
Or, en l'espèce, la non continuation de l'engagement d'approvisionnement, prématurément au terme contractuellement prévu n'est pas contestée, le cessionnaire ayant manifesté son opposition à la poursuite dudit contrat et la cession ayant été effectuée par la société MJ Restauration libre de convention de brasseur.
La clause a donc vocation à s'appliquer.
La somme de 23.077,06 euros TTC demandée, en application de la clause litigieuse n'est pas plus contestée, M. C. cantonnant ses objections au principe même de la créance et n'élevant aucune contestation quant au quantum sollicité, se contentant d'en solliciter la modération.
En vertu des dispositions de l'article 1152 ancien du code civil, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.
En l'espèce, il n'est pas justifié du caractère excessif de ladite indemnité de rupture, M. C., ès-qualités, se contentant d'arguer de demande de renégociation refusée par la convention de brasserie sans l'établir, pas plus qu'il ne justifie d'ailleurs de la baisse des consommations dont il fait état.
Le fait que la société Brasserie Saint Omer dispose d'une surface financière très importante lui permettant de faire face à la perte d'un de ses distributeurs n'est pas une des conditions pouvant fonder une modération de la clause pénale.
En conséquence, c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné M. C., ès-qualités à payer la somme de 23.077,66 euros avec intérêt légal à compter de leur décision.
Sur la demande au titre de la procédure abusive :
En vertu des dispositions des articles 1382 et 1383 du code civil, l'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit et nécessite que soit caractérisée une faute faisant dégénérer en abus le droit d'agir en justice pour que puissent être octroyés des dommages et intérêts à titre de réparation.
En vertu des dispositions des articles 6 et 9 du code de procédure civile, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.
L'article 546 du code de procédure civile dispose que le droit d'appel est un droit qui appartient à toute partie qui y a intérêt, sous réserve toutefois de l'abus. Le fait d'intenter une action ou d'opposer des moyens de défense à une demande n'est pas en soi générateur de responsabilité et la succombance du plaideur ne caractérise pas sa faute.
La SAS Brasserie de Saint Omer sollicite une somme de 1.500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, sans toutefois caractériser la faute ayant fait dégénérer en abus la résistance et l'appel de M C., ès-qualités.
Aucun des moyens allégués n'est susceptible de caractériser un abus de droit et n'est d'ailleurs étayé par de quelconques éléments objectifs.
Elle sera donc déboutée de sa demande de ce chef.
Sur les dépens et accessoires :
En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile,
M. C. ès-qualités succombant en ses prétentions, il convient de le condamner aux dépens de la présente instance.
Les chefs de la décision de première instance relatifs aux dépens et à l'indemnité procédurale allouée à la société Brasserie de Saint Omer sont confirmés.
Le sens du présent arrêt commande de condamner M. C., ès-qualités à payer à la Brasserie de Saint Omer la somme de 2.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
S'agissant de la demande de la société Bias Immobilier et entreprise, il est constant qu'aucune demande n'est effectuée à son encontre tant en première instance qu'en appel par M. C. ès-qualités, la demande de 'déclarer commune et opposable la décision' à cette dernière n'étant pas une prétention que la cour doit trancher et n'étant que le rappel d'une obligation pour un tiers de se soumettre à toute décision de justice.
Ladite société a dû, alors même qu'elle détenait les fonds à raison de l'opposition à paiement effectuée sur le prix de cession du fonds de commerce, supporter les frais et tracas d'une instance en justice, qui justifie que M. C., ès-qualités, qui ne fait aucune demande spécifique à son égard et ne fonde son appel sur aucun texte, soit condamné à lui payer, dans les limites de la demande, une indemnité procédurale de 2.000,00 euros en cause d'appel et que la condamnation prononcée en première instance de ce chef soit confirmée.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Boulogne sur Mer en date du 12 juin 2018, sauf en ce qu'il a condamné M. Jean-François C. à payer à la Brasserie de Saint Omer la somme de 1.000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Y ajoutant, et réparant l'omission de statuer des premiers juges sur les prétentions relatives à l'absence de cause et la nullité de la convention pour déséquilibre significatif ;
REJETTE la demande de caducité de la convention d'approvisionnement ;
DÉCLARE irrecevable la demande présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6-I-2° au titre du déséquilibre significatif ;
DÉBOUTE la société Brasserie de Saint Omer de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
CONDAMNE M. Jean-François C. ès-qualités de liquidateur amiable de la SARL MJ Restauration à payer à la société Brasserie de Saint Omer la somme de 2.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. Jean-François C. ès-qualités de liquidateur amiable de la SARL MJ Restauration à payer à la société BIAS immobilier entreprise la somme de 2.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. Jean-François C. ès-qualités de liquidateur amiable de la SARL MJ Restauration aux dépens.
Le greffier Le président
V. Roelofs L. Bedouet