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CA MONTPELLIER (1re ch. B), 27 novembre 2019

Nature : Décision
Titre : CA MONTPELLIER (1re ch. B), 27 novembre 2019
Pays : France
Juridiction : Montpellier (CA), 1re ch. sect. B
Demande : 17/02965
Date : 27/11/2019
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 24/05/2017
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8287

CA MONTPELLIER (1re ch. B), 27 novembre 2019 : RG n° 17/02965 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Attendu que sauf à admettre, sans aucune démonstration au vu des pièces régulièrement communiquées, qu'il existe un contrat de maintenance avec la société LUMIFRANCE, adossé au contrat de vente entre cette société et NATIXIS, ou que la locataire aurait souscrit un contrat d'entretien de maintenance des matériels financés auprès de LUMIFRANCE, il n'est pas possible d'invoquer au plan juridique une interdépendance des contrats qui permettrait, à partir de la résolution du contrat de vente, d'obtenir la résiliation ou la caducité du contrat de location financière qui en serait dépendant ».

2/ « Attendu que la cour adopte les motifs pertinents du premier juge relatif à l'article L. 442-6 deuxièmement du code de commerce, dont ne saurait relever en l'espèce la locataire qui ne peut être considérée comme un partenaire commercial de la société NATIXIS, avec des échanges économiques réciproques s'inscrivant dans une certaine durée, alors qu'elle n'est qu'un simple cocontractant libéral d'un organisme financier ; Attendu que la notion de déséquilibre significatif au sens de l'article précité est donc sans emport ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

PREMIÈRE CHAMBRE B

ARRÊT DU 27 NOVEMBRE 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 17/02965. N° Portalis DBVK-V-B7B-NFV5. Décision déférée à la Cour : Jugement du 2 mai 2017, TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER : R.G. n° 16/00430

 

APPELANTE :

Madame X.

née le [date] à [ville], de nationalité Française, [adresse], Représentée par Maître Vincent C., avocat postulant et plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER

 

INTIMÉES :

SA NATIXIS LEASE

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis [adresse], Représentée par Maître Yann G. de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER G., G., L., avocat postulant, avocat au barreau de MONTPELLIER et par Maître Diane F.-M., avocat plaidant, avocat au barreau de PARIS

SELARL M. Y. T. ès qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société LUMIFRANCE

[adresse], assignée à domicile le 18 juillet 2017

 

ORDONNANCE DE CLÔTURE du 23 septembre 2019

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 OCTOBRE 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Georges TORREGROSA, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Monsieur Georges TORREGROSA, Président de chambre, Madame Chantal RODIER, Conseiller, M. Christian COMBES, Conseiller.

Greffier, lors des débats : Mme Henriane MILOT

ARRÊT : - réputé contradictoire - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; - signé par Monsieur Georges TORREGROSA, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LES FAITS, LA PROCÉDURE ET LES PRÉTENTIONS :

Vu le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Montpellier en date du 2 mai 2017 ;

Vu l'appel relevé par Madame X. le 24 mai 2017, dont la cour a vérifié la régularité ;

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions de l'appelante en date du 18 juin 2019 ;

Vu les conclusions d'appel incident de la société BPCE LEASE, anciennement NATIXIS LEASE, en date du 25 juillet 2019 ;

Vu l'assignation en date du 18 juillet 2017 de la SELARL M. Y.-T., mandataire liquidateur de la société LUMIFRANCE, qui n'a pas constitué avocat, le présent arrêt étant réputé contradictoire ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 23 septembre 2019

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Attendu que le contrat fait la loi des parties, notamment son article cinq intitulé « recours contre le fournisseur » ;

Attendu qu'il est stipulé que le matériel loué bénéficie de la garantie donnée par le fournisseur en accord avec le locataire et que dans la commande passée par le loueur il est stipulé que le fournisseur assurera ladite garantie, directement au locataire qui déclare dès à présent vouloir en bénéficier ;

Attendu que cette garantie a fonctionné un temps, ainsi que le démontre la pièce numéro trois de l'appelante, à savoir un certificat de maintenance annuelle systématique signée par le locataire d'une part et par LUMIFRANCE d'autre part ;

Attendu que l'article cinq précité évoque ensuite l'hypothèse où il serait nécessaire « de mettre en jeu la garantie du fournisseur », et il appartient dans ce cas au locataire d'exercer à ses frais tous les droits du loueur qui « les lui délègue par les présentes, après en avoir préalablement informé le loueur » ;

Attendu que la mise en jeu de la garantie, à savoir la recherche d'une garantie effective du matériel, dans le cas où elle n'est plus assurée ou dans celui où elle est incorrectement assurée, n'est pas assimilable à une recherche de la résolution du contrat de vente, qui serait exercée en vertu de cette délégation par le locataire ;

Attendu que sauf à ajouter au libellé contractuel, le locataire n'a reçu délégation que pour rechercher la garantie du fournisseur, qui se révélerait inexistante ou incomplète, après avertissement préalable du loueur ;

Attendu que la meilleure preuve de l'impossibilité d'assimiler cette délégation en recherche de garantie à une possibilité de rechercher la résolution de la vente par le locataire se trouve dans la suite de la lecture du même article cinq, à savoir :

« le locataire est, en outre, habilité à engager s'il l'estime justifiée, l'action en résolution de la vente en mettant en cause le loueur qui lui donne à cet effet mandat d'ester. Néanmoins il devra, avant toute action, en informer le loueur qui pourra lui demander de s'en dessaisir. Le locataire tiendra le loueur informé du déroulement du procès » ;

Attendu que l'emploi de la locution « en outre » démontre bien que ce deuxième volet n'est pas compris dans la délégation en recherche de garantie précitée, et le mandat ainsi conféré par le deuxième volet de l'article cinq est celui d'ester en justice, et non pas de se satisfaire d'une résolution alléguée d'amiable du contrat de vente qui résulterait du courrier adressé au liquidateur judiciaire de la société LUMIFRANCE (pièce numéro quatre) et de la réponse de ce mandataire selon laquelle « je vous donne mon accord pour la résiliation », sans autre précision ;

Attendu que sur ce volet, en page six in fine de ses motivations, le premier juge a considéré qu'il était sans effet de s'interroger sur la capacité juridique que tenait la locataire de son contrat de location financière avec la société NATIXIS, acquéreur et loueur des matériels, de solliciter valablement cette résolution auprès du mandataire liquidateur, tenant la cause invoquée par ce locataire au soutien de cette résolution qui n'était pas fondée ;

Attendu que la cour, en première part, estime que le locataire avait mandat du loueur pour rechercher la résolution de la vente, mais dans le cadre d'une action en justice (« ester en justice ») dont le loueur était préalablement informé, avec possibilité pour ce dernier de demander à son locataire de se dessaisir de l'action en justice ;

Attendu que la cour adopte sur ce volet, de seconde part, les motifs pertinents du premier juge qui a retenu l'effectivité d'une maintenance assurée par LUMIFRANCE, mais l'absence de démonstration que cette société avait bien contracté l'obligation de le faire au terme du contrat de vente des biens, et de la facture du 6 novembre 2013 adressé à NATIXIS pour un montant de 94.920 € ;

Attendu que NATIXIS soutient qu'il n'existe pas de contrat de vente écrit, mais seulement la facture précitée ;

Attendu que de plus, le premier juge a justement retenu que si la locataire avait naturellement confié la maintenance de ses propres matériels à cette société LUMIFRANCE, pour éviter un refus de garantie motivé par un entretien non conforme des appareils, dans l'hypothèse d'un dysfonctionnement au cours de la période contractuelle de garantie, il n'en demeure pas moins que les manuels d'utilisation, sans portée contractuelle, n'interdisent pas à la locataire de confier la maintenance à une autre personne qualifiée ;

Et attendu qu'en lecture des pièces régulièrement communiquées, il apparaît que la locataire n'a jamais sollicité du mandataire liquidateur, ou recherché auprès du fabricant les coordonnées d'un autre opérateur susceptible d'assurer la maintenance, pour obtenir un réparateur agréé, en estimant d'emblée que la mise en liquidation judiciaire, mettant la société dans l'incapacité d'accomplir ses obligations de maintenance, suffisait à opposer au loueur la résolution amiable alléguée du contrat de vente, et donc la résiliation ou la caducité du contrat de location financière ;

Attendu qu'au vu de la facture du 6 novembre 2013 (pièce numéro trois de NATIXIS) qui ne porte que sur la commande des matériels litigieux, pour montant de 94.920 €, sans autre précision ou a fortiori obligation concernant la maintenance, il y a lieu de considérer que les biens vendus ont été délivrés, puisqu'ils ont fonctionné pendant presque deux ans avec paiement des loyers, et que la vente est donc parfaite sans possibilité de résolution judiciaire ;

Attendu qu'au surplus, le premier juge a parfaitement relevé qu'il n'est démontré aucune inexécution, par l'une ou l'autre partie à ce contrat de vente, de leurs obligations réciproques, principalement celle de livrer le matériel convenu et d'en payer le prix ;

Qu'en effet, seule est alléguée une méconnaissance par la société LUMIFRANCE de sa prétendue obligation de maintenance, cependant même à admettre l'existence d'une telle obligation, force est de constater que celle-ci aurait été contractée par la société LUMIFRANCE au profit de Madame X. en sa qualité d'utilisateur des matériels, alors que celle-ci est étrangère au contrat de vente ;

Attendu que sauf à admettre, sans aucune démonstration au vu des pièces régulièrement communiquées, qu'il existe un contrat de maintenance avec la société LUMIFRANCE, adossé au contrat de vente entre cette société et NATIXIS, ou que la locataire aurait souscrit un contrat d'entretien de maintenance des matériels financés auprès de LUMIFRANCE, il n'est pas possible d'invoquer au plan juridique une interdépendance des contrats qui permettrait, à partir de la résolution du contrat de vente, d'obtenir la résiliation ou la caducité du contrat de location financière qui en serait dépendant ;

Attendu qu'il n'est pas inutile à cet égard de rappeler la fin de l'article cinq précité, dont il résulte :

« si la résolution de la vente était prononcée, le locataire qui a choisi le matériel hors de la présence du loueur et sous sa seule responsabilité, serait garant solidaire du paiement au loueur des sommes mises à la charge du fournisseur en vertu du jugement comme par exemple le remboursement des acomptes qui auraient pu être versés. En contrepartie des droits et garanties qui lui sont accordés, le locataire renonce expressément exercer contre le loueur, quelque recours que ce soit, pour obtenir résolution du contrat de location et s'engage à ne pas différer ni interrompre le paiement des loyers si sans faute du loueur, le matériel était défectueux ou atteint de vices, et renonce à mettre en jeu la garantie du loueur » ;

Attendu qu'en conclusion, toute l'argumentation de la locataire, qui est en réalité uniquement fondée sur la résolution amiable alléguée du contrat de vente, se révèle infondée et ne permet pas de faire droit à la demande principale, ni même à la demande subsidiaire de résiliation judiciaire du contrat de fourniture conclu avec LUMIFRANCE, puisque cette demande est fondée expressément sur la liquidation judiciaire de cette société, qui rendrait impossible l'exécution d'un contrat de maintenance qui sera adossé au contrat de vente, alors qu'il a été motivé supra que tel n'est pas le cas au vu des pièces régulièrement communiquées ;

Attendu qu'en toute hypothèse, il n'est pas justifié que la seule carence de LUMIFRANCE puisse avoir en droit pour conséquence obligée la résiliation judiciaire du contrat de fourniture, qui a été parfaitement exécuté ;

Attendu que la cour adopte les motifs pertinents du premier juge relatif à l'article L. 442-6 deuxièmement du code de commerce, dont ne saurait relever en l'espèce la locataire qui ne peut être considérée comme un partenaire commercial de la société NATIXIS, avec des échanges économiques réciproques s'inscrivant dans une certaine durée, alors qu'elle n'est qu'un simple cocontractant libéral d'un organisme financier ;

Attendu que la notion de déséquilibre significatif au sens de l'article précité est donc sans emport ;

Attendu que la locataire élève ensuite une contestation à propos du caractère manifestement excessif des sommes réclamées, qui constituent une clause pénale ;

Attendu que le caractère de clause pénale n'est pas autrement contesté au plan juridique, qui ne peut néanmoins concerner les montants des loyers échus impayés (5.618,34 euros) ;

Attendu que pour le reste, il était réclamé une somme globale de 61.858,67 euros, à savoir la capitalisation du prix d'achat hors-taxes, et la clause pénale contractuelle stricto sensu, après déduction des loyers payés (33.000 €) ;

Attendu qu'en réalité, et par l'effet de ce qui constitue une clause pénale en droit, la locataire se voit réclamer 61.858,67 euros, auxquels il faut rajouter les 33.000 € déjà payés au titre des loyers, soit un total de 94.858,67 euros ;

Attendu qu'aux termes du contrat, s'il avait été exécuté, il aurait dû payer environ 112.000 € ;

Attendu que le caractère manifestement excessif de la clause pénale n'est donc pas avéré, sauf si l'on y ajoute dans l'absolu (alors qu'il ne s'agit pas d'une clause pénale, puisqu'elle sanctionne la continuité d'utilisation du matériel) la somme réclamée au titre de l'indemnité mensuelle d'utilisation, soit 46.639,50 euros, pour 25 mois d'utilisation à partir de la résiliation du contrat, date à laquelle le matériel aurait dû être restitué « immédiatement » par le locataire, en vertu de l'article 10 du contrat ;

Mais attendu que la locataire a proposé la restitution du matériel dès son courrier du 10 septembre 2015 (par son conseil, pièce numéro sept) et l'article 10 précité stipule qu'il pourra être fait application de la procédure prévue à l'article huit « au cas où le locataire s'opposerait à la restitution » ;

Attendu que la cour adopte donc les motifs pertinents du premier juge sur ce volet, ce qui a de plus fort comme conséquence de ne pouvoir considérer comme manifestement excessive la clause pénale stricto sensu ;

Attendu que sur le strict plan de l'équité prévue par cet article, il n'apparaît pas justifié de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR statuant réputé contradictoirement :

Déclare l'appel principal infondé ;

Déclare l'appel incident partiellement fondé ;

Réforme le jugement de premier ressort et statuant à nouveau de ce seul chef,

Condamne en outre Madame X. à payer à la société BPCE LEASE, anciennement NATIXIS LEASE, la somme complémentaire de 22.133,33 euros, avec intérêts au taux conventionnel depuis la résiliation ;

Confirme pour le surplus le jugement de premier ressort ;

Condamne l'appelante aux entiers dépens, qui seront recouvrés au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                    LE PRESIDENT